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un ancien tarif dans la forme prescrite par l'art. 16 de la loi du 28 mars 1790, l'administration seule étant chargée d'assurer l'exécution de cette loi (même décision).-Les questions qui s'élèvent sur ces modifications sont, de leur nature, administratives et ne peuvent être portées devant le conseil d'État, par la voie contentieuse (même décision).

194. En cas de contestation entre l'administration publique dés canaux d'Orléans et de Loing et des particuliers, c'est à l'édit de concession de 1679 qu'il faut avoir recours : c'est ainsi qu'il a été décidé que, d'après l'art. 4 de cet édit, les chaussées, étant un accessoire du canal, sont à la charge du concessionnaire; qu'il en est de même des ponts qui font partie de ces chaussées, et que si, par une transaction entre le concessionnaireet d'anciens seigneurs riverains par laquelle l'entretien des ponts a été mis à la charge de ces derniers, il a été dérogé aux dispositions de l'édit de concession, cette transaction, basée sur des intérêts particuliers, est étrangère à l'administration publique (ord. cons. d'Ét. 27 août 1817, aff. comp. des canaux d'Orléans C. com. de Prénoy). Mais si la compagnie se croit fondée à exercer des recours, d'après les termes de la transaction, c'est aux tribunaux civils à en connaître (même décision).

Le propriétaire d'actions sur le canal du Midi, à titre de dotation de l'ancien gouvernement, en a été privé par suite de leur retour à l'État en vertu de la loi du 12 janv. 1816 et des ordonn. des 17 janv. et 25 mai de la même année, s'il a été compris dans l'ordonn. du 24 juill. 1815 (ord. cons. d'Ét. 29 janv. 1825, aff. Defermon). Et, dans ce cas, ces actions ont dû être restituées aux anciens propriétaires, en vertu de la loi du 5 déc. 1814, et ce, du jour de la publication de l'ordonn. du 25 mai 1816 (même ord.). V. Domaine extraord., nos 40 et suiv.

195. L'art. 8 du décret organique du 10 mars 1810, relatif au canal du Midi, en déclarant que ce canal ne pourrait être assujetti à aucune taxe particulière, n'a entendu parler que de taxes toutes spéciales à ce canal et hors du droit commun et ne l'a pas dispensé des droits d'octroi (ord. cons. d’Ét. 2 fév. 1825, canal du Midi, V. Navigation, Octroi).

196. Les canaux de navigation qui sont faits, soit aux frais du trésor public, soit aux dépens des particuliers, ne sont taxés à la contribution foncière qu'en raison du terrain qu'ils occupent, comme terre de première qualité (L. 5 flor. an 11, art. 1; Garnier, eod., Favard, v° Navigation, no 1).

197. Enfin l'autorité municipale peut faire des règlements pour le maintien du bon ordre sur les ports et dans les gares dépendant des canaux (V. le préambule de l'ord. du 19 oct. 1821 pour le canal de Givors, p. 333).

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198. Lorsque le gouvernement crée un canal de navigation proprement dit, c'est-à-dire un canal où il y a nécessité de creuser un lit aux eaux qu'on emprunte à des cours d'eau voisins ou à des fleuves, il achète le terrain sur lequel il établit le canal, ainsi que les francs-bords, marchepieds et accessoires nécessaires à sa confection, et cette acquisition a lieu par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique. Il puise son droit dans le principe d'intérêt général qui s'attache aux rivières navigables, naturelles ou artificielles, à la communauté de jouissance qui résulte pour tous les citoyens de leur état de navigabilité, et dans la loi basée implicitement sur ce même principe, puisqu'ellè l'autorise à faire prononcer l'expropriation de toutes les propriétés particulières nécessaires à la confection de ce canal. Mais alors il n'indemnise pas : il achète.

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Mais lorsque la rivière existe et qu'il se borne à la canaliser, c'est la preuve que la rivière n'était auparavant ni navigable ni nottable, et que même le gouvernement ne peut la rendre navigable qu'à l'aide de travaux d'art. Or, parmi les jurisconsultes, ceux qui considèrent les riverains comme propriétaires la fois dans l'intérêt des concessionnaires et dans l'intérêt public; que c'est sous ce dernier rapport qu'ils sont réglés par des actes de l'autorité publique; qu'il s'ensuit qu'aucune modification ne peut y être faite que par l'autorité qui les a établis; mais que toutes les questions qui peuvent s'élever à cet égard sont, de leur nature, administratives, et ne peuvent euro introduites, devant nous, en notre conseil, par la voie contentieuse; -Sur les conclusions motivées sur le défaut d'exécution de la part des

