Images de page
PDF
ePub

connue et réglée convenablement avec l'intervention du gouvernement. Voilà l'état normal et permanent. Quant à l'état transitoire et accidentel qui amène une intolérance plutôt politique que religieuse, il convient d'y rattacher deux ordres de faits: l'un consiste à exiger des princesses étrangères qui épousent un prince de la famille impériale l'abjuration de leur foi et l'adhésion au culte gréco-russe. Ici nul ne peut se faire illusion sur la portée purement politique de cette règle fondamentale, la conviction religieuse n'ayant rien à faire dans cette conversion imposée par la raison d'État. On peut rattacher encore à cette pensée politique la sévérité des peines dont on frappe en Russie tout membre de l'Église grecque qui abjure. Le second ordre de faits est celui qui a pour objet l'assimilation complète de la nation polonaise; la persécution qui a frappé les catholiques romains et les Grecs-unis sous le règne actuel n'avait pas d'autre inspiration.

La révolution de Pologne une fois étouffée, le gouvernement impérial, considérant que la différence des cultes était l'une des causes déterminantes de l'antipathie nationale, s'occupa sérieusement à la faire disparaître : il supprima les colléges et les séminaires catholiques-romains créés par l'empereur Alexandre, décréta la réunion des Grecsunis à l'Église nationale russe, et des moyens violents furent employés pour contraindre les serfs polonais à abjurer la foi de leurs pères. En

1838, ou fit circuler en Pologne une pétition habilement rédigée, dont l'objet était de demander l'admission de l'ancienne Église catholique romaine dans le sein de l'Église gréco-russe. Il fallait des signatures à cette pétition; on s'en procura par tous les moyens possibles : la corruption, les promesses, les menaces, les châtiments corporels, rien ne fut épargné; on parvint à réunir ainsi seize cents signatures, nombre peu considérable, mais réputé suffisant. L'année suivante, 1839, un ukase ordonna l'incorporation définitive de l'union à l'Église russe : ceux qui résistèrent furent traités comme des réfractaires et des apostats. La persécution a ordinairement pour résultats immédiats la résistance et l'héroïsme du martyr. Ici la résistance était impossible, et nulle voix ne s'éleva, à cette époque du moins, pour nous raconter les souffrances des martyrs flagellés et dégradés, expirant sur les routes désertes qui conduisent aux mines de Sibérie. Des mesures furent prises pour empêcher les vaincus de communiquer entre eux et de protester publiquement; leurs prêtres et leurs religieux, livrés aux brutalités d'agents subalternes, furent déclarés coupables de complicité avec la révolution polonaise, sous les plus frivoles prétextes; martyrisés par le plitt et le knout, portant des fers aux pieds, la tête à moitié rasée et couverts du vêtement réservé aux galériens, ils furent confondus pêle-mêle dans ces caravanes de malfaiteurs que la justice envoie cha

que année aux mines de Sibérie. Beaucoup heureusement n'atteignirent pas le but de ce fatal voyage, et trouvèrent la gloire du martyre sur les bords de la route qui conduisait à l'infamie.

La persécution s'arrêta enfin, quoique bien tard, lorsque le cri d'indignation qui retentit d'un bout à l'autre de l'Europe chrétienne et les énergiques remontrances de la cour de Rome eurent révélé au tsar la grandeur du mal et la vérité qu'il ignorait sans doute, car les monarques absolus, qui jouissent de la gloire de pouvoir faire le bien quand ils le veulent, sont aussi, de tous les souverains, les plus faciles à tromper.

La communion des Grecs-unis ne compte plus aujourd'hui qu'environ quatre millions de fidèles, la plupart réfugiés dans les provinces soumises à la domination autrichienne, la Gallicie et les frontières militaires. La Pologne en compte à peine denx cent quarante mille 1.

[ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

Population de la Pologne d'après les différentes religions.

Catholiques romains..... 3,780,000

[blocks in formation]

Maronites. Les Maronites ont de tout temps été protégés par la France, et, à ce titre, ils prennent leur place dans cette ancienne querelle, toujours interrompue et jamais achevée, qu'on nomme la question d'Orient. Cette petite nation chrétienne, qui compte aujourd'hui environ 140,000 âmes, habite le Liban, et notamment le Kesrouan dans le pachalik de Tripoli. La retraite où, depuis douze siècles, elle a trouvé un refuge contre la persécution est cachée derrière le rideau des premières élévations de cette puissante Cordillère. L'aspect imposant de cette partie du Liban; la vue de ces étroites anfractuosités qui ressemblent moins à des vallées qu'à des entailles gigantesques, et de ces noires forêts que surplombent des cimes dénudées; le bruit de ces nappes d'eau qui s'échappent des plateaux supérieurs en cascades épaisses, et roulent d'étage en étage, pour disparaître dans des abîmes sans fond; cet amas confus de montagnes écroulées et de rochers entassés, théâtre d'un combat de Titans où l'empreinte de la foudre est encore brûlante, tout ici remplit l'âme de terreur et de respect. On s'explique difficilement, en effet, que des créatures humaines aient eu l'audace d'escalader ces rocs déchirés, d'en franchir les précipices, d'y pratiquer même des marches et des sentiers sur des parois glissantes et escarpées, et de faire servir ainsi les sublimes horreurs de la nature à la conservation de quelques proscrits,

colonie simple et pacifique comme les premières sociétés chrétiennes.

C'est derrière ce premier rempart que s'élèvent les collines où la nation des Maronites a bâti ses couvents si renommés, établi ses villages nombreux, et planté ses vignes et ses vergers. Les Maronites se sont formés de l'agglomération des chrétiens de la Syrie, proscrits et fugitifs à l'époque où l'armée de Chosroès enleva cette province à Justinien (540 de l'ère chr.). Vers le milieu du viro siècle, un évêque de la petite ville de Botrys, au pied du Liban, nommé Jean Maroun, se rendit célèbre par ses écrits contre les doctrines de Nestorius et d'Eutyches, et mérita d'être élevé à la dignité de patriarche du Liban; il fixa sa résidence au couvent de Kanobin, fondé par Théodose le Grand dans la vallée de Tripoli. La sage administration et la charité de Maroun attirèrent autour de lui tous les chrétiens de la Syrie qui fuyaient devant la persécution des peuples dont la religion du Christ n'avait pas touché le cœur. Il accueillit ces fugitifs, les combla de bienfaits, et donna son nom à ces peuplades agglomérées, qu'il avait su constituer en corps de nation'. Les Maronites sont certainement ce peuple de 60,000 chrétiens dont parle Raymond d'Agiles, et qui habitait le Liban au temps de la première croisade (1095). Annexés au nouveau royaume de Jé

'D'autres dérivent ce nom du syriaque mar (saint).

« PrécédentContinuer »