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truire, nous l'établissons au contraire plus solidement, en la mettant à sa place, en la disciplinant, en la réglant, et ainsi en la sauvant de tous les excès où elle ne peut manquer de s'abandonner, quand elle se déclare indépendante et vise à la toute-puissance. En un mot, ce que nous ne voulons ni ne pouvons admettre, c'est que l'homme puisse tout savoir et tout faire par sa raison seule, et qu'ainsi le raisonnement ou la dialectique soit la méthode infaillible de la science comme de la vertu.

Qu'après cela la scolastique ait quelques avantages comme elle a des inconvéniens; encore une fois, nous ne le nions pas. Nous convenons qu'aux époques où elle a été suivie de préférence par les écoles, elle répondait mieux au degré et à l'habitude générale des esprits d'alors, et c'est justement pour cela qu'elle a prévalu. Nous accordons encore que, dans certaines parties des études philosophiques elle peut être employée utilement et doit même l'être pour l'avancement des disciples. Nous sommes convaincus par notre propre expérience, que l'habitude du raisonnement en forme, quand elle n'est pas exclusive et trop rigoureuse, donne à la pensée plus d'ordre, plus d'exactitude, plus de sévérité, l'exerce à se développer avec plus de suite, à s'énoncer avec plus de clarté. Les discussions menées de cette manière fortifient singulièrement la raison, et nous les désapprouvons si peu, que nous les avons

établies nous-même dans nos conférences philosophiques. C'est l'abus et non l'usage que nous blâmons; et, selon nous, c'est un grand abus que d'appliquer exclusivement à toutes choses un moyen ou un instrument qui n'est bon que dans quelques circonstances et sous certains rapports. Prétendre résoudre par la dialectique des questions qui ne sont point de la sphère de la raison et qui par conséquent échappent à sa portée comme à sa compétence, c'est à la fois fausser l'esprit des jeunes gens et dégrader la science.

En discutant le mérite des deux méthodes considérées en elles-mêmes, nous avons agi en philosophe: en discutant l'utilité de leur application à l'enseignement ecclésiastique dans un temps ou dans un autre, nous usons du droit que l'Église reconnaît à tout Chrétien, d'avoir et d'énoncer son opinion dans les choses douteuses. C'est à ceux qui ont en main le gouvernement de l'Église à décider la question d'opportunité; car rien ne doit s'y faire et ne peut s'y établir que par leur autorité, et nous nous en remettons avec confiance à leur sagesse.

LE MAITRE A ADOLPHE.

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Au milieu du monde, à côté des écoles où s'enseigne la sagesse humaine, s'élèvent d'autres écoles dont la destination spéciale est de donner à l'Église des ministres de la Parole, des pasteurs aux peuples et, s'il le faut, des martyrs à la vérité. C'est là que doit se développer la vie divine de l'Église et que doit circuler la sève de la doctrine qui lui garantit l'immortalité. Certes, là ou nulle part on devra trouver la philosophie véritable, déduite de ses vrais principes. A personne la science de l'homme, de l'humanité et de son histoire n'est plus nécessaire qu'au prêtre; personne n'a plus d'intérêt que lui à connaître l'homme dans toutes les phases de son existence, à le connaître dans ses rapports avec Dieu, avec ses semblables et avec le monde, parce que le prêtre a reçu la mission sublime de l'instruire des vérités éternelles et de le diriger sur la terre vers son but véritable. Ici sans doute il y aura harmonie parfaite entre l'enseignement philosophique et la doctrine religieuse; l'une ne sera que la préparation de l'autre, et la science de l'homme

fondée sur la foi en la parole divine qui nous apprend notre origine, notre loi et notre fin, mettra le disciple en mesure d'exploiter plus tard cette mine sacrée et d'exposer au grand jour les trésors de science et de vérité qu'elle renferme. En un mot, la philosophie et la théologie s'identifieront dans un même esprit, dans une même direction, dans une même fin; elles seront une seule doctrine, dont la partie philosophique donnera les prolégomènes et dont la théologie sera le complément et la perfection. Voilà ce qu'on devrait trouver dans les hautes écoles chrétiennes; voilà ce que je m'attendais à y rencontrer, moi homme du monde, jugeant de ces institutions par ce qu'elles devraient être. Eh bien, mon cher ami, il faut bien le dire, s'il en a été ainsi autrefois, il n'en est plus de même aujourd'hui. Là, comme dans le monde, l'enseignement philosophique a été faussé quoique d'une autre manière; il a été faussé par le même vice, par le vice originel de notre espèce, l'orgueil qui se montre dans toutes les œuvres de notre esprit propre idolâtre de lui-même. Là aussi, l'homme se vante d'un pouvoir qui ne lui a point été donné, celui de connaître Dieu sans Dieu, de constater par sa raison seule la vérité de la Parole révélée, de la juger, de la sanctionner avant d'y croire. Mais là aussi, son œuvre est frappée de stérilité, la vie y est entravée, parce que l'esprit de l'homme tend à s'élever au-dessus de l'esprit de Dieu. C'est ce qui explique la séche

resse, l'obscurité, la confusion qui règnent dans l'enseignement philosophique de ces écoles, où l'on ne trouve pas même les premiers élémens de la connaissance de l'homme et de la nature tout y est froid, languissant, mort. L'esprit naturel y est lui-même étouffé par la multitude des distinctions et des abstractions, et il est de préjugé parmi la jeunesse destinée au sacerdoce, qu'aucune étude n'est plus stérile ni plus désolante que celle de la philosophie. Voilà une grande plaie que je vous découvre, plaie très grave par ses conséquences et qui met vraiment en danger le corps social. Vous avez reconnu avec moi les trésors de lumière dont l'Église chrétienne est dépositaire, la vertu toute céleste qu'elle tient de Dieu et qu'aucune puissance humaine ne peut lui ravir; il faut aussi constater le mal dont elle a à gémir et qui lui vient des hommes, de ceux-là même qui sont ses défenseurs, mais dont le zèle n'est pas toujours guidé par la science. J'ai été amené à vous parler de ces choses par l'entraînement même du sujet. Il faut bien que je vous montre que partout et sous toutes les formes la sagesse du siècle, qu'elle le fasse sciemment ou qu'elle n'en ait point la conscience, tend à affaiblir ou à ruiner la foi.

Ce qu'on appelle philosophie dans les séminaires, n'est point un corps de doctrine, un système partant d'une idée; ce n'est, à proprement dire, qu'une méthode pour examiner et juger les opinions; c'est de la

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