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PRÉFACE

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PRÉFACE

Laboremus.

Pour bien apprécier le livre que je suis heureux et fier de présenter au public, reportons-nous en idée vers ces jours néfastes où Paris et la France, affolés de douleur, d'humiliation et de rage, semblaient se liguer avec nos vainqueurs pour achever l'œuvre de désolation et de ruine. On eût dit un malade, pris d'un accès de fièvre chaude, déchirant de ses mains brûlantes l'appareil de ses plaies et déjouant par ses violences le dernier effort de ceux qui essayaient de le sauver. Partout la menace, la haine, la récrimination stérile, le présage sinistre, en attendant le massacre et l'incendie; la province subissant le contre

coup des fureurs parisiennes; le sentiment de la défaite s'envenimant dans les âmes au profit des passions les plus hideuses; l'anarchie sanglante demandant aux Prussiens le mot d'ordre de ses triomphes; le crime installant sa victoire et son règne sur des monceaux de cadavres et de débris; des Français, désarmés par l'invasion, retrouvant des armes contre leurs frères et contre eux-mêmes; la Terreur de 1871, plus courte, mais plus navrante que celle de 93; car elle servait d'épilogue aux désastres de la guerre, aux mutilations du territoire, aux exigences de l'ennemi, aux chiffres de la rançon, et n'avait pas même, comme son abominable sœur aînée, l'insolent bonheur de pouvoir s'associer à des dates victorieuses et à des semblants de patriotisme.

Cette incroyable série de calamités, de hontes, d'angoisses et de périls donnait — qui de nous pourrait l'oublier? — le vertige aux plus intrépides et aux plus sages. C'est à peine si, à travers les ténèbres de cet enfer, où Vallès et Vermesch remplaçaient, hélas ! Dante et Virgile, on voyait luire une de ces pâles clartés dont nul ne saurait dire si elles doivent rassurer ceux qui tremblent ou ef

frayer encore plus ceux qui ne veulent pas désespérer. Etait-ce une lueur de bon sens ramené par des excès de folie? l'aube d'une régénération morale qui seule pouvait rendre possibles, durables et efficaces, une renaissance politique, une revanche nationale? Ou bien était-ce le dernier éclair précédant le dernier coup de foudre, le reflet du glaive de l'ange exterminateur planant sur les décombres de la nouvelle Ninive? Nous ne le savions pas; tout ce qu'il nous était facile de deviner, c'est qu'il nous restait, à nous, hommes de tradition monarchique, libres de tout engagement avec les funestes régimes du 2 décembre et du 4 septembre, deux grands devoirs à remplir, deux moyens de salut peut-être : lutter, combattre, parler, écrire, agir, nous tenir obstinément sur la brèche, donner l'exemple du travail à cette démagogie qui nous traite d'oisifs et d'inutiles; mettre largement en pratique le laboremus de l'empereur Sévère;

et, pour que notre tâche fût plus féconde, remonter des effets aux causes, des œuvres aux personnes, venger la vérité, la liberté, la justice, la morale, tant de fois offensées par les précurseurs et les continuateurs de nos désastres; les saisir au passage avant qu'ils dis

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