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paires de rames avaient aussitôt mis en mer; et les prises nombreuses qu'elles firent ne tardèrent pas à obliger les bâtiments marchands turcs à ne pouvoir naviguer qu'avec escorte. Ne trouvant plus ainsi de proie à capturer, les Kasiotes résolurent d'aller chercher l'ennemi dans ses ports; et, informés qu'on préparait à Damiette un convoi destiné pour l'armée de Hassan pacha, ils se dirigèrent vers l'embouchure Pelusiaque du Ni). Quatre de leurs armements, étant en conséquence arrivés le 17 septembre dans ce parage, passèrent le Bogaz et s'emparèrent de dix-neuf transports chargés de riz, ainsi que d'un paquebot, sur lequel ils trouvèrent un million de piastres fortes d'Espagne (1). Maîtres de ce butin, les Kasiotes, qu'on avait jusqu'alors qualifiés de pirates, aussi jaloux de prouver leur probité, que de causer des dommages aux Turcs, chargèrent un vaisseau qu'ils abandonnèrent sur la rade, des ballots portant la marque des factoreries européennes, parce qu'ils pouvaient appartenir à quelque maison franque établie dans le Levant, et ils se retirèrent en emmenant leurs prises à la vue des Turcs, qui s'étaient sauvés sur le rivage du Nil.

Ce rapport, propre à consterner Hassan pacha, fut aussitôt transmis à Constantinople par le capitan pacha, qui dénoncait à la Sublime Porte l'audace des Kasiotes, chose plus facile que de la réprimer,

(1) Environ cinq millions quatre cent mille francs.

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ainsi que celle des Samiens. Ces derniers, écrivaitil à Khalet effendi, non contents de faire des descentes presque journalières sur les côtes de l'AsieMineure, venaient de fortifier le port Vathi, et de creuser des fossés de soixante pieds de large sur vingt-cinq de profondeur à l'entrée des défilés des montagnes, pour en défendre l'approche. Tel était le sens de la dépêche plus que ridicule du capitan pacha, auquel on répondit de tenir la mer et de venir le plus tard possible hiverner aux Dardanelles, sans se présenter devant la face resplendissante de gloire du sultan, avant d'avoir calciné Samos, Psara, Hydra et Spetzia.

La Porte, après cette réponse, tourna ses regards vers la Perse, d'où le prince royal Abbas Mirza était sorti vers la fin de juillet, après les négociations infructueuses du résident anglais Willoch, pour se diriger sur Erzeroum. Le 3 août il avait battu les Turcs, et sans le cholera morbus qui affligea son armée, il se serait emparé de Bagdad. Quoique la guerre fût peu de chose dans cette partie de l'empire ottoman, on jugea convenable de traiter, et la légation anglaise s'étant offerte comme médiatrice, elle trouva convenable de réexpédier en Perse son résident afin de réconcilier deux souverains qui n'avaient aucun intérêt bien marqué à se faire la guerre.

Le sultan, pour l'amour duquel M. Willoch, ministre de S. M. B. auprès du Cha de Perse, venait de reprendre la route de Théran, afin d'y négocier

un arrangement favorable aux Osmanlis, et le lord Strangford, ainsi que l'internonce d'Autriche, qui avait eu l'honneur de complimenter Sa Hautesse en langue turque, cheminaient pour aller plaider la cause des barbares aux assises royales de Vérone, quand l'ordre qu'on vient de rapporter fut expédié au capitan pacha.

Le divan était irrité contre lui; car son impéritie ne pouvait être révoquée en doute, quoiqu'en bonne justice on eût dû s'enquérir, avant de l'employer, s'il avait la capacité requise, plutôt que d'être réduit à le châtier pour une faute imputable, dans ce cas, aux ministres. Nauplie n'avait point été ravitaillée; Dramali était battu; l'armée de Khourchid s'était débandée; plusieurs familles turques de Morée, sur la foi des bulletins émanés de l'étrier impérial du successeur des caliphes, avaient péri victimes de leur empressement à se rapatrier. Les milices de Constantinople murmuraient contre Khalet effendi, qui s'en prit au janissaire aga, qu'on destitua avant d'arriver jusqu'au favori du jour. Celui-ci crut, à son tour, conjurer l'orage en rejetant la cause des malheurs publics sur ceux qui avaient suscité la guerre en faisant proscrire Ali pacha de Janina, et on se souvint à ce sujet d'Ismaël Pachô bey, exilé à Démotica. Il fut, selon l'usage, accusé, jugé, condamné, sans comparaître, sans être entendu, sur le bon plaisir du souverain, et sa tête, qui figura le 1er novembre à la porte impériale du palais de Sa Hau

