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ges, arrêté par le ministre, doit contenir l'énonciation du tarif, c'est-à-dire le prix fixé pour les eaux, bains et douches (arr. 3 flor. an 8, art. 1; 6 niv. an 11; ord. 18 juin 1823, art. 22). Ces cahiers de charges doivent être approuvés par les préfets, près avoir entendu les inspecteurs. Les adjudications sont laites publiquement et aux enchères (ord. 1823, art. 22).- La Jurée du bail doit être de trois années (arr. 3 flor. an 8, art. 2). 11 sera toujours stipulé dans le bail que la résiliation pourra être prononcée immédiatement par le conseil de préfecture, en cas de violation des dispositions du cahier de charges et réadjugé à la folle enchère du fermier (ibid.). — Le prix des baux est payable par trimestre et d'avance; il est versé à titre de dépôt dans la caisse des hospices du chef-lieu de préfecture (ibid., art. 3). Ni les membres des administrations chargées de la surveillance des eaux minérales, ni les propriétaires d'eaux minérales dans le lieu où se trouvent les sources appartenant à l'État, ne peuvent s'en rendre adjudicataires (ibid., art. 4 et ord. de 1825, art. 23).

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31. En cas de mise en régie, le régisseur est nommé par le préfet (ord. 1823, art. 24), ainsi que les employés et servants attachés au service des eaux minérales; toutefois, ces dernières nominations ne peuvent avoir lieu que de l'avis de l'inspecteur.

MM. Macarel et Boulatignier, dans leur ouvrage de la Fortune publique en France, disent, t. 1, p. 218, que ces dernières nominations ne peuvent avoir lieu qu'après avoir pris l'avis de l'inspecteur. C'est fort différent, sans doute; les deux autorités pourront facilement s'entendre pour ces nominations secondaires, mais d'après les termes de l'ordonnance, s'il y a dissentiment entre le préfet et l'inspecteur, l'inspecteur aurait le droit d'opposer son veto. On conçoit le motif de la loi ; l'inspecJeur étant tous les jours sur les lieux, il est indispensable qu'il le soit pas contrarié dans ses prescriptions par des agents Jecondaires.

Les mêmes formes seront observées pour la fixation du traitement des uns et des autres employés, ainsi que pour leur révocation. Il est clair qu'il faut que l'inspecteur ait le droit de faire révoquer un agent secondaire qui agirait contrairement à l'intérêt de l'établissement ou des malades.

32.Les établissements d'eaux minérales qui appartiennent à des départements, des communes ou à des institutions charitables, sont gérés ou administrés pour leur compte (ord. de 1823, art. 19). V. ce même article pour le règlement des dépenses et l'établissement du budget. Les dispositions des art. 21 et 22 de l'ordonnance concernant les établissements d'eaux minérales appartenant à l'État et relatives à la mise en ferme, ou à la mise en régie, ainsi que celles concernant les cahiers des charges, les tarifs y annexés et la forme des adjudications sont applicables aux établissements des départements, des communes et des institutions charitables. Toutefois, pour que ces établissements puissent être mis en régie, il faut que les autorités locales ou les administrations propriétaires le réclament (art. 21).

En cas de difficultés sur les baux, la résiliation ne peut en être prononcée que par les tribunaux ordinaires, et non par le conseil de préfecture, ainsi que le dit l'art. 22, in fine (V. no 37). Les membres surveillants ou inspecteurs ne peuvent se rendre adjudicataires. — V. no 30, in fine.

33. En cas de mise en régie d'un établissement appartenant à une commune ou à un établissement charitable, la nomination du régisseur est faite sur la présentation du maire ou des membres de l'administration. Il est clair que si l'établissement appartient à un département, c'est le préfet qui nomme comme pour 'État, puisqu'il en est le premier administrateur (art. 24). Si l'établissement appartient à plusieurs communes, les présentations seront faites par le maire de la commune où il sera situé (art. 24). Les autres dispositions de l'art. 24 concernant la nomination des employés, les traitements et la révocation desdits employés, sont également applicables aux établissements des communes et institutions charitables. — Il a été jugé, par application de l'art. 24, qu'un maire peut, dans un arrêté concernant le service d'un établissement d'eaux thermales, défendre à toutes personnes autres que les porteurs nommés par le préfet de porter les malades aux bains (Cass. 24 janv. 1840, aff. Michel, V. Commune, no 1078).

34. Dispositions communes à divers établissements d'eaux mi. nérales.. Quand il s'agit de réparations, constructions, reconstructions et autres travaux, on doit procéder conformément aux règles prescrites pour la branche de service public, à laquelle l'établissement appartiendra et aux ordonnances des 8 août, 31 oct. 1821 et 22 mai 1822 (ord. de 1823, art. 25). Toutefois, ceux de ces travaux qui ne seront pas demandés par l'inspecteur, ne pourront être ordonnés qu'après avoir pris son avis (même article). · L'ordonnance du 8 août 1821 porte (art. 4)

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que les réparations, reconstructions et constructions de bâtiments appartenant aux communes, hôpitaux et fabriques pourront désormais être adjugées et exécutées sur la simple approbation du préfet (V. Commune, p. 224). Cependant lorsque la dépense des travaux de construction ou reconstruction à entreprendre s'élèvent au-dessus de 20,000 fr., les plans et devis doivent être soumis au ministre de l'intérieur (même article). -Les art. 14, 15 et 16 de l'ordonnance du 31 oct. 1821, relative à l'administration des hospices et bureaux de bienfaisance, contiennent quelques modifications à l'ordonnance du 8 août (V. Hospice). Enfin l'ordonnance du 22 mai 1822, qui concerne les départements, s'exprime ainsi : « Art. 1. Pourront désormais être adjugées et exécutées, sur la simple approbation des préfets, les réparations, constructions et reconstructions à la charge des départements, lorsque la dépense des travaux à entreprendre ne s'élèvera pas au-dessus de 20,000 fr. et qu'elle pourra être faite en totalité sur le produit des centimes affectés aux dépenses variables ou facultatives. >>

