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les il juge que nous pourrons nous heur-
ter;à femer dans notre efprit de faux prin-
cipes qui nous affoibliffent dans les oc-
cafions & qui nous ôtent la force de ré-
fifter aux tentations. Il nous voit, & nous
ne le voyons point, & il travaille toujours
à notre perte fans que nous nous en ap
percevions.

III. Ce n'eft pas une guerre où il ne s'agifle comme dans les guerres du monde les plus animées & les plus cruelles, que de perdre la liberté, les biens & la vie. Nos ennemis ont bien d'autres deffeins contre nous, & les expreffions méme de l'Ecriture qui les compare à des lions rugiflans prêts à devorer leur proye, rugientibus præparatis ad efcam,font encore Ecli. 514 infiniment éloignées de repréfenter toute la malice de leurs deffeins contre nous. Ce qu'ils prétendent eft de nous rendre miferables pour l'éternité, de nous infulEter à jamais fans que leur rage puiffe être affouvie. Leurs traits, felon faint Paul, font des traits enflammés, qui ne font pas seulement capables de percer les cours, mais de les embrafer & d'y réduire en cendre tout ce qu'on y pourroit avoir amaffè de mérites & de vertus. Ce font làles ennemis que nous avons à combattre

toute notre vie.

IV. En confiderant donc la force de ces

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ennemis & notre propre foibleffe, il y auroit fujet de defefperer de les pouvoir vaincre, fi Dieu ne nous donnoit un fecours qui eft au-deffus de leurs forces, quelques grandes qu'elles foient. C'eft ce fecours qui eft marqué par ces paroles de faint Jean Tous ceux qui font nés de Dieu, font victorieux du monde. Car être né de Dieu, n'elt autre chofe qu'avoir reçu le Saint Efprit qui nous rend enfans de Dieu, & qui nous fait crier, comme dit l'ApôGal. 4 tre: Mon pere, mon pere. Or quelque force qu'ait le démon, il n'en a pas tant que l'Esprit de Dieu :il faut au-contraire qu'il cede à cet Elprit, lorsqu'il vient le dépouiller de ceux qu'il avoit rendu captifs. C'eft ce plus fort dont parle l'Evangile, qui entre dans la maifon du fort armé, & qui lui ravit ceux qu'il tenoit enchaînés.Cet Elprit eft lumiere & amour. Par fa lumiere il diffipe les ténebres & les illufions du démon: par l'amour qu'il infpire il détruit le regne de l'amour du monde & de fes paffions. Si le démon a une infinité d'adreffes pour nous feduire, l'Esprit de Dieu en a encore plus pour les repouffer & les rendre inutiles. Enfin avec ce fecours nous avons droit de nous promettre une victoire affurée, parceque cet efprit eft le don de Jefus-Chrift Iran, 16. qui a vaincu le monde & pour lui & pour

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nous: Confidete, ego vici mundum. V. Mais il ne faut pas s'imaginer que cet eprit ayant une fois pris poffeffion des ceeurs, il n'y ait plus rien à craindre à l'avenir pour ceux qui l'ont reçu, parcequ'il eft dit que tous ceux qui font nés de Dieu, Jont victorieux du monde. Ils en font en effet victorieux dès lors qu'ils ont reçu cet Esprit,mais ils n'en font pas victorieux immuablement, parcequ'ils le peuvent perdre, & qu'ils le peuvent bannir. L'E prit de Dieu n'entre à la verité dans les cœurs,& ne leurcommunique sa naissance fpirituelle qu'en leur faifant furmonter le monde: mais le monde furmonté tâche de rentrer en poffeffion des cœurs dont le Saint-Esprit l'a banni. Nous pouvons encore perdre ce tréfor, & il faut travailler à le conferver. Ceft dans ce foin que confifte tout l'exercice de la vie chrétienné. Ceft-là le fujet de ces exhortations de faint Paul: Gardez-vous bien d'éteindre le 5. 19. Saint-Efprit: Prenez garde de ne pas con- Ephef. 4. trifter le Saint-Elprit de Dieu.

Il eft vrai que ce même Saint-Esprit nous affifte dans cette réfiftance au démon qui tâche de rentrer dans fa maison. Ileft toujours prêt d'accorder son secours à ceux qui le lui demandent comme il faut : mais il est vrai auffi qu'il y en a bien entre ceux qui l'ont reçu, qui négligent

f.

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The.

d'implorer ce fecours, & qui par une per fidie honteufe ouvrent les portes au démon, & le reçoivent dans leur cœur.

VI. Il ne faut pas prétendre trouver en ce monde une affurance entiere contre ce malheur. Dieu ne nous en veut donner aucune de cette forte, parcequ'il nous eft utile de n'en avoir point, & d'avoir lieu de craindre toujours.

Il nous doit fuffire que nous en ayons qu'il n'eft pas encore arrivé ; c'est-à-dire, d'avoir une marque qui nous affure autant qu'on en peut être affuré en cette vie, de la préfence du Saint-Esprit, incompatible avec le regne du peché. Et c'eft ce que nous pouvons trouver dans ces paroles mêmes: Tous ceux qui font nés de Dieu, font victorieux du monde. Car elles ne fignifient pas que dès qu'on a reçu une fois le Saint-Elprit, on vaincra toujours le monde: mais elles fignifient que le Saint-ELprit n'entre dans les cœurs qu'en leur faifant furmonter le monde;& qu'ainfi celui qui ne le furmonte point, n'a point le Saint-Efprit. Ainfi la victoire fur le monde eft la marque qu'on a reçu le Saint-Ef prit: & le défaut de cette victoire est une marque ou qu'on ne l'a point reçu, ou qu'on l'a laiffé perdre.

On ne fe convertit point à Dieu, & on ne devient point enfant de Dieu, d'enfant

du diable qu'on étoit auparavant, en demeurant tel qu'on étoit. Il faut changer d'amour, & par confequent d'actions: & c'eft ce qui fait voir l'illufion de ceux qui prétendent être convertis à Dien, fans qu'il paroife en eux aucun changement effectif; qui aiment les biens du monde avec la même paffion qu'ils les aimoient; qui les recherchent avec la même ardeur qu'ils les recherchoient; qui ne font pas moins fenfibles aux injures qu'ils l'étoient auparavant; qui ne donnent pas plus de tems qu'ils faifoient aux actions de piété & qui occupent, comme ils faifoient, tout leur efprit aux chofes du monde. Car quelle marque ces gens ontils qu'ils ayent vaincu le monde, puifque l'efprit du monde n'eft pas moins vivant, ni moins agiflant en eux qu'il étoit? Il est vrai qu'ils s'abftiennent de certaines actions manifeftement criminelles: mais cela n'empêche pas que le monde ne regne en eux, puifqu'il eft l'objet du gros de leurs actions, & qu'ils font avec inclination, avec joie, avec diligence tout ce qui regarde le monde; & avec lan gueut, avec chagrin, avec négligence tout ce qui regarde Dieu. Le diable vent bien entrer dans ces fortes de compofitions, & accorder à la crainte qu'on a de fe danner, l'exclufion de certaines actions

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