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nos jours, attribué aux noms étrangers modernes la prononciation française ;

Je pensois (nous autres poétes

Nous pensons extravagamment),

Ce que, dans l'humeur où vous êtes,
Vous feriez, si dans ce moment
Vous avisiez en cette place
Venir le duc de Buckingham,

Et lequel seroit en disgrâce

Du duc ou du père Vincent. (Voiture, à la reine régente)

Au XVII° siècle, on dit encore Arrian, Appian, Ammian, Ælian. Coeffeteau est le dernier qui ait prononcé et écrit les Prétorians.

Annemi seul parmi les noms communs fait encore, comme nous l'avons vu, concurrence à ennemi. Je ne serais pas éloigné de croire que l'on prononçât alors an dans animal, comme en dans ennemi, selon l'usage constant du dialecte Blaisois, d'après ce passage de Tallemant des Réaux (Vol. V. p. 402, note.): « On appelle en riant ce roman le grand Annimal (sic) de Scudéry, au lieu du grand Annibal. »

Néanmoins il existe encore une différence, si légère qu'elle soit, entre en et an, et c'est pour ceux qui en douteraient que je transcris cette page curieuse du P. Chifflet: « Ant ou and est toujours long, grand, vaillant, aimant et cela sans exception. Mais ent et end écrits par e et prononcés par a sont briefs, comme il sent, il ment, il rend, il vend, tourment, sagement, et tant d'autres substantifs ou adverbes terminés en ment. Il en faut excepter les noms adjectifs en ent, comme récent, indécent, innocent, et quelques autres comme talent, torrent, inconvénient, orient, qui sont la plupart nés des adjectifs. Cette règle est des plus importantes de la prononciation, car il y a grande diflérence entre les ant ou ent briefs et les longs, comme entre parent, et par an, ou parant, de parer; entre les gens et les Jeans; entre levant et le vent; entre

contant (comptant) son argent, et content de son argent. Et l'on voit par cela que quelques grammairiens, même des plus nouveaux, qui ont voulu réformer l'orthographe, n'ont pas bien rencontré en conseillant d'écrire tous ces ent par an, par exemple puremant et nettemant, comme ils l'ont pratiqué eux-mêmes dans le titre de leurs grammaires. Que n'ont-ils considéré que cela causerait mille fausses prononciations, puisque tous les ant, écrits par a, sont longs sans aucune exception. Ne nous feront-ils point écrire et prononcer argeant ou arjant pour argent? qui distinguera gent de Jean et en de an? En un mot, leur zèle est bon, mais il est peu judicieux, et il serait à désirer que quelqu'un de ces messieurs de l'Académie en prononçât un bel arrêt, qui aurait sans doute une grande autorité sur tous les gens d'esprit. » (p. 184.)

Que dirait aujourd'hui le père Chifflet, s'il revenait à la lumière? Quoi! ces ant et ces ent, pour lesquels il a si vaillamment combattu, ne forment plus de caste à part, et sont confondus sous le niveau d'une prononciation commune! Quoi! l'on ne fait plus de différence dans le langage entre parent et parant, comptant et content, levant et le vent, gent et Jean, en et an! Hélas! non; mais la remarque du P. Chifflet n'en est pas moins précieuse, en ce qu'elle nous montre que les différences notées par Palsgrave entre les deux sons ant et ent étaient encore observées en plein siècle de Louis XIV.

A part les exceptions que j'ai signalées, la prononciation était donc alors la même qu'aujourd'hui, et le vieux langage se trouvait relégué dans la bouche des paysans :

Et tout com'je t'vois, je voyas ça de même
Aussi fixiblement, et pis tout d'un coup, quian,

Je voyas qu'après ça je ne voyas plus rian.

(Th. Corn. le Fest. de Pierre, Act. II. sc. I.)

C'est dans Voltaire, qui le croirait? que l'on surprend les dernières traces de ce parler archaïque : « On est partagé, dit le commentateur de Vaugelas, entre Européens et Européans.

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« Em

prunter de l'argent, écrit Voltaire, des négociants Europeans. (Hist. de Ch. XII, liv. VI.)

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Il nous est resté de la prononciation d'autrefois cancan et quidam. J'entends dire également du macadam et du macadame.

RÈGLE II. A sonne toujours e dans almanach, bramer, charcutier, catharres, arrhes, alourdir, faner, glaner, pharmacie, et leurs composés; quelquefois dans gendarme, jardin et ses composés, sardine; rarement dans attacher, charger, marquer, tisane, tanière, etc.; prononcez: almena, ou armena, bremer, chercutier ou chertutier, catherre, etc. Attécher, cherger, merquer, tisène, etc., rares dans le Blaisois, sont très usités en Anjou.

Sun quer menne chaldes lermes.

(Rois, p. 3.)