35. Indigents des communes. - C'est le directoire qui, par un arrêté du 23 vendémiaire an 6, a décidé que les indigents recevraient gratuitement le secours des eaux minérales; mais les frais de leur séjour ne sont pas à la charge de l'établissement thermal. L'arrêté du 29 floréal an 7 décide que les dépenses et frais de route des indigents qui se présenteront en exé. cution de l'arrêté du 23 vendémiaire pour recevoir gratuitement le secours des eaux minérales, seront à la charge des communes qui les auront adressés, comme objets de dépenses communales (art. 6). — Une circulaire ministérielle du 18 messidor an 7 explique que les communes doivent pourvoir à cette dépense sur les revenus de leurs établissements de secours à domicile, et, en cas d'insuffisance, sur les fonds affectés aux dépenses municipales. - Une circulaire postérieure (2 mars 1832) contient des dispositions règlementaires quant à la délivrance à faire aux indigents des passe-ports avec secours de route, pour se rendre aux établissements d'eaux minérales: 1° Les passe-ports ne peuvent être délivrés que sur l'autorisation du ministre; 2° L'autorisation est personnelle et n'est accordée qu'après avis favorable du maire, du préfet, et sur le vu du certificat du médecin ; — 3° Elle n'est accordée qu'aux indigents qui justifieront de moyens suffisants pour être logés et nourris pendant la saison des eaux, soit à l'aide de secours qui leur seraient fournis par la charité particulière, soit par une allocation sur les fonds communaux ou sur les fonds départementaux ; — 4o Les militaires blessés au service de la patrie doivent aussi recevoir gratuitement les mêmes secours, lorsqu'ils sont munis de certificats constatant leurs blesLa plupart des communes de France sont trop pauvres pour pouvoir subvenir à ces dépenses; il arrive de là que la loi reste presque inexécutée. Il serait facile à l'État de venir en aide à la population indigente, en contribuant à cette dépense pour une somme quelconque. Lors même qu'elle serait modique, cette contribution de l'État serait très-utile aux communes et les mettrait à même de soulager bien des infortunes occasionnées par des maladies qu'il est impossible de guérir dans les campagnes.

sures.

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56. De la compétence.

36. Question de propriété. L'arrêté du 6 niv. an 11 dispose, art. 9, que les questions de propriété qui s'élèveront entre les communes et l'État seront résolues par le conseil de préfecture. Cette disposition forme-t-elle le droit commun? Non, sans doute. C'est une disposition exceptionnelle; elle ne parle qua des communes et de l'État, et doit être renfermée dans ses limites. Il résulte de là: 1° que les contestations entre l'État et les insti< tutions charitables, ou même les hospices, s'il s'agit de propriété, doivent être jugées par les tribunaux civils;-2° Qu'il en est de

même pour les contestations entre les communes (ou les hospices) et des particuliers, comme entre un département et des particuliers. Ainsi il a été jugé que les arrêtés d'un préfet qui ont ordonné la mise en ferme, au profit d'une commune de bains d'eaux thermales, malgré les réclamations de particuliers qui contestent à la commune la propriété et la possession de ces bains doivent être annulés, en ce que le préfet aurait dû renvoyer devant les tribunaux civils pour faire décider préalablement la question de propriété (ord. cons. d'Ét. 15 janv. 1809) (1).— Il y a cependant un cas où la justice administrative serait compétente pour juger la question de propriété de la source ou de l'établissement thermal: c'est celui où la propriété adviendrait au possesseur (commune, hospice ou particulier)-par suite d'une concession faite originairement par l'État, parce qu'alors il y aurait lieu d'interpréter un acte administratif, et que les tribunaux ne doivent jamais s'immiscer dans les actes de l'administration. Ainsi, par exemple, à l'époque de la révolution où l'on vendait une foule de biens nationaux, dont souvent on ne connaissait pas l'origine, si l'État avait cédé à une commune ou à un particulier une source d'eau minérale, autrefois propriété de l'État, les tribunaux seraient incompétents, pour apprécier la portée de cette vente ; il faudrait recourir à la justice administrative. 37. Résiliation des baux. L'art. 22 de l'ordonnance de 1823 contient ce qui suit : « Les clauses des baux stipuleront toujours que la résiliation pourra être prononcée immédiatement par le conseil de préfecture en cas de violation du cahier des charges. Nous ne relevons pas cette expression de l'ordonnance « des clauses qui stipulent; » nous dirons seulement qu'une ordonnance ne peut pas bouleverser l'ordre des juridictions. La nullité, la résiliation des baux, n'appartiennent en thèse générale, comme les questions de propriété, qu'aux tribunaux ordinaires; il faut donc rechercher s'il existe une loi qui ait attribué à la juridiction exceptionnelle des conseils de préfecture la résiliation des baux des sources d'eaux minérales. L'arrêté du 3 flor. an 8 dit bien « qu'à défaut de payement du prix du bail ou de l'exécution des clauses y contenues, le bail pourra être résilié par le conseil de préfecture. » Mais cet arrêté ne s'applique qu'aux établissements appartenant à l'État, et l'arrêté du 6 niv. an 11, qui est relatif aux baux des établissements publics et des communes, garde le silence sur la compétence. Il résulte de là que toutes les questions de résiliation de baux qui ne concernent pas l'État sont de la compétence des tribunaux ordinaires. C'est ce qui a été décidé (ord. cons. d'Ét. 4 déc. 1822) (2). – V. MM. Durieu et Roche, Rép. des établ. de bienf., p. 65.

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mination) 31. Invention 22. Lois 7 s., 9 s. Louage admin. (préfet) 30, 34; (résiliation) 37. Médecin 7, 10, 16. Militaire 35. Inspecteur 10, 16; Ministre (attribution) (adjoint) 17; (avis) 34. Domaine de l'État 5 27; (avis, traite- Nombre 5. S., 10. ment) 16 s.; (no-Nomination 33.

ce) 36 s.

