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3o Dans quelques mots ou l'e est suivi d'un ou plusieurs m ou n, comme même, gemme, (usité seulement dans sel gemme), étrenne, deuxième, etc. qui se prononcent meeme, meume ou mame; geume ou geamme; étreune ou étranne.

De son corps fauldra faire un haste
Ardent en flamme.

Hé! Vierge, précieuse gemme!

(Mist. de la Femme arse, Buchon, p. 351.)

Or, adieu donc, reyne de toutes femmes,
La fleur des fleurs, le parangon des gemmes.
(Le Maire, fol. CLXXIV, vs.)

Pourras-tu bien endurer en toy-mesme
De perdre ainsy la princesse des femmes.
(Le Maire, fol. CLXXI.)

M. Artaud, qui fut recteur de l'Académie de Paris, prononçait ainsi le mot même. Il me souvient que, présidant un concours public où un candidat avait cité en ces termes la pensée bien connue de Buffon: « Le style, c'est l'homme, » M. Artaud l'interrompit brusquement: « Monsieur, quand on cite, il faut citer textuellement: Le style est l'homme maame. »

4o Dans la plupart des mots, on peut même dire dans tous les mots commençant par la syllabe é ou hé, comme égrener, émietter, exempter, héritier, héritage, etc. pron. : agheurner, amicuter, axemter ou euxemter, aritier ou arétier, arétage, etc.

Maistre, ne soiés abaubis.

(Li Jus Adan, Buchon, p. 65.) Tant tint li prestres son cors chier, Qu'onques non laissast acorchier, etc. (Rutebeuf.)

Tu peux bien assaier.

(Palsgr., p. 416.)

On va, on vient, on s'accoute à l'aureille (1).
(Est. Pasq. t. II, p. 922.)

Acoute un peu.

(Molière, Don Juan, acte II, sc. I.)

Quant fu apoiez sur son coute

Anieuse, fet-il, c'acoute.
(Roquef. à coute.)

Cette règle, communément pratiquée dans le dialecte blaisois, s'applique moins à la voyelle é qu'au son lui-même; et la preuve, c'est que cette transformation en a se produit non seulement dans les mots commençant par é, mais encore dans plusieurs de ceux dont la syllabe initiale est la diphthongue ai, comme agu, aguille, aguillon (pron. agu-yon ou agheuillon) aguser, asselles, azément. La diphthongue ai, comme nous l'avons vu, se change même parfois en a dans le corps des mots : Vrament pour vraiement.

En revanche, il n'y a qu'un très petit nombre de mots ou l'a initial se change en é; Ex.: élourdir, égrandir pour alourdir, agrandir.

C'est par suite d'une transformation semblable que acouter est devenu écouter et appeler, s'il fallait en croire un grammairien, eppeler dans un sens tout spécial, puis épeler. Appeler, appliqué à la lecture, dans le sens d'épeler a été usité jusqu'à la fin du XVI° siècle. « Il faut dire : Appeler les lettres; cet enfant ne sçait pas encore bien lire, il ne fait qu'appeler les lettres. Eppeler ne se dit que par les maistresses d'école et parmi le vulgaire. Mais ceux qui parlent bien disent appeller: Il ne faisoit qu'appeller les lettres sans pouvoir lire leurs sons. » (Andry de Boisreg., 1692.) — Voir Brachet, Dict. Etym. à épeler.

(1) Ecrit par deux c, il aurait plutôt ici le sens de se pencher, s'appuyer, s'accoter, comme on dit encore en dial. blaisois. Cf. Guy de Nanteuil, vs. 83.

Qui plus est souffroit m'acouter,
Joignant elle, près s'accouter.
(Fr. Villon, p. 91.)

4° Enfin dans quelques rares mots, qui ne rentrent dans aucune des classes précédentes, comme sacher pour sécher, alle pour elle, qual devant une voyelle pour quel, savatier pour savetier, lesquels considère comme des formes dialectales de l'ancienne langue; Ex.:

Nus ne puet estre çavatiers à Paris, se il n'achate le mestier du Roy. (Et. Boileau, Livre des métiers, Titre LXXVI.)