des cours d'eaux non navigables ont tiré de là la conséquence qu'une indemnité leur était due non pas seulement pour le terrain, mais pour l'eau dont ils ne peuvent plus jouir et les forces motrices dont ils ne peuvent plus disposer: c'est l'opinion de MM. Daviel, p. 58 et s., Garnier, no 411, Dubreuil, t. 2, nos 206 et s. Ces auteurs partent d'un principe que nous n'admettons pas : « On enlève aux riverains, disent-ils, le droit d'irrigation que leur conférait l'art. 644 c. civ.; les forces motrices du cours d'eau qu'ils avaient le droit d'utiliser pour les usines qu'ils pouvaient établir; le droit de pêche, qui est transféré à l'État; le lit même du cours d'eau, qui désormais appartient au domaine public: il y a donc, dans ce cas, dépossession d'une véritable propriété pour laquelle une indemnité est due. »M. Merlin ne partageait pas ces idées, et nous croyons qu'il avait raison : « Il est généralement reconnu, dit-il (Rép., v° Rivières, § 2), que le gouvernement peut, par des travaux d'art, rendre navigable une rivière qui ne l'est pas, et par ce moyen la faire entrer dans le domaine foncier de l'État, sans être tenu d'en payer le prix aux propriétaires riverains, »— Nous démontrons (V. n° 213), que les riverains n'ont aucun droit de propriété sur ces cours d'eaux; qu'ils sont res nullius; que, dans tous les cas, ces eaux appartiendraient à l'État en vertu du droit de réversion, né de la suppression du régime féodal, et ces propositions une fois admises, nous n'hésitons pas à déclarer qu'aucune indemnité pe peut être due aux riverains en droit strict; car en équité nous concevons cette indemnité dans plusieurs cas. Après avoir énoncé les droits des riverains à une indemnité, M. Daviel, t. 1, p. 160, ajoute : « Une ordonn. du 12 oct. 1828, en concédant à une compagnie la canalisation de la rivière de Drôme, a reconnu que les riverains avaient un droit précis à toutes ces choses, puisqu'elle stipule formellement que la présente autorisation ne portera aucune atteinte aux droits des tiers sur la jouissance des eaux, sur celle de la pêche, l'irrigation, l'accession, etc., lesquels demeurent expressément réservés. » — M. Daviel ajoute: « D'après la loi du 7 juill. 1833, la plus grande latitude est laissée au jury spécial institué par cette loi pour l'appréciation des indemnités, et ces mots « indemnités dues par suite d'expropriation, » comprennent le pouvoir d'apprécier nonseulement la valeur intrinsèque des terrains expropriés, mais encore celle des avantages qui étaient attachés à leur possession, et dont la privation sera la suite de l'expropriation. » — - M. Dubreuil, p. 281, insiste sur les mêmes idées, mais les présente sous un autre point de vue ; « La loi du 6 mai 1841, dit-il, comprend en première ligne, parmi les grands travaux qui nécessitent l'expropriation pour cause d'utilité publique, la canalisation des rivières. N'est-ce pas dire que c'est une propriété que l'on enlève aux riverains? n'est-ce pas appliquer à ce cas toutes les règles que la loi pose en matière d'indemnité?— Au surplus, la loi sur la pêche fournit un argument décisif à notre opinion, en déclarant que, dans le cas où des cours d'eau seront déclarés navigables, les propriétaires qui seront privés du droit de pêche devront être indemnisés préalablement, selon les formes prescrites par les lois sur l'expropriation pour cause d'utilité publique. La raison à fortiori, pour tous les autres avantages que nous avons énumérés, et qui seront nécessairement enlevés aux riverains, nous paraît avoir en cette matière une puissance irrésistible. »

D'abord M. Dubreuil fait dire à la loi de 1841 ce qu'elle ne dit ni n'a entendu dire certainement comprendre, comme le fait le législateur, la canalisation des rivières parmi les grands travaux qui nécessitent une expropriation, c'est constater l'utiiité publique de la canalisation pour tous les canaux présents et à venir, c'est vouloir en outre que la propriété particulière dont on peut être obligé de s'emparer pour les chemins de halage, pour les francs-bords, soit garantie par les formes solennelles de l'expropriation pour cause d'utilité publique; mais ce n'est concessionnaires, de l'art. 16 de la loi du 28 mars 1790; - Considérant que c'était à l'administration seule qu'il appartenait d'assurer l'exécution de ladite loi, et que les particuliers ne peuvent en opposer les dispositiens aux concessionnaires; que, du reste, ceux-ci ont, depuis l'instance introduite, déposé leurs titres devant la préfecture du département du Rhone, - Art. 1. Les requétes..... sont rejetées.

Du 28 juill. 1824.-Ord. cons. d'Et.-M. Maillard, rap.

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issue dont les eaux souvent stagnantes corrompent l'air et ré pandent même quelquefois des maladies pernicieuses dans la contrée. M. Daviel cite à l'appui de son opinion un décret du 14 janv. 1810, qui décide que lorsqu'un ruisseau est rendu flottable à bûches perdues, il est dû indemnité aux riverains pour l'établissement du marchepied. Ce décret spécial énonce un principe très-controversable (V. n° 127); mais en admettant que cette règle soit exacte, elle ne peut exercer aucune influence sur le point qui nous occupe, puisque le ruisseau flottable à bûches perdues n'a point de caractère public.

199. En ce qui concerne les marchepieds, M. Garnier (p. 162) pense que l'État, en canalisant une rivière non navigable, ne peut forcer les riverains à lui céder la propriété du terrain nécessaire pour les marchepieds, parce que c'est là une simple servitude, pour l'usage de laquelle il n'est pas nécessaire d'avoir la propriété du tréfonds. Il ajoute que, par réciprocité, les riverains ne peuvent pas forcer l'État à acquérir le fonds. Il se fonde sur le décret du 22 janv. 1808 (V. p. 326), qui ne porte pas que l'on payera aux riverains la valeur du terrain, mais qu'il leur sera alloué une indemnité proportionnée au dommage qu'ils éprouveront.-M. Daviel est d'un avis opposé à M. Garnier, et il présente à l'appui de son opinion des considérations puissantes, mais qui ne touchent pas au principe.

CHAP. 3, SECT. 2. nullement reconnaître en faveur des riverains la propriété du lit et de la force motrice des divers cours d'eau qui doivent servir à canaliser la rivière et par conséquent à la rendre navigable. Mais la loi de 1829, ajoute M. Dubreuil, déclare que les propriétaires privés du droit de pêche par la navigabilité déclarée, devront être indemnisés ; cela est vrai, mais cette exception isolée, introduite par le législateur dans une loi, faite du reste par une foule de grands propriétaires riverains de cours d'eau, vient confirmer la règle qu'à l'exception de l'indemnité pour la pêche, aucune autre indemnité ne peut être accordée. Hors ce cas, nous n'admettons donc aucun autre principe d'indemnité. - Quant au lit, il n'appartient point aux riverains, il est inséparable du cours l'eau, ne fait qu'un avec lui. Si le cours d'eau est transformé en anal, il n'y a plus ni îles ni atterrissements qui puissent se forher au profit des riverains, ni même de l'État, dès lors aucune ademnité ne saurait être due à cet égard. Le riverain trouve d'ailleurs un dédommagement suffisant des îles et des atterrissements qui sont peu importants sur les petits cours d'eaux dans les avantages que leur procure la navigation fluviale. — Relativement au droit d'irrigation, ce droit, il est vrai, se trouvera subordonné à une concession du gouvernement qui peut la refuser. C'est une perte possible, éventuelle, pour le riverain sans doute; mais l'intérêt général du pays l'emporte sur quelques intérêts individuels qui peuvent être accidentellement lésés. Or cet intérêt tout-puissant réside dans le droit absolu qu'a le gouvernement d'ouvrir des rivières comme des grandes routes, partout où il le juge utile au développement du commerce et de l'industrie; les mêmes raisonnements sont applicables aux forces motrices. Toutefois nous devons reconnaître qu'il a été jugé, contrairement à notre opinion, que l'indemnité due à des propriétaires expropriés pour cause d'utilité publique doit comprendre non-seulement la valeur intrinsèque des terrains expropriés, mais encore celle des avantages attachés à la possession de ces terrains et dont la privation est la suite de l'expropriation (Rej. 11 janv. 1836, aff. préfet de la Côte-d'Or, V. Expropriation pub., n° 586). La cour s'est fondée sur ce que les mots de l'art. 29 de la loi du 7 juill. 1833: « indemnités dues par suite d'expropriation, comprennent, dans leur élasticité et leur étendue, le pouvoir d'apprécier non-seulement la valeur intrinsèque des terrains expropriés, mais encore celle des avantages qui étaient attachés à leur possession.

