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NOUVEAU FRagment du TRAITÉ DU VIDE.

Ce n'est pas tout: ' qu'ils aient en eux-mêmes un principe de mouvement pour éviter le vide, ont-ils des bras, des jambes, des muscles, des nerfs?

D'abord .... « Leur horreur serait sans effet, s'ils n'avaient des forces pour l'exécuter. Aussi on leur en assigue, et de trèspuissantes. On dit que non-seulement ils ont peur du vide, mais qu'ils ont faculté de l'éviter, se mouvoir pour l'éviter ! »

DISCOURS

SUR LES PASSIONS DE L'AMOUR.

1652 ou 4655.

Ce Discours, qui a été déjà publié, avec quelques légères inexactitudes, dans un recueil périodique, ne pouvait nous échapper dans la lecture minutieuse que nous avons faite des Catalogues des MSS. de la bibliothèque royale, pour compléter autant que possible nos recherches. Du reste, il n'y avait pas grande difficulté dans la découverte, car le Catalogue, non du Résidu de St-Germain, mais du Fonds de St-Germain-Gèvres, donne sous le n° 74 l'indication suivante, très-lisible et très-expresse :

Système de M. Nicole sur la Grâce.

Q. Si la dispute sur la grâce n'est qu'une dispute de nom.
Discours sur les passions de l'amour, par M. Pascal.
Lettre de M. de St-Evremont sur la dévotion feinte.
Introduction à la chaire.

(Un volume in-4°. )

Cet intitulé se retrouve sur la première page du MS, répété dans les mêmes termes; et dans le corps du volume le fragment de Pascal porte ce titre Discours sur les passions de l'amour. On l'attribue à M. Pascal. »

A ces marques extérieures d'authenticité se joignent celles qu'on peut tirer du fragment en lui-même, et qui se montrent en foule à la première lecture. L'âme et l'esprit de Pascal se décèlent partout dans ces pages empreintes d'une mélancolie chaste et ardente.

Enfin, il nous semble que le Discours sur les passions de l'amour se rattache à la biographie de Pascal par des circonstances intéressantes. Nous les indiquons dans notre Introduction et nous montrons que ce fragment doit être certainement de 1652 ou de 1653.

P. F.

SUR LES PASSIONS DE L'AMOUR.

L'homme est né pour penser; aussi n'est-il pas un moment sans le faire; mais les pensées pures qui le rendraient heureux s'il pouvait toujours les soutenir le fatiguent et l'abattent. C'est une vie unie à laquelle il ne peut s'accommoder; il lui faut du remuement et de l'action, c'est-à-dire qu'il est nécessaire qu'il soit quelquefois agité des passions dont il sent dans son cœur des sources si vives et si profondes.

Les passions qui sont les plus convenables à l'homme et qui en renferment beaucoup d'autres sont l'amour et l'ambition elles n'ont guère de liaison ensemble, cependant on les allie assez souvent; mais elles s'affaiblissent l'une l'autre réciproquement, pour ne pas dire qu'elles se ruinent.

Quelque étendue d'esprit que l'on ait, l'on n'est capable que d'une grande passion; c'est pourquoi quand l'amour et l'ambition se rencontrent ensemble, elles ne sont grandes que de la moitié de ce qu'elles seraient s'il n'y avait que l'une ou l'autre. L'âge ne détermine point, ni le commencement, ni la fin de ces deux passions; elles naissent dès les premières années et elles subsistent bien souvent jusqu'au tombeau. Néanmoins comme elles demandent beaucoup de feu, les jeunes gens v sont plus propres et il sem

ble qu'elles se ralentissent avec les années cela est pourtant fort rare.

La vie de l'homme est misérablement courte. On la compte depuis la première entrée dans le monde; pour moi je ne voudrais la compter que depuis la naissance de la raison et depuis qu'on commence à être ébranlé par la raison, ce qui n'arrive pas ordinairement avant vingt ans. Devant ce temps l'on est enfant; et un enfant n'est pas un homme.

Qu'une vie est heureuse quand elle commence par l'amour et qu'elle finit par l'ambition! Si j'avais à en choisir une, je prendrais celle-là. Tant que l'on a du feu, l'on est aimable; mais ce feu s'éteint, il se perd: alors que la place est belle et grande pour l'ambition! La vie tumultueuse est agréable aux grands esprits, mais ceux qui sont médiocres n'y ont aucun plaisir; ils sont machines partout. C'est pourquoi l'amour et l'ambition commençant et finissant la vie, on est dans l'état le plus heureux dont la nature humaine est capable.

A mesure que l'on a plus d'esprit les passions sont plus grandes, parce que les passions n'étant que des sentiments et des pensées qui appartiennent purement à l'esprit quoiqu'elles soient occasionnées par le corps, il est visible qu'elles ne sont plus que l'esprit même et qu'ainsi elles remplissent toute sa capacité. Je ne parle que des passions de feu, car pour les autres elles se mêlent souvent ensemble et causent une confusion très-incommode; mais ce n'est jamais dans ceux qui ont de l'esprit.

Dans une grande àme tout est grand.

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