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BARTHELEMI SPRANGER.

BARTHELEMI C'EST la ville d'Anvers, fi féconde en grands SPRANGER. artiftes, qui nous a donné Barthelemi Spranger en 1546. Son pere Joachima, qui étoit négociant, s'apperçut que fon troifiéme fils Barthelemi rempliffoit de croquis à la plume, tous fes livres de négoce. Cette inclination dictée par la nature détermina le pere à le mettre chez Jean Madin, peintre de Harlem, où il fut dix-huit mois, & enfuite chez François Moftar. Animé par les ouvra ges de Franc-Flore & par la lecture des poëtes, il Laiffoit entrevoir d'heureux talens. Pouvoit-il pui fer dans de plus heureufes fources? Un (a) gentil bomme, qui aimoit la peinture & qui l'exerçoit, prit chez lui le jeune Spranger, & le garda quatre ans. Comme il ne faifoit point de figures, Spranger s'ennuya & réfolut, avec un Allemand, de venir à Paris. En y arrivant, il fe mit chez un peintre nommé Marc, dont il charbonnoit, de caprices, tous les murs de la maifon. Il y représenta toutes les fictions qu'il avoit lûes dans les poëtes, marques éclatantes d'un vafte génie. Ce maître, qui ne peignoit que le portrait, regardant la chofe comme une infulte faite à fa perfonne, lui dit que comme il n'y avoit plus de place chez lui pour deffiner, il pouvoit chercher un autre maître, done les murs lui fourniroient de nouveaux moyens d'exercer fes talens.

(a) Nommé Corneille Vandalen

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Spranger partit donc de Paris pour fé rendre à Lyon, de-là à Milan, où il travailla chez Bernardo Soiaro, élève du grand Corrége, & il s'y engagea pour trois ans. Il fit une danfe de forcie res, dans les ruines d'un colifée pour un banquier de la ville, où il feroit refté plus longtems, fans ane querelle avec le fils de fon maître, qui l'obligea de fe retirer quelque tems après pour fe rens dre à Rome. Le cardinal Farnèfe, à fon arrivée, le prit à fon fervice à la vûe de ce même tableau de forcieres que lui préfenta le banquier pour qui Spranger l'avoit peint. Le cardinal l'employa d'abord à fon château de Caprarole, & il eut to lieu d'être fatisfait des ouvrages dont ce peintre l'embellit,Cette Eminence, qui vouloit l'avancer, le pré fenta au Pape Pie V, qui le nomma fon peintre & le logea au Belveder. A mefure que les honneurs arrivoient, le génie de notre peintre s'élevoit à des penfées dignes de fa fortune & de la haute opinion qu'il s'étoit acquife. Spranger peignit fur une grande table de cuivre, un jugement univerfel, où l'on compte cinq cens têtes; ce tableau fut fi eftimé, qu'on le plaça dans la fuite au-deffus du tombeau du Pape Pie V.

La mort de ce Pontife donnoit à Spranger la liber té de travailler pour le public, & d'entreprendre de grands ouvrages dans les Eglifes de Rome. En 1575 il fut mandé à Vienne pour être premier peintre de Maximilien II, pour qui il fit plufieurs grands ouvrages en cette ville & dans celle de Prague. On lui envoya une fomme confidérable pour fon voya ge, & pour celui d'un fculpteur qu'on lui avoit demandé. Maximilien mourut peu de tems après, & Spranger fit les arcs de triomphe pour l'entrée de Rodolphe II,qui fuccéda à Maximilien. Les antiqui

BARTHELEMt

SPRANGER.

tés de Rome embellirent ces ouvrages. Dans cë BARTHELEMI tems-là, un gentilhomme, amoureux d'une De+ SPRANGER. moifelle de la Comteffe d'Aremberg, le pria de faire le portrait de fa maîtreffe; il la fit reffembler parfaitement, quoiqu'il ne l'eut vûe qu'une feule fois. Au refte, Rodolphe le goûta, l'aima; & dans un repas, en 1588, en présence de toute fa Cour, il lui donna une chaîne d'or & l'ennoblit. L'amitié de l'Empereur pour Spranger, fur extrême; il lui défendit de travailler pour des par ticuliers; &, pour lui en ôter les moyens, il lui commanda de le fuivre dans fes voyages, & le re tint à Aufbourg pendant toute la Diéte de 1582. La générofité de ce Prince alla plus loin; elle lui procura un logement dans fon palais, où fouvent il prenoit plaifir à le voir travailler.

Spranger, encouragé par tant de bienfaits, s'ap pliqua plus que jamais à les mériter. Il fe maria à trente-deux ans & fa fortune devint fi confidérable, qu'il ne travailla plus que pour l'Empereur; c'est ce qui rend fes tableaux fort rares. Outre ces avantages qui lui attiroient, par une heureufe néceffité, l'eftime & l'admiration de chacun, ib jouiffoit de tout le bonheur qu'amene la fortune la plus brillante.

Après trente- fept ans de fervice, Spranger de manda, en 1602, permiffion à l'Empereur d'aller revoir fa patrie: il y fut bien reçû & très-considéré ; les villes même, telles qu'Amfterdam, Harlem & Anvers, lui firent des préfens à fon paffage. Il revint enfuite à Prague, où il trouva fa femme & Les enfans morts peu de tems après, il les fuivit dans un âge fort avancé, ne laiffant pour tout bien, ainfi que Michel-Ange, que les productions de fon pinceau. alk

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