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Mais une indemnité n'est-elle pas due au moins aux riverains pour la destination publique donnée aux rives et que l'on enlève ainsi, dit M. Daviel, p. 160, à la disposition absolue des propriétaires par l'établissement du marchepied? Nous regrettons d'être encore un peu en opposition avec M. Daviel sur ce point, mais nous sommes obligés de dire que pour ce cas aucune indemnité n'est due dans le sens qu'on attache généralement à ce mot, corrélatif de dommages éprouvés. De deux choses l'une en effet, ou le cours d'eau non navigable est transformé à l'aide d'artifices, pour employer l'expression usitée dans l'ordonnance de 1669, en un véritable canal, et alors ce n'est pas une indemnité qui est dévolue aux riverains, c'est un prix d'acquisition qui leur revient si le lit du cours d'eau trop étroit a forcé l'état à acquérir une partie des propriétés riveraines pour l'élargir ou constituer le chemin de halage et les francs-bords. Du moment où il y a acquisition du terrain d'autrui, il faut le payer c'est une expropriation à opérer. Ce n'est pas une indemnité, c'est le prix de l'immeuble que l'État acquitte. — Si, au contraire, le cours d'eau non navigable devient, à l'aide des travaux entrepris par l'État, purement et simplement navigable, mais sans que l'État soit obligé d'empiéter sur les bords, dès ce moment alors les riverains doivent le chemin de halage de 24 pieds sur l'une des rives, de 10 pieds sur la rive où se trouve le marchepied, et ils sont soumis à cette obligation sans aucune indemnité. Cette servitude prend sa source dans le caractère des choses communes, communauté bienfaisante dont tout gouvernement doit s'efforcer de faire jouir chaque citoyen; servitude aussi respectable que le droit de propriété, aussi ancienne que la pratique des fleuves et par conséquent des rives; servitude dont la charge d'ailleurs se trouve compensée par les avantages qui résultent pour les riverains d'avoir une rivière qui baigne eur propriété au heu d'un petit cours d'eau cu d'un ruisseau sans

Quant à nous, nous répondons à M. Garnier par la distinction que nous avons émise ci-dessus : ou c'est un véritable canal que l'État crée, or la loi qui l'établit renferme le droit d'acquérir des francs-bords, et dès lors contient le droit d'acquisition du marchepied qui ne constitue qu'un franc bord; les riverains ne peuvent donc se refuser à vendre, puisque le gouvernement n'agit qu'en vertu d'une loi, et d'une loi qui repose sur la base la plus sacrée, celle de l'intérêt général. Ou le gouvernement rend seulement navigable un petit cours d'eau, et alors les riverains restent propriétaires du tréfond, c'est-à-dire du terrain sur lequel le chemin de halage est établi, les riverains sont grevés d'une servitude qui est inhérente à l'existence du fleuve ou de la rivière, et le gouvernement, en principe rigoureux, in apicibus juris, ne doit rien pour la servitude de halage ou de marchepied. Dans ce cas, il n'y a pas de fonds à acquérir, puisqu'il ne s'agit que d'une simple servitude. - Du reste, ces questions, disons-le, sont oiseuses dans la pratique: car, dans toutes les lois et ordonnances sur les canaux, le gouvernement a toujours soin d'insérer une clause relative à l'acquisition des francs-bords et marchepieds, ce qui rend toute contestation impossible.

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Ainsi, à l'occasion de la petite rivière de Drot (Gironde), une ord. du 11 avril 1821 porte (art. 2): -«Les concessionnaires seront tenus de payer préalablement, soit aux propriétaires des moulins, soit aux propriétaires des fonds riverains, les indemnités auxquelles ils auraient droit pour l'établissement des machines et pour la cession des terrains nécessaires à la formation d'un chemin de halage, dont la largeur sera fixée conformément aux lois et règlements relatifs aux chemins de halage; laquelle indemnité sera fixée de gré à gré ou à dire d'experts, ou par les tribunaux en cas de difficulté. » Le cahier des charges pour le canal d'Aire, annexé à la loi du 14 août 1822, porte (art. 3), d'une manière plus précise encore : « Tous les terrains destinés à servir d'emplacement au canal, à ses chemins de halage, à ses francsbords, à ses écluses, gares, bassins, rigoles, réservoirs, etc., ainsi qu'au rétablissement des communications interrompues e des nouveaux lits des cours d'eau, seront achetés et payés par la compagnie, sur ses propres deniers. La compagnie est mise au droit du gouvernement pour en poursuivre, au besoin, l'expropriation, conformément aux dispositions établies par les lois sur la matière, dans le cas où elle ne pourrait pas conclure des arrangements amiables avec les propriétaires. »> De même, en général, dans tous les actes du gouvernement qui ordonnent la canalisation de quelques rivières, on voit que le concessionnaire doit acquérir les terrains nécessaires pour les marchepieds. — Il en est de même pour les canaux de navigation. Le fonds sur lequel sont établis les marchepieds a toujours dû être acquis des riverains comme le lit lui-même, On peut citer comme adoptant les principes qu'on retrace ici, 1o en ce qui concerne la canalisation des rivières, la loi des 18-22 août 1791, relative à la canalisation des rivières de la Juine et de l'Essone( art. 4), du 19 flo

