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et de souhaiter même de tout son cœur qu'elles soient solides et bien fondées, puisqu'il y trouve de si grands avantages pour son repos et pour l'éclaircissement de ses doutes. C'est aussi l'état où devrait être tout homme raisonnable, s'il était une fois bien entré dans la suite de toutes les choses que M. Pascal vient de représenter; et il y a sujet de croire qu'après cela il se rendrait facilement à toutes les preuves qu'il apporta ensuite pour confirmer la certitude et l'évidence de toutes ces vérités importantes dont il avait parlé, et qui font le fondement de la religion chrétienne qu'il avait dessein de persuader.

Pour dire en peu de mots quelque chose de ces preuves, après qu'il eut montré en général que les vérités dont il s'agissait étaient contenues dans un livre de la certitude duquel tout homme de bon sens ne pouvait douter, il s'arrêta principalement au livre de Moïse où ces vérités sont particulièrement répandues; et il fit voir par un très-grand nombre de circonstances indubitables, qu'il était également impossible que Moïse eût laissé par écrit des choses fausses, ou que le peuple à qui il les avait laissées s'y fût laissé tromper, quand même Moïse aurait été capable d'être fourbe.

Il parla aussi de tous les grands miracles qui sont rapportés dans ce livre; et comme ils sont d'une grande conséquence pour la religion qui y est enseignée, il prouva qu'il n'était pas possible qu'ils ne fussent vrais, non-seulement par l'autorité du livre où ils sont contenus, mais encore par toutes les circonstances qui les accompagnent et qui les rendent indubitables.

Il fit voir encore de quelle manière toute la loi de

Moïse était figurative; que tout ce qui était arrivé aux Juifs n'avait été que la figure des vérités accomplies à la venue du Messie; et que le voile qui couvrait ces figures ayant été levé, il était aisé d'en voir l'accomplissement et la consommation parfaite en faveur de ceux qui ont reçu Jésus-Christ.

M. Pascal entreprit ensuite de prouver la vérité de la religion par les prophéties; et ce fut sur ce sujet qu'il s'étendit beaucoup plus que sur les autres. Comme il avait beaucoup travaillé là-dessus et qu'il y avait des vues qui lui étaient toutes particulières, il les expliqua d'une manière fort intelligible; il en fit voir le sens et la suite avec une facilité merveilleuse, et il les mit dans tout leur jour et dans toute leur force.

Enfin, après avoir parcouru les livres de l'ancien Testament, et fait encore plusieurs observations convaincantes pour servir de fondements et de preuves à la vérité de la religion, il entreprit encore de parler du Nouveau Testament, et de tirer ses preuves de la vérité même de l'Évangile.

Il commença par Jésus-Christ; et quoiqu'il l'eût déjà prouvé invinciblement par les prophéties et par toutes les figures de la loi, dont on voyait en lui l'accomplissement parfait, il apporta encore beaucoup de preuves tirées de sa personne même, de ses miracles, de sa doctrine et des circonstances de sa vie.

Il s'arrêta ensuite sur les apôtres; et pour faire voir la vérité de la foi qu'ils ont publiée hautement partout, après avoir établi qu'on ne pouvait les accuser de fausseté, qu'en supposant, ou qu'ils avaient été des fourbes, qu qu'ils avaient été trompés eux-mêmes, il fit voir

clairement que l'une et l'autre de ces suppositions était également impossible.

Enfin il n'oublia rien de tout ce qui pouvait servir à la vérité de l'histoire évangélique, faisant de très-belles remarques sur l'Évangile même, sur le style des évangélistes et sur leurs personnes; sur les apôtres en particulier et sur leurs écrits; sur le nombre prodigieux de miracles; sur les martyrs; sur les saints; en un mot sur toutes les voies par lesquelles la religion chrétienne s'est entièrement établie. Et quoiqu'il n'eût pas le loisir dans un simple discours de traiter au long une si vaste matière, comme il avait dessein de faire dans son ouvrage, il en dit néanmoins assez pour convaincre que tout cela ne pouvait être l'ouvrage des hommes, et qu'il n'y avait que Dieu seul qui eût pu conduire l'événement de tant d'effets différents qui concourent tous également à prouver d'une manière invincible la religion qu'il est venu lui-même établir parmi les hommes.

Voilà en substance les principales choses dont il entreprit de parler dans tout ce discours, qu'il ne proposa à ceux qui l'entendirent que comme l'abrégé du grand ouvrage qu'il méditait et c'est par le moyen d'un de ceux qui y furent présents qu'on a su depuis le peu que je viens d'en rapporter.

ADDITION

AU III DISCOURS SUR LA CONDITION DES GRANDS '.

*Dieu

A créé tout pour soi;

A donné puissance de peine et de bien pour soi. - Vous pouvez l'appliquer à Dieu ou à vous. Si à Dieu, l'Évangile est la règle.

Si à vous, vous tiendrez la place de Dieu.

- Comine Dieu est environné de gens pleins de charité, qui lui demandent les biens de la charité qui sont en sa puissance, ainsi...

Connaissez-vous donc et sachez que vous n'êtes qu'un roi de concupiscence, et prenez les voies de la concupiscence.

'Nous croyons devoir placer ici, et sous ce titre, un fragment qui se trouve isolé et sans aucune espèce d'indication dans le MS., mais qui évidemment se rattache au IIIe discours sur la condition des grands, et particulièrement au paragraphe qui commence ainsi : Dieu est environné de gens pleins de charité, etc., pag 347.

Ainsi ce fragment était une note que Pascal avait jetée sur le papier afin de mieux fixer dans sa mémoire une des considérations qu'il se proposait de développer dans sa conversation avec son jeune ami le duc de Roannez. Cette circonstance intéressante atteste le soin et la gravité que Pascal apportait, jusque dans de simples conversations, en tout ce qui tenait aux règles de la morale.

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APPENDICE.

No I. Extrait de la notice de Marguerite Perier sur Monsieur et Mademoiselle de Rouannez '.

M. de Rouannez était fils de M. le marquis de Boisy. Madame sa mère était fille de M. Hennequin, président du parlement, et il était petit-fils de M. le duc de Rouannez; madame sa grand'mère était sœur de M. le comte d'Harcourt. Il perdit M. son père à l'âge de huit ou neuf ans, et fut mis entre les mains de M. son grand-père, qui ne connaissait guère la religion et qui était un homme très-emporté et peu capable de donner une éducation chrétienne à un enfant. Il lui donna un gouverneur qui n'en était pas plus capable que lui; il alla même jusque-là que d'ordonner à son gouverneur de lui donner l'air de cour, et de lui apprendre à jurer, croyant qu'il fallait qu'un jeune seigneur prit ces manières-là. Il perdit M. son grand-père à treize ans, et alors il fut son maître. Madame sa mère, qui était une bonne femme toute simple, ne pouvait, ne savait pas même en prendre soin. Cependant il ne laissa pas de commencer assez jeune à avoir des sentiments de religion. Il avait un très-bon esprit, mais point d'étude. Il fit connaissance (je ne sais pas bien à quel âge) avec M. Pascal, qui était son voisin, il goûta fort son esprit et le mena même une ou deux fois en Poitou avec lui, ne pouvant se passer de le voir. Lorsque M. de Rouannez eut environ vingt-deux ou vingt-trois ans, M. Pascal s'étant

II Recueil MS, du P. Guerrier, pag. 336.

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