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réparer un tort qu'on ne peut attribuer qu'à la précipitation avec laquelle, dans ces premiers momens, le ministre a été forcé d'opérer.

Un membre de la chambre (M. le duc de Feltre, ancien ministre de la guerre) obtient la parole pour soumettre à l'assemblée quelques observations sur un passage de l'exposé de la situation du royaume. Ce passage, dont il observe que le sens direct permet pas de garder le silence, est ainsi conçu :

Ministère de la guerre.

ne lui

« Là était le principe du mal; là est venu le dé» sordre qui s'est étendu sur toutes les parties de » l'administration. On sent que ce désordre devait » être plus grand encore dans le ministère, qui en » était pour ainsi dire le centre et le foyer. Les dée » sastres des trois dernières campagnes ont plongé » dans le cahos cette administration déjà si compliquée, etc...»

En réclamant contre les mots de désordre et de cahos, employés dans ce passage, et qui semblent indiquer l'absence de toute régularité dans les différentes parties de l'administration, une négligence réelle à surveiller l'emploi des moyens; enfin l'abandon des règles de la comptabilité qui servent de frein aux dilapidateurs, M. le duc de Feltre se croit en droit d'assurer la chambre qu'à l'époque dont il s'agit, ce désordre n'a existé ni dans le ministère de la guerre, ni même dans celui de l'administration de la guerre. Pour se borner à ce qui concerne le premier de ces

ministères, il observe que, dès son entrée en fonctions, le 1er. septembre 1807, il s'occupa d'en liquider toutes les dépenses arriérées. Cette liquidation, entreprise sous le ministre précédent, mais qui, à raison des absences forcées de ce ministre, avait fait peu de progrès, embrassait un intervalle de près de dix ans, du 1er. vendémiaire an 9 (23 septembre 1800) au 1er juillet 1810. Elle fut terminée après trois ans de soins et de travaux. La cour des comptes, à qui elle a été soumise, a pu juger de son exactitude. M. le duc de Feltre ajoute, qu'à partir du 1er juillet 1810, la comptabilité de la guerre a été soumise à des formes régulières, et suivie avec tant d'activité, que, malgré les détails de la solde, objet immense dont le trésor public était chargé avant cette époque, les comptes

des six derniers mois de 1810 furent remis au chef de l'Etat le 17 décembre 1811. Le compte général de 1811 fut également remis le 17 février 1813, c'est-à-dire treize mois et demi après l'exercice pendant lequel les dépenses avaient eu lieu; et ce compte, aussi vaste que minutieux, embrassait plus de quatre-vingt mille pièces. Au moment où M. le duc de Feltre a cessé d'être ministre, il devait présenter les comptes de 1812, que les derniers évènemens de cette année avaient rendus plus difficiles à obtenir. Ces comptes étaient terminés, à l'exception de quelques articles relatifs à des corps irréguliers dont on n'avait pu recevoir les états. Quant aux dépenses de 1813 et les trois premiers mois de 1814, M. le duc de Feltre observe que c'est au ministre en exercice à en rendre

compte, ajoutant qu'il n'aurait aucune répugnance à le faire lui-même, si l'usage l'avait ainsi établi, ou si telle était la volonté du Roi. Il conclut de ces faits, et des détails dans lesquels il est entré à leur occasion, qu'à l'époque du 30 mars 1814, il n'existait point de désordre dans le ministère de la guerre, et que le passage dont il a rapporté les termes présenterait une idée inexacte, s'il n'était plus naturel de penser que le rédacteur a voulu dire que, comme la guerre était le principe du mal, les ministères chargés de la conduire et d'y pourvoir devenaient, par cela seul, le centre et le foyer du désordre qu'elle occasionne dans l'Etat, en absorbant ses ressources au préjudice des autres branches de l'administra

tion.

Un membre atteste à la chambre la vérité des faits qui viennent d'être exposés, et dont, en qualité de premier président de la cour des comptes, il a eu dans le temps une connaissance particulière.

M. le chancelier, en répondant pour le ministre du Roi, dont le travail a donné lieu à cette discussion, observe que l'intention du rédacteur, dans le passage que l'on attaque, n'a été ni pu être d'inculper les anciens ministres de la guerre; qu'il ne s'agit, dans le passage cité, que des embarras inséparables d'une administration aussi compliquée, et de l'impossibilité manifeste d'obtenir des renseignemens exacts sur plusieurs points, notamment sur l'arriéré de solde des prisonniers, devenus si nombreux par les désastres de cette époque. -M. le duc

de Feltre déclare qu'il est pleinement satisfait de ces explications.

Il est procédé au scrutin pour la nomination des sept membres qui doivent composer la commission spéciale chargée de présenter une rédaction définitive du projet d'adresse. Le résultat du dépouillement donne la majorité des suffrages à MM. le comte de Jaucourt, les ducs de la Vauguyon et de la Rochefoucault, les comtes Boissy-d'Anglas, de Fontanes Dedelay-d'Agier et Lanjuinais.

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Séance du 23. Le rapporteur de la commission donne lecture du projet d'adresse qu'il est chargé de présenter. On demande que ce projet soit renvoyé aux bureaux, Après quelques observations, le renvoi est mis aux voix et adopté.

La séance étant reprise à quatre heures, quelques membres demandent que le projet soit mis aux voix : ils se fondent sur la nécessité de mettre un terme aux discussions de l'assemblée, qui depuis six jours s'occupe du projet d'adresse, et surtout sur les inconvéniens d'un retard qui laissera sans objet une partie des réflexions contenues dans l'adresse.

Plusieurs membres demandent, au contraire, l'ajournement de la délibération à la prochaine séance, et que les présidens des bureaux soient adjoints à la commission. Ils observent, à l'appui de cette demande, que l'objet de la délibération actuelle est trop important pour que la chambre se décide par de telles considérations; qu'il n'y a point de dignité sans quelque lenteur, et qu'il s'agit moins de cir

constances et d'à-propos, que d'exactitude et de jus tesse; que la chambre sera jugée d'après sa première démarche, ce qui doit la mettre en garde contre toute précipitation.

Un membre, en appuyant l'ajournement, pense que, pour la rendre plus utile, on devrait ordonner en même temps l'impression du projet et sa distribution à domicile. C'est le vœu du réglement; et il ajoute que ce serait aussi le moyen d'épargner les momens de l'assemblée, en abrégeant des discussions inutiles, et en mettant chacun des pairs à portée do voter en connaissance de cause.

serve que

Un des membres de la commission spéciale oble caractère assez vague de la discussion qui vient d'avoir lieu, ne peut manquer de mettre la commission dans un grand embarras ; que le rédacteur ne saura à quoi il doit s'arrêter ; qu'il a dû s'abstenir de discuter le rapport qui a été l'objet des communications faites le 12 juillet. On voulait, disait l'orateur, relever le caractère national; mais comment parvenir à ce but, sans rejeter les torts de la révolution sur ceux à qui ils appartiennent?

L'ajournement, appuyé par un grand nombre de voix, est adopté; en conséquence, M. le chancelier ajourne l'assemblée au mardi 26, pour l'adoption définitive du projet d'adresse.

L'adresse ayant été adoptée et rendue publique, nous nous abstiendrons de la rapporter. Nous ferons seulement remarquer que la sage lenteur que la chambre des pairs met dans ses délibérations, et

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