réal an 11, pour la navigation du Tarn (art. 2); du 8 juin 1825, pour la canalisation de la Vézère (cahier des charges, art. 3);— 2° En ce qui concerne les canaux de navigation, les lois des 19 nov.-30 janv. 1791, relative au canal de l'Ourcq (art. 2 et 5); des 3-20 sept. 1792, canal de navigation du sieur Chevalier (art. 6); des 18-20 déc. 1792, canal Auboin (art. 2 et 3); le décret des 26-28 juillet 1793, canal d'Eure-et-Loir (art. 4); les lois du 25 vent. an 9, pour les canaux d'Aigues-Mortes et de la Radelle (art. 7); du 20 mai 1818, pour le canal de l'Ourcq; du 14 août 1822, canal d'Aire à la Bassée, etc.

(1) 1re Espèce: - (Bayard de la Vingtrie C. Cocquériaux et autres.) La Scarpe est une rivière qui a été canalisée depuis plus de cinq siècles. Ses eaux, dans l'intérêt de la navigation, qui n'eût pas été possible sans cela, se trouvent contenues entre des digues formées de distance en distance par des terres et des talus sans maçonnerie, et servant aux chemins de halage établis de chaque côté du canal. Avant 1789, les riverains de la Scarpe étaient considérés comme propriétaires des digues. C'était là, a-t-on dit, une conséquence de l'ordonnance de 1669, qui ne déclarait propriété de État, par son art. 41, tit. 27, que les rivières navigables de leurs fonds. Aussi, on a cité un grand nombre d'ordonnances et de règlements locaux émanés des échevins de Douai, qui mettaient, à diverses époques, la réparation des digues à la charge des riverains. Mais cet état de choses a-t-il cessé par l'effet de la loi de 1790 qui, abrogeant l'ordonn. de 1669, a fait entrer la Scarpe, comme rivière navigable, dans le domaine public? Depuis cette loi et le code ci vil (art. 558), les riverains de la Scarpe sont-ils demeures propriétaires des digues? Telle est la question qu'ont fait naître les circonstances suivantes :

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En 1833, l'État ayant reconnu la nécessité d'améliorer la navigation de la Scarpe, a projeté d'élargir le lit de cette rivière, et a mis l'exécution des travaux en adjudication. Pour opérer l'élargissement, le sieur Bayard de la Vingtrie, concessionnaire des travaux, en vertu d'une loi du 11 avr. 1855, a dû empiéter sur le terrain des digues. Mais alors le sieur Cocquériaux et quatorze autres riverains ont actionné l'adjudicataire pour se voir condamner à leur payer une indemnité à raison de la dépossession des digues dont ils se prétendaient propriétaires. - Sur cette action, Bayard de la Vingtrie a assigné en garantie le préfet du Nord, comme representant l'État; puis il a conclu à ce que les digues fussent déclarées faire partie du domaine public, comme étant une dépendance nécessaire d'une rivière navigable.

2 mars 1857, jugement interlocutoire qui nomme des experts à l'effet de vérifier si, avant les nouveaux travaux, les anciennes digues étaient ou non des ouvrages d'art établis dans l'intérêt de la navigation. 27 juill. 1857, jugement définitif ainsi conçu : « Considérant qu'il résulte du rapport motivé des experts que les digues longeant les propriétés des demandeurs sont naturelles, nullement artificielles, et par conséquent réputées par toutes les lois sur la matière appartenir aux propriétaires riverains; qu'indépendamment de cette expertise, l'extrait du programme même d'amélioration de la Scarpe, produit seulement à la dernière audience, prouve que l'État accorde au sieur Bayard de la Vingtrie des indemnités pour l'acquisition des terrains objets du litige, ce qui démontre à l'évidence le bien-fondé des prétentions des sieurs Cocquériaux, Davaine et consorts; que ces indemnités n'étant pas encore d'une valeur déterminée, ne peuvent donner lieu, quant à présent, à la contrainte par corps; Condamne Bayard de la Vingtrie à payer aux demandeurs la valeur des dommages-intérêts qui leur sont dus, et qui seront déterminés par experts... »

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Appel par Bayard de la Vingtrie et par le préfet du Nord.

30 mai 1858, arrêt de la cour de Douai, qui confirme en ajoutant aux motifs des premiers juges, qu'il adopte, les suivants : « Considérant, en ce qui concerne l'action en revendication ou en indemnité formée par les intimés, qu'il résulte de divers documents et titres anciens produits au procès, et notamment des ventes par les échevins de Douai, de 1584, 1616, 1618 et 1626, des visites de la rivière par les mêmes échevins pour obvier aux empêchements de son cours, des baux et ordonnances publiés par eux à ce sujet, notamment des pièces de 1544; 1555, 1565, 1603, 1729, 1740, 1743, 1745, 1749, des ordonnances des intendants de Flandre de 1716, 1718, 1746, pour le curage, entretien des digues ou faucordements de la Scarpe, ces actes déposés aux archives de la ville de Douai, que les digues et les rives de la Scarpe, dont la canalisation se perd au delà même du treizième siècle, ont toujours été regardées comme la propriété des riverains, jusqu'en 1750; qu'un édit intervenu à cette époque, et par lequel l'État, dans la vue d'améliorer la navigation de la Scarpe, s'est déchargé d'en faire exécuter les travaux temporairement et moyennant contribution proportionnelle de la part des riverains, n'a porté aucune atteinte aux droits de ces derniers; qu'il résulte même d'un acte de 1780 que les frais d'entretien étaient alors à leur charge; que la loi de 1790, de même que l'arrêté de l'an 11, n'ont rien changé à l'état des choses; qu'il suit de là que les riverains sont restés jusqu'à ce jour propriétaires des digues et rives jusqu'au plus haut flot de la ri

TOME XIX.

