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n'était pas falle, et qu'il n'y eût qu'un simple trouble émané d'un tiers dont le droit ne serait pas certain, le copermutant devrait ze borner à suspendre la délivrance jusqu'à ce que l'autre contractant eût fait cesser le trouble. L'art. 1653 c. civ. est, en effet, le complément naturel de l'art. 1704, lequel ne prévoit qu'un cas unique, celui où il y a preuve que la chose est à autrui.

31. Mais que devrait-on décider dans le cas où le copermutant prouverait non que la chose qu'il a reçue est à autrui, mais qu'elle est grevée d'une hypothèque qui était restée ignorée lors du contrat? Il pourrait refuser de livrer celle qu'il a promise en contre-échange ou la répéter s'il l'a livrée, à moins que le cédant n'offre une suffisante caution ou ne fasse cesser le trouble. M.Troplong, no 32 et 33 enseigne aussi cette opinion qu'il fonde sur l'art. 1653 c. civ.; il repousse avec raison l'application trop sévère de l'art. 1704.

82. Enfin, nous ajouterons que, de l'art. 1704, il résulte en outre que le copermutant qui a donné en échange la chose d'autrui, ne serait pas recevable à repousser l'action en nullité déjà intentée par l'autre échangiste, même si, rapportant une ratification du véritable propriétaire, il prouvait qu'il n'y a plus de danger d'éviction.-V. n° 19.

33. La principale obligation de chacun des copermutants, c'est de livrer la chose échangée. Il a été décidé, par exemple, que le copartageant qui a aliéné son lot, sans avoir satisfait, au préalable, à la condition de l'offre d'échange, doit être condamné à le réaliser, lorsqu'il est rentré en possession de son bien, par l'effet d'une rétrocession, sans pouvoir s'en dispenser par le payement de dommages-intérêts (Limoges, 1er juill. 1840, aff. Gouyon, V. Disposit. entre-vifs et testam. (part. d'asc.).

34. Mais, bien que les règles relatives aux obligations du vendeur, en ce qui touche la délivrance, soient en général applicables aux deux copermutants, cependant M. Duvergier, t. 2, n° 426, pense que « le législateur n'ayant fait du défaut ou du surcroft de contenance une cause d'augmentation ou de diminution de prix, et quelquefois un motif de résolution du contrat de vente, que parce qu'il a supposé qu'au delà de certaines limites il n'y avait plus volonté de maintenir la convention, cette présomption doit être admise moins facilement dans l'échange. » En effet, presque toujours ce dernier contrat est déterminé par un motif de convenance personnelle, et la chose reçue en échange n'est acceptée que parce qu'elle est reconnue avoir la valeur de celle cédée en contre-échange. Il est donc difficile d'admettre une demande d'indemnité pour défaut de contenance d'un immeuble échangé; les circonstances peuvent néanmoins servir à faire connaître si les parties ont entendu contracter ad corpus et non ad mensuram. C'est aux tribunaux à apprécier leur intention, et, lorsqu'elle leur paraîtra constante, à appliquer les règles tracées pour la vente.

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35. Cette doctrine a été consacrée par la jurisprudence: (1) (Hugues C. Mannheimer.) — LA cour; - Attendu que le contrat d'échange n'est point assimilé en tout au contrat de vente; en effet, dans la vente il y a un vendeur et un acquéreur, tandis que dans l'échange chacun des contractants est à la fois et vendeur et acquéreur; nul n'est forcé à consentir à un échange comme il pourrait l'être de vendre, et c'est presque toujours la convenance qui est la base de l'échange. Au cas articulier, Hug avait cédé à Mannheimer deux pièces de pré situées au au d'Uffholtz, où ce dernier était domicilié, et qui dès lors était beaucrup plus à sa convenance que les près qu'il a donnés en contre-échange 2 Hug, lesquels sont situés à Aspach-le-Bas; et il n'est pas douteux d'aileurs que les parties ont eu une parfaite connaissance de l'étendue réelle cas prés, objets de l'échange, de même que de leur valeur, puisqu'elles ont porté et consenti réciproquement l'estimation de chacun des prés proposés en échange, à une somme égale de 4,000 fr.;-Il est évident dès lors que les parties ont eu en vue d'échanger plutôt ad corpus que ad mensurum, et que la convenance, comme il arrive dans tous les échanges, a été le principal motif, surtout de Mannheimer, puisqu'il n'est pas désavoué que les prés par lui reçus en échange sont d'une bien meilleure qualité que celui qu'il a donné en contre-échange à Hug, et qu'il n'a pas été contesté qu'au ban d'Uffholtz la mesure agraire varie en plus ou en moins, selon que le sol est bon ou médiocre; c'est-à-dire que dans les bons cantons la mesure est plus petite que dans les autres, et qu'il est évident au reste que la mesure nouvelle, accolée à l'ancienne au contrat, a été basée sur une table fautive, qui a été rectifiée depuis; ce qui au surplus devient indifférent, dès qu'il est reconnu que l'échange a eu lieu 24 corpus, et que Mannheimer a dû attacher un prix d'affection aux prés

ainsi, il a été décidé que, dans un échange fait ad corpus et non ad mensuram, de deux immeubles estimés au même prix, les parties ne pouvaient réclamer une indemnité (Colmar, 1er mai 1807) (1): on ne voit pas si, dans l'espèce, il y avait expression de contenance. C'est donc là, dit M. Troplong, no 34, un arrêt d'espèce, et toute sa portée c'est de montrer que, dans les ques. tions de cette nature, il faut tenir grand compte des circon. stances du fait et de l'intention des parties. Nous croyons, au contraire, qu'il ressort de cet arrêt un point assez précis que résume notre notice et qui n'est pas sans intérêt. - Au reste, il

y aurait lieu à indemnité, si, par exemple, l'échangiste n'avait pas reçu le nombre de journaux portés dans son contrat d'échange; en pareil cas, il aurait droit à une indemnité, fixée d'après leur valeur, non au jour de l'échange, mais à celui de la condamnation (Req. 9 nov. 1813) (2).

36. Quelquefois, il arrive qu'un acte d'échange laisse planer des doutes sur l'étendue de l'objet cédé par l'un des copermutants; il y a lieu, dans ce cas, comme dans la vente, de les résoudre contre lui (Pau, 14 mai 1830, aff. Latxague, V. Transport).—C'est par application de cette règle qu'il a été jugé que le droit qu'ont souverainement les cours d'appel d'interpréter les contrats, s'applique même au cas où un contrat (d'échange), intervenu entre particuliers et l'Etat, a été ratifié par une loi spéciale; que, par suite, on ne peut se faire un moyen de cassation pris de la violation de cette loi, en ce que, par appréciation de l'intention des contractants, un arrêt a prêté à certaines clauses tel sens plutôt que tel autre (Rej. 19 février 1840, aff. Lecourbe, V. Cassation, n° 1598). Les principes que renferme cette décision avaient été déjà consacrés par la cour de Paris : « Considérant, porte l'arrêt, que les lois qui autorisent les échanges du domaine de l'État ou de la couronne, confèrent seulement la capacité nécessaire pour contracter, mais n'ont pas pour effet de soustraire les actes passés en vertu de ces lois aux règles des contrats de cette nature; que si les tribunaux ne peuvent déclarer irrégulier un échange autorisé par une loi, ils doivent cependant appliquer ces lois, interpréter les coutrats, et en assurer l'exécution conformément à l'intention des parties (Paris, 3 mai 1838, aff. Cousin).

