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grand et tout ce qu'il y a d'abject, afin de sanctifier en soi toutes choses, excepté le péché, et pour être modèle de toutes les conditions.

Pour considérer ce que c'est que la mort, et la mort en Jésus-Christ, il faut voir quel rang elle tient dans son sacrifice continuel et sans interruption, et pour cela remarquer que dans les sacrifices la principale. partie est la mort de l'hostie. L'oblation et la sanctification qui précèdent sont des dispositions; mais l'accomplissement est la mort dans laquelle, par l'anéantissement de la vie, la créature rend à Dieu tout l'hommage dont elle est capable, en s'anéantissant devant les yeux de sa majesté et en adorant sa souveraine existence, qui seule existe réellement. Il est vrai qu'il y a une autre partie après la mort de l'hostie, sans laquelle sa mort est inutile; c'est l'acceptation que Dieu fait du sacrifice. C'est ce qui est dit dans l'Ecriture: Et odoratus est Dominus suavitatem: Et Dieu a odoré et reçu l'odeur du sacrifice. C'est véritablement celle-là qui couronne l'oblation; mais elle est plutôt une action de Dieu vers la créature, que de la créature envers Dieu et n'empêche pas que la dernière action de la créature ne soit la mort.

Toutes ces choses ont été accomplies en Jésus-Christ. En entrant au monde, il s'est offert : Obtulit semetipsum per Spiritum sanctum 2. Ingrediens mundum, dixit: Hostiam noluisti 3. Tunc dixi: Ecce venio. In

'Genèse, 8. 21. Et odoratus est Dominus odorem suavitatis. Hebr., 9. 14.

Hebr., 10.5, 7. Ingrediens mundum dixit: hostiam et oblationem noluisti: corpus autem aptasti mihi.

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capite, etc.. Il s'est offert par le Saint-Esprit. En entrant au monde, Jésus-Christ a dit: Seigneur, les sacrifices ne te sont point agréables; mais tu m'as donné un corps. Lors j'ai dit : Voici que je viens pour faire, ô Dieu, ta volonté, et ta loi est dans le milieu de mon cœur. Voilà son oblation. Sa sanctification a été immédiate. de son oblation. Ce sacrifice a duré toute sa vie, et a été accompli par sa mort. Il a fallu qu'il ait passé par les souffrances, pour entrer en sa gloire 2; et, quoiqu'il fût fils de Dieu, il a fallu qu'il ait appris l'obéissance3. Mais au jour de sa chair, ayant crié avec grands crist à celui qui le pouvait sauver de mort, il a été exaucé pour sa révérence, et Dieu l'a ressuscité et envoyé sa gloire, figurée autrefois par le feu du ciel qui tombait sur les victimes, pour brûler et consumer son corps et le faire vivre spirituel de la vie de la gloire. C'est ce Jésus-Christ a obtenu et qui a été accompli par sa résurrection.

que

Ainsi ce sacrifice étant parfait par la mort de JésusChrist, et consommé même en son corps par sa résurrection où l'image de la chair du péché a été absorbée par la gloire, Jésus-Christ avait tout achevé de sa part; il ne restait que le sacrifice fût accepté de Dieu, que comme la fumée s'élevait et portait l'odeur au trône de Dieu, aussi Jésus-Christ fût, en cet état d'immola

Psalm,139, Tunc dixi: Ecce venio. In capite libri scriptum est de me ut facerem voluntatem tuam: Deus meus volui et legem tuam in medio cordis mei.

On voit, par l'inexactitude habituelle de ses citations, que Pascal cite presque toujours de mémoire les passages de la Bible

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tion parfaite, offert, porté et reçu au trône de Dieu même et c'est ce qui a été accompli en l'ascension en laquelle il est monté; et par sa propre force et par la force de son Saint-Esprit qui l'environnait de toutes parts, il a été enlevé comme la fumée des victimes, figures de Jésus-Christ, était portée en haut par l'air qui 315 la soutenait, figure du Saint-Esprit et les Actes des apôtres nous marquent expressément qu'il fut reçu au ciel, pour nous assurer que ce saint sacrifice accompli en terre a été reçu et acceptable à Dieu, reçu dans le sein de Dieu où il brûle de la gloire dans les siècles des siècles.