200. Une difficulté grave s'est élevée à l'égard des digues naturelles qui longent une rivière canalisée par l'État. Il a été jugé qu'on ne peut attribuer aux lois qui ont placé dans le domaine public la propriété des rivières canalisées, l'effet de faire entrer aussi dans ce domaine, au préjudice des riverains, les digues de ces rivières, alors qu'il est reconnu que ces digues sont naturelles et non artificielles, et que, jusqu'à la loi du 1er décembre 1790, les riverains en avaient toujours été propriétaires (Req. 30 mars 1840) (1).-Disons d'abord qu'il ne peut en être ainsi que lorsque les riverains prouvent: 1° que les digues sont naturelles;

vière, et que l'action des intimés est, dès lors, entièrement fondée... » Pourvoi de Bayard de la Vingtrie. 1° Violation de l'art. 2 de la loi des 22 nov.-1er déc. 1790, et de l'art. 558 c. civ., en ce que l'arrêt allaqué a adjugé aux riverains d'une rivière canalisée, faisant partie du domaine public, la propriété des digues destinées à contenir les eaux de cette rivière, tandis qu'il aurait dù décider que ces digues appartenaient à l'Etat, de même que le cours d'eau navigable dont elles formaient un accessoire indispensable. Les digues dont il s'agit, dit on, sont à la fois des ouvrages hydrauliques et des voies publiques. Il est incontestable que leur entretien est à la charge de l'Etat. En fait, depuis plus de quarante ans, elles sont entretenues par l'administration des ponts et chaussées; dès lors, et comme constituant des chemins la charge de l'État, elles dépendent du domaine public (c. civ. 538). Il ne faut pas confondre de telles voies publiques avec les chemins de halage qui appartiennent aux riverains; elles diffèrent de ces chemins en ce qu'elles ont un caractère d'immobilité et de perpétuité qu'il n'a pas. D'ailleurs, puisque les digues, se rattachent à la possibilité de la navigation, il en résulte qu'elles sont insusceptibles d'une propriété privée, et rentrent encore, sous ce rapport, dans le domaine public. Leur destination publique est inconciliable avec les droits de la propriété; car il ne serait pas permis aux riverains d'ouvrir des rigoles d'irrigation, de profiter des alluvions, de faire paître 1 herbe croissant sur les talus et francs-bords (Daviel, traité des cours d'eau, t. 1, p. 163). - Enfin, on conçoit difficilement que la propriété d'un objet ne soit pas là où est l'obligation perpétuelle de l'entretenir et de pourvoir à sa conservation; 2° Violation des art. 4 de la loi du 28 pluv. an 8, 56 et 57 de la loi du 16 sept. 1807 et de la loi du 7 juill. 1833, en ce que l'arrêt attaqué a empiété sur les attributions de l'autorité administrative, en retenant la connaissance de l'indemnité réclamée pour une dépossession provenant de l'exécution d'uu alignement ou redressement de voie publique. On soutient que l'appréciation de l'indemnité, dans le cas dont il s'agit, appartient au conseil de préfecture, d'après les dispositions précitées de la loi de l'an 8 et de celle de 1807; qu'en effet, la loi du 7 juill. 1833, sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, n'a rien innové à ces lois en co qui concerne l'exécution des alignements et redressements en matière de voirie; qu'au surplus, à supposer que la loi de 1833 fût applicable, ce ne serait pas aux tribunaux, mais au jury spécial, qu'appartiendrait le droit de fixer l'indemnité. Arrêt.

LA COUR;

Attendu, sur le premier moyen, que la cour royale de Douai declare, en fait, et par une appréciation qui lui appartient souverainement, que les digues de la partie de la rivière de la Scarpe dont il s'agit au procès, et qui longent les prairies des défendeurs éventuels, sont naturelles et nullement artificielles; Attendu qu'il est également constant, et qu'il a été reconnu par toutes les parties, que les défendeurs éventuels ou leurs auteurs étaient propriétaires desdites digues jusqu'à la promulgation de la loi du 1er déc. 1790;-Attendu que, soit l'art. 2 de ladite loi, soit l'art. 558 c. civ., qui n'en est que la reproduction, en considérant les fleuves et rivières navigables comme des dépendances du domaine public, n'ont pu priver les defendeurs éventuels de la propriété des digues existantes sur la partie de la rivière de la Scarpe dont il s'agit, partie canalisée, il est vrai, mais dont les digues (au moins celles qui sont l'objet du procès) sout naturelles; circonstance qui ne permet pas non plus de lui appliquer la jurisprudence sur les canaux creusés à main d'hommes, dont les digues étant nécessairement artificielles, c'est-à-dire faites aussi à main d'hommes, et en même temps que le canal lui-même, sont présumées appartenir au même propriétaire; d'où il suit qu'en déclarant, dans les circonstances de la cause, que les défendeurs éventuels avaient conservé la propriété des digues litigieuses, la cour royale de Douai n'a nullement violé soit la loi du 1er déc. 1790, soit l'art. 558 c. civ.;- Sur le moyen fondé sur la violation des art. 4 de la loi du 28 pluv. an 8, 56, 57 de la loi du 16 sept. 1807 et sur celle de la loi du 7 juill. 1853; Attendu que, s'agissant d'une question de propriété (celle du terrain des digues de la Scarpe, déjà occupé par les travaux de l'état) et non point d'une indemnité devant précéder une expropriation à faire pour cause d'u tilité publique, la cour royale de Douai a pu et dû retenir le jugement de' ladite question, sans violer les articles invoqués; et que le demandeur n'ayant, d'ailleurs, aucunement contesté, soit en première instance, soit en appel, sur l'expertise ordonnée par les premiers juges, est non recevable aujourd'hui à se faire de ladite expertise un moyen de cassation; -Rejette.