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37. C'est toujours par application du principe en vertu du. quel les tribunaux sont souverains appréciateurs de l'intention des copermutants qu'il a encore été décidé que, dans le silence d'un acte d'échange sur le point de savoir si un biez qui traverse un terrain échangé, et qui est compris dans ses confins, a élé cédé avec ce terrain, on a pu déclarer par interprétation, que c'était la jouissance seulement et non la propriété du biez quê avait été cédée, sans pour cela donner prise à la censure de la cour suprême, et spécialement on a pu le décider ainsi, dans un cas où le biez servait au mouvement d'un moulin appartenant l'échangiste et resté sa propriété (Req. 1er juill. 1834) (3).—Cett)

à lui cédés. En tout cas, il ne tient qu'à ses héritiers, s'ils croient êtry lésés, d'accepter les offres que les héritiers Hug ont bien voulu leur faire de résilier le contrat ; - Par ces motifs, dit mal iugé, etc.

Du 1er mai 1807.-C. de Colmar.

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(2) Espèce: (Redern C. Coutte.) — Le sieur Redern, après avoir acquis du district de Péronne 500 journaux de terre, en échangea 176 au sieur Coutte contre un domaine. Après quinze années de silence, le sieur Coutte assigna le sieur Redern en payement de 4,000 fr. pour 5 journaux qui ne lui avaient pas été délivrés. Le sieur Redern, qui ne pouvait les lui compléter, offrit de lui en payer le montant d'aprés leur valeur au moment de l'échange, mais un jugement et sur l'appel, un arrêt de la cour d'Amiens, du 21 mars 1812, ont décidé que le prix serait fixé d'après leur valeur au jour de la condamnation.—Pourvoi pour violation de l'art. 1637 c. civ. — Arrêt.

LA COUR; Considérant que l'arrêt attaqué en condamnant le demandeur à payer cette indemnité d'après la valeur de ces journaux au moment de cette condamnation, a fait une juste application de l'art. 1657 c. Nap.; Rejelte.

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Du 9 nov. 1815.-C. C., sect. req.-MM. Lasaudade, pr.-Babille, rap. (3) Espèce: (Flacbat C. Mas.) Mas possédait une usine à soir, alimentée par un biez servant à conduire les eaux du canal de dérivation de la rivière d'Arles. Il était également propriétaire d'une prairie traversée et arrosée par ce même biez.

Par contrat d'échange du 24 août 1796, Mas céda partie de cette prairie au sieur Hervier et à la dame veuve Lafond. Suivant l'acte, la portion

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décision, comme on le voit, faisait quelque difficulté en thèse de droit rigoureux; car, d'une part, la propriété d'un fonds se compose du dessus et du dessous (c. civ. 552), et celui qui achète un fonds est présumé avoir acquis tous les accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel (c. civ. 1615). D'un autre côté, les clauses obscures des actes s'interprètent contre le vendeur (1602). Cependant le biez d'un moulin, servant au jeu d'une usine doit plutôt être considéré comme l'accessoire du moulin que du fonds qu'il traverse; ce n'est pas d'une propriété pareille qu'il est vrai de dire que la propriété du fonds emporte la propriété du dessus et du dessous; il en serait de même si un aqueduc s'était trouvé au-dessous de la propriété acquise. Il y avait donc silence dans l'acte d'échange sur ce point, et l'état des lieux, la position des parties déterminaient l'interprétation du contrat, dans le sens qui lui a été donné. Par là s'écartait aussi l'objection tirée de l'art. 1602.

38. L'art. 1704 statue que celui des échangistes qui, après avoir reçu la chose à lui promise en échange, prouve que l'autre contractant n'en était pas propriétaire lui-même, ne peut être forcé de livrer celle qu'il a promise, mais seulement de rendre celle qu'il a reçue. Mais, qu'arrivera-t-il, dans le cas où les parties s'étant respectivement dessaisies, l'une d'elles vient à prouver que la chose qu'elle a reçue appartient à autrui? Pourrat-elle, en démontrant qu'elle est menacée par un danger réel, demander la nullité du contrat et la restitution de sa chose, ou sera-t-elle obligée d'attendre qu'elle ait été dépouillée par l'éviction? La difficulté vient de ce que le législateur, dans l'art. 1704, semble n'avoir prévu que le cas où, le contrat n'étant pas exécuté, le coéchangiste menacé pourrait se refuser à son exécution, et non celui où, le contrat étant exécuté, il s'agirait de le rompre. Toutefois, nous sommes portés à croire que le coéchangiste pourra, même avant le trouble, demander la résolution du contrat (résolution dans laquelle la régie voit un nouvel échange, V. Enreg., n° 2446), et c'est ce qui résulte soit d'un arrêt qui a décidé que l'un des copermutants qui vient à découvrir que la chose qui lui a été livrée en échange n'appartenait pas à l'autre contractant et qui a juste sujet de craindre l'éviction, peut demander la résolution du contrat, et par suite la revendication de la chose livrée, avant d'avoir été troublé par le véritable propriétaire (Toulouse, 8 frim. an 13) (1), soit de la doctrine professée par MM. Favard, vo Échange; Duranton, t. 16, n° 541; Troplong, no 23; Duvergier, t. 2, no 413. Il a été jugé que la résolution d'un échange peut être demandée par un échangiste, bien qu'il ait du pré abandonnée est confinée à l'orient par le chemin tendant du moulin Dampierre à la fabrique du sieur Mas. Il faut observer que le bicz en litige se trouve en dedans de ce confin. Cette cession est faite avec fonds, entrées, sorties, prise d'eau au biez qui règne à la tête dudit pré, pour l'irrigation d'icelui. Des contestations s'élèvent sur l'interprétation de ce contrat. Hervier et la dame Lafond prétendent que le biez leur appartient en toute propriété; Mas, au contraire, soutient qu'il ne leur a cédé que le droit d'irrigation.-A l'occasion de ces débats, une enquête et contre-enquête eurent lieu.

