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<< en excepter un seul; que personne ne pouvait <«<lui en rendre un compte plus exact que moi, << d'autant que M. votre fils m'avait chargé du « soin de ces approbations; que c'était moi qui << en avais été le solliciteur auprès de messei« gneurs les prélats et de messieurs les docteurs; « que c'était pourquoi je pouvais lui en parler positivement, et partant qu'il devait être assuré qu'on n'y avait rien laissé passer qui pût com« promettre, ni celui qui en était l'auteur, ni sa « mémoire 1. >>

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Les approbateurs, comme on voit, ne se bornèrent pas à de simples attestations de complaisance ils remplirent un véritable office de censeurs. Ils ne furent pas les seuls; les amis de Pascal, c'est-à-dire Arnauld, Nicole, le duc de Roannez 2, auxquels il faut joindre Dubois de Lacour et M. de Brienne, ainsi qu'Étienne Perier, neveu de Pascal, donnèrent des soins à la première édition des Pensées, et se crurent le droit de modifier à leur gré le style, et quelquefois même la pensée de Pascal.

Jer Recueil MS. du Père Guerrier.

Nous reproduisons, dans l'Appendice, no IX, d'après ce MS., les passages les plus intéressants de la relation de Desprez, qui est un curieux document, non-seulement pour l'histoire des Pensées, mais encore pour celle de la liberté de la presse au XVIIe siècle. Cette relation n'a été publiée qu'en abrégé dans le Recueil de plusieurs pièces pour servir à l'histoire de Port-Royal (par Barbot). Utrecht, 1740.

2 Domat était alors à Clermont.

Ces fragments, que la maladie et la mort avaient laissés inachevés, subirent, sans cesser d'être immortels, toutes les mutilations et les altérations qu'une prudence exagérée et un zèle malentendu pouvaient suggérer : les unes, causées par le même scrupule d'orthodoxie qui avait dirigé les approbateurs; les autres, inspirées par le désir d'éclaircir, d'améliorer, d'embellir même le style de l'auteur des Provinciales.

Le style de Pascal! Qui donc, parmi ses amis ou ses contemporains, eût pu toujours comprendre ce style naïf, qui est tellement identifié avec l'âme de l'écrivain, qu'il n'est que la pensée elle-même, parée de sa chaste nudité comme une statue antique? Seuls, peut-être, Corneille et Bossuet eussent accepté, sans crainte d'offenser le goût, les expressions simples et hardies qui abondent sous la plume de Pascal, surtout lorsqu'il jette rapidement les grands traits d'une première esquisse.

Les écrits de Marguerite Perier signalent le duc de Roannez comme ayant eu le plus de part à la première édition des Pensées. On conçoit que M. de Roannez, l'ami passionné de Pascal, se soit montré le plus zélé à réclamer cette publication; mais il n'est nullement probable que le jeune duc ait eu la principale part à la révision en quelque sorte littéraire des fragments laissés par Pascal. Il est plus naturel de penser qu'il abandonna cette tâche à ceux à qui elle revenait

de droit, comme docteurs ou écrivains de profession, et avant tous à Nicole et à Arnauld. Et, en effet, en lisant attentivement la copie des Pensées, du fonds de Saint-Germain, nous y avons retrouvé quelques-unes des corrections qui, d'abord introduites dans la première édition des Pensées, ont depuis passé dans les suivantes. Une circonstance curieuse et jusqu'à présent inaperçue, c'est que les corrections dont la copie est ainsi surchargée en plusieurs endroits sont pour la plupart écrites de la main d'Étienne Perier, de la main de Nicole ou de celle d'Arnauld.

Ainsi, par exemple, c'est Nicole qui, dans le fragment où Pascal dépeint l'influence décevante que l'imagination exerce sur les facultés rationnelles de l'homme, c'est Nicole, disons-nous, qui de sa main a substitué l'opinion à l'imagination. Nous indiquons dans des notes, au bas du texte de Pascal, plusieurs autres changements analogues dont Arnauld est particulièrement l'auteur. Quelques transpositions se trouvent sur la même copie indiquées de la main d'Étienne Perier.

Du reste, les modifications écrites sur cette copie, qui nous paraît être la première qui fut faite, sont en petit nombre, par la raison que la plupart des corrections furent opérées, soit sur une

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Voyez, par exemple, vol. II, pag. 41, 48, 14, 103, etc.

autre copie faite d'après celle-ci pour être donnée à l'impression, soit sur les épreuves imprimées, comme on l'apprend d'une lettre d'Arnauld, dont nous avons fait déjà mention '. Dans cette lettre, Arnauld insiste auprès d'Étienne Perier pour lui démontrer qu'il ne faut pas craindre de faire de nouveaux cartons, et l'on y voit, aussi bien que dans une lettre de Louis et Blaise Perier à leur mère 2, que ce fut Arnauld qui corrigea la pensée de Pascal, qui commence ainsi : « Montaigne a tort, la coutume doit être suivie dès lors qu'elle est coutume, etc. 3. »

Parmi les correcteurs bénévoles des écrits posthumes de Pascal, il ne faut pas oublier M. de Brienne. Le P. Guerrier nous a conservé deux lettres écrites par ce singulier personnage à madame Perier, dans lesquelles on trouve parmi bien de la diffusion de curieux détails. On y voit que M. de Brienne s'était beaucoup occupé, en collaboration avec le fils aîné de madame Perier, de la révision des Pensées. On y apprend aussi que madame Perier, inspirée par le zèle pieux qu'elle avait pour la mémoire de son frère, était seule contre tous à vouloir qu'on ne changeât rien aux pensées de son frère. Au bon sens de cette femme qui

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avait foi dans l'œuvre fraternelle, M. de Brienne oppose l'autorité de MM. de Roannez, Arnauld, Nicole, du Bois et de la Chaise « qui tous con<< viennent d'une voix que les pensées de M. Pas<«< cal sont mieux qu'elles n'étaient, sans toutefois qu'on puisse dire qu'elles soient autres qu'elles <«< n'étaient lorsqu'elles sont sorties de ses mains. ...Car, continue-t-il, d'y avoir ajouté de petits «< mots, d'y avoir fait de petites transpositions, << mais en gardant toujours les mêmes termes, ce << n'est pas à dire qu'on ait rien changé à ce bel << ouvrage...

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- ..... « Je vous envoie une feuille d'exemples « des corrections qu'on a faites, que je dictais à « M. votre fils. Je suis assuré, madame, que quand <«< vous aurez vu ce que c'est, vous êtes trop rai<< sonnable pour ne pas vous rendre, et pour n'être << pas bien aise que la chose soit au point qu'elle « est, c'est-à-dire aussi parfaite que des fragments « le peuvent être..... »

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« J'ai examiné les corrections avec un front <<< aussi rechigné que vous auriez pu faire ; j'étais << aussi prévenu et aussi chagrin que vous contre << ceux qui avaient osé se rendre, de leur auto« rité privée et sans votre aveu, les correcteurs <«< de M. Pascal; mais j'ai trouvé leurs change<<<ments et leurs petits embellissements si raison<«<nables, que mon chagrin a bientôt été dissipé, « et que j'ai été forcé, malgré que j'en eusse, à

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