(1) (Bardin C. Martin.) NAPOLEON, etc.; - Considérant qu'il appartient aux tribunaux ordinaires de statuer sur la propriété et possession d'eaux thermales et bains de pareille nature; qu'il n'est fait d'exception à cette règle que lorsqu'il y a contestation entre une commune et la nation; dans lequel cas seulement l'arrêté des consuls du 6 niv. an 11 en attribue la connaissance aux conseils de préfecture; que, dans l'espèce, des particuliers se prétendant propriétaires et possesseurs, le préfet de l'Ardèche aurait dû, avant d'autoriser le bail à ferme, renvoyer ces particuliers de la commune Saint-Laurent à se pourvoir devant les tribu

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Table chronologique des lois, arrêts, eto. 1792.20 août p.502.|1809. 15 janv. 36.1-22 nov. 27. 1795.20 juin p.502. 1810. 23 sept. 10 c. 1830. 29 nov. An 7.29 flor. p.502.1811.12 juin p.504. 30 C. -18 mess. 35. -22 nov. p. 504. 1851. 21 fév. 20. An 8. 3 flor. p. 503.1822.17août p. 504. 1852, 2 mars 35. An 11. 6 Div. p.303.-4 déc. 37. -21 avril p. 505. An 12. 30 prair. p. 1823.18 juin p. 504. 1855. 7- mai 12. 504. -21 nov. 26. 1836. 8 mai 10.

-20 juill. 13-3° c. 15-1840. 24 janv. 33 c. 1843. 30 juin 15. 1844.13 avril 15-20. 1845. 18 nov. 23 c. 1848.8 mars p. 505. 1849. 4 déc. 13-3° c., 4° C.

EAUX PLUVIALES.-Celles qui sont formées par la pluie ou par la fonte des neiges et des glaces.-V. Servitude; V. aussi Contravention, Voirie.

EAUX SALÉES.-V. Eaux, no 245 et suiv., Eaux minérales, Impôt indirect, Mines, Sel.

EAUX SOUTERRAINES. - V. Eaux, nos 57, 277 et suiv., Eaux minérales, n° 13, et eod., p. 505, le décret du 8 mars 1852, Mines, Propriété, Servitude.

ÉBRANCHAGE.-Action de dépouiller un arbre de tout ou partie de ses branches (c. civ. 672, V. Servit.; c. pén. 446, V. Dommages Destruct., nos 241s.; c. for. 196, V. Forêts, nos 857 s.). ÉCARTELLEMENT.-Peine qui consistait à mettre un individu en quartier en le faisant tirer par quatre chevaux. V. Peine.

ECCLÉSIASTIQUE.-V. Culte.

ÉCHAFAUD.-Se dit de toute charpente élevée sur le sol et en particulier de l'appareil destiné aux exécutions judiciaires.V. Peine.

ÉCHALAS.-V. Biens, no 104.

ÉCHANGE. - 1. C'est un contrat par lequel les parties se donnent respectivement une chose pour une autre (c. civ. 1702).

A ces mots se donnent, Pothier ajoutait immédiatement et M. Durauton ajoute: actuellement ou promettent de se donner, ce qui a paru sans doute au législateur suffisamment compris dans le texte dont il s'est servi, dès que l'échange s'opérait comme la vente par le seul consentement (V. p. 512, en note, Pothier, no 621) des parties. Sur le sens du mot réciproquement de l'art 1702, V. aussi no 6.

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§ 1. Historique et législation.

2. L'échange fut le premier moyen employé par les hommes pur acquérir les choses: ainsi, l'un donnait à l'autre ce qui lui était inutile ou moins utile, pour obtenir en retour une chose nécessaire. Ce mode de se procurer ce dont on avait besoin paraît avoir été le seul en usage jusqu'à l'invention de la monnaie: c'est la remarque de tous les auteurs (V. le nouv. Denizart, yo Échange, pice civil de Bagnères (département des Hautes Pyrénées), et tendante à ce qu'il nous plaise recevoir son appel contre un arrêté du conseil de préfecture des Hautes-Pyrénées, du 6 nov. 1821; casser et annuler ledit arrêté comme incompétemment rendu; renvoyer les parties à se pourvoir, si elles le jugent convenable, par-devant les tribunaux ordinaires; condamuer le défendeur aux dépens; Vu l'arrêté attaqué, lequel accorde au sieur Marthe, adjudicataire du bain du Petit-Prieur, un dégrèvement de 200 fr. sur le premier payement de 300 fr. qu'il devait effectuer d'après son bail, et qui ordonne que le deuxième payement, stipulé dans ledit bail, sera réduit à ce qui aura été perçu sous la surveillance des deux membres y dénommés de la commission administrative de l'hospice; Considérant qu'il ne s'agit, dans l'espèce, que de questions relatives à l'inexécution prétendue d'un bail, lesquelles ne peuvent être résolues que par les règles du droit commun, dont l'application appartient aux tribunaux ordinaires; Art. 1. L'arrêté du conseil de préfecture du 6 nov. 1821 est annulé. Art. 2. Les parties sont renvoyées à se pourvoir devant les tribunaux ordinaires, si elles s'y croient fondées. Du 4 déc. 1822.-Ord. cons. d'Et.-M. Villemain, rap.

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n° 1, Bigot Préameneu, dans son rapport, et M. Troplong, Tr. de l'Échange). Ce dernier auteur cite Pline rappelant ces temps chantés par Homère et qui étaient ceux de la vieille Rome et de notre moyen âge, comme ils sont encore ceux des peuplades d'une civilisation arriérée, où l'on se procurait au moyen de cuirs, du fer, des esclaves, les objets dont on avait besoin. Il faut donc conclure que l'échange a dû nécessairement précéder la vente dont l'un des éléments principaux est un prix d'argent, origo emendi vendendi a 'permutationibus cœpit (L. 1, D. De contrah. empt).—V. Pothier, infrà, no 4, la savante dissertation de M. Troplong, eod., no 1 s. 3. Au moment où le code civil a été discuté, l'échange était déjà (1) Voici le texte de Pothier, extrait de son traité du Contrat de vente : ART. 5. Du contrat d'échange et des actes qui y ont rapport. 617. Le contrat d'échange est un contrat par lequel l'un des contractants s'oblige à donner une chose à l'autre, à la place immédiatement d'une autre chose, que l'autre contractant s'oblige de sa part de lui donner. J'ai dit immédiatement; car, si nous convenions ensemble que je vous donnerai telle chose pour un certain prix, en payement duquel vous me donnerez de votre côté une autre chose, cette convention n'est pas un contrat d'échange, mais elle renferme une vente que j'ai faite de ma chose, et une dation de la vôtre que vous me faites en payement du prix de la mienne. 618. Il faut aussi, pour le contrat d'échange, que chacun des contractants compare la valeur de la chose qu'il donne à celle de la chose qu'il reçoit, et qu'il ait intention d'acquérir à peu près autant qu'il donne. Mais si deux amis se donnent mutuellement l'un une chose, et l'autre une autre chose, sans égard à leur valeur, c'est une donation mutuelle qu'ils se font; ce n'est pas un contrat d'échange.