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2. Qu'ils en ont toujours été propriétaires, incumbit onus probandi i qui dicit: et cette preuve était faite complètement dans l'espèce. - Mais si l'on se renfermait dans le principe pur, et abstraction faite des titres et circonstances du procès, la question serait plus délicate. En effet, on peut dire que la digue naturelle du fleuve constitue précisément le chemin de halage. L'État n'en a pas la propriété, il est vrai, mais le riverain est soumis à l'égard de cette digue à une servitude perpétuelle; jouissant des avantages que procure la navigabilité du cours d'eau, il est obligé de supporter les inconvénients qui peuvent s'y attacher. Or un de ces incouvénients, c'est de voir sa propriété augmenter ou diminuer d'étendue sur les bords de la rivière, suivant que le fleuve se resserre ou s'étend, et par conséquent le riverain ne peut pas dire qu'il est exproprié et réclamer le prix du terrain ou une indemnité pour les travaux que l'État entreprend dans l'intérêt de la navigation. Nonobstant la gravité de cette objection, nous pensons que toutes les fois que le riverain justifie clairement de la propriété de la digue, et que la nécessité de l'élargissement du cours d'eau provient non des caprices du fleuve, mais de la volonté seule de l'État, qui veut améliorer la navigation, le gouvernement ne peut procéder légalement à cet élargissement sans payer une indemnité.- Sans doute le riverain doit le chemin de halage, et le fleuve seul a le droit de s'en emparer arbitrairement; mais si l'État veut élargir la rive, il doit procéder à une expropriation pour cause d'utilité publique. Nous croyons donc que la cour suprême a bien jugé, surtout dans l'espèce où il s'agissait de digues naturelles ayant toujours appartenu aux riverains.

SECT. 3.

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Des canaux d'arrosement ou d'irrigation.

201. Il y a deux sortes de canaux d'irrigation ou d'arrosement: 1° ceux qui sont entrepris dans un intérêt si considérable que leur établissement se lie à l'intérêt public; 2° ceux qui ne sont entrepris que dans un intérêt privé. Dans le Midi particulièrement, où le manque d'eau fait souvent le désespoir du cultivateur, il existe de grands canaux destinés à distribuer les eaux sur un grand nombre de propriétés moyennant une redevance déterminée que doit payer chacun des propriétaires qui profitent du bienfait des eaux. L'établissement de ces canaux, entrepris par des compagnies, doit être autorisé soit par une loi, soit par des ordonnances du chef de l'État. C'est ainsi : 1° qu'une loi du 17 vend. an 6 (8 oct. 1797) autorise le directoire exécutif à faire ouvrir un canal d'arrosement dans le département des Hautes-Pyrénées; · 2° Qu'une autre loi du 23 pluv. an 12 (13 fév. 1804) ordonne la construction d'un canal d'irrigation sur la rivière du Drac; - 3° Qu'une loi du 7-21 juin 1826 autorise la concession des travaux nécessaires à l'achèvement du canal des Alpines: d'après cette loi, le concessionnaire est autorisé à percevoir à son profit, à perpétuité et par chaque année, un droit d'arrosage dont le maximum ne doit pas excéder un litre et demi de blé de première qualité du pays par chaque are de terre arrosé, quelle que soit sa nature (art. 2). Suivant l'art. 3, les contributions assises sur les terrains arrosés par les eaux du canal ne recevront aucune augmentation, pendant vingtcinq années, pour le fait de l'amélioration résultant des arrosages. Autrefois des arrêts du conseil ou des parlements autorisaient les concessionnaires à forcer les propriétaires à céder leurs fonds

Du 30 mars 1840.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Félix Faure, rap.-Hébert, av. gén., c. conf.-Lebon, av.

2 Espèce: - (Préfet du Nord C. Cocquériaux et autres.) — 30 mars 1840.-Arrêt identique.-M. Félix Faure, rap.

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(1) (Villiard C. association Saint-Andiol.) LOUIS, etc.; Considérant, sur la compétence, qu'il s'agit, dans l'espèce, d'une contestation relative au payement des frais pour la construction d'un canal non navigable, et que la loi du 14 flor. an 11 a attribué aux conseils de préfecture la connaissance de ces sortes de contestations; Considérant, dans le fond, qu'il est avoué par les requérants que l'eau dérivée par les soins de l'association de Saint-Andiol sert à l'irrigation de la propriété des Clapiers, et qu'ainsi elle a dû être imposée pour les frais auxquels a donné lieu cette dérivation; - Art. 1. La requête des héritiers Villiard est rejetée, saufà eux à faire juger par les tribunaux les droits qui peuvent résulter pour eux, envers la dame de Castellane, de l'acte du 2 flor. an 9. Du 31 mars 1819.-Ord. cons. d'Etat.-M. Maillard, rap.

(2) Espèce (Carriga C. Arnaud.)- Il s'agissait du canal de des

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pour y faire passer le canal. Mais aujourd'hui l'intérêt public seul peut déterminer de pareilles aliénations, et cet intérêt public doit être constaté et déclaré en conformité de la loi. Maintenant cette matière est réglée par la loi du 3 mai 1841.-V. Espropr. pub.

202. Les canaux d'irrigation étant d'une utilité générale, sont placés sous la surveillance et l'administration de l'autorité locale pour tout ce qui tient au mode de construction, réparation et curage. Le gouvernement, dit avec raison M. Daviel, ne doit pas légèrement revêtir de sa sanction de semblables projets; il faut, en effet, qu'une partie notable d'une commune ou d'une population soit intéressée à l'exécution du canal pour qu'il se décide à accueillir les propositions d'une compagnie. On ne peut agir avec trop de maturité et de réserve, quand il s'agit d'expropriation de propriétés privées. Dans les observations sur la loi de 1833, la cour de Montpellier (p. 26 et aux additions, p. 152) disait que lorsque l'utilité de l'arrosage était assez générale et assez prédominante pour qu'on pût la considérer comme devant l'emporter sur le droit de propriété, on pouvait à titre de servitude légale, conduire les eaux à travers les fonds d'autrui moyennant une juste indemnité, mais que ce n'était là qu'une dérogation aux principes généraux, une exception qu'on ne devait pas étendre au cas où il n'en résulterait pas une utilité générale (M. Garnier, t. 1, p. 399). C'est, du reste, le principe que le gouvernement a adopté et qu'il a consacré par plusieurs ordonnances (V. ord. du 6 fév. 1822, canal de Forcalquier, citée par M. Garnier, p. 400).-Les fonds de ces entreprises sont faits en partie par le gouvernement (si l'intérêt général est assez grand pour qu'il croie devoir imposer ce sacrifice à l'État), en partie par les propriétaires intéressés; il se forme alors ordinairement, sous le nom collectif de compagnie d'arrosants, une société qui à ses syndics pour agir dans l'intérêt de la masse. Les dépenses d'entretien sont couvertes de la même manière par une contribution répartie conformément à la loi du 14 flor. an 11, sur tous les intéressés, dans la proportion de l'avantage que chacun retire de l'usage des eaux (ord. cons. d'Ét. 31 mars 1819 (1); M. Daviel, p. 405). Il a été jugé que les propriétaires qui profitent de l'irrigation ne peuvent refuser de payer le montant de leur quote-part dans la contribution, par ce motif que la prescription reçue en matière de contributions publiques, leur est acquise; qu'en d'autres termes, on ne peut appliquer aux contributions relatives aux canaux et cours d'eau, les lois concernant les contributions publiques (ord. cons. d'Ét. 29 oct. 1823) (2).

