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l'efprit eft le plus tourné vers l'agran diffement.

Sans des circonftances particulieres (a), il est difficile que tout autre gouvernement que le républicain puiffe fubfifter dans une feule ville. Un prince d'un fi petit état chercheroit naturellement à opprimer; parce qu'il auroit une grande puiffance, & peu de moyens pour en jouir, ou pour la faire refpecter: il fouleroit donc beaucoup fes peuples. D'un autre côté, un tel prince feroit aifément opprimé par une force étrangere, ou même par une force domeftique: le peuple pourroit à tous les inftans s'affembler & fe réunir contre lui. Or quand un prince d'une ville eft chaffé de fa ville, le procès eft fini : s'il a plufieurs villes, le procès n'eft que commencé.

(a) Comme quand un petit fouverain fe maintient entre deux grands états par leur jaloufie mutuelle : mais il n'exifte que précairement.

CHAPITRE

XVII.

'Propriétés diftinctives de la monarchie.

UN

Nétat monarchique doit être d'une grandeur médiocre. S'il étoit petit, il fe formeroit en république, S'il étoit

fort etendu, les principaux de l'état, grands par eux-mêmes, n'étant point fous les yeux du prince, ayant leur cour hors de fa cour, affurés d'ailleurs contre les exécutions promptes par les lois & par les mœurs, pourroient ceffer d'obéir; ils ne craindroient pas une punition trop lente & trop éloignée.

Auffi Charlemagne eut-il à peine, fondé fon empire, qu'il fallut le diviser, foit que les gouverneurs des provinces n'obéiffent pas; foit que, pour les faire mieux obéir, il fût néceffaire de partager l'empire en plufieurs royaumes.

Après la mort d'Alexandre, fon empire fut partagé. Comment ces grands de Grece & de Macédoine, libres, ou du moins chefs des conquérans répandus dans cette vafte conquête, auroient-ils pu obéir?

Après la mort d'Attila, fon empire fut diffous: tant de rois qui n'étoient plus contenus, ne pouvoient point reprendre des chaînes.

Le prompt établiffement du pouvoir fans bornes, eft le remede qui dans ces cas peut prévenir la diffolution; nouveau malheur après celui de l'agran diffement!

Les fleuves courent se mêler dans la mer: les monarchies vont fe perdre dans le defpotifme.

CHAPITRE

XVIII.

Que la monarchie d'Espagne étoit dans un cas particulier.

U'ON ne cite point l'exemple de

; ce

que je dis. Pour garder l'Amérique, elle fit ce que le defpotifme même ne fait pas, elle en détruifit les habitans; il fallut, pour conferver fa colonie, qu'elle la tînt dans la dépendance de fa subfiftance même.

Elle effaya le defpotifme dans les Pays-Bas; & fitôt qu'elle l'eut abandonné, fes embarras augmenterent. D'un côté, les Wallons ne vouloient pas être gouvernés par les Efpagnols; & de l'autre, les foldats Espagnols ne vouloient pas obéir aux officiers Wallons (a).

Elle ne fe maintint dans l'Italie, qu'à force de l'enrichir & de fe ruiner car ceux qui auroient voulu fe défaire du

(a) Voyez l'hiftoire des Provinces-Unies, par M. le Clerc,

roi d'Espagne, n'étoient pas pour cela d'humeur à renoncer à fon argent.

CHAPITRE

XI X.

Propriétés diftinctives du gouvernemens

UN

defpotique.

grand empire fuppofe une autorité defpotique dans celui qui gouverne. Il faut que la promptitude des réfolutions fupplée à la diftance des lieux où elles font envoyées ; que la crainte empêche la négligence du gouverneur ou du magiftrat éloigné; que la loi foit dans une feule tête; & qu'elle change fans ceffe, comme les accidens, qui fe multiplient toujours dans l'état à proportion de fa grandeur.

CHAPITRE

XX.

Conféquence des Chapitres précédens.

Q

UE fi la propriété naturelle des petits états eft d'être gouvernés en république, celle des médiocres d'être foumis à un monarque, celle des grands empires d'être dominés par

un defpote; il fuit que, pour conferver les principes du gouvernement établi il faut maintenir l'état dans la grandeur qu'il avoit déjà; & que cet état changera d'efprit, à mesure qu'on retrécira, ou qu'on étendra fes limites.

CHAPITRE X X I.
De l'Empire de la Chine.

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VANT de finir ce Livre, je répondrai à une objection qu'on peut faire fur tout ce que j'ai dit jufqu'ici. Nos miffionnaires nous parlent du vafte empire de la Chine, comme d'un gouvernement admirable, qui mêle enfemble dans fon principe la crainte l'honneur & la vertu. J'ai donc posé une distinction vaine, lorfque j'ai établi les principes des trois gouvernemens.

J'ignore ce que c'eft que cet honneur dont on parle, chez des peuples à qui on ne fait rien faire qu'à coups de bâton (a).

De plus, il s'en faut beaucoup que nos commerçans nous donnent l'idée

(a) C'est le bâton qui gouverne la Chine, P.du Halde,

dit le

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