Vos yeux, ont si empreint leur merche (')

En mon cœur que, quoy qu'il adviengne,

Se j'ay honneur ou je le cherche,

Il convient que de vous me viengne.

(Al. Chart. Le débat du resveille-matin.)

Pour blez glener Ruth au champ se transporte.

(Quadr. hist. Ruth, quadr. II.)

Voir Gde Dse Macabre, p. 23, écarlète.

Vis palle et baulieures seiches,

Joues royllées, plaines de taiches. (Rom. de la R. vs. 1652.)

Que c'est le moindre des pechiez

Dont corps de femme est entechiez. (Rom. de la R. vs. 9566.)
La teste eslourdie.

(Joach. du B. p. 15.)

REMARQUE. Je ne connais qu'un seul mot où a se prononce

-

råsler à la place duquel on dit rifler ; Ex. :

Toujours veut gourmander, rifler, boire et manger.
(Le déb. du corps, p. 60.)

Chascun à ce jour de riffler s'efforce.

(Bonav. des Périers, p. 407.) (2)

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(1) Merche, forme française; la forme normande était merque, et la forme bourguignonne marque.

(2) V. Richelet, Dict. fr. à rifler.

CHAPITRE II.

De la prononciation de la lettre E.

J'éprouve quelque embarras avant de commencer ce chapitre. Les grammairiens en effet ne reconnaissent que trois sortes d'e, le muet, le fermé et l'ouvert. « On les trouve tous trois, dit Dumarsais, dans sévère, évêque, etc. » Mais l'e muet de sévère est-il le même que l'e muet de recevoir ou de devenir? Et dans ces deux verbes n'y a-t-il pas un e muet qui diffère de l'autre, un e muet qui se prononce, et l'autre qui ne se prononce pas? Car, remarquez bien que, de quelque manière que vous prononciez ces infinitifs, que vous disiez r'cevoir et d'venir, ou comme on dit plus communément, rec'voir et dev'nir, il y a un des deux e muets, que vous ne sauriez vous dispenser de faire sonner, et que par conséquent on ne peut appeler muet. Comme cet e se prononce eu, qui est le son donné aujourd'hui à la lettre e dans l'alphabet, et comme il paraît avoir sonné ainsi de tout temps dans les monosyllabes me, te, se, je l'appellerai e naturel.

RÈGLE I.

E se prononce a dans tous les mots où il est suivi de deux consonnes, dont la première est un r; Ex: Apercevoir, berceau, perdre, vertu, etc., pron. : Aparcevouéere, barsiau, parde, vartu, etc.

Aparcéurent sei que l'arche fust venue en l'ost. (Rois, p. 15.)

Deux garbes de blé. (Charte du XIIIe siècle, citée par Ler. de Lincy, Rois, Introd. p. LXXX.)

Et la vielle tozdiz sarmonne (1). (A. Jub. Neau rec., I. 407.)

On l'aparçoit a l'eul. (Ga Ds Mac., p. 23.)

(1) V. Mol. Fest. de P. Acte II, sc. I: Je l'ai tant sarmonné et Th. Corn. id.

Tous demangiés et partuisés de vers. (Le dit des trois mors, p. 50.) Pardurablement. (Id., p. 53, 54.)

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Pour despourveuz adventureux

Comme nous, c'est encor le mieux

De faire l'ost et les gens d'armes.

Mallepage. En fuite je suis courageux.
Baillevant. Et à frapper?

Mallepage.

Baillevant.

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Je suis piteux.

Je crains trop les coups pour les armes.
Servons donc Cordeliers ou Carmes
Et prenons leurs bissacs à fermes,
Car il n'y a pas grand débit.

Ils nous prescheroient en beaux termes
Et pleureroient maintes lermes

Devant que nous prinssions l'habit.

(Attribué à Villon, éd. Jannet, p. 349.)

Lisez farmes, tarmes, larmes, et vous fondant sur les vers précédans, n'hésitez pas a lire farme et gendarme dans ceux qui suivent, également attribués à Villon:

Non ay-je en vain, mais très ferme,

Ainsi que fait un bon genderme.

De parvanche feuillue. (Ronsard, Amours, 2o liv.)

Sarqueu, coffre à mettre les morts. (Trésor de H. Estienne.)

Un village du Blaisois s'appelle Cerqueux, que nos paysans prononcent absolument comme cercueil, c'est-à-dire : sarqueu; l'orthographe de H. Estienne est plus conforme à l'étymologie sarcophagus.

«< Argot, qu'on dit aussi ergot (car le français en plusieurs dictions met e pour a, comme eppeler pour appeler), est le crochet cornu, qui est par derrière la jambe du coq.» (Tr. de Nicot.)

Je trouve dans H. Salel (éd. de 1545, pag. L):

Phoebus joua de la herpe,

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