29 oct. 1829, jugement qui, entre autres motifs, attendu que c'est par erreur que l'acte d'échange consenti à Hervier comprend, parmi les objets vendus, le biez en litige; - Attendu que plusieurs présomptions établissent cette erreur; Déclare que le sieur Hervier et la dame Lafond n'ont que le droit de jouissance des eaux dudit biez. — Appel. — 2 juill. 1833, arrêt confirmatif de la cour de Lyon.

Pourvoi du sieur Hervier et de la dame Lafond. — Violation des art. 1157, 1158, 1159, 1108, 1109, 1117, 1541 et 1555 c. civ., en ce que l'acte d'échange, étant clair et précis, il n'y avait pas lieu de l'interpréer; qu'en supposant qu'il renfermât une erreur, elle ne pouvait vicier Pacte que lorsqu'elle aurait été légalement prouvée; or, dans l'espèce, la preuve testimoniale était prohibée, puisqu'il s'agissait de prouver contre et outre le contenu aux actes. D'un autre côté, les présomptions qui ont servi de base à la décision des premiers juges ne peuvent non plus être invoquées, aux termes de l'art. 1353, qui ne les autorise que quand la preuve testimoniale est admissible. Arrêt.

LA COUR; Attendu que le biez servant à conduire les eaux du canal de dérivation de la rivière d'Arles ne se trouve pas énoncé dans le contrat l'échange du 7 fruct. an 4, comme faisant partie des objets abandonnés par Antoine Mas le jeune.au sieur Hervier et à la veuve Lafond, repréBentés aujourd'hui par Flachat; Que c'est sur l'énonciation des confins de la portion de pré abandonné par cet échange que Flachat s'est fondé pour prétendre que ce biez lui appartenait, et qu'il avait le droit d'y faire divers travaux; - Qu'il a, en outre, articulé des faits de possession qui TOME XIX.

aliéné l'immeuble reçu en échange, si, depuis la vente, cet immeuble a été saisi et vendu judiciairement sur le tiers acquéreur à la requête des créanciers de l'autre copermutant (Grenoble, 4 mars 1847, aff. Crepisson, D. P. 49. 2. 203).

39. Dans le cas où l'éviction est consommée, le copermutant évincé a le choix, aux termes de l'art. 1705 c. civ., de conclure à des dommages-intérêts, représentant la valeur de la chose qui lui est enlevée, ou bien de répéter celle qu'il a livrée. Toutefois, en lui offrant cette alternative, l'article précité ne lui a pas enlevé le droit de demander, selon les circonstances, outre la restitution de l'objet qu'il a donné en échange, la réparation du dommage qu'a pu lui causer l'éviction (arg. art. 1184, 1707 c. civ.), par exemple, les frais et loyaux coûts de l'acte, et autres causes qui se rattachent à l'art. 1630 c. civ.-V. en ce sens, MM. Troplong, n° 24; Duranton, t. 16, no 545; Duvergier, t. 2, no 416.

40. Il est bien entendu qu'il ne s'agit là que d'une éviction dont les causes sont antérieures au contrat. En effet, si l'échan giste était évincé non ex antiquâ causâ, mais pour une cause postérieure à l'échange consommé, par exemple, pour celle d'utilité publique, des immeubles à lui cédés par l'État, il n'aurait, dans ce cas, qu'une action en indemnité, sans pouvoir demander la résolution du contrat. L'arrêt qui le décide ainsi, va encore plus loin; il considère qu'une indemnité de cette nature, due par l'État dès l'année 1784, a nécessairement été frappée de déchéance, comme toutes les autres créances; que, dès lors, c'est, de la part des tribunaux, empiéter sur les décisions de l'autorité que de statuer sur la question de résolution du contrat d'échange, quant aux conséquences de l'éviction, sans avoir égard à la déchéance de la demande prononcée par l'administration. - Voici la spécialité :

lorsque, après un échange conclu sous l'ancienne monarchie, entre le roi et l'un de ses sujets, celui-ci a été évincé par le souverain lui-même, des terres domaniales qui lui avaient été données en contre-échange, et qu'au lieu de lui délivrer d'autres terres par lui réclamées, le roi lui accorde d'abord la jouissance provisoire d'un droit régalien, tel qu'une perception d'impôt, à titre de gage et de sûreté, et qu'ensuite il lui concède cette jouissance d'une manière définitive, cette concession peut être regardée comme une satisfaction complète donnée à l'échangiste évincé, malgré la nature du droit régalien qui le rendait incessible et incommunicable, malgré son instabilité qui permettait de le révoquer à volonté, malgré la disproportion énorme de cette jouissance usufruitière qui ne se serait pas élevée aux deux cinquièmes du revenu annuel des terres données en échange à l'État, et ont donné lieu à des enquêtes et contre-enquêtes, et à des descentes des juges sur les lieux; Attendu que la cour royale de Lyon, en fondant sa décision sur l'appréciation qu'elle a faite de ces divers moyens d'instruction, et sur l'interprétation qu'elle a faite des énonciations portées dans le contrat du 7 fruct. an 4, n'a fait qu'user d'un droit qui lui appartenait, et n'a violé ni faussement appliqué les dispositions du code civil sur la foi due aux contrats, et sur les règles d'interprétation des conventions, ni aucunes autres lois; Rejette.

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Du 1er juill. 1854.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Moreau, rap. (1) (Azéma C. Albo.) LA COUR; - Attendu que celui qui vend ou denne en échange un immeuble doit nécessairement en avoir la propriété, sans quoi il ne saurait la transmettre à un autre; que celui surtout qui dispose d'une propriété qu'il sait ne pas lui appartenir, commet un dol, et que de cela seul il est tenu des dommages envers celui qu'il a trompé; que ledit Albo ne pouvait pas ignorer que la maison et jardin qu'il donnait en échange n'étaient point sa propriété ; Que celui qui a acquis un immeuble de la part de celui qui n'en avait pas la propriété, mais que l'acheteur croyait de bonne foi être le vrai maître, n'a pas besoin d'attendre l'éviction pour actionner son vendeur, mais qu'il suffit qu'il soit menacé qu'il y ait péril pour qu'il soit autorisé à recourir sur son vendeur c'est ce que décide la loi 30, C., De act. emp. el vendit., § unic., conçue en ces termes : Qui vendidit rem alienam scienter, propter dolum hác actione convenitur, antequàm res evicta sit, etc.; Les auteurs, et notamment Cambolas (liv. 5, chap. 42), enseignent la même doctrine, et attestent que celui qui vend sciemment la chose qui ne lui appartient pas est tenu des dommages-intérêts, et l'acquéreur, venant à découvrir la tromperie et le vice de la chose vendue, pourra d'abord, quoiqu'il ne soit pas troublé par le véritable propriétaire, et avant qu'elle lui soit évincéo ni demandée, contraindre le vendeur à reprendre la chose et à en restituer le prix; d'après cela, c'est le cas de réformer le jugement dont est appel, de résilier l'acte d'échange et d'accueillir ies conclusions du sieur Azema; Par ces motifs, etc.