619. Le contrat d'échange a de la ressemblance avec le contrat de vente. Il tenait lieu de contrat de vente dans les premiers âges du monde, avant qu'on eût inventé l'usage de la monnaie, qui a donné naissance au contrat de vente c'est pourquoi les Sabiniens pensaient que l'échange était un vrai contrat de vente (L. 1, ff., De contrah. empt.).-L'opinion des Proculéiens, qui décident que le contrat d'échange est différent du contrat de vente, est plus véritable. La principale différence est que, dans le contrat de vente, on distingue la chose et le prix; on distingue entre les contractants, le vendeur et l'acheteur. Au contraire, dans le contrat d'échange, chacune des choses est tout à la fois la chose et le prix; chacun des contractants est tout à la fois vendeur et acheteur (cád. L. 1, § 1; L. 1, De permut.).

620. Quoique le contrat d'échangé soit différent du contrat de vente, néanmoins, comme il produit dans chacun des contractants les mêmes obligations de garantie que le contrat de vente produit dans le vendeur, on ne peut disconvenir que le contrat d'échange ne soit un contrat ressemblant au contrat de vente, et tenant de la nature de ce contrat: Permutationem vicem emptoris oblinere non est jurís incogniti (L. 2, Cod., De rer. permut. (Permutatio vicina est emptioni) L. 2, ff., De permut.).

621. Selon les principes du droit romain, l'échange n'était pas un contrat purement consensuel. La simple convention d'échange par laquelle deux personnes étaient convenues d'échanger une chose contre une autre, tant qu'elle n'avait pas encore été exécutée de la part de l'une des parties, n'était qu'un simple pacte, nudum pactum, qui, selon les principes du droit romain, ne produisait aucune obligation civile; car il n'y avait qu'un certain nombre de conventions qui, sans avoir reçu encore aucune exécution, et sans être revêtues de la forme de la stipulation, produisent une obligation civile; le droit civil leur avait attribué des actions qui leur étaient propres, à cause desquelles on appelait ces conventions contrats nommés.

La vente était du nombre de ces contrats nommés; mais l'échange étant, selon le sentiment des Proculéiens, qui avait prévalu, une convention différente de la vente, n'était qu'un simple pacte, qui, n'étant pas revetu de la forme de la stipulation, ne produisait pas d'obligation civile. Néanmoins si, en exécution de cette convention d'échange, l'une des parties avait donné à l'autre la chose qu'elle avait promis de lui donner en échange, la convention, par ce commencement d'exécution, devenait un contrat innommé, do ut des, d'où naissait une action qu'on appelait præscriptis verbis, par laquelle celle des parties qui avait exécuté de sa part la convention, pouvait contraindre l'autre à l'exécution de la sienne. C'est pourquoi, suivant le droit romain, le contrat d'échange était un contrat reel (L. 1, § 2, I., De permut.; L. 3, Cod., eod. tit.). Cette distinction entre les contrats et les simples pactes, n'ayant aucun fondement dans la raison et l'équité naturelle, et étant une pure invention de la politique des patriciens pour rendre difficile la pratique du droit civil, et tenir par là le peuple dans leur dépendance, a été, avec raison, rejetée dans notre droit, comme nous l'avons déjà observé en notre Traité des obligations. C'est pourquoi, parmi nous, la convention d'échange, dès avant qu'elle ait reçu aucune exécution, et aussitôt que le consentement des parties est intervenu, produit de part et d'autre une obligation civile, et elle est un contrat consensuel, de même que le contrat de vente.

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Les jurisconsultes romains ont observé une autre différence entre le contrat de vente et le contrat d'échange, qui, paraissant avoir son fondement dans la nature de ces contrats, peut être admise dans notre droit.

un contrat ordinaire formé par le seul consentement, et l'on avait dès longtemps répudié le principe des lois romaines, qui ne voyaient dans la convention d'échange, non revêtue de la forme de la stipulation, qu'un pacte non obligatoire et ne donnant lieu qu'à l'action præscriptis verbis. - V. Pothier, ci-dessous, en note, n° 621.

4. Aussi, pour que la science, au moment où ce code a été promulgué, soit bien saisie, croyons-nous devoir rapporter cidessous l'article tout entier que Pothier, Traité de la vente (art. 5), avait publié sur cettematière (1).-Les points alors controversés sont aussi indiqués par M. Troplong, nos 2 et suiv.

Dans le contrat de vente, il n'y a que l'acheteur qui soit obligé précisément à transférer au vendeur la propriété de l'argent qui fait le prix de vente: Emptor nummos venditoris facere cogitur (L. 11, § 2, f., Act. empt.). Mais le vendeur, lorsqu'il a vendu une chose qu'il croyait de bonne foi lui appartenir, n'est pas obligé précisément à transférer à l'acheteur la propriété de la chose vendue; il s'oblige seulement à le défendre, lorsqu'il sera troublé Hactenus tenetur ut emptori rem habere liceat, non eliam ut ejus faciat (L. 30, § 1, ff., eod. tit.).—Au contraire, comme, dans le contrat d'échange, chaque chose est tout à la fois et la chose et le prix, et chacun des contractants est vendeur et acheteur, chacun d'eux est obligé précisément à transférer à l'autre la propriété de la chose qu'il lui donne. C'est pourquoi celui des contractants qui a reçu la chose qui lui a été donnée en échange, quoiqu'il n'ait encore souffert aucun trouble dans la possession de cette chose, n'est pas obligé, de son côté, de donner celle qu'il a promise, s'il a découvert que la propriété de celle qu'il a reçue ne lui a pas été transférée, et qu'elle n'appartient pas à celui qui la lui a donnée. Tout ce que celui-ci peut prétendre, c'est qu'on lui rende celle qu'il a donnée (L. 1, § 4, ff., De permut.). C'est en ce sens que Pedius ait alienam rem dantem nullam contrahere permutationem (eád. L. 1, § 3).

