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textuellement reproduites dans cet ouvrage, le Prince-Royal, cinquante pages empruntées à la série publiée par les Débats en 1837 sur le mariage, et, plus tard, sur la mort et les obsèques de M. le duc d'Orléans. Nous devons tous ces articles à la collaboration de M. Cuvillier-Fleury qui n'a autorisé personne à les reproduire et qui n'a pas été consulté sur ces emprunts. » Le coup était rude, et cependant vous étiez bien innocent! C'était la faute de votre copiste.

Sous ce titre : ROSETTE, histoire du XVIIIe siècle, vous publiez dans la Revue de Paris (1) un conte où l'on s'accorde généralement à voir votre chefd œuvre. Les éditions se multiplient, et, avec elles, les éloges de la critique et les applaudissements du lecteur. Survient un trouble-fête, M. Quérard : il dit que votre Rosette se retrouve mot pour mot dans un petit roman publié en 1750, Thémidore, ou mon histoire et celle de ma maîtresse (*), par Godard-d'Aucour. Il le dit, et le prouve en mettant en regard, sur deux colonnes, Rosette et Thémidore jamais sœurs jumelles ne furent plus ressemblantes (3). Certes, la révélation était désagréable; mais, après tout, c'était la faute de votre copiste.

:

(1) 1832, I série, t. XXXVII.

(2) Contes fantastiques et contes littéraires, édition de 1832, 4 vol. in-12. Contes fantastiques et contes littéraires, édition de 1863, 1

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vol. in-18.

(3) Voy. Les supercheries littéraires dévoilées, par J.-M. Quérard, tome II, I partie.

Une autre fois, un article intitulé « Gaspard Hauser >> paraît sous votre nom dans le Journal des Enfants et au tome VI du Salmigondis. Il se trouve qu'il a été pris entièrement à l'Écho britannique qui obtient contre vous, à la sixième chambre de police correctionnelle, une condamnation à vingt-cinq francs d'amende et à cinq cents francs de dommages-intérêts. C'était encore la faute de votre copiste le misérable avait poussé la perversité jusqu'à reproduire les fautes d'impression qui se trouvaient dans l'Echo brilannique!

(M. Janin, exaspéré, essaie de lever sa canne sur
M. Sainte-Beuve.)

M. SAINTE-BEUVE.

Frappe, mais écoute.

(M. Sainte-Beuve saisit, d'une main, la canne de M. Jules-Janin, et, de l'autre, le menace avec son parapluie. MM. Pingard, Saint-Marc Girardin, Cousin, Scribe, Husson, se jettent entre les deux adversaires. Cris, tumulte. -Au bruit, accourent MM. Doucet, Lama tine et plusieurs autres académiciens.)

SCÈNE V.

LES MEMES, MM. CAMILLE DOUCET, LAMARTINE,

ALFRED DE VIGNY, ALFRED DE MUSSET, SALVANDY, PATIN, MONTALEMBERT, FLOURENS, LE DUC DE BROGLIE. GROUPE D'ACADÉMICIENS.

M. CAMILLE DOUCET.

Qu'est-ce donc? Qu'y a-t-il ?

M. PINGARD, trouble.

Oh! mon Dieu, rien, rien absolument. C'est M. Janin et M. Sainte-Beuve qui échangent....

M. CAMILLE DOUCET.

Ah! je vois ce que c'est : M. Sainte-Beuve, étant chargé de faire l'éloge de M. Janin, s'occupe en ce moment de lui prendre mesure.

M. SAINTE-BEUVE.

Précisément.

M. JULES JANIN.

Eh bien! lorsque viendra le jour de la séance, répétez devant tous ces messieurs tout ce que vous m'avez fait entendre depuis une heure; dites que je suis un pédant, un plagiaire et un ignorant; dites, si cela vous plaît, que je suis un âne.... mort; mais dites aussi, Monsieur, que je n'ai jamais eu d'autre ambition que d'être homme de lettres

et, Dieu aidant, académicien; qu'on ne m'a jamais vu flatter César pour obtenir une place au Sénat, et insulter Dieu pour recueillir les applaudissement de la plèbe; que je n'ai pas tour à tour loué et attaqué les mêmes hommes, suivant qu'ils étaient debout ou enterrés; que j'ai honoré dans l'exil les princes que j'avais respectés sur le trône, et qu'à moi du moins ne se peut appliquer le vers du poète :

Et cum fortuna statque seditque fides!

Dites bien que, si j'ai publié quelques œuvres trop légères, je m'en accuse, et que jamais du moins je n'ai érigé l'immoralité en système; dites que si j'ai trop aimé les vins fins et les mets délicats, je n'ai pas tenu table ouverte d'athéisme et je n'ai pas fait de ma nappe un drapeau. Dites que, si mon secrétaire a poussé un peu trop loin l'amour de la copie, on ne l'a pas vu du moins comme le vôtre, celui-là même que vous avez choisi pour être l'exécuteur de vos dernières volontés, assister M. Pyat dans la rédaction du Vengeur et du Combat, et écrire, dans ces honnêtes feuilles, de petits articles à faire assassiner les gens. Dites enfin à vos confrères que, si je laisse peu de chose à la postérité, je ne lui lègue point de petits papiers où ils sont tous, surtout que vous aviez le plus flattés, sentés sous des couleurs ridicules ou odieuses!

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ceux-là

repré

M. DE LAMARTINE.

Comment! M. Sainte-Beuve aurait fait cela? Il aurait dit du mal de quelqu'un, lui, ce pieux et tendre réveur, heureux d'admirer comme d'autres sont heureux de comprendre! Je n'oublierai jamais, pour mon compte, les pages enthousiastes qu'il m'a consacrées.

M. JULES JANIN.

Ah! c'est vous, Monsieur de Lamartine. (Tirant un carnet de sa poche.) Eh bien! voilà comment le tendre et pieux rêveur vous a défini: << Lamartine : l'orgueil béat qui s'adore! »

M. ALFRED DE VIGNY, serrant la main de Lamartine.

Mon noble ami, de telles injures ne sauraient vous atteindre.

M. JULES JANIN.

Puisque vous voilà, Monsieur de Vigny, écoutez le passage qui vous concerne...

M. ALFRED DE VIGNY.

Je sais que l'ardeur de notre première amitié avait depuis longtemps fait place à des sentiments plus froids. Il ne se peut pourtant qu'il ait mis en complet oubli l'époque où j'étais pour lui un ange, un séraphin, un poète saint, un apôtre en poésie, où il me disait :

Vous rentrerez au ciel, une couronne au front,

Et vous me trouverez en larmes, en prière,

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