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Du 8 frim. an 13.-C. de Toulouse.-M. Dast, pr.

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malgré, enfin, les réclamations faites par l'échangiste, après celle concession, comme auparavant, pour obtenir la délivrance des terres domaniales qui lui avaient été promises en contre-échange, si, tout en réclamant, l'échangiste a joui de la perception qui lui a été cédée pendant un temps considérable. Si, plus tard, l'échangiste est encore évincé de cette perception ou jouissance d'un droit régalien par la suppression qu'en prononce le souverain lui-même, à la suite, et en exécution d'un traité de commerce avec une puissance étrangère, cette suppression doit être considérée, non comme une éviction qui donne ouverture à une ac

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(1) Espèce: - (Domaine C. le duc de Gramont.) Les faits qui ont donné lieu à l'examen de ces questions importantes, ont été, comme on le verra plus bas, diversement appréciés par les défenseurs du domaine et par celui du duc de Gramont. On se borne à les présenter tels qu'ils ont été vus par la cour suprême, et qu'ils se trouvent consignés dans la minute même, dont voici, sur ce point, les termes : « Par lettres patentes du 9 août 1460, Charles VII qui avait recouvré, par puissance d'armes sur les Anglais, les côtes de Bordeaux et pays Bordelais, réunit à titre d'échange les villes, châtel, chatellenie et revenu de Blaye, ensemble les postérie, touraige et jaugeage de son châtel de Lombrière de Bordeaux pour être perpétuellement unis et joints au domaine du duché de Guyenne. En compensation et contre-échange desdites choses, Charles céda et délaissa, à titre d'échange, à François sire de Gramont, les châtel, châtellenie et confins d'Orignac et de Saint-Julien, situés aux confins de Comminge, ensemble une pièce de terre appelée Hoire-Grave, pour en disposer comme de choses propres. —Louis XI, successeur de Charles VII, donna au bâtard d'Armagnac le comté de Comminge, dont dépendaient les terres de Saint-Julien et d'Orignac. Il donna aussi au vicomte d'Orle la terre d'Hoire-Grave. Rogier, seigneur de Gramont, successeur de François de Gramont, réclama sous le règne de Charles VIII. Il demanda que le roi lui rendit les choses données par la famille de Gramont en échange, ou la récompense d'autres seigneuries de la valeur de 1,000 écus d'or de rentes annuelles en fief noble de la qualité desdites terres et seigneuries. Par lettres patentes du 26 sept. 1485, Charles VIII délaissa au sieur Rogier, seigneur de Gramont, par manière de provision, la moitié de la coutume des 12 deniers tournois pour livres qui se levaient sur les marchandises des marchands étrangers, entrant tant en la ville de Bayonne qu'en ports de Saint-Jean-de-Luz et cap Breton, et la moitié de 25 sous tournois qui se levaient sur chaque tonneau de vin, qui se tirait de ladite ville et desdits ports, jusqu'à ce qu'il eût été fait suflisante récompense des choses ci-dessus dites, valant ladite somme de 1,000 écus de rente annuelle. La concession, portée dans ces lettres patentes, fut confirmée par autres lettres patentes de Louis XII, du 18 mars 1499, dans lesquelles il est dit qu'elle est faite de manière et par provision et pour sûreté de la récompense des ville et châtel de B'aye, et qu'ayant fait et fourni autre récompense ou contre-échange valable, ladite somme de 1,000 écus de rente, soit exigible conformément aux lettres patentes octroyées par le roi Charles. Pareille confirmation fut faite par lettres patentes de François ler, du 23 mars 1514.

» Le 31 janv. 1597, Henri IV rendit des lettres patentes qui présentent, dans la cause, une grande innovation. Ce prince céda à Antoine, comte de Gramont, la moitié des droits de la coutume de Bayonne, Saint-Jean-deLuz et cap Breton, de quelque valeur que cette moitié fût alors et pût être par la suite. Il voulut que cette moitié demeurât à la famille de Gramont dès à présent et définitivement en tous droits de propriété pour en jouir comme de leurs propres choses et héritages à eux appartenant. Ces lettres furent enregistrées au parlement de Bordeaux, le 2 avril 1597, sur la demande même de la famille de Gramont. - En 1611, le comte de Gramont demanda, néanmoins, que par provision il lui fût accordé une récompense consistant dans les fonds et revenus du comté de Blaye, quoique Henri IV lui eût accordé définitivement et en toute propriété la moitié des droits de la coutume de Bayonne. Un arrêt du conseil du 10 fév. 1611 renvoya la requête aux trésoriers généraux de France à Bordeaux, pour donner leur avis. Ils le donnèrent le 9 mars 1611. Ils déclarèrent: 1o que les droits de Lombrière, en 1460, donnaient un produit égal aux 2/5 des produits actuels qu'ils fixaient à 106,000 liv. par année; 2° que la moitié des droits de la coutume de Bayonne était affermée 17,760 liv. Ils ne purent estimer les palus, landes et vacans de Blaye, attendu qu'ils étaient couverts d'eau par suite d'un débordement de la Garonne. Ils finirent par déclarer que sa majesté et les seigneurs de son conseil jugeraient si le délaissement en toute propriété, fait par Henri IV, l'avait été pour entière récompense du sieur de Gramont ou pour portion d'icelle.

» Le 14 mai 1784, Louis XVI rendit, en son conseil d'État, un arrêt portant que le port de Bayonne, ainsi que les ports de Saint-Jean-de-Luz et leurs territoires seraient déclarés ports franes. Par lettres patentes du 4 juillet suivant, le roi supprima et abrogea le droit de la coutume de Bayonne. Il renonça à la portion de ce droit qui ai appartenait, et se réserva d'indemniser la maison de Gramont de la portion qui lui avait été acquise en propriété. — Le duc de Gramont ayant réclamé, le roi rendit

tion réelle en faveur de l'échangiste, pour reprendre les biens par lui cédés, ou réclamer ceux qui lui avaient été originairement promis, mais comme une expropriation pour cause d'utilité publique, qui n'ouvre en faveur de l'échangiste qu'une simple action mobilière en indemnité; et cela, quoiqu'aucune des for malités ordinaires de l'expropriation pour cause d'utilité publique n'aient été observées, que l'indemnité n'ait pas été payée d'avance, et que même le mot d'expropriation n'ait pas été prononcé dans l'édit de suppression (Cass. 6 avril 1835) (1). — Et enfin, l'action de l'échangiste évincé, une fois réduite à un simple droit