622. Dans le contrat d'échange, chacun des contractants ou permutants s'oblige envers l'autre à lui livrer la chose qu'il a promis de lui donner en échange, à le garantir des évictions aussi bien que des charges réelles et des vices rédhibitoires; et s'il ne satisfait pas à son obligation, il est tenu envers lui des dommages-intérêts résultant de l'inexécution, de même que, dans le contrat de vente, le vendeur en est tenu envers l'acheteur.

623. Le copermutant à qui je manque de livrer la chose, ou à qui je défaux de garantie, a le choix ou de conclure contre moi à la condamnation de ses dommages-intérêts, actione utili ex empto, ou de répéter la chose qu'il m'a donnée en contre-échange (L. 1, Cod. De rer. permut.).— Cette loi faisait néanmoins à cet égard une distinction qui ne paraît fondée sur aucune raison solide; c'est pourquoi je pense que ce choix doit être accordé indistinctement à la partie évincée.

624. Tout ce qui a été dit à l'égard du contrat de vente, touchant les obligations qui naissent de la bonne foi qui doit régner dans ce contrat, et celles qui naissent des clauses sur la contenance ou la qualité des choses vendues, le lieu ou le temps de leur tradition, reçoit une entière application au contrat d'échange.

625. La chose que chacun des contractants a promis de donner en échange à l'autre est aux risques de celui à qui on a promis de la donner, de même que la chose vendue est aux risques de l'acheteur dans le contrat de vente; et si elle vient à périr sans le fait ni la faute de celui qui l'a promise, et avant qu'il ait été constitué en demeure de la donner, il est libéré de son obligation, sans que celui à qui elle a été promise puisse répéter celle qu'il a donnée de sa part; et sans même qu'il puisse être déchargé de l'obligation qu'il a contractée de la donner, s'il n'y a pas encore satisfait; de même que, dans le contrat de vente, l'acheteur no peut pas, en ce cas, répéter le prix qu'il a payé, ni en éviter le payement, s'il ne l'a pas encore payé. Les raisons sur lesquelles nous avons établi ce principe à l'égard du contrat de vente (suprà, part. 4) militent également à l'égard du contrat d'échange. Les limitations que nous y avons apportées reçoivent aussi leur application à l'égard du contrat d'échange.

626. Celui qui a donné des meubles en échange d'autre chose ne peut attaquer le contrat, quelque lésion qu'il prétende avoir souffert dans l'estimation desdits meubles: car la règle de notre droit français. rapportée en l'art. 443 de notre coutume d'Orléans, qui rejette le bené fice de restitution en aliénation de meubles, est une règle générale qe renferme l'échange aussi bien que la vente. Mais celui qui a donné un immeuble en échange contre des choses dont la valeur est au-dessous d. la moitié du juste prix de cet immeuble, doit, de même qu'un vendeur, être admis à demander la rescision du contrat, si mieux n'aime l'autre copermutant suppléer ce qui manque au juste prix.

627. Il nous reste à observer, au sujet du contrat d'échange, que, lorsqu'il est d'un immeuble contre un autre immeuble, et qu'il est fait but à but, et sans aucun retour en deniers ou en autres choses mobilières, il n'est sujet par les coutumes ni aux profits de vente, ni au retrait. S'il y a un retour, celui des copermutants qui acquis moyennant

§ 1. L'exposé des motifs du projet de loi relatif à l'échange a été présenté par M. Bigot de Préameneu (1), et M. Faure en a fait le

ce retour, doit le profit de vente pour ce retour, et jusqu'à concurrence de ce retour (Orléans, 15 et 110). - A l'égard du retrait, suivant le droit le plus commun, le retour en deniers ou autres choses mobilières n'y rend le contrat d'échange sujet que lorsque le retour excède la moitié de la valeur de l'héritage pour lequel on a donné ce retour. Il y a néanmoins à cet égard une grande variété dans les coutumes.-V. notre Traité des retraits, qui sert d'appendice à celui-ci, part. 1, chap. 4, art. 3, § 1. 628. Lorsque l'échange est d'un héritage contre des meubles, il donne, de même que le contrat de vente, ouverture aux profits seigneuriaux et au retrait: il est à cet égard réputé contrat équipollent à vente; autrement rien ne serait plus facile que de déguiser tous les contrats de vente sous l'apparence de tels échanges, en fraude des seigneurs et des lignagers.

629. Il ne faut pas omettre un des principaux effets de l'échange; c'est que la chose que je reçois en échange de celle que j'ai donnée se subroge de plein droit à celle que j'ai aliénée, et elle prend à sa place les qualités extrinsèques que celle-ci avait, et qu'elle a perdues par l'aliénation que j'en ai faite. De là cette règle : Subrogatum capit naturam subrogati.

Observez néanmoins qu'il faut pour cela que la chose que je reçois en échange soit de nature à être susceptible des qualités de celle que j'ai aliénée. Par exemple, si je reçois une rente constituée en échange d'un héritage qui était un de mes propres paternels, cette rente acquerra bien par la subrogation la qualité de propre paternel de succession qu'avait l'héritage que j'ai aliéné, parce qu'il suffit que cette rente soit immeuble pour être susceptible de la qualité de propre de succession; mais elle n'acquerra pas la qualité de propre de retrait qu'avait l'héritage que j'ai aliéné, parce que les rentes constituées ne sont pas susceptibles de cette qualité. Si c'est centre des meubles que j'ai échangé mon héritage propre paternel, ces meubles n'acquerront pas la qualité de propres de succession, ni de propres de retrait qu'avait mon héritage, des meubles n'étant susceptibles ni de l'une ni de l'autre de ces qualités.

Il est évident que la chose que je reçois en échange de celle que j'ai donnée, ne peut recevoir par cette subrogation d'autres qualités que celles que cette chose avait, et telles qu'elle les avait. C'est pourquoi, si j'ai acquis un héritage en échange d'une rente constituée, qui était un de mes propres paternels, cet héritage aura bien la qualité de propre paternel de succession qu'avait cette rente, mais il n'aura pas la qualité de propre paternel de retrait, quoiqu'il soit de nature à être capable de cette qualité; car, étant subrogé à une rente constituée, il ne peut pas acquérir la qualité de propre de retrait, que la rente n'avait pas et ne pouvait avoir.

