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Ils ne feroient pas bon contre la corruption d'une monarchie; mais la corruption d'une monarchie feroit trop forte contr'eux.

On fent bien qu'il ne faut point de cenfeurs dans les gouvernemens defpotiques. L'exemple de la Chine femble déroger à cette regle : mais nous verrons, dans la fuite de cet ouvrage, les raifons fingulieres de cet établiffement,

Tome I.

LIVRE I V.

Conféquences des principès des divers gouvernemens, par rapport à la fimplicité des Lois civiles & criminelles, la forme des jugemens, & l'établissement des peines.

CHAPITRE PREMIER.

De la fimplicité des lois civiles dans les divers gouvernemens

E gouvernement monarchique ne comporte pas des lois auffi fimples que le defpotique. Il y faut des tribunaux. Ces tribunaux donnent des décifions; elles doivent être confervées; elles doivent être apprifes, pour que l'on y juge aujourd'hui comme l'on y jugea hier, & que la propriété & la vie des citoyens y foient affurées & fixes comme la conftitution même de l'état.

Dans une monarchie, l'adminiftration d'une justice qui ne décide pas feulement de la vie & des biens, mais auffi

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de l'honneur, demande des recherches fcrupuleufes. La délicateffe du juge augmente à mefure qu'il. a un plus grand dépôt, & qu'il prononce fur de plus grands intérêts.

Il ne faut donc pas être étonné de trouver dans les lois de ces états tant de regles, de reftrictions, d'extenfions, qui multiplient les cas particuliers, & femble faire un art de la raifon même.

La différence de rang, d'origine, de condition, qui eft établie dans le gouvernement monarchique, entraîne fouvent des diftinctions dans la nature des biens; & des lois relatives à la conftitution de cet état peuvent augmenter le nombre de ces diftinctions. Ainfi parmi nous, les biens font propres, acquêts, ou conquêts; dotaux, paraphernaux ; paternels & maternels; meubles de plufieurs efpeces; libres, fubftitués; du lignage, ou non; nobles, en franc-aleu, ou roturiers; rentes foncieres, ou conftituées à prix d'argent. Chaque forte de biens eft foumise à des regles particulie res; il faut les fuivre, pour en difpofer: ce qui ôte encore de la fimplicité.

Dans nos gouvernemens, les fiefs font devenus héréditaires. Il a fallu que la

nobleffe eût une certaine confiftance

afin que le propriétaire du fief fût en état de fervir le prince. Cela a dû produire bien des variétés : par exemple, il y a des pays où l'on n'a pu partager les hiefs entre les freres; dans d'autres, les cadets ont pu avoir leur fubfiftance avec plus d'étendue.

Le monarque, qui connoît chacune de fes provinces, peut établir diverfes lois, ou fouffrir différentes coutumes. Mais le defpote ne connoît rien, & ne peut avoir d'attention sur rien; il lui faut une allure générale; il gouverne par une volonté rigide, qui eft par-tout la même; tout s'applanit fous fes pieds.

A mefure que les jugemens des tribunaux fe multiplient dans les monarchies, la jurifprudence fe charge de décisions, qui quelquefois fe contredifent; ou parce que les juges qui fe fuccedent penfent différemment; ou parce que les affaires font tantôt bien, tantôt mal-défendues; ou enfin par une infinité d'abus qui fe gliffent dans tout ce qui passe par la main des hommes. C'eft un mal néceffaire, que le législateur corrige de temps en temps, comme contraire même à l'efprit des gouvernemens modérés.

Car quand on eft obligé de recourir aux tribunaux, il faut que cela vienne de la nature de la conftitution, & non pas des contradictions & de l'incertitude des lois.

Dans les gouvernemens où il y a néceffairement des diftinctions dans les perfonnes, il faut qu'il y ait des privileges. Cela diminue encore la fimplicité, & fait mille exceptions.

Un des privileges le moins à charge à la fociété, & fur-tout à celui qui le donne, c'eft de plaider devant un tribunal, plutôt que devant un autre. Voilà de nouvelles affaires ; c'est-àdire, celles où il s'agit de favoir devant quel tribunal il faut plaider.

Les peuplesdes états defpotiques font dans un cas bien différent. Je ne fais fur quoi, dans ces pays, le légiflateur pourroit ftatuer, ou le magiftrat juger. Il fuit, de ce que les terres appartiennent au prince, qu'il n'y a prefque point de lois civiles fur la propriété des terres. Il fuit, du droit que le fouverain a de fuccéder, qu'il n'y en pas non plus fur les fucceffions. Le négoce exclufif qu'il fait dans quelques pays, rend inutiles toutes fortes de lois fur le commerce. Les

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