Images de page
PDF
ePub

des confitures, des eaux de senteur, etc. C'est en feuilletant avec soin cet amas confus que nous avons trouvé des lettres de madame Perier, de ses fils et de Marguerite Perier sa fille, etc.; et enfin, deux cahiers contenant la copie, de la main de Vallant, de plusieurs textes de Pascal : dans l'un, qui se compose de douze pages, sont des fragments sur les prophéties et les figures de l'Ancien Testament; il porte pour suscription: Des cayers de M. Pascal; l'autre, de sept pages, est intitulé: Pensées de M. Pascal. C'est dans ce dernier que nous avons trouvé une pensée importante, qui n'est ni dans le мs. autographe, ni dans les copies, ni dans aucun des autres мss. que nous avons eus à notre disposition; c'est la pensée qui commence ainsi : « Les choses du monde les plus déraisonnables, etc. '.

7° MS. DU FONDS DE SAINT-GERMAIN-GEVRES, No 74. Ce мs. est un petit in-4o, dont l'écriture paraît être du commencement du dix-huitième siè cle. C'est là, parmi quelques pièces de théologie, que se trouve le Discours sur les passions de l'amour. Un écrivain célèbre a déjà publié ces belles pages 2; mais ébloui sans doute par ce qu'elles avaient d'inattendu, il les a accompagnées d'un commentaire où leur véritable caractère a été

Voy. Pensées diverses, no III.

2 M. V. Cousin, dans la Revue des deux Mondes, no du 15 septembre 1813.

méconnu. Là où Pascal, avec la profondeur de sentiment qui n'appartient qu'à lui, décrit, dans ce qu'elles ont de plus chaste et de plus pur, les espérances, les craintes et les mille passions qui agitent tour à tour un cœur qui aime, comment a-t-on pu voir la trace de ces attachements qui n'ont pour base que le caprice changeant de la volupté?

Nous ne voulons pas le nier: d'après ce que l'on sait de la vie mondaine de Pascal, durant les trois ou quatre années de dissipation dont la trace nous a été conservée par les lettres de Jacqueline et par les écrits de Marguerite Perier, on peut croire que l'austérité, jusque-là si sévère, de sa jeunesse, ne resta pas à l'abri de toute atteinte.

Intimement lié avec le duc de Roannez, qui, épris de la beauté de son génie, ne pouvait se passer de le voir, Pascal, qui n'était pas riche 2,

'Expression de Marguerite Perier.

'Pour prouver que Pascal avait une fortune considérable, on a parlé de ses habitudes de luxe; on a surtout cité le carrosse à quatre ou six chevaux, dans lequel il se trouvait lors de son aventure du pont de Neuilly. On n'a pas pris garde que c'était le duc de Roannez, son ami inséparable, qui faisait les frais de cette existence fastueuse qu'ils menaient en commun; ce beau carrosse à quatre ou six chevaux était l'équipage du jeune duc et pair, et, dans aucun cas, il n'aurait pu être celui de Pascal: l'étiquette du temps ne l'eût pas permis.

Quant au peu de fortune de Pascal, Mme Perier s'en explique formellement dans la vie de son frère : « Il n'avait, dit-elle, jamais refusé l'aumône, quoiqu'il n'en fit que de son nécessaire, ayant peu de bien et étant obligé de faire une dépense qui excédait son revenu, à cause de ses infirmités. » A l'appui du temoignage de Mme Perier, on peut citer aussi une Relation dans laquelle Jacqueline Pascal fait

se trouvait, grâce au jeune duc et pair, associé aux jouissances et aux périls d'une fastueuse existence. La société de ce temps, celle surtout que devaient fréquenter des jeunes gens comme le duc de Roannez, qui n'avait que vingtdeux ans, et Pascal, qui en avait vingt-huit, était imprégnée de scepticisme et d'athéisme, héritage du siècle précédent. Les plus honnêtes gens étaient ceux qui lisaient Montaigne ; d'autres, plus esprits forts, lisaient des ouvrages où l'athéisme était érigé en doctrine, ouvrages rapidement tombés dans l'oubli, mais qui avaient alors une grande vogue.

