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ESTAT

DE LA FRANCE,

COMME ELLE ESTOIT GOUVERNÉE

EN L'AN 1648 ET 1649,

OU SONT CONTENUES DIVERSES REMARQUES ET PARTICULARITEZ de l'histoire de nostre temps.

II SERIE, T. VI.

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ESTAT DE LA FRANCE

COMME ELLE ESTOIT GOUvernée

EN L'AN 1648 ET 1649 (1).

Que l'Estat de France ait esté de tout temps monarchique est une chose trop notoire pour en douter; car encore qu'on dise que le Roy Louis XI ait mis les Roys hors de pages, c'est-à-dire qu'il ait osté au parlement le grand pouvoir et l'authorité qu'il avoit usurpée sur l'Estat, et qu'il semble que les loix fondamentales de l'Estat et les ordonnances des Roys précédens brident en quelque façon la puissance absolue du Roy, joint qu'outre cela il a accoustumé de se servir en toutes délibérations de plusieurs ministres et conseillers, et mesmes quelquesfois d'assembler les estats du royaume, si est-ce que ce n'est que pour assister le Roy de leur con

(1) Cette pièce rare complète la série de documents que nous avons rassemblés dans ce volume sur les mœurs et les institutions de la France à cette époque. On y trouvera aussi des renseignements biographiques sur les principaux personnages du temps, et sur les hommes qui vont figurer dans les scènes tumultueuses de la Fronde.

seil, en sorte que de puissance absolue il ne laisse pas de faire ce que bon luy semble, n'alléguant pour raison de sa volonté que son bon plaisir, en ces termes : « Car tel est nostre bon plaisir, etc. »>

Il est bien vray que le parlement de Paris a de tout temps esté en possession de vérifier tous les édicts; mais il ne leur est pas permis de s'y opposer, et, comme remarque très bien un jurisconsulte, ces vérifications sont non tam necessitatis quam humanitatis. Il luy est bien permis de faire des remonstrances au Roy, après lesquelles il est contraint d'obéir; de sorte que le Roy se trouvant accompagné d'une authorité souveraine, il ne se peut nier que l'Estat de France ne soit purement monarchique.

Les marques de souveraineté qui se trouvent au Roy de France sont que:

1. Le Roy crée seul les magistrats.

2. Le Roy seul juge en dernier ressort; car encore que ce soit par le ministère des conseils et des parlemens, si est-ce que ce sont tous officiers du Roy et que tous les arrests s'expédient sous son nom.

3. Il donne seul des graces, rémissions et abolitions. 4. Il a seul droict de battre monnoye d'or et d'argent. 5. Il nomme seul aux éveschez, abbayes, et autres bénéfices vacans.

6. Il fait seul des alliances avec les princes et Estats estrangers.

7. A luy seul appartient le droict de repressailles. 8. A luy seul appartient de déclarer la guerre et faire la paix.

9. A luy seul appartient de lever des tailles et imposts.

10. A luy seul appartient de donner des sauvegardes.

11. A luy seul appartient d'ériger des collèges et universitez, et plusieurs autres tels droicts royaux.

Toutesfois les Roys mineurs estans à cause de leur bas aage incapables de commander de puissance absolue, on a jugé à propos de donner l'administration des affaires pendant la minorité du Roy, tantost à la mère, tantost au plus proche parent. Les histoires de France sont pleines d'exemples de l'un et de l'autre; le temps de cette minorité a tousjours esté incertain jusques en l'an 1374, auquel le Roy Charles V, séant en son lict de justice au parlement, fit une ordonnance par laquelle les Roys fussent réputez majeurs dès qu'ils entreroient en la quatorziesme année. Or, anciennement la régence estoit telle que, pendant la minorité des Roys, le régent ou la régente disposeroient absolument des affaires sous leur nom, et les lettres seroient scellées de leur sceau, sans y faire connoistre le Roy. Mais le Roy Charles VI ordonna, l'an 1392, que doresnavant il n'y auroit plus de telle régence, et qu'en quelque bas aage que la couronne escheut aux Roys ils seroient tenus pour tels, sacrez et couronnez, et toutes les affaires expédiées en leur nom, et le royaume gouverné par le conseil du régent ou de la régente, assistez des princes du sang et des principaux officiers de la couronne, comme du connestable et du chancelier. C'est pourquoy le Roy dernier mort ordonna avant son déceds que la Reyne sa femme seroit, pendant la minorité du Roy son fils, régente du royaume, qu'elle gouverneroit de l'advis et par le conseil de monsieur le duc d'Orléans, qui seroit lieutenant général du Roy par tout le royaume, sous l'authorité de la Reyne régente; de monsieur le prince de Condé deffunct, qui seroit chef du conseil sous mon sieur le duc d'Orléans; de monsieur le cardinal Mazarin,

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