en son conseil, le 9 janv. 1786, un arrêt par lequel il ordonna que l'in demnité qu'il avait réservée à la maison de Gramont, par l'art. 11 des lettres patentes du 4 juill. 1784, serait réglée par une transaction passée entre sa majesté et le duc de Gramont, à l'effet de quoi le roi nomma des commissaires pour traiter en son nom. Le 11 juill. 1790, il intervint un second arrêt du conseil portant qu'il serait délivré incessamment au sieur de Gramont des terres domaniales du produit annuel de 106,000 liv., sur lesquelles seraient transportées et tiendraient toutes les hypothèques qui pourraient exister sur ladite moitié de la coutume de Bayonne.-La délivrance des terres domaniales, ordonnée par cet arrêt du conseil, éprouva de grandes difficultés. Le sieur de Gramont réclama auprès de l'assemblée constituante et de l'assemblée législative, mais il ne fut pas statué sur ces réclamations; il produisit ses demandes auprès du gouvernement en l'an 9. Le 29 germ. an 9, le liquidateur général de la dette publique prit un arrêté qui liquidait le montant de l'indemnité à la somme de 1,160,109 fr. Cet arrêté n'a pas reçu son exécution. - Le préfet, demandeur en cassation, affirme que le certificat de cette liquidation n'a jamais été délivré au sieur de Gramont, et que le décret du 25 fév. 1808 étant survenu, il en fut fait application à la créance du sieur de Gramont. Cette créance fut, en effet, portée sur le 46° état sommaire de rejet, dressé par le ministre, en exécution de l'art. 9 de ce décret.-Cet état fut adopté définitivement par le conseil de liquidation le 6 avril 1809.

» Le sieur de Gramont décéda apres avoir institué, pour son héritière, la dame du Merle, son épouse, celle-ci est aussi décédée, laissant pour héritier le comte du Merle, son frère. Par l'effet d'une transaction et d'une cession, intervenue en 1824, entre M. le comte du Merle et M. le duc de Gramont, partie au procès, celui-ci est devenu propriétaire de tous les droits et actions qui pouvaient compéter à M. le comte du Merle, en vertu desdits contrats. Le 18 mars 1829, le duc de Gramont fit assigner l'État en la personne du préfet du département de la Gironde, devant le tribunal de première instance de Blaye, après avoir rempli les formalités prescrites par la loi du 5 nov. 1790. Cette demande avait pour objet de faire déclarer que, faute par l'État de fournir au duc de Gramont le contre-échange des immeubles promis à ses auteurs par les lettres patentes, arrêt du conseil et autres actes, le duc de Gramont aurait droit de rentrer dans la propriété ainsi que dans la possession et jouissance des immeubles cédés a la couronne par feu sire François de Gramont. — Le 6 mai 1831, le tribunal de première instance de Blaye rendit un jugement contradictoire, par lequel il déclara le duc de Gramont non recevable, sauf à lui à se pourvoir devant qui de droit pour le payement de l'indemnité, qui avait été réglée en faveur de François de Gramont.

Les motifs de ce jugement portent: -«Attendu qu'il résulte du titre de 1597, qu'Henri IV, en abandonnant à Antoine de Gramont, en toute propriété pour lui et les siens à l'avenir, la moitié des droits de la commune de Bayonne, Saint-Jean-de-Luz et Cap-Breton, quelle qu'en soit à présent (y est-il dit), ou puisse en être ci-après la valeur, voulant qu'elle leur demeure dès à présent définitivement, en tous droits de propriété, comme leur chose propre et héritage à eux entièrement ap partenant, a voulu mettre fin aux réclamations que la famille de Gramont n'avait cessé de faire auprès des rois ses prédécesseurs, et qu'elle renouvelait encore pour qu'il lui fût délivré des terres et châteaux d'égale valeur à ceux qu'elle avait cédés par l'échange de 1460;-Que les lettres patentes portant cet abandon ont été revêtues de toutes les formalités requises pour en assurer l'exécution; Que la famille de Gramont a joni, en vertu de ces titres, comme propriétaire des droits concédés, pendant près de deux siècles, sans aucune interruption; Attend que si, en 1784, le duc de Gramont a été dépossédé de la portion des droits qui lui était acquise à si juste titre, il a éprouvé une expropriation que l'utilité publique a nécessitée, et à laquelle son intérêt, comme celui du gouvernement même, a été obligé de se soumettre;-Que, d'après les principes de la jurisprudence ancienne et moderne, et notamment d'après les dispositions de l'ord. du 14 mai 1784, cette expropriation ne pouvait donner lieu qu'à une indemnité;-Attendu que ce n'est que de cette époque que doivent compter les droits du duc de Gramont comme créancier de l'Etat ; -Que si, depuis, il est intervenu en faveur du duc de Gramont des décisions contraires à ces principes, elles sont demeurées sans effet, et doivent être considérées comme non avenues;- Attendu que si Louis XVI, après avoir fait régler par des commissaires la valeur des droits dont le duc de Gramont se trouvait dépossédé par la suppression de ceux de la coutume de Bayonne, laquelle fut fixée à 106,000 liv. de revenu par an,

de créance ou indemnité pécuniaire, tombe sous l'application du écret de déchéance du 25 fév. 1808, alors surtout qu'elle a été

a ordonné, par arrêt du conseil d'État, du 14 juill. 1790, qu'il lui sePait délivré des terres domaniales, donnant ce revenu au capital de 4,240,000 liv., cet arrêt n'a point été exécuté, soit parce que les prétentions du duc de Gramont ne se trouvèrent point satisfaites, soit parce que les lois relatives à l'inaliénabilité des domaines de la couronne s'opposaient à ce qu'il en fût délivré aucune portion; · Attendu que le feu duc de Gramont a si bien reconnu qu'il était créancier de l'État à raison de l'indemnité qui lui était due, qu'il a adressé sa demande au comité de liquidation, qui, dans la séance du 29 germ. an 9, a liquidé sa réclamation à la somme de 1,160,109 liv., avec intérêt à 5 pour 100 sans retenue, à compter du 1er janv. 1791;-Qu'après le décès du duc de Gramont, sa veuve s'est pourvue auprès du gouvernement, en 1806, pour qu'il lui fût délivré, en inscriptions sur le grand-livre de la dette publique, le montant de l'indemnite réglée en l'an 9, en faveur de son mari; -Attendu qu'Antoine de Gramont, demandeur, n'est que le représentant et l'ayant cause de la dame du Merle, veuve et donataire du duc de Gra mont, en faveur duquel a été faite la liquidation de l'indemnité en l'an 9, et qu'il ne peut avoir plus de droit qu'elle n'en avait elle-même ;- Que la question de l'indemnité, ayant été décidée, par la fixation qui en a été faite, si le feu duc de Gramont ni sa veuve n'en ont pu obtenir le payement, l'autorité judiciaire est incompétente pour juger du mérite des raisons qui se sont opposées à ce payement, pour lequel le duc de Gramont pent faire valoir ses droits; Attendu que, dans cet état de choses, les dernières conclusions du duc de Gramont, tendantes à ce que l'État soit condamné à lui délivrer des terres domaniales en contre-échange de celles qui ont été cédées par sa famille, ou à lui délaisser celles qui n'ont point été aliénées, sont inadmissibles, et sa demande mal fondée. »