203. Lorsque le gouvernement estime que l'État n'est pas suffisamment intéressé à la construction de ces canaux pour participer de ses fonds, alors, dans ce cas, ces canaux ne doivent être construits et entretenus qu'aux frais des propriétaires des prés à l'irrigation desquels ils sont destinés.-Aussi a-t-il été jugé que tous les propriétaires qui profitent du canal d'irrigation doivent contribuer proportionnellement à tous les frais de construction et d'entretien (ord. cons. d'Ét. 31 mars 1819, aff. Villiard, V. no 202).

204. Quoique l'art. 3 de la loi du 3 mai 1841, qui reproduit les termes du même article de la loi du 7 juill. 1833, garde le silence sur la circonstance qui pourrait se présenter de l'aliénation pour l'exécution de ces canaux, d'une portion quelconque du domaine public, il est cependant évident que toutes les fois que la construction des canaux d'arrosement exigera une aliénation de séchement appelé la Gulla de la Mar dont l'entretien est à la charge des intéressés, et qui a été l'objet d'un règlement d'administration publique, en date du 1er sept. 1811.

LOUIS, etc.; Considérant que par l'art. 3 de la loi du 14 flor. an 11 et par l'art. 2 du décret du 1er sept. 1811 précité, les rôles pour le curage et l'entretien des canaux doivent être dressés sous la surveillance des préfets; que de ce droit résulte nécessairement l'attribution pour les syndics de proposer et pour les préfets de prononcer la suspension momentanée du payement des taxes portées sur ledit rôle, sans qu'on puisse opposer aux percepteurs le delai qui se serait écoulé depuis la formation des rôles jusqu'au moment où ils en demandent le recouvrement; que la suspension du rôle de 1811 a été proposée par les syndics, et prononcée par le préfet en 1814; que, depuis, en 1821, les syndics ont proposé, et le préfet a ordonné le recouvrement dudit rôle ; que, par conséquent, le percepteur a dù en faire le recouvrement, et que le sieur Carriga n'est pas fondé à refuser le payement de sa quote-part; —Art. 1. La requête... est rejetée.' Du 29 oct. 1825.-Ord. cons. d'Etat.-M. Maillard, rap.

ce genre, l'ordonnance dont parle l'art. 3 dans son § 2 ne suffira plus, il faudra alors qu'une loi autorise cette aliénation. Lors de la discussion de la loi du 7 juill. 1833, M. Salverte avait proposé de le dire formellement; mais le président de la chambre a répondu: « Ce n'est pas seulement un principe de notre droit privé, c'est une maxime fondamentale de notre droit public, qu'aucune propriété de P'État ne peut être aliénée que par une loi. Si une ordonnance concédait une portion quelconque du domaine, quelque minime qu'elle fût, la concession serait nulle. » Alors M. de Mosbourg a ajouté ; « De même qu'il est bien entendu, ainsi que vient de l'exprimer clairement M. le président, que le domaine public ne peut être aliéné que par une loi, de même il doit être regardé comme constant que la faculté donnée au gouvernement d'autoriser par ordonnance la construction de canaux de peu d'importance, ne peut s'exercer que lorsque l'État ne doit pas concourir à la dépense. » La chambre a donné son assentiment à celle opinion (M. Duvergier, p. 283, sur la loi du 7 juill. 1833, t. 35), et il est, en effet, évident que, d'une part, l'inaliénabilité du domaine public, de l'autre, la nécessité de l'intervention législative pour toutes les dépenses, sont des principes auxquels il n'est apporté et ne peut même être apporté aucune modification. Ce sont les principes fondamentaux des chartes et des lois antérieures comme ceux de nos diverses constitutions.

205. Les propriétaires des canaux d'irrigation ont les mêmes droits sur les canaux particuliers que la nation sur les canaux généraux. En conséquence, ils peuvent se pourvoir en justice réglée pour obtenir la destruction de toute plantation ou construction nuisible au libre cours des eaux, et non fondée en droit (L. 19 vent. an 6, art. 11).-La compagnie des arrosants a la propriété exclusive du canal et des terrains reconnus nécessaires à son service (Proudhon, no 1538). Par suite, elle est tenue de payer l'impôt foncier assis sur le canal, lequel impôt doit être taxé en raison du terrain occupé par le canal, mais comme terre de première qualité, dans la commune de la situation (L. 5 flor, an 11, art. 1). -Il a été décidé: 1o que le gouvernement seul a le droit de décider si des arrosants ont encouru la déchéance de leurs droits par l'inexécution des conditions qui leur étaient imposées (ord. cons. d'Él. 15 août 1821, M. Tarbé, rap., aff. Trincon); — 2° Que les tribunaux sont compétents pour statuer sur la contestation élevée entre la société et l'un de ses membres, qui prétend n'en point faire partie, alors que la solution de cette question dépend de l'examen des contrats de société et des actes d'exécution qui n'intéressent pas l'ordre public (ord. cons. d'Ét. 6 fév. 1822, M. Tarbé, rap., aff. Loubier C. Pascalis); — 5o Que quant aux contestations élevées contre une société d'arrosants par un de ses membres, relativement à la quotité des contributions auxquelles il est imposé pour sa part, s'il n'y a pas de règlement, mais seulement usage, elles appartiennent non aux tribunaux, mais aux conseils de préfecture (ord. cons. d'Ét. 13 août 1825) (1).