Il est encore évident que la chose que je reçois en échange ne peut acquérir par la subrogation que les qualités extrinsèques qu'avait la chose que j'ai donnée, et qu'elle perd par l'aliénation que j'en fais; telles que sont les qualités de propre d'une telle ou d'une telle ligne. Mais la subrogation ne peut faire passer les qualités de féodal et de censuel qu'avait l'héritage que j'ai aliéné, à celui que j'ai reçu à la place; car ce sont des qualités intrinsèques, qui ne peuvent passer d'un héritage à l'autre.

Il en est de même des charges d'hypothèque, de substitution et autres semblables qui seraient sur l'un des héritages échangés : elles demeurent sur cet héritage, nonobstant l'aliénation que j'en ai faite, et elles ne passent pas à celui qui m'est donné en contre-échange. Si celui-ci devient aussi hypothéqué à mes créanciers, c'est par une autre raison, qui est que je leur ai hypothéqué tous mes biens présents et à venir.

(1) Exposé des motifs de la loi relative à l'échange, par le conseiller d'État Bigot-Préameneu (séance du 8 vent. an 12).

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Le

1. Legislateurs, le plus ancien des contrats est l'échange. Si l'imagi. nation pouvait se figurer les temps où le droit de propriété n'était pas encore établi, on verrait les hommes se préfant des secours mutuels, l'un aidant l'autre de sa force, lorsque l'autre l'aidait de son adresse, et faisant ainsi l'échange des avantages qu'ils avaient reçus de la nature. droit de propriété ayant attribué à chacun exclusivement le produit de son travail, et la civilisation ayant multiplié avec les besoins les divers genres d'ouvrages, aucun n'a pu embrasser tous ces divers genres de travaux pour fournir à tous ses besoins sans l'échange, le droit de propriété eût été en vain établi; c'est à l'échange qu'il faut attribuer et les jeremiers degrés et les progrès de la civilisation. La multiplicité touCours croissante des échanges a fait rechercher les moyens de les rendre plus faciles telle a été l'origine des monnaies, que tous les peuples ont prises pour un signe représentatif de la valeur de tous les travaux et de toutes les choses qui peuvent être dans le commerce. - Les métaux qui servent de monnaie peuvent aussi être un objet direct d'échange, parce qu'ils ont par eux-mêmes une valeur intrinsèque fondée sur l'emploi qu'on en fait en bijoux ou en meubles, et encore plus sur le besoin qu'en ont tous les peuples pour en faire leurs monnaies. Lorsqu'à ce titre, et revêtus des empreintes qui servent de garantie au public, ils sont mis en circulation, on les considère moins comme marchandise que comme signe reTOME XIX.

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rapport au tribunat (2). Les travaux des deux orateurs ne sont, comme on verra, que la reproduction en d'autres termes des

présentatif des valeurs et comme instrument d'échange; et les transports de propriété qui se font ainsi pour de la monnaie, ont été, dès les temps les plus reculés, désignés par le nom de ventes.

2. Les échanges faits par le moyen des monnaies et distingués sous le nom de vente, parurent aux législateurs romains d'une telle importance pour l'ordre social, qu'ils mirent le contrat de vente dans la classe des contrats nommés à l'exécution desquels la loi contraignait les parties, et ils laissèrent les échanges au nombre des contrats consensuels, des simples pactes, dont l'exécution fut d'abord livrée à la bonne foi des contractants et pour lesquels il n'y eut ensuite, pendant plusieurs siècles, d'action civile que quand ils avaient été exécutés par l'une des parties.

3. Ces divers effets donnés par la jurisprudence romaine à la vente et à l'échange ont fixé l'attention sur les différences dans la nature de ces deux contrats. Ces différences ne sont point essentielles, puisque des deux sectes entre lesquelles se divisaient les jurisconsultes, celle des Sabiniens soutenait que l'échange était un vrai contrat de vente. Il fut reconnu par la loi première (ff., De contrah. emptione) que l'échange no doit point être confondu avec la vente; que dans l'échange on ne peut pas distinguer celle des choses échangées, qui est le prix de celle qui est marchandise au lieu que dans la vente, celui qui livre la marchandise est toujours, sous le nom de vendeur, distingué de celui qui, ne livrant que la monnaie ou le prix pécuniaire, est appelé acheteur. Aliud est prelium, aliud mera, quod in permutatione discerni non potest uter emptor, uter venditor sit (L. 1, ff., De contrah.empt.).

4. La vente et l'échange ne différent pas seulement dans leur dénomination; ces contrats ont encore quelques effets qui ne sont pas les mêmes. Dans l'une et l'autre, les deux contractants sont obligés de livrer une chose; mais dans l'exécution de cet engagement il y a une différence entre la vente et l'échange. Dans la vente, celui qui achète doit livrer le prix consistant en une somme d'argent, et cette obligation a les effets suivants Le premier, que toutes choses pouvant se convertir en argent, il suffit qu'il soit possible à l'acheteur d'en réaliser le prix en vendant lui-même tout ce qu'il possède, pour que l'acheteur ait le droit de l'y contraindre. Le second effet est que la propriété de ce prix est transférée au vendeur par le seul fait du payement, sans qu'il reste exposé à aucune éviction. Emptor nummos venditori facere cogitur (L. 2, § 2, f., act. vend.). — De son côté, le vendeur doit aussi livrer la chose vendue; mais lorsque c'est un corps certain et déterminé, il est possible que la propriété en soit avec fondement réclamée par une tierce personne; le vendeur doit alors être garant, et l'obligation de transmettre cette propriété ne pouvant plus s'accomplir, il est tenu par l'effet de la garantie de restituer le prix, de rembourser les frais et de payer les dommages

intérêts.

