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que dans nos mœurs. J'aurois pu étendre cette liste; et si j'avois parcouru l'histoire de toutes les nations, j'avois voulu m'arrêter sur les actions particulières, cette liste auroit été immense.

Cela prouve, selon moi, que, pour donner aux hommes une morale bien sûre et bien utile, il faut leur inspirer une horreur pour ainsi dire machinale de tout ce qui nuit à leurs semblables; former leur âme de manière que le plaisir de faire du bien soit le premier de tous leurs plaisirs; que le sentiment d'avoir fait leur devoir soit un dédommagement suffisant de tout ce qu'il leur en a pu coûter pour le remplir. Il faut allumer, dans ceux que l'enthousiasme des passions peut égarer, un enthousiasme pour la vertu, capable de les défendre. Alors qu'on laisse à leur raison le soin de juger de ce qui est juste et de ce qui est injuste, et que leur conscience ne se repose pas sur un certain nombre de maximes de morale, adoptées dans le pays où ils naissent; ou sur un code dont une classe d'hommes, jalouse de régner sur les esprits, se soit réservé l'interprétation. C.

On voit bien dans cette terrible note que le LOUANT est plus véritablement philosophe que le LOUÉ : cet éditeur écrit comme le secrétaire de Marc-Aurèle, et Pascal comme le secrétaire de Port-Royal. L'un semble aimer la rectitude et l'honnêteté pour elles-mêmes, l'autre par esprit de parti. L'un est homme, et veut rendre la nature humaine honorable; l'autre est Chrétien, parce qu'il est janséniste. Tous deux ont de l'enthousiasme et embou chent la trompette; l'auteur des notes pour agrandir notre espèce, et Pascal pour l'anéantir. Pascal a peur, et il se sert de toute la force de son esprit pour inspirer sa peur. L'autre s'abandonne à son courage, et le commu

nique. Que puis-je conclure? Que Pascal se portoit mal,

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Page 177. Je crois volontiers les histoires dont les témoins se font égorger.

La difficulté n'est pas seulement de savoir si on croira des témoins qui meurent pour soutenir leur déposition, comme ont fait tant de fanatiques; mais encore si ces témoins sont effectivement morts pour cela, on a conservé leurs dépositions, s'ils ont habité les pays où on dit qu'ils sont morts; pourquoi Josephe, né dans le temps de la mort du Christ, Josephe, ennemi d'Hérode, Josephe, peu attaché au judaïsme, n'a-t-il pas dit un mot de tout cela? Voilà ce que Pascal eût débrouillé avec succès. V.

Page 180. Nous naissons injustes; car chacun tend à soi : cela est contre tout ordre.

Cela est selon tout ordre ; il est aussi impossible qu'une société puisse se former et subsister sans amour-propre', qu'il seroit impossible de faire des enfants sans concupiscence, de songer à se nourrir sans appétit. C'est l'amour de nous-mêmes qui assiste l'amour des autres; c'est par nos besoins mutuels que nous sommes utiles au genre humain c'est le fondement de tout commerce; c'est l'éternel lien des hommes; sans lui il n'y auroit pas eu un art inventé, ni une société de dix personnes formée. C'est cet amour-propre que chaque animal a reçu de la nature, qui nous avertit de respecter celui des autres. La loi dirige cet amour-propre, et la religion le perfectionne. Il est bien vrai que Dieu auroit pu faire des créa

tures uniquement attentives au bien d'autrui. Dans ce cas, les marchands auroient été aux Indes par charité, le maçon eût scié de la pierre pour faire plaisir à son prochain, etc. Mais Dieu a établi les choses autrement: n'accusons point l'instinct qu'il nous donne, et faisons - en l'usage qu'il commande. V.

Page 188. Si mes lettres sont condamnées à Rome, ce que j'y condamne est condamné dans le

ciel.

Hélas! le ciel, composé d'étoiles et de planètes, dont notre globe est une partie imperceptible, ne s'est jamais mêlé des querelles d'Arnauld avec la Sorbonne, et de Jansénius avec Molina. V.

Page 188, paragraphe LXXVII.

On voit ici l'homme de partí un peu emporté. Si quelque chose peut justifier Louis XIV d'avoir persécuté les Jansenistes, c'est assurément ce paragraphe. V.

Page 198. S'il ne falloit rien faire que pour le

certain, etc.

Vous avez épuisé votre esprit en argument, pour nous prouver que votre religion est certaine, et maintenant vous nous assurez qu'elle n'est pas centaine; et après vous être si étrangement contredit, vous revenez sur vos pas; vous dites qu'on ne peut avancer « qu'il soit pos«sible que la religion chrétienne soit fausse.» Cependant c'est vous-même qui venez de nous dire qu'il est possible qu'elle soit fausse, puisque vous avez déclaré qu'elle est incertaine. V.

Page 198. Les inventions des hommes, etc.

Je voudrois qu'on examinât quel siècle a été le plus

fécond en crimes, et par conséquent en malheurs. L'auteur de la félicité publique a eu cet objet en vue, et a dit des choses bien vraies et bien utiles. V.

Page 198. Il faut avoir une pensée de derrière, etc.

Sur un autre papier Pascal avoit écrit : J'aurai aussi mes pensées de derrière la tête. C.

L'auteur de l'Éloge est bien discret, bien retenu, de garder le silence sur ces pensées de derrière. Pascal et Arnauld l'auroient-ils gardé, s'ils avoient trouvé cette maxime dans les papiers d'un jésuite? V.

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