Sur l'appel du duc de Gramont, arrêt de la cour de Bordeaux, du 19 août 1853, qui infirme: «Attendu que le duc de Gramont n'a point renoncé à son action en revendication des immeubles en litige; que dans les diverses réclamations qu'il a successivement portées devant le conseil d'État, devant l'assemblée nationale, la direction générale de liquidation et devant le ministre des finances, il demandait à être indemnisé en terres domaniales; que cette demande était faite en exécution de l'échange de 1442 ou 1460;-Que, bien loin qu'il ait par là opté pour une indemnité, il exerçait tous les droits qui pouvaient résulter de l'échange, et conservait celui de demander le dé aissement des fonds cédés dans le cas où l'indemnité en terres domaniales lui serait refusée; que, par la nature de l'indemnité qu'il réclamait, il exerçait tout à la fois l'action réelle en délaissement des terres domaniales et l'action personnelle; - Attendu, quant à la prescription, que si l'on doit considérer l'arrêt du conseil du 11 juill. 1790 comme interruptif de la prescription, il se serait encore écoulé plus de trente-huit ans jusqu'au 18 mars 1829, époque de l'assignation donnée par le duc de Gramont, ce qui ferait un temps plus que suffisant pour accomplir la prescription;-Mais qu'il y a lieu d'examiner si, dans l'intervalle, il n'était pas survenu des actes qui l'aient interrompue; Attendu que l'État objecte que lorsqu'on a deux actions distinctes, l'exercice de l'une n'interrompt pas la prescription de l'autre; que, dans l'espèce, l'action en délaissement est tout à fait distincte de l'action en indemnité; qu'il y a une difference absolue entre la demande en résolution du contrat et en revendication de l'objet donné en échange, et la réclamation de l'indemnr'é; que l'une est exclusive de l'autre, et que d'ailleurs leur interruption serait non avenue, puisque la demande en indemnité aurait été rejetée; — Que cette défense de l'État ne peut recevoir ici d'application à raison de la nature du droit des réclamations formées par le duc de Gramont; que le duc de Gramont avait droit à une indemnité en fonds de terre; qu'en réclamant une indemnité de cette nalure, c'était une action réelle qu'il exerçait; qu'une décision du directeur général de la dette publique, du 29 germ. an 9 ( 19 avril 1801), a reconnu qu'il avait droit à une indemnité, et que, par conséquent, il serait fondé à revendiquer les domaines en échange, dont l'indemnité ne serait que la représentation; que cette revendication se trouvait implicitement comprise dans les différentes demandes formées contre l'État par le duc de Gramont;Attendu que l'État prétend vainement que la suppression de la coutume de Bayonne constitue une véritable expropriation pour cause d'utilité publique; que le duc de Gramont, devenu propriétaire en vertu de lettres patentes du 31 janv. 1597, s'est trouvé dans la situation de tout autre propriétaire dans le même cas; qu'il n'avait droit qu'à une indemnité, et que sa demande ayant été rejetée, il n'est pas fondé à revendiquer des fonds irrévocablement incorporés au domaine de l'État; Que les droits de l'État ne sont autres que ceux qui lai furent concédés par le contrat d'échange de 1460; que, soit qu'il y ait éviction proprement dite, ou expropriation pour cause d'utilité publique, l'État est garant de son fait; qu'il doit en subir les conséquences; que puisqu'il dépossède l'échangiste, il ne peut conserver les domaines donnés en échange, et que l'échangiste est fondé à en demander le délaissement; - Faisant droit de l'appel interjeté par le duc de Gramont, du jugement du tribunal de Blaye, du 6 mai 1831, émendant, condamne l'Etat, en la personne de M. le préfet du département de la Gironde, à délaisser au duc de

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Gramont le titre et la propriété des biens situés à Blaye, cédés par ses auteurs à titre d'échange, à la couronne, en 1442, savoir: 1° l'ancien château de Blaye, connu sous le nom de citadelle de Blaye, situé en ladite ville, ensemble les terrains en dépendants connus sous le nom de cônes, de glacis, la prairie qui se trouve au bas des cônes sur les bords de la Gironde, touchant le tout dans son ensemble à la rivière de Gironde, au chemin de Blaye et à la route de Paris; 2° toute la partie non aliénée et non cédée à des particuliers de terrains connus sous le nom de Comtau, situés commune de Blaye, d'Étaulières, Saint-Giron, Saint Christoly et autres, le tout sans préjudice des droits des tiers.-Si mieux n'aime l'État fournir au duc de Gramont des terres domaniales d'une valeur de 104,590 fr. de revenu, en contre-échange de celles qui furent délaissées à l'Etat par l'auteur de l'appelant, en 1442; - Option que l'État sera tenu de faire dans le délai de trois ans, pendant lequel il demeurera en possession, faute de quoi le condamnation au délaissement restera pure et simple; Condamne l'État à la restitution des fruits des immeubles objet du délaissement, à dater de l'assignation; - Réserve à l'État, audit cas de délaissement du consentement du duc de Gramont, le droit de se maintenir en possession desdits biens, au moyen de l'aliénation pour cause d'utilité publique, à la charge de payer le prix qui sera ultérieurement réglé. »

Pourvoi de l'administration du domaine.— On soutenait que l'arrêt at taqué violait: 1° les règles relatives à la garantie en matière d'éviction pour causes nouvelles survenues depuis le contrat, en ce qu'il a admis l'action en revendication du duc de Gramont; 2° les principes en matière de prescription, en ce que cet arrèt a accueilli une action éteinte par un laps de plus de trente ans écoulés saus interruption légale de la part du créancier; 3° le principe de la démarcation des pouvoirs administratif et judiciaire et les lois relatives à la déchéance de créances arriérées, en ce qu'il a refusé d'appliquer les lois et les arrêtés du conseil de liquidation; 49 enfin, les règles qui régissent le domaine de l'État, en ce que l'arrêt a condamné l'État à délaisser au duc de Gramont un immeuble faisant partie du domaine public, lui laiseant seulement l'option d'en faire l'acquisition par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique.

