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monarchique. Je parle de la république fédérative.

Cette forme de gouvernement est une convention, par laquelle plufieurs corps politiques confentent à devenir citoyens d'un état plus grand qu'ils veulent former. C'est une fociété de fociétés, qui en font une nouvelle, qui peut s'agrandir par de nouveaux affociés qui fe font unis.

Ce furent ces associations qui firent fleurir fi long-temps le corps de la Grece. Par elles les Romains attaquerent l'univers, & par elles feules l'univers fe défendit contr'eux; & quand Rome fut parvenue au comble de fa grandeur, ce fut par des affociations derriere le Danube & le Rhin, affociations que la frayeur avoit fait faire, que les Barbares purent lui résister.

C'est par-là que la Hollande (a), l'Allemagne, les Ligues Suiffes, font regardées en Europe comme des républiques éternelles.

Les affociations des villes étoient autrefois plus néceffaires qu'elles ne le

(a) Elle eft formée par environ cinquante républiques, toutes différentes les unes des autres. Etat des Provinces-Unies, par M, Janiffon,

font aujourd'hui. Une cité fans puiffance couroit de plus grands périls. La conquête lui faifoit perdre, non-feulement la puiffance exécutrice & la légiflative, comme aujourd'hui, mais encore tout ce qu'il y a de propriété parmi les hommes (a).

Cette forte de république, capable de réfifter à la force extérieure, peut fe maintenir dans fa grandeur, fans que l'intérieur fe corrompe. La forme de cette fociété prévient tous les inconvéniens.

Celui qui voudroit ufurper ne pour roit guere être également accrédité dans tous les états confédérés. S'il fe rendoit trop puiffant dans l'un, il allarmeroit tous les autres; s'il fubjuguoit une partie, celle qui feroit libre encore pourroit lui réfifter avec des forces indépendantes de celles qu'il auroit ufurpées, & l'accabler avant qu'il eût achevé de s'établir.

S'il arrive quelque fédition chez un des membres confédérés, les autres peuvent l'appaifer. Si quelques abus s'introduifent quelque part, ils font

(a) Liberté civile, biens, femmes, enfans, temples & fépultures même.

corrigés par les parties faines. Cet état peut périr d'un côté, fans périr de l'autre; la confédération peut être diffoute, & les confédérés refter fouverains.

Compofé de petites républiques, il jouit de la bonté du gouvernement intérieur de chacune; & à l'égard du dehors, il a par la force de l'affociation tous les avantages des grandes monarchies.

CHAPITRE

I I.

Que la conftitution fédérative doit être compofée d'états de même nature, furtout d'états républicains.

L

ES Cananéens furent détruits, parce que c'étoient de petites monarchies qui ne s'étoient pas confédérées, & qui ne fe défendirent pas en commun. C'eft que la nature des petites monarchies n'eft pas la confédération.

La république fédérative d'Allemagne eft compofée de villes libres, & de petits états foumis à des princes. L'expérience fait voir qu'elle eft plus imparfaite que celle de Hollande & de Suiffe.

L'efprit de la monarchie eft la guerre & l'agrandiffement: l'efprit de la république eft la paix & la modération, Ces deux fortes de gouvernement ne peuvent, que d'une maniere forcée, fubfifter dans une république fédérative.

Auffi voyons-nous dans l'hiftoire Ro maine, que lorsque les Véïens eurent choifi un roi, toutes les petites républiques de Tofcane les abandonnerent. Tout fut perdu en Grece, lorsque les rois de Macédoine obtinrent une place parmi les amphictions.

La république fédérative d'Allemagne, compofée de princes & de villes libres, fubfifte; parce qu'elle a un chef, qui eft en quelque façon le magiftrat de l'union, & en quelque façon le

monarque.

CHAPITRE

I I I.

Autres chofes requifes dans la république fédérative.

DANS la république de Hollande,

une province ne peut faire une

alliance fans le confentement des autres. Cette loi est très-bonne, & même

néceffaire, dans la république fédérative. Elle manque dans la constitution Germanique, où elle préviendroit les malheurs qui y peuvent arriver à tous les membres, par l'imprudence, l'ambition ou l'avarice d'un feul. Une république qui s'eft unie par une confédération politique, s'eft donnée entiere, & n'a plus rien à donner.

Il est difficile que les états qui s'affocient, foient de même grandeur, & ayent une puiffance égale. La république des Lyciens (a) étoit une afsociation de vingt-trois villes; les grandes avoient trois voix dans le confeil commun; les médiocres, deux; les petites, une. La république de Hollande eft compofée de fept provinces, grandes ou petites, qui ont chacune une voix.

Les villes de Lycie (b) payoient les charges felon la proportion des fuffrages. Les provinces de Hollande ne peuvent fuivre cette proportion; il faut qu'elles fuivent celle de leur puiffance.

En Lycie (c), les juges & les ma

(a) Strabon, liv. XIV.

(b) Ibid.

(c) Ibid.

giftrats

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