Voilà l'état des choses en notre souverain Seigneur. Considérons-les en nous maintenant. Dès le moment que nous entrons dans l'Eglise qui est le monde des fidèles et particulièrement des élus, où Jésus-Christ entra dès le moment de son incarnation par un privilége particulier au fils unique de Dieu, nous sommes offerts et sanctifiés. Ce sacrifice se continue par la vie, et s'accomplit à la mort dans laquelle l'âme quittant véritablement tous les vices et l'amour de la terre, dont la contagion l'infecte toujours durant cette vie, elle achève son immolation et est reçue dans le sein de Dieu.

Ne nous affligeons donc pas comme les païens qui n'ont point d'espérance. Nous n'avons pas perdu mon père au moment de sa mort : nous l'avons perdu, pour ainsi dire, dès qu'il entra dans l'Église par le baptême. Dès lors il était à Dieu; sa vie était vouée à Dieu; ses actions ne regardaient le monde que pour Dieu. Dans sa mort il s'est totalement détaché des péchés; et c'est

en ce moment qu'il a été reçu de Dieu, et que son sacrifice a reçu son accomplissement et son couronnement.

Il a donc fait ce qu'il avait voué : il a achevé l'œuvre que Dieu lui avait donnée à faire; il a accompli la seule chose pour laquelle il était créé. La volonté de Dieu est accomplie en lui, et sa volonté est absorbée en Dieu. Que notre volonté ne sépare donc pas ce que Dieu a uni; et étouffons ou modérons, par l'intelligence de la vérité, les sentiments de la nature corrompue et déçue 316 qui n'a que les fausses images, et qui trouble par ses illusions la sainteté des sentiments que la vérité et l'Evangile nous doit donner.

Ne considérons donc plus la mort comme des païens, mais comme les chrétiens, c'est-à-dire avec l'espérance comme saint Paul l'ordonne, puisque c'est le privilége spécial des chrétiens. Ne considérons plus un corps comme une charogne infecte, car la nature trompeuse se le figure de la sorte; mais comme le temple inviolable et éternel du Saint-Esprit, comme la foi l'apprend. Car nous savons que les corps saints sont habités par le Saint-Esprit jusqu'à la résurrection qui se fera par la vertu de cet esprit qui réside en eux pour cet effet. C'est pour cette raison que nous honorons les reliques des morts, et c'est sur ce vrai principe que l'on donnait autrefois l'Eucharistie dans la bouche des morts parce que, comme on savait qu'ils étaient le temple du Saint-Esprit, on croyait qu'ils méritaient d'être aussi unis à ce saint sacrement. Mais l'Église a

Après les mots pour cet effet, la copie qui se trouve dans les Mémoires de mademoiselle Perier, ajoute: « C'est le sentiment des Pères. "

changé cette coutume; non pas pour ce que ces corps ne soient pas saints, mais par cette raison que l'eucharistie étant le pain de vie et des vivants, il ne doit pas être donné aux morts.

Ne considérons plus un homme comme ayant cessé de vivre, quoique la nature suggère; mais comme commençant à vivre, comme la vérité l'assure. Ne considérons plus son âme comme périe et réduite au néant, mais comme vivifiée et unie au souverain vivant : et corrigeons aussi ', par l'attention à ces vérités, les sentiments d'erreur qui sont si empreints en nous-mêmes et ces mouvements d'horreur qui sont si naturels à l'homme.

Pour dompter plus fortement cette horreur, il faut en bien comprendre l'origine; et pour vous le toucher en peu de mots je suis obligé de vous dire en général qu'elle est la source de tous les vices et de tous les péchés. C'est ce que j'ai appris de deux très-grands et très-saints personnages. La vérité qui couvre ce mys517 tère est que Dieu a créé l'homme avec deux amours, l'un pour Dieu, l'autre pour soi-même; mais avec cette loi, que l'amour pour Dieu serait infini, c'est-à-dire sans aucune autre fin que Dieu même; et que l'amour pour soi-même serait fini et rapportant à Dieu.

L'homme en cet état non-seulement s'aimait sans péché, mais ne pouvait pas ne point s'aimer sans péché. Depuis, le péché étant arrivé, l'homme a perdu le premier de ces amours; et l'amour pour soi-même étant resté seul dans cette grande âme capable d'un

Il semble qu'il faudrait : ainsi.

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