5. Dans l'échange, il s'agit d'objets mobiliers ou immobiliers qui sont à livrer de part et d'autre; chaque contractant ne peut donc aussi être contraint de livrer la chose même dont il n'est pas propriétaire, et d'en maintenir la possession s'il l'a livrée. Mais alors quelle est l'espèce de garantie que l'équité peut admettre? — L'objet déterminé, qui n'a été promis ou livré que pour un autre objet déterminé, ne peut pas être effectivement remplacé par une somme d'argent. Il est donc juste que si l'un des copermutants a déjà reçu la chose à lui donnée en échange, et s'il prouve ensuite que l'autre contractant n'est pas propriétaire de cette chose, il ne puisse être forcé à livrer celle qu'il a promise en contre-échange, mais seulement à rendre celle qu'il a reçue. Il est également juste que celui qui est évincé de la chose qu'il a reçue en échange, ait le choix de conclure à des dommages-intérêts, ou de répéter sa chose, 6. La rescision pour cause de lésion a été admise dans le contrat de vente d'immeubles en faveur du vendeur. Il était nécessaire de maintenir une règle dictée par des sentiments d'humanité; c'est le moyen d'empecher que la cupidité n'abuse du besoin, qui, le plus souvent, force le vendeur à ces alienations. Ce genre de réclamation n'a point été admis au profit de l'acheteur : c'est toujours volontairement qu'il contracte. S'il donne un prix plus considérable que la valeur réelle, on peut présumer que c'est par des considérations de convenance que lui seul pouvait apprécier; qu'ainsi le contrat doit à cet égard faire la loi. — Les motifs qui ont fait rejeter, à l'égard de l'acheteur, l'action en rescision de vente d'immeubles pour cause de lésion, l'ont aussi fait exclure dans le contrat d'échange. Il est également l'effet de la volonté libre et de la convenance des copermutants. Chacun d'eux est d'ailleurs à la fois vendeur et acquéreur. Il y aurait donc contradiction, si dans le contrat d'échange l'action dont il s'agit était admise, lorsque dans le contrat de vente elle n'a point été accordée à l'acheteur. Telles sont les observations particulières dont le contrat d'échange est susceptible: on doit d'ailleurs lui appliquer toutes les règles prescrites par le contrat de vente.

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(2) Rapport fait au tribunat, par le tribun Faure, au nom de la sec tion de législation, sur la loi relative à l'échange (séance du 14 vent. an 12). 7. Tribuns, après vous avoir présenté l'analyse motivée du projet do loi relatif à la vente, il me reste à vous entretenir du projet relatif à l'é65

principes formulés par Pothier.- La loi décrétée le 7 mars 1804 a été promulguée le 17; elle forme le titre 7 du liv. 3 c. civ. (1). 5. Parmi les législations étrangères, quelques-unes renferment des principes identiques à ceux que nos lois ont établis; d'autres les ont modifiés, ou s'en sont écartées d'une manière plus ou moins absolue. On en parlera dans le cours de cet article. En quoi il diffère

§ 2.- Nature et forme de l'échange.

de la vente.

6. L'échange est un contrat commutatif, c'est-à-dire que chaque partie s'engage à donner une chose qu'elle regarde comme l'équivalent de celle qu'on lui donne (c. civ. 1104). C'est aussi un contrat synallagmatique par lequel chaque partie doit, comme dans la vente, transférer à l'autre la propriété. A cet égard, le code civil a rejeté le principe de la loi romaine, d'après laquelle i suffisait que l'échangiste livrât à son coéchangiste l'objet échangé et qu'il lui en procurât une jouissance paisible (V. Pothier, suprà, p. 512, en note, no 621, et M. Troplong, no 3). Les obligations des copermutants sont réciproques. Le mot respectivement semble correspondre à cette idée de la loi romaine que, dans l'échange, on ne peut reconnaître quel est le vendeur et l'acheteur (L. 1, D., De contrah. empt.). — Au reste, le code prussien en a une disposition expresse. Dans le contrat d'échange,

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change; celui-ci doit former le titre 7 du livre 3 du code civil. Le contrat d'échange difère seulement du contrat de vente en ce que, dans le dernier, l'une des parties donne à l'autre une somme d'argent pour avoir l'objet qu'elle désire; tandis que dans le premier chacune des deux parties donne et reçoit une chose particulière, autre que de l'argent. - Celte distinction prouve qu'il est impossible que l'échange n'ait pas précédé la vente: ce dernier contrat ne peut pas être plus ancien que la création des signes monétaires, et l'on a dit avec beaucoup de raison que la vente n'était qu'un échange perfectionné. Les règles sont presque en tout point les mêmes pour les deux contrats aussi le projet actuel ne contient-il qu'un très petit nombre de dispositions. Ce qu'on aurait ajouté n'eût été que la répétition de celles contenues dans le projet relatif à la vente, ou de celles consacrées par la loi sur les obligations conventionnelles en général. S'il est dit, art. 1703, que l'échange s'opère par le seul consentement, de même que la vente, c'est pour avertir que le législateur n'admet point la subtilité de la loi romaine, d'après laquelle la convention d'échange ne produisait aucune obligation civile, tant qu'elle n'avait pas été consentie par l'un des contractants: elle était qualifiée de contrat innommé. La vente, au contraire, produisait une obligation civile sans avoir reçu encore aucune exécution: elle était au rang des contrats nommés. Le projet se borne à prévoir trois cas: 1° le cas où l'un des copermutants a donné ce qui ne lui appartenait point, et où l'autre n'a encore rien livré;- 2o Le cas de l'éviction; -3° Celui de la lésion.

8. Il décide d'abord que si une chose est donnée à titre d'échange par celui qui n'en est pas le propriétaire, la partie qui l'a reçue n'est pas obligée de livrer l'objet promis en contre-échange. La restitution de l'objet reçu éteint toute obligation. En effet, les parties n'ont contracté que pour acquérir l'une et l'autre la propriété de ce qu'elles se donneraient respectivement, et non pas pour acquérir une simple possession qui ne pourrait se convertir en propriété qu'après le temps nécessaire pour la prescription, ou par la vente qu'en ferait le véritable propriétaire lui-même.

9. Quant à l'éviction, le projet décide que le copermutant, évincé de ce qu'il tient à titre d'échange, a droit à des dommages et intérêts; la justice en arbitrera le montant. Aime-t-il mieux répéter sa propre chose? on ne peut se dispenser de la lui rendre : c'est à lui d'opter. La loi lui laisse le choix du parti qui lui conviendra le mieux.

