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de contenter fes inclinations. C'est de le rendre immortel & glorieux. C'eft de le garantir de la mort éternelle dont il eft me. nacé. Voilà ce que nous lui devons, & ler Hommes font injuftes envers leurs corps quand ils ne fatisfont pas à cette dette.

II. Bien-loin que la recherche des plai firs des fens foit le bien du corps, que c'est au-contraire fa maladie. Car par ce corps il ne faut pas entendre la matiere dont nous fommes compofés, qui demeure toujours infenfible: neque enim eft Tus ullus fenfus in corpore, comme Ciceron l'a

lui-même reconnu, il faut entendre l'ame qui s'applique au corps, & en qui réfdent les fentimens que nous attribuons au corps. C'eft cette application de l'ame au corps qui fait la vie de la chair, quand elle met fon plaifir & fa joie à recevoir ces impreffions, & qu'elle ne les reçoit pas feulement par néceffité; mais qu'elle les recherche pour le plaifir qu'elle y trouve, qu'elle les aime, qu'elle s'y plaît, & qu'elle en fait fon bonheur.C'est ce que l'on appelle la vie des fens : & cette vie eft, non le bien de l'ame, mais fa maTadie; parce qu'érant créée pour aimer Dieu & pour en jouir, c'eft un effroyable aviliffement pour elle, & un horrible defordre, qu'elle veuille jouir de ses sens: car elle ne peut pas faire l'un & l'autre,

ni jouir de Dieu & des créatures corporelles tour enfemble. Dieu mérite tout fon amour. Il n'y veut point de partage: Il eft feul capable de la fatisfaire. Ce qu'elle en donne aux créatures, elle l'ôte donc à Dieu, & elle commet une double injustice envers Dieu, en lui raviffant ce qu'elle lui doit, & envers foi-même, en fe privant de fon bonheur, & en fe rendant par-là miferable contre l'ordre & la volonté de Dien.

III. La pente au plaifir du corps & à la vie fenfuelle étant donc la maladie de l'ame & du corps, ce que nous lui devons n'eft pas d'aigrir & d'augmenter cette maladie, c'est au- contraire de la guérir par des remedes convenables. O. elle s'aigrit en fuivant cette pente & ces defirs corrompus; & on y remedie au contraire par la mortification & la privation des plaifirs. Ainfi tant s'en faut qu'on foit obligé de fe procurer les fatisfactions des fens,qu'on eft obligé de fe les refufer,parcequ'on eft obligé de fe guérir. Que diroit-on d'une perfonne à qui on auroit confié le foin d'un malade, & qui lui accorderoit tont ce qui peut augmenter fon mal, & ne lui feroit prendre aucun re mede pour le foulager On diroit que cette perfonne feroit injufte & cruelle. Or nous commettons cette injustice, & nous

exerçons cette cruauté envers nous-mêmes, quand nous n'avons pas foin de mortifier nos fens, & que nous leur accor dons ce qu'ils nous demandent. Ainsi la mortification & la privation des plaifirs eft un devoir de justice. Un homme intemperant eft injufte envers foi-même, quand il ne fe prive pas des plaifirs illicites par la mortification & par le jeûne : & l'on eft de même injuste envers foi-même, quand on fe permet tous les plaifirs licites où notre inclination nous porte. Car ils ne font licites qu'autant qu'ils font néceffaires, & dès lors qu'ils ne font plus néceffaires, c'eft un devoir de s'en abftenir. On fe doit la mortification & la pri vation des plaisirs, comme on se doit une médecine & un autre remede: & on est auffi injufte en ne les pratiquant pas, que fi on laiffoit devorer fon corps par une gangrene dangereufe, faute d'y apporter les remedes néceffaires.

IV. C'est ce qui nous oblige de chan ger les idées que nous nous formons de la vie des hommes, & de la regarder d'une maniere toute oppofée à celle dont on la regarde ordinairement.Les perfonnes au! teres & mortifiées qui fe refufent tous les plaisirs du corps, & toutes les délices de la vie,paflent pour ennemis de leurs corps, & ce font ceux néanmoins qui l'aiment

le plus véritablement & le plus efficacement. Tout ce qu'ils font ne tend qu'à le guérir, à éteindre en lui les femences de la mort, à le rendre immortel, incorruptible, glorieux. Tout ce qu'ils pratiquent à fonégard, ne tient lieu que d'un régime preferit par le plus habile de tous les médecins, qui eft Jefus Chrift,& pratiqué par toutes les perfonnes vraiment fages; & ce regime, quoique dur en apparence, l'eft pourtant beaucoup moins que celui qu'on fe trouve tous les jours obligé de fuivre, pour fe guérir de certaines maladies corporelles. Ceux qui vivent de cette forte, font donc les vrais amateurs du corps;parceque ce font ceux qui lui procurent les vrais biens. Dieu qui les oblige à cette juftice, le fait par un motifde mifericorde pour eux, parcequ'il voit que c'eft la vraie voie pour les garantir des maux qui les menacent. Aucontraire les vrais ennemis de leur corps, & qui le traitent non- feulement avec injuftice, mais avec inhumanité, font ceux qui le flattent & qui le carellent, & qui fuivent l'inclination qu'ils ont de jouir des plaifirs du monde. Car quelle plus grande cruauté, & quel procedé plus digne d'ennemis envenimés, que d'empoisonner fans ceffe leur propre corps, & de lui préparer fans cefle des tour

mens infinis & éternels? C'eft néanmoins l'unique occupation des voluptueux. & de ceux qui paffent leur vie dans la recherche des plaifirs du monde, & dans la fuite des mortifications & des aufterités. Et c'eft pourquoi l'Ecriture, qui regarde les chofes par leurs véritables idées, donne le nom de cruelle à une femme impudique, qui femble ne rechercher Prov. s. que le plaifir. Nabandonnez pas, dit-elle,

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ves années à une cruelle. Car elle est véritablement cruelle, & envers elle même, & envers ceux qu'elle attire, puifque tout ce qu'elle fait ne tend qu'à procurer la mort & aux autres & à elle même.

V. Comme on doit fe porter aux mortifications par un motif de juftice, & par um amour réglé de fon corps, on fe doit accorder les fonlagemens dont il a befoin par le même motif de juftice: & c'eft ce qui fait voir de quelle maniere on peut pratiquer les actions les plus ordinaires dans la vue de Dieu, & par l'amour de fa juftice. Car ayant reçu de lui le dépôt de notre vie pour la conferver autant que fa providence le permettra, nous fommes obligés de faire ce qui est néceffaire pour cela, en évitant néanmoins ce qui peut caufer ces autres maladies dont nous avons parlé. La justice de Dieu oblige donc l'homme à avoir un foin raisonnable d

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