tesse, apprit au public, par le yaphta qu'on y avait attaché, la cause de sa mort (1). Le sang des Souliotes, de l'évêque de Hiéroméri, qu'il avait dénoncé, et des chrétiens épirotes, était ainsi vengé par le peuple anti-chrétien, que la providence réserve, dans sa justice éternelle, à se déchirer de ses propres mains, à défaut de ceux qui devraient le rejeter dans les landes de la Tartarie.

Il est difficile de s'arrêter dans la carrière du crime! L'exécution d'Ismaël Pachô bey fut suivie de celle de plusieurs des conseillers de l'ancien visir Ali pacha de Janina; et ce qui surprit fut d'apprendre qu'on s'était contenté de renfermer Vasiliki dans une maison particulière (où elle vit encore du pain de l'aumône), tandis que son frère Simon se trouvait à la tête des insurgés du Pinde. Les janissaires se calmèrent à la vue de ces exécutions; le prix du pain fut diminué, et le sequin de dix piastres, fixé à douze par un firman de Sa Hau

(1) Traduction du Yaphta cloué à la tête d'Ismaël Pachó bey, exposée à la porte du sultan Mahmoud.

Le ci-devant gouverneur de Janina, Ismaël Pachô bey, exilé depuis quelque temps à Démotica, étant l'auteur de la révolte de Cacosouli, et se trouvant convaincu d'entretenir des relations en Albanie pour soulever cette province, vient d'attirer sur lui la colère de Sa Hautesse. De tout temps cet homme a été porté à ourdir des intrigues; en conséquence, pour délivrer la société de ce perturbateur, un arrêt de mort a été lancé contre lui, et il a été, en vertu de cet ordre fatal, décapité à Démotica,

ET CELLE-CI EST LA TÊTE D'ISMAEL PACHO BEY.

tesse, enrichit d'un trait de plume le trésor et les particuliers, qui ne tardèrent pas à payer les denrées un quart en sus du cours ordinaire auquel on les achetait avant cette opération fiscale.

Pendant que ces mesures d'anarchique administration s'exécutaient à Constantinople, les Hydriotes, qui avaient relâché le bâtiment autrichien violateur du blocus de Nauplie, en lui laissant jusqu'à sa cargaison, s'empressèrent de détacher dix-huit bricks, fins voiliers, à la poursuite de l'amiral. Ceux-ci, après l'avoir observé jusqu'au port de la Sude, cinglèrent aussitôt vers l'île de Samothrace, où l'on avait déposé, comme on l'a rapporté dans le cours de cette histoire, une partie des religieux du mont Athos, qui s'étaient soustraits au glaive d'Aboulouboud pacha de Salonique. La sollicitude des Hellenes pour les pères de la Sainte-Thébaïde et un objet plus religieux encore les attiraient vers cette île mystérieuse, qui fut de tout temps le sanctuaire des initiations, que nul mortel n'osait révéler. On y avait déposé la Croix donnée autrefois par l'empereur Constantin aux religieux de la Vierge des Blaquernes, qui la transportèrent dans la suite des temps au mont Athos.

L'amiral André Miaoulis Vôcos et ses matelots étaient trop religieux pour s'enorgueillir des succès maritimes qu'ils avaient obtenus. Ils ne pouvaient les attribuer qu'à la protection toute-puissante de la Providence, qui avait confondu l'orgueil des soldats de Mahomet, et comme la victoire vient de Dieu, on résolut de décerner les honneurs du

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