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« de recueillir tous les écrits qu'il avait faits sur <«<< cette matière,

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<«<La première manière qui vint dans l'esprit, <«< et celle qui était sans doute la plus facile, était « de les faire imprimer tout d'une suite dans le <<< même état qu'on les avait trouvés. Mais l'on ju<< gea bientôt que de le faire de cette sorte, c'eût « été perdre presque tout le fruit qu'on en pouvait espérer; parce que les pensées plus parfaites, plus suivies, plus claires et plus étendues, étant «< mêlées, et comme absorbées parmi tant d'au<< tres imparfaites, obscures, à demi digérées, et quelques-unes même presque inintelligibles à <<< tout autre qu'à celui qui les avait écrites, il y <«< avait tout sujet de croire que les unes feraient << rebuter les autres, et que l'on ne considérerait <«< ce volume, grossi inutilement de tant de pen«<sées imparfaites, que comme un amas confus, << sans ordre, sans suite, et qui ne pouvait servir << à rien.

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« Il y avait une autre manière de donner ces <«< écrits au public, qui était d'y travailler aupa<< ravant, d'éclaircir les pensées obscures, d'a<«< chever celles qui étaient imparfaites, et, en

prenant dans tous ces fragments le dessein de « M. Pascal, de suppléer en quelque sorte l'ou<< vrage qu'il voulait faire. Cette voie eût été as<«< surément la plus parfaite; mais il était aussi « très-difficile de la bien exécuter. L'on s'y est

« néanmoins arrêté assez longtemps, et l'on avait << en effet commencé à y travailler '. Mais enfin << l'on s'est résolu de la rejeter aussi bien

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que la

première, parce que l'on a considéré qu'il était << presque impossible de bien entrer dans la pen<«<sée et dans le dessein de l'auteur, et surtout « d'un auteur mort, et que ce n'eût pas été don<<< ner l'ouvrage de M. Pascal, mais un ouvrage « tout différent.

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Ainsi, pour éviter les inconvénients qui se << trouvaient dans l'une et l'autre de ces manières « de faire paraître ces écrits, l'on en a choisi une << entre deux qui est celle que l'on a suivie dans <<< ce recueil. L'on a pris seulement, parmi ce grand nombre de pensées, celles qui ont << paru les plus claires et les plus achevées, et on les donne telles qu'on les a trouvées, sans y « rien ajouter ni changer; si ce n'est que, au lieu qu'elles étaient sans suite, sans liaison et disper«sées confusément de côté et d'autre, on les a mises dans quelque sorte d'ordre, et réduit sous <«<les mêmes titres celles qui étaient sur les « mêmes sujets, et l'on a supprimé toutes les au«< tres qui étaient ou trop obscures ou trop imparfaites. >>

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On peut voir combien est inexacte cette as

Il est probable que le travail, dont parle ici Étienne Perier, était celui auquel s'était particulièrement livré le duc de Roannez, et que madame Perier appelait un grand commentaire.

sertion d'Étienne Perier qu'on a publié les pensées de Pascal sans y rien ajouter ni changer. Sans doute les éditeurs renoncèrent à leur premier projet de compléter l'œuvre de Pascal en développant les matériaux plus ou moins informes qu'il avait laissés. Mais ils ne se bornèrent pas, comme l'exposé d'Étienne Perier le ferait supposer, à de simples retranchements : ils modifièrent le style de Pascal de mille façons, tantôt brisant sa pensée en plusieurs fragments qu'ils dispersaient d'une manière arbitraire, tantôt réunissant au contraire, pour en faire un tout, des fragments isolés et distincts, et enfin, introduisant sans cesse dans le texte du grand écrivain des expressions et quelquefois des phrases entières qui substituent à l'originalité du génie la périphrase et le lieu commun.

Sans insister sur ce point, dont cette édition n'est qu'une longue preuve, qu'il nous suffise de dire qu'il n'y a jamais, soit dans la première édition, soit dans les éditions postérieures, vingt lignes qui se suivent sans présenter une altération quelconque, grande ou petite. Quant aux omissions totales et aux suppressions partielles, elles sont sans nombre.

Nous devons ajouter, avant d'aller plus loin, que la première édition des Pensées ne contenait pas seulement des fragments extraits des matériaux du grand ouvrage apologétique de Pascal ;

il y avait des fragments sur toutes sortes de sujets, et les éditeurs avaient compris avec raison les uns et les autres sous l'expression de Pensées.

« ..... L'on ne donne pas ce livre-ci simple« ment, dit la préface, comme un ouvrage fait << contre les athées ou sur la religion, mais comme « un recueil de Pensées de Monsieur Pascal sur la « religion et sur quelques autres sujets.

L'édition princeps de 1670 fut réimprimée la même année, avec le titre de seconde édition; et l'année suivante, avec le titre de troisième édition, mais sans aucun changement, quant au texte.

En 1678, les Pensées furent réimprimées sous ce titre Nouvelle édition augmentée de plusieurs pensées du même auteur. Le privilége donné à cette occasion porte permission de faire imprimer, vendre, etc., « un livre intitulé: Pensées de M. Pascal sur la religion et sur quelques autres sujets, augmentées d'un grand nombre de nouvelles pensées du même auteur, qui n'ont point encore été imprimées et qu'on a recouvrées depuis peu, auxquelles Pensées dudit sieur Pascal on a joint un traité intitulé: Qu'il y a des démonstrations d'une autre espèce et aussi certaines que celles de géométrie, un Discours sur les Pensées dudit sieur Pascal et sur les Livres de Moyse, et la Vie dudit sieur Pascal. »

Comme on le voit par les termes du privilége, les auteurs de cette quatrième édition, c'est-àdire les neveux et la sœur de Pascal, se propo

saient d'y faire entrer la biographie que madame Perier avait consacrée à la mémoire de son frère. Mais Roannez, Arnauld et Nicole furent d'avis qu'on ne devait pas la publier : leur raison était que si l'on publiait une Vie de Pascal, on ne pouvait se dispenser d'y expliquer l'affaire de sa prétendue rétractation. On sait que, dans sa dernière maladie, Pascal, ayant fait appeler le curé de Saint-Étienne-duMont', eut occasion de lui dire quelque chose des difficultés qui l'avaient un instant séparé de Nicole et d'Arnauld dans la question du formulaire. Le curé, homme assez simple, comprit mal les paroles de Pascal; il s'imagina qu'elles contenaient l'aveu d'une rupture avec Port-Royal et une rétractation du jansénisme. Il en parla dans ces termes à l'archevêque de Paris, et, à la sollicitation de ce prélat, il signa une déclaration en forme de ce qu'il croyait que Pascal lui avait dit.

L'archevêque, quand le libraire vint lui apporter un exemplaire de la première édition des Pensées, lui montra cette déclaration et l'engagea fort à la mettre en tête d'une seconde édition.

Dans les derniers jours de sa maladie, Pascal avait été transporté dans la maison de madame Perier, rue Neuve-St-Étienne. A droite de la porte cochère, en entrant dans la cour de cette maison, qui porte aujourd'hui le n° 8, se trouve un petit pavillon isolé; c'est là, dans une chambre modeste, qui a deux fenêtres grillées du côté de la rue, que Pascal est mort le 19 août 1662.

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