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3° Priolo fait entendre clairement que Tancrède étoit un bâtard dont Marguerite de Béthune étoit accouchée secrètement à l'insu de son mari. Mais comment n'a-t-il pas vu que, Marguerite de Béthune étant partie de Venise le 8 octobre 1630, le fils dont elle étoit accouchée à Paris, le 18 décembre de la même année, devoit avoir été conçu à Venise, où elle demeuroit avec le duc de Rohan, et, par conséquent, qu'en admettant même la fausse supposition de cette prétendue bâtardise Tancrède auroit toujours été, comme tant d'autres, l'enfant légitime de la loi, quand même il ne l'auroit pas été de la nature.

La mort de ce jeune homme finit nécessairement le procès qu'il avoit avec sa sœur, mais il ne termina pas la querelle de la mère et de la fille. La duchesse douairière de Rohan voulut avoir le corps de son fils, qui lui fut envoyé; elle le fit déposer dans le temple que les huguenots avoient à Charenton, et elle voulut ensuite qu'il fût enterré à Genève auprès de son père. Elle écrivit aux principaux chefs de cette république pour les engager à y consentir.

Le duc et la duchesse sa fille écrivirent de leur côté pour demander le contraire, et comme ils craignirent que les magistrats de Genève ne se rendissent aux instances de la douairière de Rohan, ils firent intervenir l'autorité du Roi, qui, par une lettre datée de Bourgsur-Mer, le 12 septembre 1650, écrivit à ces magistrats pour les convier de ne pas souffrir que le corps du nommé Tancrède fût reçu à Genève, et particulièrement qu'il fût mis dans le temple où est celui du duc de Rohan.

Marguerite de Béthune ne se rebuta pas, et à force de sollicitations et de prières elle obtint du Roi, au

commencement de 1654, la liberté de faire inhumer son fils à Genève, dans le tombeau de son père, avec une épitaphe où il étoit qualifié de fils du duc de Rohan, du consentement même de sa fille. Mais Marguerite de Béthune étant morte en 1660, le Roi écrivit à Messieurs de Genève que, comme ce n'avoit été que pour ne pas désobliger la douairière de Rohan qu'il avoit bien voulu que le corps du nommé Tancrède fût mis dans le lieu qu'elle avoit demandé, à quoi la duchesse sa fille avoit consenti par respect pour sa mère, ils feroient une chose agréable à Sa Majesté de faire effacer l'épitaphe de Tancrède, puisqu'il étoit certain qu'il n'étoit point fils du défunt duc de Rohan, qui n'en avoit fait aucune mention dans son testament, par lequel, au contraire, il avoit reconnu la duchessse de Rohan, sa fille, pour sa seule héritière.

Il est étonnant que l'on ait fait alléguer par le Roi une aussi mauvaise raison contre la légitimité de Tancrède, puisque l'on avoit des preuves littérales, et signées de la main du feu duc de Rohan, de la persuasion où il étoit, lorsqu'il fit son testament, que son fils étoit mort, et, par conséquent, qu'il n'avoit déclaré sa fille héritière de tous ses biens que parce qu'il la regardoit comme le seul enfant qui lui restoit.

DE

LA VIE ET LA MORT

DU MARESCHAL DE GASSION,

CONTENANT

LES ACTIONS HEroïques qu'il a faites, et paRTICULIÈREMENT
depuis l'age de dix-sept ans jusques a prÉSENT,
TANT EN SAVOYe, italie, suède, ALLEMAGNE,
FLANDRE, QU'autres lieux ou il a
TESMOIGNÉ SA VALEUR.

A ORLÉANS,

Chez GILLES Hotor el Gabriel Fremont, Imprimeurs-Libraires.

1647.

Avec permission.

AVERTISSEMENT.

Parmi les noms célèbres de l'histoire militaire du xvII° siècle on peut placer celui du maréchal de Gassion. On retrouvera en effet dans sa vie un type original et pur de ces vieux guerriers d'un autre âge dont toute l'existence n'était qu'un long dévoûment au roi et à la patrie, et qui, n'ayant d'autre amour que leur épée, d'autre passion que la gloire, ont continué en France, bien après l'époque de la chevalerie, la famille des Bayard et des Duguesclin.

Nous appelons d'autant plus volontiers l'attention de notre lecteur sur le personnage dont il va être question, qu'il paraît être de ceux envers qui la gloire ne s'est peut-être pas complètement acquittée. La célèbre bataille de Rocroy, par exemple, ne rappelle guère dans la mémoire de la plupart des lecteurs que le nom de Condé, et on oublie volontiers que sur le champ de bataille même le jeune duc d'Enghien crut faire acte de justice en partageant avec Gassion les lauriers de la victoire, déclarant que c'était à lui qu'il en était redevable. Il est vrai que Gassion a eu le malheur d'avoir pour historien de ses hauts faits un écrivain honni par Boileau. Le héros a dû se ressentir de la mésaventure de l'historien. Cependant l'Histoire du maréchal Gassion, par l'abbé de Parc, à part la question littéraire, a une valeur historique incontestable. Nous ne pouvons toutefois braver la censure de Boileau en la publiant, car elle n'a pas moins de 4 volumes in-12. Nous nous contenterons de mettre sous les yeux du lecteur une petite pièce de Théophraste Renaudot, qui contient encore un assez bon nombre de faits et de détails intéressants négligés jusqu'à ce jour par l'histoire et la biographie.

VIE ET MORT

DU MARESCHAL DE GASSION.

Le mareschal de Gassion a eu pour père messire Jaques de Gassion, second président au mortier du parlement de Pau, à présent de Navarre, qui avoit esté procureur général au mesme parlement, et cettui-cy encore estoit fils de messire Jean de Gassion, aussi second président en ce parlement-là, où il avoit passé par toutes les belles charges; et sa vertu fut en telle estime à Henrile-Grand, qui se connoissoit fort bien en hommes, que la charge du premier président au souverain conseil de Béarn estant venue à vaquer, et ce grand prince, pour des considérations de ce temps-là, ne pouvant le pourvoir au titre d'office de cette première charge, la luy laissa

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