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LE MAISTRE DE SACY.

1613-1684.

Louis-Isaac LE MAISTRE, connu sous le nom de SACY, était fils d'Isaac Le Maistre, maître des Comptes, et d'une sœur du grand Arnauld. I embrassa l'état ecclésiastique, et ses vertus et ses lumières le firent choisir pour directeur spirituel des religieuses et des solitaires de Port-Royal. Pendant la persécution qu'essuya ce monastère, de Sacy fut enfermé à la Bastille. Il employa les jours de sa captivité à faire une traduction des Écritures saintes, qui est regardée en France comme la plus fidèle et la plus parfaite qui existe au monde. Aucune autre n'a un style aussi brillant et aussi plein d'onction.

PARABOLE DE L'ENFANT PRODIGUE.

Un homme avait deux fils, dont le plus jeune dit à son père: « Mon père, donnez-moi ce qui doit me revenir de votre bien. » Et le père fit le partage de son bien.

Peu de jours après, le plus jeune de ces deux fils avant amassé tout ce qu'il avait, s'en alla dans un pays étranger fort éloigné où il dissipa tout son bien en excès et en débauches.

Après qu'il eut tout dépensé, il survint une grande famine dans ce pays-là, et il commença à tomber en nécessité.

Il s'en alla donc, et s'attacha au service d'un des

habitants du pays, qui l'envoya dans sa maison des champs pour y garder les pourceaux.

Et là il eût été bien aise de remplir son ventre des cosses que les pourceaux mangeaient; mais personne ne lui en donnait.

Enfin, étant rentré en lui-même, il dit : « Combien y a-t-il chez mon père de serviteurs à gages qui ont plus de pain qu'il ne leur en faut! et moi, je meurs ici de faim!

» Il faut que je me lève et que j'aille trouver mon père, et que je lui dise: Mon père, j'ai péché contre le ciel et contre vous;

» Et je ne suis pas digne d'être appelé votre fils; traitez-moi comme l'un des serviteurs qui sont à vos gages. »

Il se leva donc, et vint trouver son père. Et, lorsqu'il était encore bien loin, son père l'aperçut et en fut touché de compassion, et, courant à lui, il se jeta à son cou, et le baisa.

Et son fils lui dit : « Mon père, j'ai péché contre le ciel et contre vous, et je ne suis plus digne d'être appelé votre fils. »

Alors le père dit à ses serviteurs : Apportez promptement la plus belle robe, et l'en revêtez; et mettez-lui un anneau au doigt et des souliers aux pieds;

» Amenez aussi le veau gras, et le tuez; mangeons, et faisons bonne chère;

» Parce que mon fils que voici était mort, et il est

ressuscité; il était perdu, et il est retrouvé. » Ils commencèrent donc à faire festin.

Cependant son fils aîné, qui était dans les champs, revint, et, lorsqu'il fut proche de la maison, il enteudit les concerts et le bruit de ceux qui dansaient. Il appela donc un des serviteurs, et lui demanda ce que c'était.

Le serviteur lui répondit : « C'est que votre frère est revenu; et votre père a tué le veau gras, parce qu'il le revoit en santé. »

Ce qui l'ayant mis en colère, il ne voulait point entrer dans le logis; mais son père étant sorti pour l'en prier,

Il lui fit cette réponse : « Voilà déjà tant d'années que je vous sers, et je ne vous ai jamais désobéi en rien de ce que vous m'avez commandé; et cependant vous ne m'avez jamais donné un chevreau pour me réjouir avec mes amis;

» Mais aussitôt que votre autre fils, qui a mangé son bien avec des femmes perdues, est revenu, vous avez tué pour lui le veau gras. »

Alors le père lui dit : « Mon fils, vous êtes toujours avec moi, et tout ce que j'ai est à vous;

» Mais il fallait faire festin et nous réjouir, parce que votre frère était mort, et qu'il est ressuscité; il était perdu, et il a été retrouvé. »

(Saint Luc.)

DE RETZ.

1614-1679.

Paul de Gondi, cardinal de RETZ, naquit à Montmirail en Brie; il était fils d'Emmanuel de Gondi, général des galères sous Louis XIII. Il eut pour précepteur saint Vincent de Paul. Destiné à l'église dès son enfance, il tenta en vain, par le scandale d'une vie licencieuse, de faire renoncer ses parents à ce projet. En 1643, la faveur de sa famille et ses talents le firent nommer coadjuteur de l'archevêque de Paris, son oncle. Pendant la minorité de Louis XIV, il résolut de disputer le pouvoir à Mazarin les armes à la main, et il excita la guerre de la Fronde, où il déploya une habileté, une adresse, une vivacité vraiment prodigieuses. Les revers le dégoûtèrent de l'ambition et des intrigues. Ce grand agitateur devint pieux, tranquille et modeste, et passa dans la retraite les dernières années de sa vie.

Les Mémoires de Retz, dit Voltaire, sont écrits avec un air de grandeur, une impétuosité de génie et une inégalité qui sont l'image de sa conduite. Son style, quelquefois incorrect et négligé, est presque toujours original et pittoresque.

UNE SCÈNE DE LA FRONDE.

Le lieutenant civil entra dans ce moment dans le cabinet avec une pâleur mortelle sur le visage : je n'ai jamais vu à la comédie italienne de peur si naïvement et si ridiculement représentée que celle qu'il fit voir à la reine en lui racontant des aventures de rien qui lui étaient arrivées depuis son logis jusqu'au Palais-Royal. Admirez, je vous prie,

la sympathie des âmes timides : le cardinal Mazarin n'avait été jusque-là que médiocrement touché de ce que M. de La Meilleraye et moi lui avions dit avec assez de vigueur, et la reine n'en avait seulement pas été émue. La frayeur du lieutenant se glissa, je crois, par contagion dans leur imagination, dans leur esprit et dans leur cœur ; ils me parurent tout à coup métamorphosés; ils ne me traitèrent plus de ridicule; ils avouèrent que l'affaire méritait de la réflexion, ils consultèrent et souffrirent que Monsieur, M. de Longueville, le chancelier, le maréchal de Villeroy, celui de La Meilleraye et le coadjuteur prouvassent, par de bonnes raisons, qu'il fallait rendre Broussel, avant que le peuple, qui menaçait de prendre les armes, les eût prises effectivement. Nous éprouvâmes en cette rencontre qu'il est bien plus naturel à la peur de consulter que de décider. Le cardinal, après une douzaine de galimatias qui se contredisaient les uns les autres, conclut à se donner encore du temps jusqu'au lendemain, et à faire connaître, en attendant, au peuple que la reine lui accordait la liberté de Broussel, pourvu qu'il se séparât et qu'il ne continuât pas à la demander en foule. Le cardinal ajouta que personne ne pouvait plus agréablement et plus efficacement que moi porter cette parole. Je vis le piége, mais je ne pus m'en défendre, et d'autant moins que le maréchal de La Meilleraye, qui n'avait point de vue, y donua même avec impétuosité, et m'y entraîna, pour par

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