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10. Enfin, si l'un des copermutants est lésé, quelque considérable que soit la lésion, il ne peut faire rescinder le contrat. On a remarqué, par rapport au contrat de vente, que la rescision pour cause de lésion était admise uniquement en faveur du vendeur, jamais en faveur de l'acheteur. - On se rappelle la raison de cette différence Souvent le vendeur n'a disposé de sa chose à vil prix que par l'effet d'un besoin urgent qui l'a forcé de s'immoler à la cupidité d'un acheteur impitoyable. L'humanité de la loi vient le consoler de l'insensibilité de l'homme. L'acheteur, qui prétend avoir fait un trop grand sacrifice pour son acquisition, ne peut exciter le même intérêt. Ce n'est pas par besoin qu'il a contracté, c'est parce que l'objet qu'il a cru devoir acquérir était à sa convenance. Or cette convenance seule suffit pour ajouter au prix réel un prix d'affection, qui ne peut avoir de tarif aux yeux de la loi. Ce qui vient d'être dit sur l'acheteur est parfaitement applicable à chacun des copermutants. En matière d'échange il ne s'agit point de se procurer une somme d'argent. L'échange n'est jamais le résultat de la détresse. Si celui qui dispose à ce titre était dans le besoin, il vendrait et n'échangerait pas. Le motif qui a fait admettre la rescision en faveur du vendeur n'est donc nullement applicable à ceux qui disposent à titre d'échange. Puisque dans le contrat

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chacun des deux copermutants est regardé comme vendeur pour ce qu'il donne, et comme acheteur pour ce qu'il accepte (part. 1, tit. 1, art. 364; V. M. Anthoine de Saint-Joseph, Concord. des codes étrangers avec le code civil). V. aussi Pothier, suprà, n° 619 et disc. des orateurs, n° 3, 6, 10, et vo Enregistr., nos 3194 et suiv., 3200, 3205, 3181 et suiv.- L'échange peut constituer un acte de commerce.-V. ce mot no 27.

7. C'est avec la vente que l'échange présente la plus grande affinité, permutatio vicina emptioni (L. 2, ff., De rer. permut.). Aussi le code civil, art. 1707, a-t-il déclaré communes à l'échange les règles de la vente auxquelles il ne fait pas exception. Mais il en diffère: 1° en ce que, dans celle-ci, il n'y a qu'une chose vendue et qu'un prix, tandis que dans l'échange il y a deux choses dont chacune peut être considérée comme le prix de l'autre; - 2o En ce que le prix de l'échange no consiste point en argent, mais dans une chose donnée en contreéchange; et il a été jugé que lorsqu'un immeuble a été vendu moyennant tant de pièces de vin que les parties ont estimées en argent, cette estimation ne fait pas du contrat une vente, et ne confère pas à l'acquéreur le droit de se libérer en payant la valeur des vins, mais bien les vins en nature (Cass. 25 therm. an 13) (2). Et que l'immeuble donné à l'échangiste en contreéchange ne peut être assimilé à un prix de vente (Turin, 10 juill.

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11. Ici le projet de loi se réfère pour tous les autres cas aux disposi tions du contrat de vente. Ici se terminent également les observations sur le contrat d'échange. La section de législation a pensé que la sagesse des dispositions de ce projet les rendait dignes de trouver place dans le code; elle m'a chargé de vous en proposer l'adoption. (1) En voici le texte : tit. 7, de l'échange.

1702. L'échange est un contrat par lequel les parties se donnent respectivement une chose pour une autre. - V. n° 1, 3, 5, 7. 1703. L'échange s'opère par le seul consentement, de la même manière que la vente.

1704. Si l'un des copermutants a déjà reçu la chose à lui donnée en échange, et qu'il prouve ensuite que l'autre contractant n'est pas propriétaire de cette chose, il ne peut pas être forcé à livrer celle qu'il a promiso en contre-échange, mais seulement à rendre celle qu'il a reçue. - V. no. 5, 8.

1705. Le copermutant qui est évincé de la chose qu'il a reçue en échange, a le choix de conclure à des dommages-intérêts ou de répéter sa chose. V. no 5, 9.

1706. La rescision pour cause de lésion n'a pas lieu dans le contrat d'échange. V. nos 6, 10.

1707. Toutes les autres règles prescrites pour le contrat de vente s'appliquent d'ailleurs à l'échange.

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(2) Espèce (Rué-Saget C. Bouthier.) Par acte public du 22 vend. an 4, vente par Rué-Saget au sieur Bouthier d'un vignoble moyennant une vache livrée de suite, et cent quatre-vingts pièces de vin livrables dans six années, à la charge de l'intérêt à raison d'une pièce pour vingt sans retenue. Une clause de l'acte évaluait la vache et le vin à 5,000 livres.— Les intérêts, stipulés 5 p. 100, sont exactement payés en nature par l'acquéreur, jusqu'au terme fixé pour l'acquittement du prix principal. A l'échéance de ce terme, demande du vendeur en délivrance des cent quatre-vingts pièces de vin en nature. L'acquéreur offre de payer la somme de 5,000 livres, à laquelle le vin a été évalué par une clause particulière du contrat. Jugement qui le condamne à payer le vin en nature. Appel.- Arrêt infirmatif de la cour de Lyon. Cette cour s'est fondée notamment sur ce que l'acte da 22 vend. an 4 fut passé dans un temps où il n'existait aucun signe monétaire propre à déterminer un prix certain payable à long terme; que le seul moyen de stipuler un prix de cette espèce était donc de le fixer en denrées, eu égard à leur valeur au temps du contrat; que, dans le contrat du 22 vend. an 4 le vin fut la denrée que les parties prirent pour terme de comparaison, afin de déterminer le prix certain dont elles étaient convenues; qu'elles eurent soin en même temps d'évaluer 5,000 livres le vin et autres objets qui furent destinés à représenter le prix dont il s'agit; qu'ainsi l'on de vait tenir pour assuré que Rué- Saget n'avait pas eu l'intention de vendre son vignoble plus de 5,000 livres valeur réelle; qu'enfin la veuve Bouthier ne laissait au vendeur aucun prétexte de se plaindre en lui offrant de déguerpir le domaine, s'il ne consentait pas à accepter la somme offerte. Pourvoi. — Arrêt.

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