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munes aux plébéiens, élire toujours des patriciens. Parce qu'il étoit vertueux, il étoit magnanime; parce qu'il étoit libre, il dédaignoit le pouvoir. Mais lorfqu'il eut perdu fes principes, plus il eut de pouvoir, moins il eut de ménagemens; jufqu'à ce qu'enfin, devenu fon propre tyran & fon propre esclave, il perdit la force de la liberté pour tom ber dans la foibleffe de la licence.

CHAPITRE

XII I.

Effet du ferment chez un peuple vertueux.

IL

Ln'y a point eu du peuple, dit TiteLive (a), où la diffolution fe foit plus tard introduite que chez les Romains, & où la modération & la pauvreté ayent été plus long-temps honorées.

Le ferment eut tant de force chez ce peuple, que rien ne l'attacha plus aux lois. Il fit bien des fois, pour l'observer, ce qu'il n'auroit jamais fait pour la gloire ni pour la patrie.

Quintius Cincinnatus, conful, ayant voulu lever une armée dans la ville

(a) Livre I.

En

contre les Eques & les Volfques, les tribuns s'y oppoferent. » Eh bien, ditil, que tous ceux qui ont fait ferment au conful de l'année précédente marchent fous mes enfeignes (a) vain les tribuns s'écrierent-ils qu'on n'étoit plus lié par ce ferment; que quand on l'avoit fait, Quintius étoit un homme privé le peuple fut plus religieux que ceux qui fe mêloient de le conduire; il n'écouta ni les diftinctions ni les interprétations des tribuns.

Lorfque le même peuple voulut fe retirer fur le Mont-facré, il fe fentit rete'nir par le ferment qu'il avoit fait aux confuls de les fuivre à la guerre (b). H forma le deffein de les tuer : on lui fit entendre que le ferment n'en fubfifteroit pas moins. On peut juger de l'idée qu'il avoit de la violation du ferment, par le crime qu'il vouloit commettre.

Après la bataille de Cannes, le peuple effrayé voulut fe retirer en Sicile: Scipion lui fit jurer qu'il refteroit à Rome; la crainte de violer leur ferment furmonta toute autre crainte. Rome étoit un vaiffeau tenu par deux ancres dans la tempête, la religion & les mœurs. (a) Tite-Live, liv. III. (b) Idem, liv. II.

CHAPITRE

XIV.

Comment le plus petit changement dans la conftitution, entraîne la ruine des principes.

RISTOTE nous parle de la république de Carthage, comme d'une république très-bien réglée. Polybe nous dit qu'à la feconde guerre punique (a) il y avoit à Carthage cet inconvénient, que le fénat avoit perdu prefque toute fonautorité. Tite-Live nous apprend que lorfqu'Annibal retourna à Carthage, il trouva que les magiftrats & les principaux citoyens détournoient à leur profit les revenus publics, & abufoient de leur pouvoir. La vertu des magistrats tomba donc avec l'autorité du fénat; tout coula du même principe.

On connoît les prodiges de la cenfure chez les Romains. Il y eut un temps où elle devint pefante; mais on la foutint, parce qu'il y avoit plus de luxe que de corruption. Claudius l'affoiblit; & par cet affoibliffement, la corruption devint encore plus grande que le luxe; & la (a) Environ cent ans après.

cenfure (a) s'abolit, pour ainfi dire; d'elle-même. Troublée, demandée reprife, quittée, elle fut entiérement interrompue jufqu'au temps où elle devint inutile, je veux dire les regnes d'Augufte & de Claude.

(a) Voyez Dion, liv. XXXVIII: la vie de Cicéron dans Plutarque: Cicéron à Atticus, liv. IV. lett. 10 & 15: Afconius fur Cicéron, de Divinatione.

CHAPITRE

X V.

Moyens très-efficaces pour la confervation des trois principes.

E ne pourrai me faire entendre, que

Jonqu'on aura tu les quatre chapi

tres fuivans.

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CHAPITRE

X V I.

Propriétés diftinctives de la république. Left de la nature d'une république qu'elle n'ait qu'un petit territoire: fans cela elle ne peut guere fubfifter. Dans une grande république, il y a de grandes fortunes, & par conféquent peu de modération dans les efprits; il y a de trop grands dépôts à mettre entre les

mains d'un citoyen; lesintérêts fe particularifent; un homme fent d'abord qu'il peut être heureux, grand, glorieux dans fa patrie; & bientôt, qu'il peut être seul grand fur les ruines de fa patrie.

Dans une grande république, le bien commun eft facrifié à mille confidérations; il eft fubordonné à des exceptions; il dépend des accidens. Dans une petite, le bien public eft mieux fenti mieux connu, plus près de chaque citoyen: les abus y font moins étendus, & par conféquent moins protégés.

Ce qui fit fubfifter fi long-temps Lacédémone, c'eft qu'après toutes fes guerres, elle refta toujours avec fon territoire. Le feul but de Lacédémone étoit la liberté; le feul avantage de fa liberté, c'étoit la gloire.

Ce fut l'efprit des républiques Grecques de fe contenter de leurs terres, comme de leurs lois. Athenes prit de l'ambition, & en donna à Lacédémone: mais ce fut plutôt pour commander à des peuples libres, que pour gouverner des efclaves; plutôt pour être à la tête de l'union, que pour la rompre. Tout fut perdu lorsqu'une monarchie s'éleva; gouvernement dont

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