Vous voyez qu'al le soutient -- Vous êtes témoin comme al l'assure. (Molière, Don Juan, act. II, sc. V.)

Dans le dialecte blaisois proprement dit, les è ouverts, comme je l'ai déjà fait remarquer, sonnent fermés et avec un accent traînant; Ex. tête, tempête, faite, pron. téete, tempéete, féete. Les gens de la Sologne prononcent souvent cet é en a long tåte, tempâte, fåte. Th. Corneille a essayé de reproduire cette prononciation dans une de ses comédies :

Car, voyez-vous, j'avons une tarrible tâte

Que j'cachons sous not' bonnet;

Je vous moudrai, grugerai, pilerai,

Menu, menu, menu comme la chair en pâte.

(L'inconnu, représentat. de 1679, divertissement du V⚫ acte.)

Comme complément à cette étude, j'engagerais à lire l'acte II du Don Juan de Molière. Bien que la scène se passe au bord de la mer, c'est le langage des paysans de l'Orléanais et du Blaisois, langage qui, du temps de Molière était probablement celui des villageois de l'Ile-de-France, que le poète comique a mis dans la bouche de Piarrot, de Mathurine et de Charlotte. On y remarquera que le caractère principal de ce patois de comédie est comme dans le dialecte blaisois le changement de l'e en a, chaque fois qu'il est suivi de deux consonnes dont la première est un r.

QUATRIÈME PARTIE.

DE LA PRONONCIATION DES CONSONNES DANS LE DIALECTE
BLAISOIS.

Je traiterai des consonnes dans l'ordre suivant :

1° De la consonne aspirée H.

2o Des liquides L et R.

3o Des liquides M et N.

4o Des labiales.

5o Des dentales.

6o Des gutturales.

7° Des sifflantes.

CHAPITRE I.

De la prononciation de la consonne H.

RÈGLE. L'h n'est jamais aspiré dans le dialecte blaisois. On dit l'hasard, l'hache, j'haïs pour le hasard, la hache, je hais.

L'h aspiré, aussi ancien que la langue française, me paraît avoir, surtout au moyen âge, dominé en Bourgogne. Le dialecte picard au contraire me semble avoir eu plus de propension à le rejeter;

l'on peut dire néanmoins que jusqu'au deuxième tiers du XVI® siècle son influence fut prédominante. Voici par exemple un mot fort usité au moyen âge et que l'on rencontre ici avec, là sans aspiration, dans des auteurs de la même époque, mais de dialectes différents :

Cil qui a l'escu et au hyaume.

(Jubinal, I. p. 85.)

L'iaume lachie, l'espée traite.

(Lai d'Ignaurès, p. 24, dans Burguy, II. p. 227.)

Palsgrave et après lui d'autres grammairiens du même siècle nous ont laissé la liste des mots dont l'h initial était alors aspiré. Il ne paraît pas néanmoins que ni cet usage ait été très répandu, ni l'influence des grammairiens bien puissante, puisque, comme je viens de le dire, je surprends dans un grand nombre d'ouvrages du XVIe siècle des mots où l'h ne conserve pas son aspiration; et cela, non pas seulement dans les écrivains de la Bourgogne, de la Guienne, du Berry et du Lyonnois, pays où, au témoignage de Théod. de Bèze, on ignore complètement l'usage de l'h aspiré, mais aussi dans ceux qui, comme Amyot et Pasquier avoient vécu à la cour, et respiré, pour ainsi dire, sa prononciation. Bien plus, à une époque où l'Académie française commençait déjà à exercer sur le langage un salutaire empire, la règle de l'h aspiré n'était pas encore observée par tous les écrivains, et j'y surprends des infractions jusque dans le cours du XVIIe siècle.

HACHE.

« L'un des chevaliers occist d'un coup dache ledit duc de Bourgoigne. (Jeh. Bouch. fol. XXX, recto et verso.)

HAGARD.

Le voilà sur sa garde,

Espiant ses enfans, et d'une gueule hagarde
Frais-nez les engloutit. (J. de Montl. p. 106.)

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