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Et, si dans leurs foyers désormais je n'habite,

Mon cœur me survit auprès d'eux :

Car ne les crois pas tels que la main de l'envie
Les peint à des yeux prévenus;

Si tu ne les connois que sur ce qu'en publie
La ténébreuse calomnie,

Ils te sont encore inconnus.

Lis, et vois de leurs mœurs des traits plus ingénus.
Qu'il m'est doux de pouvoir leur rendre un témoignage
Dont l'intérêt, la crainte, et l'espoir, sont exclus!
A leur sort le mien ne tient plus;

L'impartialité va tracer leur image.

Oui, j'ai vu des mortels, j'en dois ici l'aveu,
Trop combattus, connus trop peu ;

J'ai vu des esprits vrais, des cœurs incorruptibles,
Voués à la patrie, à leurs rois, à leur Dieu,
A leurs propres maux insensibles,
Prodigues de leurs jours, tendres, parfaits amis,
Et souvent bienfaiteurs paisibles

De leurs plus fougueux ennemis;
Trop estimés enfin pour être moins haïs.

Que d'autres s'exhalant, dans leur haine insensée,
En reproches injurieux,

Cherchent en les quittant à les rendre odieux :
Pour moi, fidele au vrai, fidele à ma pensée,

C'est ainsi qu'en partant je leur fais mes adieux.

VERS

SUR LA TRAGÉDIE D'ALZIRE.

QUEL

UELQUES ombres, quelques défauts
Ne déparent point une belle.

Trois fois j'ai vu la Voltaire nouvelle,

Et trois fois j'y trouvai des agréments nouveaux.
Aux regles, me dit-on, la piece est peu fidele:
Si mon esprit contre elle a des objections,
Mon cœur a des larmes pour elle;

Les pleurs décident mieux que les réflexions.

Le goût, par-tout divers, marche sans regle sûre; Le sentiment ne va point au hasard:

On s'attendrit sans imposture;

Le suffrage de la nature

L'emporte sur celui de l'art.

En dépit du Zoïle et du censeur austere,
Je compterai toujours sur un plaisir certain,

Lorsqu'on réunira la muse de Voltaire

Et les graces de la Gaussin.

VERS

SUR LES TABLEAUX

Exposés à l'Académie royale de peinture, Au mois de septembre 1737.

Si l'on croit les plaintes chagrines
De quelques frondeurs décriés,
Et les satires clandestines

De quelques auteurs oubliés,
Tout s'anéantit dans la France,

Le goût, les arts les plus brillants,
Tout meurt sous des dieux indolents;
Et, dévoués à l'opulence,

Nos jours ramenent l'ignorance

Sur la ruine des talents.

Mais quelle lumiere nouvelle

Dissipe le sommeil des arts!
De la divinité d'Apelle

Le temple s'ouvre à mes regards.
Naissez, sortez de vos ténebres,
Eleves de cet art charmant
Qui de la nuit du monument
Sauve les spectacles célebres,

Et fixe la légèreté

De la fugitive beauté.

De vos maîtres, que dans ce temple

La patrie honore et contemple,
Distinguez, saisissez les traits;

Et, par le talent et l'exemple
Elevés aux mêmes succès,
D'une gloire contemporaine
Méritez les fruits les plus doux :
C'est la seule gloire certaine ;
Et l'avenir n'est rien pour nous.
Si, dans cette illustre carriere,
La peinture sur ses autels

De Rigault et de l'Argiliere
N'offre point les traits immortels,
A juste titre elle a pu croire
Que c'étoit assez pour sa gloire,
Assez pour enseigner ses lois,
D'offrir les Coypels, les de Troys,
Et de conduire sur ses traces
Vanlo, le fils de la Gaîté,

Le peintre de la Volupté,
Et Nattier, l'éleve des Graces,
Et le peintre de la Beauté.
Quel présage pour Polymnie!
La gloire des dieux du pinceau

A la reine de l'harmonie
Annonce un triomphe nouveau.
Après les exploits de Bellone,
Sous le regne du dernier Mars,
La même main guidoit au trône
Les Racines et les Mignards.
Vous donc et l'ame et le Mécene
Des progrès d'un art fortuné,
Ouvrez des Muses de la Seine
Le sanctuaire abandonué;
Des amants de la poésie
Qu'on y dépose les travaux,
Et que, sans basse jalousie,
Admirateurs de leurs rivaux,
Ils y partagent l'ambrosie.
Par de réciproques secours
Augmentant leur clarté féconde,
Les astres éclairent le monde
Sans se combattre dans leur cours.
Crébillon des royaumes sombres *
Nous peindra les plaintives ombres,
Et les célebres malheureux;

Voltaire du tendre Elysée *

* La tragédie.

** Le poëme épique.

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