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n'est point non plus dans les choses sensibles ou naturelles qui toutes sont variables et bien inférieures à l'homme, qu'il peut puiser la vie pure et trouver le repos. Il est fait pour Dieu, et son âme est inquiète, troublée, agitée, jusqu'à ce que par sa réaction légitime elle se repose en Dieu. Vous pouvez refuser cette réaction puisque vous êtes libre, et ainsi vous pouvez détruire le rapport de vous à Dieu, mais non le rapport de Dieu à vous. Vous ne pouvez échapper à son action législatrice, si terrible pour l'impie. Le Ciel et la terre passeront, mais la loi de l'homme ne passera pas. Elle subsiste éternellement, car elle est l'expression de la volonté souveraine et immuable; elle est amour; elle impose l'amour, et l'amour est éternel, il est Dieu.

TRENTE-NEUVIÈME LETTRE.

ADOLPHE AU MAITRE.

Nos amis israélites m'ont communiqué les dernières lettres que vous leur avez adressées; et quoique ma foi sur les points dogmatiques qu'elles traitent soit bien fixée, parce qu'ayant eu le bonheur de la recevoir dans mon enfance, tout ce que j'ai vu, entendu et lu depuis n'a pu prévaloir contre elle, même quand elle semblait s'obscurcir; néanmoins j'ai éprouvé une grande joie en voyant si pleinement justifié par la science ce que jusqu'ici j'avais cru sans pouvoir me l'expliquer, en voyant s'accorder des points de doctrine qui me paraissaient contradictoires, en entendant mon maître affirmer, non plus dogmatiquement mais logiquement, ce qui longtemps m'avait semblé insoutenable, ce que j'avais peine à entendre ou à écouter. J'ai appris aussi en cette occasion à mieux apprécier tout l'avantage que donnent, même sous le rapport de la science, l'ins

TOME II.

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truction et l'éducation chrétiennes reçues au sortir du berceau.

Vous connaissez mieux que moi, mon cher maître, ce que mes condisciples ont d'intelligence et de bonne volonté. Je rends hautement justice à leur ardeur de s'instruire, à leur amour pour la vérité, à leur capacité, à leur talent. Malgré cela j'ai reconnu dans nos conversations, que vos dernières lettres trop substantielles peut-être pour eux n'avaient point été entièrement comprises, qu'il fallait à nos amis des développemens, des explications; et comme je me trouve plus près d'eux par l'âge et par ma qualité de condisciple, j'ai consenti à écouter leurs difficultés, à les discuter avec eux, atténuant pour ainsi dire la force de votre parole afin de la mettre à leur portée.

Les divers points dont vous avez traité en dernier lieu, l'origine du mal, la chute de l'ange et celle de l'homme, sont des vérités métaphysiques déjà annoncées à l'ancien monde, et que nos amis retrouvaient explicitement dans les livres de Moïse et des prophètes. Vous abordez maintenant des questions purement chrétiennes, la rédemption du genre humain opérée par Jésus-Christ Verbe-Dieu fait chair, la rédemption qui est l'aboutissant de toutes les questions précédentes, la solution de l'histoire de l'humanité. Ce moment sera solemnel et décisif pour nos catéchumènes comme il l'a été pour moi, quand la nécessité et par conséquent la vérité de ce fait

divin m'a été scientifiquement démontrée. Souffrez donc, mon cher maître, que je prenne ma petite part à l'œuvre de salut que la Providence vous a appelé à accomplir en des âmes qui lui sont chères ; autorisez-moi à être en cette circonstance le répétiteur de vos leçons.

Qu'il est beau le mystère de l'amour dans lequel vous nous montrez le motif de la création, le fondement de sa possibilité et de sa réalité! Dieu est amour : il a voulu communiquer sa félicité à des créatures capables d'y participer et d'en jouir. Il les a créées intelligentes pour le connaître, libres pour réagir par amour vers l'amour. La loi de l'homme, c'est d'aimer, d'aimer Dieu par-dessus tout. Or rien n'excite l'amour comme l'amour qui donne et se donne; rien ne glace l'affection comme le soupçon d'intérêt propre, d'égoïsme dans l'être qu'on se sent disposé à aimer. Si donc il fallait croire que l'Être créateur, en se manifestant hors de lui n'eût voulu que sa gloire, qu'il n'eût fait des êtres intelligens qu'afin qu'il y eût dans l'univers des témoins et des admirateurs de sa puissance; s'il a fait tout pour lui uniquement dans son intérêt, je ne pourrais voir en Dieu que le plus grand, le plus exigeant, le plus impitoyable des égoïstes, devant lequel il faudrait bien courber la tête parce qu'il est le plus fort; mais que je ne pourrais jamais aimer, aimer pour lui, aimer autant et plus que moi-même; car si l'amour est ma

loi, l'amour doit être le principe divin de mon exis

tence.

S. Paul dit: «Soit que vous mangiez, soit que vous << buviez, ou quoi que vous fassiez, que ce soit pour «la gloire de Dieu.» Ce passage nous a arrêtés un instant; mais nous avons vu bientôt qu'il n'est que l'explication du devoir sacré, imposé à toute créature libre de réagir avec amour vers la grâce divine, de rapporter à Dieu ce qu'elle reçoit de lui, de se restituer par son affection, par sa pensée et par ses actions même les plus extérieures, à Celui par qui elle est, de qui elle tient l'existence, la vie et l'aliment de sa vie. Une comparaison nous a aidés à mieux concevoir ce que c'est que la gloire de Dieu, dans le sens de l'Apôtre. Le soleil qui est à une grande distance de la terre verse sur elle sa lumière; les rayons après avoir traversé l'espace, arrivant à la surface du globe s'y réfléchissent, s'y réfractent, et par là ils rendent visibles les beautés de la terre, en même temps qu'ils manifestent avec éclat et par toute la richesse des couleurs, la substance lumineuse qu'ils portent en eux. Certes il n'y a pas sous le Ciel de plus grande gloire que celle que le soleil répand dans notre atmosphère. Mais pour qui cette gloire? A qui profite-telle? N'est-ce pas la terre qui en est fécondée, vivifiée, illuminée? Et peut-on dire que cette magnificence qui apparaît dans nos ténèbres ajoute quelque chose à l'éclat du soleil? C'est donc la terre qui reçoit

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