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No. X. Extrait d'une lettre de Mme Perier à M. Vallani, médecin de la marquise de Sablé '.

1er avril 1670.

. Je vois que madame la marquise témoigne de désirer de savoir qui a fait la préface de notre livre. Vous savez, monsieur, que je ne dois rien avoir de secret pour elle; c'est pourquoi je vous supplie de lui dire que c'est mon fils qui l'a faite. Mais je la supplie très-humblement de n'en rien témoigner à personne; je n'en excepte rien et je vous demande la même grâce, et afin que vous en sachiez la raison je vous dirai toute l'histoire. Vous savez que M. de Lachaise en avait fait une qui était assurément fort belle. Mais comme il ne nous en avait rien communiqué, nous fumes bien surpris, lorsque nous la vîmes, de ce qu'elle ne contenait rien de toutes les choses que nous voulions dire et qu'elle en contenait plusieurs que nous ne voulions pas dire. Cela obligea M. Perier de lui écrire pour le prier de trouver bon qu'on y changeât ou qu'on en fit une autre; et M. Perier se résolut en effet d'en faire une; mais comme il n'a jamais un moment de loisir, après avoir bien attendu, comme il vit que le temps pressait, il manda ses intentions à mon fils et lui ordonna de la faire. Cependant comme mon fils voyait que ce procédé faisait de la peine à M. de R. 2, à M. de Lachaise et aux autres, il ne se vanta point de cela et fit comme si cette préface était venue d'ici 3 toute faite. Ainsi, monsieur, vous voyez bien qu'entre toutes les autres raisons qu'ils prétendent avoir de se plaindre, cette finesse dont mon fils a usé les choquerait assurément.....

G. PASCAL.

Cette lettre, dont nous devons l'indication à l'obligeance de M. Sainte-Beuve, se trouve aux MSS, de la Bibliot. royale, portefeuilles du médecin Vallant,

2 Roannez.

3 De Clermont.

No XI.

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Extrait d'une lettre de M. Arnauld à M. Perier, conseiller de la cour des aides à Clermont 4.

Ce 8 novembre.

Voilà, monsieur, ce qui m'a empêché, non-seulement de vous écrire, mais aussi de conférer avec ces messieurs sur les difficultés de M. Le Camus. J'espère que tout s'ajustera, et que, hors quelques endroits qu'il sera assurément bon de changer, on les fera convenir de laisser les autres comme ils sont; mais souffrez, monsieur, que je vous dise qu'il ne faut pas être si difficile, ni si religieux à laisser un ouvrage comme il est sorti des mains de l'auteur, quand on le veut exposer à la censure publique. On ne saurait être trop exact quand on a affaire à des ennemis d'aussi méchante humeur que les nôtres. Il est bien plus à propos de prévenir les chicaneries par quelque petit changement, qui ne fait qu'adoucir une expression, que de se réduire à la nécessité de faire des apologies. C'est la conduite que nous avons tenue touchant des considérations sur les dimanches et fêtes, de feu M. de St-Cyran, que feu Savereux a imprimées. Quelques-uns de nos amis les avaient revues avant l'impression, et M. Nicole, qui est fort exact, les ayant encore examinées depuis l'impression, y avait fait faire beaucoup de cartons. Cependant les docteurs, à qui on les avait données pour les approuver, y ont encore fait beaucoup de remarques, dont plusieurs nous ont paru raisonnables, et qui ont obligé à faire encore de nouveaux cartons. Les amis sont moins propres à faire ces sortes d'examen que les personnes indifférentes, parce que l'affection qu'ils ont pour un ouvrage les rend plus indulgents sans qu'ils le pensent, et moins clairvoyants. Ainsi, monsieur, il ne faut pas vous étonner, si ayant laissé passer de certaines choses sans en être choqués, nous trouvons maintenant qu'on les doit chan

'IIIe Recueil MS. du P. Guerrier, pag. 286. Cette lettre a été imprimée dans les OEuvres d'Arnauld.

ger, en y faisant plus d'attention après que d'autres les ont remarquées. Par exemple, l'endroit de la page 293 me paraît maintenant souffrir de grandes difficultés, et ce que vous dites pour le justifier, que, selon saint Augustin, il n'y a point en nous de justice qui soit essentiellement juste, et qu'il en est de même de toutes les autres vertus, ne me satisfait point. Car vous reconnaîtrez, si vous y prenez bien garde, que M. P. n'y parle pas de la justice, vertu qui fait dire qu'un homme est juste, mais de la justice quæ jus est, qui fait dire qu'une chose est juste, comme il est juste d'honorer son père et sa mère, de ne tuer point, de ne commettre point d'adultère, de ne point calomnier, etc. Or, en prenant le mot de justice en ce sens, il est faux et très-dangereux de dire qu'il n'y ait rien parmi les hommes d'essentiellement juste; et ce qu'en dit M. Pascal peut être venu d'une impression qui lui est restée d'une maxime de Montagne, que les lois ne sont pas justes en elles-mêmes, mais seulement parce qu'elles sont lois. Ce qui est vrai, au regard de la plupart des lois humaines qui règlent des choses indifférentes d'elles-mêmes, avant qu'on les eût réglées, comme que les aînés aient une telle part dans les biens de leur père et mère; mais très-faux, si on le prend généralement, étant, par exemple, très-juste de soi-même, et non-seulement parce que les lois l'ont ordonné, que les enfants n'outragent pas leurs pères. C'est ce que saint Augustin dit expressément de certains désordres infâmes, qu'ils seraient mauvais et défendus, quand toutes les nations seraient convenues de les regarder comme des choses permises. Ainsi, pour vous parler franchement, je crois que cet endroit est insoutenable, et on vous supplie de voir parmi les papiers de M. Pascal, si on y trouvera point quelque chose qu'on puisse mettre à la place. Enfin, vous pouvez, monsieur, vous assurer que je travaillerai dans cette affaire avec tout le soin et toute l'affection qui me sera possible. Je salue Mlle Perier et tous vos enfants, et je m'estimerai toujours heureux de pouvoir faire quelque chose pour votre service.