Sur le premier moyen, on répond: 1° qu'en décidant qu'en 1597, Antoine de Gramont a accepté la concession à lui faite par Henri IV comme un contre-échange, l'arrêt attaqué s'est livré à une appréciation de faits et d'intention qui échappent à toute censure. - 2° Qu'en refusant de voir dans l'édit de 1597 une consommation de l'échange, l'arrêt n'est pas plus critiquable, car il ne saurait y avoir eu transport d'un droit régalien, incessible de sa nature, selon le droit public du royaume (Bacquet, p. 719; Traité de la souveraineté, t. 1, p. 93; Loiseau, des Seigneuries, no 92 et 93; Domat, t. 2, p. 49). En 1597, Antoine de Gramont était un échangiste évincé; il pouvait ou revendiquer ses biens ou réclamer les terres domaniales promises. Rien n'annonce qu'il ait accepté la concession d'une jouissance précaire et imparfaite, telle que la coutume de Bayonne, autrement qu'à titre de gage ou nantissement. La manifestation de la volonté d'accepter celle jouissance à titre d'échange ne se trouve nulle part. Loin de là, Antoine de Gramont réclame depuis 1597, comme il avait réclamé auparavant, témoins l'arrêt du conseil de 1611 et le rapport des trésoriers de France. -5° Que, prît-on l'édit de 1597 comme ayant consommé l'échange de 1460, l'éviction de la coutume en 1784 n'en aurait pas moins fait revivre l'action réelle de l'échangiste évincé; qu'il y a même sur ce point reconnaissance du domaine et chose jugée par le conseil d'Etat; que c'est à tort que le domaine a invoqué la loi 11, De evict., relative à la vente. — V. Pothier, de la Vente, no 92; Nouv. Denizart, vo Garantie, p. 155; Guyot et Merlin, vo Eviction, no 5.

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Sur le deuxième moyen, tiré de la prescription, le défendeur soutient que cette prescription (de l'action réelle) a été interrompue par la conlestation en cause, et même par la reconnaissance de l'État, deux points qui sont l'objet d'une appréciation souveraine de la part de l'arrêt attaqué. Sur le troisième moyen, on répond qu'en statuant sur une action réelle en revendication de propriété, ou en d'autres termes qu'en refusant d'appliquer soit les principes de la chose jugée et de la démarcation des pouvoirs, soit les lois relatives à la déchéance des créances arriérées, l'arrêt attaqué n'a fait que se conformer aux règles de compétence les plus certaines. Sur le quatrième moyen, on fait remarquer que ce moyen est produit pour la première fois devant la cour de cassation, et que l'État, d'ailleurs, est sans intérêt pour le faire valoir; qu'enfin, fût-il admis, la cassation ne devrait être que partielle et restreinte à la citadelle de Blaye. Ensuite, on soutient que les lois suivant lesquelles les biens domaniaux sont régis par des dispositions particulières, et notamment les art. 5 de la loi du 1er déc. 1790, 1 de celle du 8 juill. 1791, tit. 4, et 540 c. civ., ne sont ici d'aucune application; qu'une citadelle, comme tout autre immeuble, ne devient domaniale qu'autant que l'État en a légitimement acquis la propriété, ainsi que l'exprime la loi du 8 juill. 1791; que tant que cette propriété n'est pas purgée, l'État ne peut être propriétaire incommutable, et que nulle part il n'est écrit que l'érection d'une forteresse suffirait pour purger le vice de l'origine de la propriété.—Arrêt (ap. dél. en ch. du cops.),

pas de même, si l'action de l'échangiste n'avait pas cessé d'être réelle. Cette solution ne résulte explicitement que de l'arrêt de la cour d'appel; mais, pour peu qu'on médite sur l'économie de l'arrêt de la cour de cassation, on l'y trouvera implicitement consacrée. La proposition paraît, d'ailleurs, en soi peu contestable (V. D. P. 35. 1. 89). Et dans ce cas, l'action de l'échangiste doit être regardée comme ne pouvant avoir pour objet qu'une indemnité pécuniaire, nonobstant un arrêt du conseil d'État, intervenu depuis la suppression de l'impôt, qui a déclaré réelle et immobilière l'action de l'échangiste, et a condamné l'État à lui délivrer les terres domaniales qui lui ont été promises dans l'acte primitif d'échange (même arrêt).

41. Supposons qu'une partie minime de l'un des immeubles échangés ne soit pas la propriété de l'échangiste, alors, d'ailleurs, qu'il est reconnu que, même sans cette partie, l'échange n'en aurait pas moins été consommé, qu'en adviendra-t-il? La résolution devra-t-elle nécessairement avoir lieu comme au cas où l'éviction serait de la totalité? -Évidemment non. Les juges peuvent, en pareil cas, se borner à condamner l'échangiste à payer au copermutant la valeur de la portion dont celui-ci est évincé, ou en d'autres termes, appliquer l'art. 1636 c. civ. (arg. art. 1707). La jurisprudence a consacré cette règle en décidant 1° que, dans le cas où il s'agit d'un échange dans lequel l'État ou la liste civile serait intéressé, si l'éviction subie par l'État n'est que d'une faible partie des biens qui lui ont été donnés en échange, une cour d'appel peut valablement, et sans violer aucune loi, se borner, au lieu de prononcer la résolution du contrat, à condamner l'autre échangiste à raison de sa bonne foi à payer à l'État la valeur estimative de la portion dont ce dernier a été évincé (Rej. 30 juin 1841, aff. Dupont-Chaumont, V. Domaine de l'État, no 192;

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LA COUR; Vu les lettres-patentes du 31 janv. 1597; les art. 3 et 9, tit. 2, du décret sur la liquidation de la dette publique, du 25 fév. 1808; l'art. 5 de la loi du 25 mars 1817; l'art. 9 de la loi du 29 janv. 1851, et les lois des 24 août 1790 et 16 fruct. an 3;-Considérant que, d'après les lettres-patentes du 31 janv. 1597, en supposant que l'action réelle eût existé tant que la maison de Gramont n'avait été que provisoi rement en possession de la moitié des droits de la coutume de Bayonne, cette action aurait été du moins éteinte par la concession de ces mêmes droits à titre de propriété définitive et absolue; que la maison de Gramont a joui, en effet, comme propriétaire, de la moitié des droits de ladite coutume, pendant cent quatre-vingt-neuf ans ; Que, par conséquent, lorsque le duc de Gramont fut dépossédé, en 1784, dans l'intérêt général de l'État, et en exécution d'un traité conclu avec une nation étrangère, il ne fut plus fondé à demander, à raison de cette dépossession, que l'indemnité que Louis XVI lui avait réservée en supprimant les droits de ladite coutume; Qu'il ne fut plus, dès lors, possible de remonter aux lettres-patentes données par Charles VII, en 1460, quelles qu'elles fussent; — Qu'en effet, la famille de Gramont avait elle-même accepté la transmission qui lui avait été faite par Henri IV de la propriété de la moitié des droits de ladite coutume, en percevant cette moitié de droits comme propriétaire, pendant près de deux siècles;