206. La propriété du canal et de ses dépendances appartient à la compagnie d'arrosants. Par suite, c'est elle qui profite exclusivement de la pêche et de tous les autres produits.-Chaque fonds appelé à profiter de l'irrigation a droit à la prise d'eau, et c'est là un droit de servitude active qui lui est dù par le canal. Mais nul ne peut en dériver les eaux à son profit particulier, même les riverains. Il est évident que la nature et la constitution même de la société en compagnie d'arrosants s'oppose à l'application de l'art. 644 c. civ. S'il en était autrement, la société n'existerait pas. Tous les arrosants sont liés par le traité qui constitue leur société, et le vinculum juris existe surtout par rapport à la quotité et au mode de prise d'eau. Cette stipulation est évidemment de l'essence du contrat, et non pas seulement de sa nature.

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207. Les canaux de desséchement sont destinés à faire écouer les eaux des terres qui sont à l'état de marais et qui se trouvent ainsi une partie de l'année couvertes d'eaux, et, par uile, improductives; ces canaux ne sont en géneral ni navigables ni flottables, et appartiennent aux compagnies ou aux

(1) (Gabriac.) - Louis, etc.; Considérant qu'il ne s'agit pas de déterminer si les propriétés du sieur Gabriac font partie de celles soumises à l'association des arrosants de Saint-Chames et de Moramas; que le sieur Gabriac conteste seulement sur la quotité des contributions mises à sa

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particuliers qui les ont fait exécuter, conformément à la loi du 18 sept. 1807, qui régit tout ce qui concerne les marais (V. Marais). En raison de leur destination, ces canaux sont soumis à des règles spéciales d'administration et de compétence. Si quelquesuns de ces canaux servaient tout à la fois pour le desséchement et pour la navigation, alors ils seraient régis par les lois et les principes concernant les canaux navigables et flottables, seraient réputés dépendances du domaine public et soumis aux règles de police et de surveillance de ces sortes de canaux (V. arrêté du gouvernement, du 19 vent. an 6, art. 9; loi du 16 sept. 1807, art. 34, y° Marais).

CHAP. 4.-DES COURS D'EAU NON NAVIGABLES NI FLOTTABLES, PROPRIÉTÉ, USAGE DES EAUX, CURAGE.

208. La question de la propriété des cours d'eau non navigables ni flottables a fait naître quatre systèmes, tous soutenus par d'imposantes autorités. — On va les passer successivement

en revue.

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PREMIER SYSTÈME. — Les rivières non navigables et flottables sont la propriété des riverains. Sous le droit romain, les rivières non navigables appartenaient à ceux dont elles traversaient les domaines. La loi 1, D., § 4, De fluminibus, dit: Nihil enim differ! à cæteris locis flumen privatum. C'est de ce texte que Borius (déc. 352, no 4) a déduit cette solution: Aque in flumina non navigabilia existentia vel transeuntia in territorio alicujus dominii sunt illius et facit de his quod vult. — La loi 4, § 11, D., Finium regund., dit qu'il n'y a pas contiguïté entre deux héritages séparés par un chemin public ou par un fleuve, et que, par conséquent, il n'y a pas lieu à l'action en bornage; l'héritage du riverain est borné par le fleuve et non par le champ du riverain opposé (L. 5, ibid.). Mais la loi 6 ajoute: Sed si rivus privatus intervenit, finium regundorum agi potest.— C'est donc que le lit du cours d'eau fait partie des héritages riverains (V. Domat, Lois civ., liv. 2, tit. 6, sect. 1, no 5).—Enfin on tire argument, en faveur du système qui tend à faire considérer les cours d'eau non navigables comme ressortant de la propriété privée, d'une disposition du Digeste (liv. 4, tit. De divis. rer.), qui porte: Flumina pene omnia et portus publica sunt, et de la L. 1, § 3. D., De fluminibus, qui dit : Flumina quædam publica sunt, quædam non publica. — Or, si certaines rivières n'étaient pas du domaine public, c'est donc qu'elles étaient classées dans le domaine privé. S'il en était ainsi pour des fleuves, il devait en être de même, à plus forte raison, pour les cours d'eau non navigables. Ces dispositions de lois, el l'interprétation que les docteurs leur ont donnée, ont fait regarder comme constant le principe qu'en droit romain les cours d'eau non navigables appartenaient aux riverains. Cependant les Institutes paraîtraient avoir modifié les lois du Digeste. Ainsi, Justinien dit, § 2, Instit.: Flumina autem omnia publica sunt. Ce qui détruit complétement la règle du Digeste, que des rivières navigables pouvaient appartenir à de simples particuliers. Au § 1, Justinien dit encore: Et quidem naturali jure communia sunt omnium hæc air, aqua profluens, et mare et per hoc littora maris. Si l'eau coulante (aqua profluens) est chose commune, on ne doit donc pas la considérer comme susceptible d'une appropriation privée, et par conséquent, elle serait res nullius. Mais on répond que, dans le système des Institutes, les choses dites res nullius sont les choses sacrées (divini juris, § 9, Instit.). On voit qu'il n'est pas facile de concilier tous les textes.

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Si du droit romain on passe à l'examen de l'ancien droit français, si l'on remonte à l'origine de la monarchie pour y saisir le système qui régissait les cours d'eau non navigables, on serait tenté de croire, si l'on s'en rapporte aux formules d'actes adoptées dans la rédaction des transactions des premiers siècles, que les eaux non navigables étaient classées dans le domaine privé. Le moine Marculfe, qui vivait au septième siècle, nous a laissé des modèles des conventions en usage dans ces temps reculés,

charge; qu'ainsi, conformément à l'art. 4 de la loi du 14 for. an 11, cette réclamation doit être portée devant le conseil de prefecture; Art. 1. L'arrêté..... est approuvé.

Du 13 août 1825.-Ord, cons, d'État.-M. Lebeau, rap.

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