Certes, Pascal ne se plongea pas dans tous les désordres dont il fut témoin; nous dirons même, sans craindre de nous tromper, que c'est du spectacle qu'il eut alors sous les yeux, que lui vint la première idée de l'ouvrage qu'un peu plus tard il voulut consacrer à la religion. C'est au milieu

connaître les difficultés que son frère lui opposa quand elle voulut prendre le voile à Port-Royal. Jacqueline raconte une conversation qu'elle eut à cette occasion avec la mère Agnès; lui ayant exprimé quelque repentir d'avoir donné une partie de son bien à son frère, tandis qu'elle aurait pu en faire un meilleur usage, la mère Agnès lui répondit : « Vous savez bien que vous avez regardé Dieu en cela et le bien de cette personne, qui nous doit être plus chère que tout l'or du monde; et que ce n'a pas été par ambition pour le faire grand et lui donner de l'éclat dans le monde: cela ne lui en donne pas le moyen, puisque avec tout ce que vous lui avez donné, vous voyez qu'il ne lui reste pas encore assez pour vivre comme les autres de sa condition. » (Relation de la sœur Jacqueline de Sainte-Euphémie, adressée par elle à la mère Prieure de P.-R. des Champs. MSS. de la Bibliothèque du Roi.)

des émotions du jeu, dans le bruit des plaisirs et des festins qu'il traversa un moment ; c'est parmi les discours de personnages frivoles, comme le . chevalier de Méré, ou cyniques, tels que Miton et Desbarreaux', que le besoin de venger la morale et la religion se fit sentir à lui avec plus d'empire. Ses pieds se posèrent un moment sur la fange de cette société corrompue, mais ses ailes divines n'en furent jamais souillées.

Si nous voulions rechercher, dans les écrits de Pascal, jusqu'à quel point il se laissa entraîner au courant de cette vie dissipée qui devint si vite pour lui un insupportable fardeau, et le point de départ d'une religion plus étroite et plus fervente, si nous voulions recevoir de lui-même l'aveu d'une chute ou d'une faiblesse, ce n'est pas dans le discours sur les passions de l'amour que nous irions le chercher : il y aurait peut-être dans le manuscrit autographe des Pensées, telle page, écrite avec l'accent d'une noble humiliation et d'une éloquente tristesse, qui nous le laisserait deviner. Mais à quoi bon insister sur ce sujet? Ce sont les vertus des grands hommes, et non pas leurs faiblesses qu'il faut mettre en lumière et proposer en exemple ;

Voy., sur Miton et Desbarreaux, les notes page 197 de ce volume, et page 91 du volume II.

On trouve, dans la correspondance du chevalier de Méré, des lettres adressées à M. Miton, et des lettres de celui-ci au chevalier de Méré. Ils étaient fort liés entre eux, et la trace des plaisirs les plus mondains se trouve à chaque instant dans leur correspondance.

et, pour ce qui concerne Pascal, où serait le triomphe, je vous prie, quand, à force de recherches et de conjectures, vous auriez découvert une tache au sein de cette âme resplendissante?

Qu'il nous suffise de dire qu'en lisant sans préoccupation le discours sur les passions de l'amour, on n'y trouvera rien qui ne soit parfaitement digne de ce que Pascal a écrit de meilleur et de plus beau. Ces réflexions appartiennent aux plus pures et aux plus hautes régions de l'intelligence et du cœur. C'est bien le langage de celui qui a aimé ; mais que d'élévation et d'exquise délicatesse dans cet amour! Est-ce un jeune homme atteint d'une passion vulgaire, ou bien est-ce l'auteur des Pensées qui a dit : « Le premier effet de l'amour, c'est d'inspirer un grand respect; l'on « a de la vénération pour ce que l'on aime.

[ocr errors]

L'égarement à aimer en divers endroits, « est aussi monstrueux que l'injustice dans l'es<< prit.

[ocr errors]

- «L'on adore souvent ce qui ne croit pas être

adoré, et l'on ne laisse pas de lui garder une fi

délité inviolable, quoiqu'il n'en sache rien.

« Cet oubli que cause l'amour et cet atta<«< chement à ce que l'on aime fait naître des qua« lités que l'on n'avait pas auparavant.

་་

- «Il semble que l'on ait toute une autre âme

« que quand on n'aime pas. On s'élève par cette

[ocr errors][merged small]
« PrécédentContinuer »