Desprez me vient présentement d'apporter votre réponse

aux difficultés de M. l'abbé Le C. J'en suis ravi, parce que cela facilitera bien toutes choses. Vous verrez dans cette lettre pourquoi on a trouvé à redire à la page 295, et que ce n'est point à cause de la transposition.

Note du P. Guerrier : « J'ai copié cette lettre sur l'original qui est dans la bibliothèque des PP. de l'Oratoire de Clermont. »

No XII. Extrait d'une lettre de Mrs Louis et Blaise Perier à Mme leur mère, au sujet de l'impression de la Vie de M Pascal, qu'elle avait composée 1.

De Paris, ce 8 mars 1677.

Il y avait déjà quelque temps que nous avions parlé de la Vie à ces messieurs, mais à chacun d'eux séparément. Ils ne nous avaient donné aucune réponse positive là-dessus, mais nous avaient témoigné que c'était une chose de grande conséquence, et à laquelle il fallait beaucoup penser. Depuis ce temps là, s'étant trouvés tous ensemble chez M. du Bois, ils examinèrent fort cette affaire et conclurent à ne point imprimer pour plusieurs raisons que MM. de Roannez et Nicole nous ont rapportées. Ils convinrent tous qu'il ne fallait pas imprimer la Vie sans y mettre l'article que nous avons dessein d'y ajouter et qu'ils ont trouvé fort bien ; mais ils croient que cela même doit être une raison pour ne la pas faire paraître présentement, et dans l'état où sont les choses, parce que, quoique l'on ne parle pas ouvertement de cette affaire, cela signifierait néanmoins dans l'esprit de tout le monde, que l'on soutient que M. Pascal ne s'est point rétracté du jansénisme, ce qui serait faire une profession qui à leur avis ne serait bien reçue en ce temps-ci, et ce qui pourrait même attirer la suppression du livre. Mais, comme les choses pourront être un jour en état que tous ces inconvénients là ne subsisteront plus, ils croient qu'il serait bon

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de travailler dès à cette heure à la Vie pour la mettre en l'état que l'on voudrait qu'elle parût. Et pour la déclaration de Mr de St Étienne, on n'en parlerait plus de la manière qu'on avait projeté, parce que apparemment ce ne sera pas du vivant de M. le curé de St Etienne; mais on y pourrait mettre les choses plus au long, en insérant même les lettres que nous avons de lui sur ce sujet; et faisant mention de ce qui en a été imprimé du vivant même de ce monsieur. M. de Roannez serait même d'avis que dès à présent, sans perdre de temps, l'on dressât un acte par-devant notaire, par lequel serait déclaré le véritable sujet de la dispute entre mon oncle et ces messieurs, qu'il signerait lui, M. Arnauld, et M. de Ste Marthe, et dont on pourrait se servir en temps et lieu, comme on le jugerait à propos. Mais, pour venir à la Vie, ils considèrent comme une chose assez fâcheuse d'imprimer une Vie en ce temps-ci, qu'elles sont devenues si communes que l'on les regarde avec assez d'indifférence, parce que l'on s'imagine dans le monde que les parents ne les publient que par une espèce d'ambition et de vanité. Enfin ils disent que cette Vie, en l'état qu'on la donnerait, ne répondrait pas à l'idée que la plupart s'en formeraient d'abord, parce qu'on s'attendrait d'y trouver les particularités des affaires où il a eu part, comme de quelle manière il entreprit les Provinciales, etc., qui est ce que le monde aurait le plus de curiosité de savoir.

Toutes ces raisons les ont déterminés à croire qu'il n'est pas à propos de l'imprimer présentement, et qu'il ne le faut faire que dans une plus grande nécessité, car ils ne se sont pas beaucoup arrêtés à ce que nous leur avons rapporté de M. Desprez; et ils s'imaginent qu'il ajoute peutêtre par quelque intérêt à ce que lui a dit M. l'abbé d'Aligre, et qu'enfin, quand cela serait, il faudrait tâcher de s'en défaire, en lui disant qu'il y a une partie de cette Vie dans les préfaces de ses ouvrages, etc.

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