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Considérant que la créance représentant cette indemnité fut portée, le 6 avril 1809, par le conseil général de liquidation, sur le quarantesixième état sommaire de rejet, dressé en exécution de l'art. 9 du décret du 25 fév. 1808; Que, d'après les lois du 24 août 1790 et du 16 fruct. an 3, il est défendu aux tribunaux d'entreprendre sur les décisions de l'autorité administrative; Que, par conséquent, la cour royale de Bordeaux, en condamnant l'État à fournir au duc de Gramont, défendeur à la cassation, des terres, en exécution des lettres-patentes du 9 août 1460, a méconnu les dispositions de celles du 31 janv. 1597; Que ces dernières lettres avaient été cependant enregistrées audit parlement, le 2 avril 1597, sur la requête de la famille de Gramont, du 31 mars de la même année; - Que ladite cour s'est mise, en outre, en opposition avec la décision administrative qui avait prononcé la déchéance de la demande, comme portant sur une créance antérieure au 1er vend. an 5; Qu'elle est contrevenue aussi à l'art. 5 de la loi du 25 mars 1817, et à l'art. 9 de celle du 29 janv. 1831, qui ont maintenu l'effet des déchéances précédemment encourues et prononcées; - Casse.

Du 6 avril 1835.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Vergès, rap.Dupio, proc. gén., c. conf.-Teste-Lebeau et Dalloz, av.

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P. 52. 1. 79). — En effet, pour que la chose soit, dans ce der nier cas, réputée à autrui, il faut, en matière d'échange aussi bien qu'en matière de vente, que la portion frappée d'éviction soit d'une valeur assez grande pour qu'elle ait dû exercer une influence nécessaire sur la volonté des contractants. Sinon, et c'est ce qui arrivait dans l'espèce, les principes sur la vente de la chose d'autrui sont sans aucune application.

42. Au reste, les échanges entre l'Etat et les particuliers sont généralement soumis, dans le silence de la loi spéciale qui les a autorisés, aux principes du droit commun, quant aux difficultés auxquelles leur exécution peut donner lieu, et spécialement quant aux conséquences de l'éviction (même arrêt du 30 juin). — Jugé en ce sens que les règles concernant la garantie en matière de vente étant applicables en matière d'échange, il en résulte que l'échangiste est tenu, par suite de la garantie, de rapporter mainlevée des inscriptions qui grèvent l'immeuble qu'il a donné en échange, alors même que les créanciers inscrits n'auraient encore dirigé aucune poursuite contre le nouveau propriétaire : —« Attendu, porte un arrêt, que tout vendeur est tenu de la garantie des charges non déclarées lors du contrat de vente; qu'à cet égard les mêmes principes s'appliquent à l'échange, conformément à l'art. 1707 c. civ.; confirme » (Bourges, 2o ch., 25 fév. 1832, M. Beaudoin, pr., aff. Pernin C. Gautherin).

43. Il peut se présenter une autre hypothèse, relative au cas d'éviction; c'est lorsque le propriétaire d'un terrain l'a échangé contre une maison appartenant à l'État, démolie ensuite pour cause d'utilité publique. Dans ce cas, ce propriétaire a droit, si l'échange est annulé faute de formalités, et si le terrain donné en contre-échange ne peut lui être rendu, de réclamer, non pas la valeur des terrains à l'époque de l'échange, mais celle de la maison donnée en contre-échange, à l'époque de sa démolition (décr. cons. d'Ét. 31 juill. 1812) (1). - Telle est aussi l'opinion de MM. Isambert, Voirie, n° 487, et Davenne, eod. verb., p. 126. 44. L'échangiste ne doit, en général, être évincé qu'autant qu'il peut reprendre le fonds qu'il a donné en échange (Rouen, 28 juill. 1827, sous req. 18 nov. 1828, aff. Vimard, V. no 50). 45. Le copermutant qui éprouve un retard dans la jouissance

(1) Espèce: (Decotte C. le domaine.) - Le 9 avril 1715, échange par le roi et Decolte d'un terrain enclavé aujourd'hui dans le jardin des Tuileries et d'un autre terrain faisant partie maintenant de la place du Carrousel. Le premier était couvert de constructions qui furent démolies. Sur le second, l'échangiste fut, le 27 juin 1717, autorisé à construire à charge de démolition si le Louvre était construit. Le 27 fruct. an 3, un arrêté du préfet annule l'échange de 1715, à défaut d'avoir été accompagné des formalités voulues par l'édit de 1711.- Le domaine s'empare du terrain du Carrousel, et le 3 brum. an 10, les constructions qui le coavraient sont démolies; le prix des matériaux est livré à Decotte; il touche pour ces matériaux 14,000 fr. et 27,900 pour le terrain réuni au jardin des Tuileries. Recours. Il soutient que l'échange était valable et que la valeur des constructions doit lui être payée d'après leur valeur réelle, et non pas d'après celui des matériaux.

NAPOLÉON, etc.;- Considérant que l'échange mentionné dans le contrat de 1715 et dans celui de 1717, qui n'est qu'une suite du premier, n'ayant point été revêtu des formalites exigées par l'édit de 1711, cet échange pouvait être considéré comme nul;-Mais que le gouvernement, en prononçant son annulation, a remis les choses dans le même état où elles étaient avant le contrat;- Considérant que les terrains donnés en échange par le sieur Decolte ne pouvant pas lui être rendus, puisqu'ils sont actuellement enclavés dans le jardin des Tuileries, il est juste de lui en payer la valeur;-Et que, pour rendre toutes choses égales, cette valeuf doit être, non la valeur des terrains à l'époque de 1715, mais celle qu'ils avaient à l'époque de la dépossession, suivant les règles prescrites par la loi du 1er décembre et le décret du 11 pluv. an 12;- Considérant, relativement à la valeur des bâtiments élevés sur lesdits terrains, que le sieur Decotte a à se reprocher d'avoir produit trop tard l'acte de 1717; que l'administration a agi d'après l'acte de 1715, et qu'il doit être renvoyé à se pourvoir devant qui de droit, pour se faire payer sa quote-part dans le produit des matériaux; Art. 1. La demande du sieur Decotte, relative au payement de la valeur entière des bâtiments construits sur les terrains donnés en échange à son aïeul, est rejetée, sauf au sieur Decotte à se pourvoir devant qui de droit, pour se faire payer, s'il ne l'a déjà été, de sa quote-part dans le produit de l'adjudication des matériaux desdits bâtiments. Art. 2. L'administration des domaines payera au sieur Decolle la valeur du terrain donné en échange par son aïeul, et aujourd'hui enclavé dans le jardin des Tuileries, ladite valeur calculée sur le prix actuel des autres terrains qui l'avoisinent.

Du 51 juillet 1812.-Décr. cons. d'Ét.

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