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l'exactitude qu'elle exige dans les descriptions; elle déclare nulles toutes les concessions accordées sur des spécifications faites de manière à induire le public en erreur, ou à lui laisser ignorer une partie de la découverte. Un inventeur, par exemple, qui, dans la description de sa découverte, comprendrait des parties qui sont anciennes, en laissant croire que l'invention lui en appartient, perdrait, par ce seul fait, le privilége de fabriquer les parties dont la découverte est à lui. Il doit ne décrire que ce qu'il a inventé, ou, s'il décrit toute la chose, il doit indiquer, d'une manière exacte, les parties qui sont anciennes, et celles qui sont nouvelles. La loi française dispose à cet égard de la même manière que la loi anglaise.

L'omission, dans la description, de quelques parties essentielles suffirait aussi pour invalider la concession du privilége, surtout si l'on avait des raisons de penser qu'elle a été faite volontairement, et dans la vue de tromper le public. La concession peut également être annulée, si l'auteur s'est exprimé dans des termes tellement ambigus, qu'ils puissent s'appliquer à divers procédés, sans qu'on ait le moyen de savoir, par de savoir, par la description, quel est celui qui doit produire le résultat désiré. Elle serait également nulle şi l'inventeur avait compris, dans sa description, des choses inutiles et dont il ne fait pas lui-même usage, dans la vue de rendre sa

découverte plus compliquée, et d'induire en erreur ceux qui voudraient l'imiter. L'inventeur qui exposerait plusieurs moyens d'obtenir un résultat, serait déchu de son privilége, si parmi les moyens indiqués, il y en avait un qui ne produisît pas l'effet annoncé. Il en serait de même, s'il attribuait à la chose inventée des qualités qu'elle n'a pas, des effets qu'elle ne peut pas produire; s'il n'indiquait pas tous les moyens de créer la chose de la meilleure qualité, ou s'il indiquait des matières plus chères que celles dont il fait lui-même usage. La concession du monopole n'est faite, en un mot, que sous la condition que l'inventeur fait connaître tout ce qu'il sait relativement à sa découverte, et qu'il ne s'attribue que ce qui lui appartient. Si cette condition n'est point remplie, le privilége s'évanouit (1).

La manière d'obtenir la concession d'un privilége pour l'exploitation d'une découverte, n'est pas la même en France qu'en Angleterre. La description ou spécification est exigée dans les deux pays; mais, quand elle est faite, les procédés ne sont plus les mêmes. En France, l'inventeur qui veut obtenir un brevet d'invention, après avoir payé le droit exigé par la loi, met sous enveloppe

(1) Loi du 31 décembre 1789, art. 16. - James Godson, Practical treatise, p. 102-136.

la description de sa découverte, la pétition au ministre de l'intérieur, par laquelle il demande un brevet, les dessins explicatifs de son invention, et l'inventaire de toutes les pièces jointes à sa demande. Le paquet cacheté est déposé à la préfecture, où l'on dresse un procès-verbal du dépôt sur le dos même du paquet, et une copie du procès-verbal est remise au pétitionnaire. Dans la semaine, les pièces ainsi cachetées sont envoyées par le préfet au ministère de l'intérieur, où l'on enregistre le procès-verbal inscrit sur le dos du paquet, à l'instant même où il arrive. Aussitôt, le paquet est ouvert, et l'on expédie à l'inventeur un certificat de sa demande. Ce certificat est son titre de priété, et ne peut lui être refusé.

noncer,

pro

On voit, par cet exposé, qu'avant la délivrance du brevet d'invention, personne n'est appelé à proni sur la réalité de la découverte, ni sur son utilité, ni sur l'exactitude de la description, ni sur la régularité de la demande. L'autorité publique n'intervient que pour percevoir un impót, pour constater une prétention et en déterminer la date. Le certificat délivré par elle ne préjuge absolument rien sur la réalité, ou l'importance, ou l'utilité de l'invention. Si, plus tard, des difficultés s'élèvent à ce sujet, entre le prétendu inventeur et ses citoyens, ce n'est qu'aux tribunaux qu'il appartient de prononcer. Chacun est admis à soutenir et

à prouver, ou que la chose n'est pas nouvelle, ou que le possesseur du brevet n'est pas auteur de l'invention, ou qu'il ne s'est pas conformé aux conditions prescrites par les lois.

Le gouvernement anglais a cru qu'il ne pouvait pas ainsi concéder un monopole pour l'exploitation d'une découverte, avant que d'avoir fait examiner s'il existe, en effet, une découverte, et si elle peut être utile au public. La demande des lettres-patentes pour une invention, doit passer dans plusieurs bureaux, où elle est examinée par les hommes de loi de la couronne. L'objet de cet examen est de garantir le public de toutes tromperies, de mettre la couronne à l'abri des surprises, et de prévenir les inconvéniens qui résulteraient de la concession du privilége de fabriquer et de vendre un produit indigne de protection. Les officiers du gouvernement ont donc la faculté de refuser des lettres-patentes à l'inventeur, et ne sont pas tenus de rendre raison des causes de leur refus. L'auteur d'une découverte leur demande des lettres-patentes, non à titre de droit, mais à titre de concession ou de grâce; sous ce rapport, la loi anglaise est en opposition avec la loi française (1). S'ils lui en accordent, personne n'est privé pour cela du droit de mettre en question la réalité,

(1) James Godson, p. 47.

l'importance ou l'utilité de la découverte; chacun est admis, au contraire, comme en France, à contester la légalité de la concession.

La loi française veille particulièrement aux intérêts de l'inventeur; elle prend toutes les précautions possibles, pour que sa découverte ne lui soit pas injustement enlevée. Elle ne donne pas aux officiers du gouvernement le pouvoir de prononcer sur la réalité ou l'utilité de la découverte, de peur qu'ils ne se trompent ou ne se rendent coupables d'injustice (1). La loi anglaise paraît s'occuper des intérêts du public plus que de ceux de l'inventeur; elle donne plus de confiance aux officiers de la couronne, et ne craint pas qu'ils abusent de leur autorité, au préjudice de l'auteur de la découverte. Il est douteux cependant qu'en définitive, cette sollicitude soit très-profitable au public; car il n'arrive guère, on pourrait même dire qu'il n'arrive jamais, que le gouvernement refuse les lettres-patentes qui lui sont demandées. Les droits que l'inventeur est obligé de payer au fisc, avant que d'avoir tiré aucun bénéfice de sa découverte, la faculté que chacun possède de discuter publiquement le mérite ou la réalité de l'invention, le pouvoir donné aux tribunaux de prononcer sur la légalité de la concession du privilége, et l'attention que chacun ap

(1) Loi du 25 mai 1791, art. 1o.

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