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France se peuvent mettre en tête qu'ils la pèu vent vaincre, ils ont à demi vaincu, parce qu'ils font defaits de ce facheux préjugé, comme une caufe (après la premiere caufe) de tous les defordres des Armées. Je n'entrerai pas dans les exemples des expéditions, qui ont été faites jufques à préfent: elles font de trop peu de valeur pour en tirer des confequences, on le pourroit pourtant faire avec quelque raison. Les nouvelles publiques le difent chaque Ordinaire. Il eft vrai que celles de France font diametralement oppofées à celles de Hollande & des autres Etats, qui lui font alliez, & que c'est le véritable moyen de faire vivre perpetuellement le Pyrrhonisme de l'Hiftoire. Il n'y a point de réméde,on ne peut empêcher que celui, qui a été battu de la pouffiere même, fur laquelle il fe traine, ne chante victoire, quand il fauroit bien qu'il ne feroit pas crû de ce fiécle, pourvû qu'il le puiffe être dans les fuivans, quoi qu'il en dût couter pour le faire graver dans fes Bronzes & dans fes marbres aux dépens

de fon or.

Ne peut-on pas faire le même réproche à Mr.Leti que celui qu'il fait à ce Flamand, qui lui foûtenoit temerairement que le Prince d'Orange avoit juré de faire fes Pâques à Paris dans l'Eglife de Charenton, de n'avoir point été préfent à ce ferment? Ne peut-on pas, disje, lui demander, s'il a été préfent à cet autre

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ferment qu'il dit que la fortune a fait d'accompagner tous les momens heureux de la vie de Louis XIV jufques-au tombeau. Comme il y a parité de demande, il y a auffi parité de témérité.

Sur quel fondement Mr. Leti avance-t-il que la bonne fortune de la France trompe & ferme les yeux aux Princes Proteftans de même qu'aux Princes Catholiques. C'est fur le difcours d'un Gentilhomme Allemand qu'il dit être bon Luthérien. Ne voit-on pas le contraire, puis qu'ils font entrez les premiers en conféderation & en action; en conféderations par la Ligue d'Ausbourg, & par d'autres, qui ont plus d'un an de datte, & en action, puis que leurs Armées ont été les premieres en

campagne.

Il n'y a pas plus de raifon à dire que le Roy de France avengle les Princes Catholiques par le prétexte du Roy d'Angleterre; on ne voit encore aucun effet de cet aveuglement, on voit tout le contraire de la part du Pape, de l'Empereur, du Roy d'Efpagne, de l'Electeur de Baviere, &c. par les réponfes publiques, que le Pape a fait à Mr.Porter Envoyé du Roy Jacques, par la lettre de l'Empereur au Roy Jacques, & par le réfusque le dit Empereur, & l'Electeur de Baviere ont fait d'admettre en leurs Cours fon Envoyé, le régardant plûtot comme un Exprez de la France,qu'un Envoyé de la part du Roy Jacques.

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L'avis

L'avis, que Mr. Leti donnc ici fous la forme d'un doute, fi Mr. le Prince d'Orange, aujoudhui Roy d'Angleterre, doit faire la guerre à la France, ou non, eft quelque chofe de rémarquable, puis qu'il vient à la fuite du difcours du Gentilhomme Allemand, auquel Mr. Leti fait dire que le Roy d'Angleterre feul avec fon grand courage & les forces de la Hollande jointes aux fiennes battra la France, &qu'il fuffiroit que les autres Princes fussent spectateurs dans cette affaire fans mettre l'épée a la main, que c'est la conjecture de plufieurs, & que c'est la fienne même.Et cependant ici tout au rébours le Roy d'Angleterre, Guillaume III, ne doit point faire la guerre à la France, & on veut donner des raifons. 1. Qu'une telle Guerre dans un temps comme celuici pourroit être régardée au moins par les Eccléfiaftiques, qui ne favent pas bien les maximes d'Etat, comme une guerre de Religion; ainfi que les François le publient, ce qui au lieu d'aider à détruire la Monarchie du Roy, pourroit aider à l'affermir. 2. Que ce Prince par fa fageffe jugera, qu'il eft de meilleur fens d'attendre à voir ce que feront les Allemans. 3. Qu'il ne voudra rien rifquer, fe contentant de tenir toujours une bonne Armée en

mer.

4. Qu'il a déja beaucoup fait. 5.Qu'il ne doit pas s'engager dans une Guerre étrangere (s'il n'y eft lui-même engagé par la France.) 6. Qu'il peut avoir besoin de fon Armée au-de

dans

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dans pour mieux affûrer l'union des trois Ropropre yaumes; de forte que fon intérêt doit prévaloir fur l'acceffoire. Voilà les raifons que Mr. Leti aporte pour détourner le plus grand de partie,qui fe foit préfenté depuis fort long temps, & contre lequel il fait bien que la France ne fauroit parer.

coup

Je, répondrai donc, & oppoferai raisons à raifons, & ne m'avancerai pas mêmes à donner mon avis, comme fait Mr. Leti par tout, & même en Prophete, afin de laiffer au LeEteur judicieux la liberté de juger de quel côté, de Mr. Leti, ou du mien, eft le bon raisonnement; après cela le Lecteur n'aura pas de peine à prendre parti. Je dirai donc que Mr.Leti tombe dans la plus grande contradiction du monde, quand il ne veut pas ici que le Roy d'Angleterre faffe la guerre à la France, & cependant nous venons de voir que c'eft son sentiment que l'Allemagne fe répofe fur lui, & c'eft ce qu'il nous fait dire encore parfon Gentilhomme Allemand. Que d'effets ne doit pas attendre la caufe commune de cette conduite? Il faut que les Princes de l'Empire fe répofent fur le Roy d'Angleterre, & d'autre part il faut que le Roy d'Angleterre s'en attende fur les Princes de l'Empire, & fe répofe fur eux; & avec d'autant plus de raifon qu'il a beaucoup fait, & qu'il eft temps de fe répofer, ce dernier fentiment étant appuyé des fix C 2

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raifons fus alleguées; & encore pour le mieux appuyer, il ouvre une fource d'inconveniens pour jetter de la poudre aux yeux de tout le monde. Je fuis faché que la mémoire de Mr. Leti ne lui ferve pas mieux que cela; puisque cette contradiction eft fuivie de fi près qu'il y a peu

de pages entre deux : : ne fait-il pas bien auffi qu'il eft impoffible de tarir la fource des inconveniens de quel côté que l'on fe tourne, principalement quand elle eft renduë féconde la fécondité même, qui fe trouve en Mr. Leti.

par

Il me fera auffi bien permis qu'à Mr. Leti d'opposer inconveniens à inconveniens, aufli bien que raifons à raifons. Je n'en ferai pourtant pas un grand ramas, (non funt multiplicanda entia fine neceffitate) il ne faut pas multiplier les êtres fans neceffité. Je me contenterai d'un feul. Je dis donc que nous mettions le Roy d'Angleterre en répos se promener fur la mer, feulement pour se délaffer, tandis qu'il régardera agir les Princes de l'Empire comme Spectateurs, & non pas comme Parties en la caufe: n'eft-il pas vrai que quatre hommes de Milice feront plus que capables de garder 250 lieues des Côtes de la France? encore ces quatre hommes-là auront le loifir de prendre leur répas & leur répos, & de jouer une partie à la boule, dès auffi-tôt que la France aura connu à fonds le deffein du Roy d'Angleterre, ce qu'elle ne tarderoit point à faire,

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