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prouvé, et par les Juifs justes qui l'ont reçu, et par les injustes qui l'ont rejeté : l'un et l'autre ayant été prédits.

pour

cela que

les prophéties ont un sens

C'est caché, le spirituel, dont ce peuple étoit ennemi, sous le charnel qu'il aimoit. Si le sens spirituel eût été découvert, ils n'étoient pas capables de l'aimer}; et ne pouvant le porter, ils n'eussent pas eu de zèle pour la conservation de leurs livres et de leurs cérémonies. Et s'ils avoient aimé ces promesses spirituelles, et qu'ils les eussent conservées incorrompues jusqu'au Messie, leur témoignage n'eût pas eu de force, puisqu'ils en eussent été amis. Voilà pourquoi il étoit bon que le sens spirituel fût couvert. Mais, d'un autre côté, si ce sens eût été tellement caché, qu'il n'eût point du tout paru, il n'eût pu servir de preuve au Messie. Qu'at-il donc été fait? Ce sens a été couvert sous le temporel dans la foule des passages, et a été découvert clairement en quelques-uns : outre que le temps et l'état du monde ont été prédits si clairement, que le soleil n'est pas plus clair. Et ce sens spirituel est si clairement expliqué en quelques endroits, qu'il falloit un aveuglement pareil à celui que la chair jette dans l'esprit quand il lui est assujetti, pour ne pas le reconnoitre.

Voilà donc quelle a été la conduite de Dieu. Ce sens spirituel est couvert d'un autre en une infinité d'endroits, et découvert en quelques-uns, rarement, à la vérité, mais en telle sorte néanmoins, que les lieux où il est caché sont équivo

ques et peuvent convenir aux deux : au lieu que les lieux où il est découvert sont univoques, et ne peuvent convenir qu'au sens spirituel.

De sorte que cela ne pouvoit induire en erreur, et qu'il n'y avoit qu'un peuple aussi charnel que celui-là qui pût s'y méprendre.

Car quand les biens sont promis en abondance, qui les empêchoit d'entendre les véritables biens, sinon leur cupidité, qui déterminoit ce sens aux biens de la terre? Mais ceux qui n'avoient des biens qu'en Dieu les rapportoient uniquement à Dieu. Car il y a deux principes qui partagent les volontés des hommes, la cupidité et la charité. Ce n'est pas que la cupidité ne puisse demeurer avec la foi, et que la charité ne subsiste avec les biens de la terre. Mais la cupidité use de Dieu et jouit du monde; et la charité, au contraire, use du monde et jouit de Dieu.

Or la dernière fin est ce qui donne le nom aux choses. Tout ce qui nous empêche d'y arriver est appelé ennemi. Ainsi les créatures, quoique bonnes, sont ennemies des justes, quand elles les détournent de Dieu; et Dieu même est l'ennemi de ceux dont il trouble la convoitise.

Ainsi le mot d'ennemi dépendant de la dernière fin, les justes entendoient par-là leurs passions, et les charnels entendoient par-là les Babyloniens: de sorte que ces termes n'étoient obscurs que pour les injustes. Et c'est ce que dit Isaïe: Signa legem in discipulis meis (Is. 8, 16); et que JÉSUS-CHRIST sera pierre de scandale. (Ibid, 8, 14.) Mais bien

heureux ceux qui ne seront point scandalisés en lui. (Matth. 11, 16.) Osée le dit aussi parfaitement : Où est le sage, et il entendra ce que je dis? Car les voies de Dieu sont droites; les justes y marcheront, mais les méchants y trébucheront. (Osée, 14, ro.)

Et cependant ce testament fait de telle sorte, qu'en éclairant les uns il aveugle les autres, marquoit, en ceux mêmes qu'il aveugloit, la vérité qui devoit être connue des autres. Car les biens visibles qu'ils recevoient de Dieu étoient si grands et si divins, qu'il paroissoit bien qu'il avoit le pouvoir de leur donner les invisibles, et un Messie.

JX.

Le temps du premier avénement de JÉSUS-CHRIST est prédit; le temps du second ne l'est point, parce que le premier devoit être caché, au lieu que le second doit être éclatant, et tellement manifeste, que ses ennemis mêmes le reconnoîtront. Mais comme il ne devoit venir qu'obscurément, et pour être connu seulement de ceux qui sonderoient les Écritures, Dieu avoit tellement disposé les choses, que tout servoit à le faire reconnoitre. Les Juifs le prouvoient en le recevant; car ils étoient les dépositaires des prophéties et ils le prouvoient aussi en ne le recevant point; parce qu'en cela ils accomplissoient les prophéties.

X.

Les Juifs avoient des miracles, des prophéties qu'ils voyoient accomplir; et la doctrine de leur

loi étoit de n'adorer et de n'aimer qu'un Dieu; elle étoit aussi perpétuelle. Ainsi elle avoit toutes les marques de la vraie religion : aussi l'étoit-elle. Mais il faut distinguer la doctrine des Juifs d'avec la doctrine de la loi des Juifs. Or la doctrine des Juifs n'étoit pas vraie, quoiqu'elle eût les miracles, les prophéties et la perpétuité, parce qu'elle n'avoit pas cet autre point de n'adorer et de n'aimer que Dieu.

La religion juive doit donc être regardée différemment dans la tradition de leurs saints et dans la tradition du peuple. La morale et la félicité en sont ridicules dans la tradition du peuple; mais elle est incomparable dans celle de leurs saints. Le fondement en est admirable. C'est le plus an cien livre du monde, et le plus authentique ; et au lieu que Mahomet, pour faire subsister le sien, a défendu de le lire; Moïse, pour faire subsister le sien, a ordonné à tout le monde de le lire.

XI.

La religion juive est toute divine dans son autorité, dans sa durée, dans sa perpétuité, dans sa morale, dans sa conduite, dans sa doctrine, dans ses effets, etc. Elle a été formée sur la ressemblance de la vérité du Messie, et la vérité du Messie a été reconnue par la religion des Juifs, qui en étoit la figure.

Parmi les Juifs, la vérité n'étoit qu'en figure. Dans le ciel, elle est découverte. Dans l'église, elle est couverte, et reconnue par le rapport à la figure.

Pensées. 2.

La figure a été faite sur la vérité; et la vérité a été reconnue sur la figure.

XII.

Qui jugera de la religion des Juifs par les grossiers, la connoîtra mal. Elle est visible dans les saints livres, et dans la tradition des prophètes, qui ont assez fait voir qu'ils n'entendoient pas la loi à la lettre. Ainsi notre religion est divine d'ans l'évangile, les apôtres et la tradition; mais elle est toute défigurée dans ceux qui la traitent mal.

XIII.

Les Juifs étoient de deux sortes. Les uns n'avoient que les affections païennes, les autres avoient les affections chrétiennes. Le Messie, selon les Juifs charnels, doit être un grand prince temporel. Selon les Chrétiens charnels, il est venu nous dispenser d'aimer Dieu, et nous donner des sacrements qui opèrent tout sans nous. Ni l'un, ni l'autre n'est la religion chrétienne, ni juive. Les vrais Juifs et les vrais Chrétiens ont reconnu un Messie qui les feroit aimer Dieu, et par cet amour, triompher de leurs ennemis.

XIV.

Le voile qui est sur les livres de l'Écriture pour les Juifs y est aussi pour les mauvais Chrétiens, et pour tous ceux qui ne se haïssent pas eux-mêmes. Mais qu'on est bien disposé à les entendre et

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