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HAINE, HAÏR.

sans aspiration

(')

Je rencontre dans le livre des Rois ce verbe

« Jo l'haz, pur co que tuz jurs me prophetizad mal et nul bien » (p.

335.)

Nous le retrouvons de même au XVIe siècle :

Il fust chaery de chascun et chescune,

Sans estre hay la de personne aulchune. (Ch. Bourd. p. 36.)
L'haïssant plus que peste. (Brantôme, Dam. gal. p. 215.)
Ell'hait les gens de bien et aux méchans agrée.

(J. de Montl. p. 313.)

Qui sont ses Costilliers?

Guerr', Hain', Opprobr', Estrif le suivans à milliers.
(ld. p. 377.)

« Joach. Du Bellay, écrit Génin en ses Variations (p. 133) fut un des premiers à se permettre je hais (avec aspiration et sans diérèse). Aussi Ch. Marot, élève de Fontaine, dit-il : La première syllabe du verbe haïr, que tu fais monosyllabe est de deux syllabes divisées, sans diphthongue, comme il appert par le participe et l'infinitif qui sont divisés et ainsi par tous les temps et personnes. >>

Cette assertion de Génin est une erreur. Bien longtemps avant J. du Bellay, l'auteur inconnu de Un miracle de S' Ignace avait écrit avec aspiration et sans diérèse (p. 268) :

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« L'hannissement des chevaux.» (Tavannes, pag. 361.)

(1) Cf. Chr. d. d. de Norm. p. 187: qui l'héent, et Lais inéd. p. 67: que je l'hace, Marot aspire l'h; Cf. Ps. XXXI, B.

HARDIESSE.

HARICOT.

Mais l'hardiesse

Et la prouesse

De ce roy généreux

M'a mis en fuite

Par la poursuite

De son bras valeureux. (Lincy, Ch. hist. II. 505.)

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<< Les gens de cour au siècle de Louis XIV ne mettaient point d'h aspiré à haricots; on disait des aricots. » (Siècle du 30 avril 1865.)

Que le peuple d'alors, comme celui d'aujourd'hui, prononçât des zaricots ('), je n'en doute pas; mais les gens de cour, et encore devant Louis XIV, j'en doute fort. J'ignore sur quel fondement s'appuie cette affirmation ; j'ai cité mon auteur, et je le donne pour ce qu'il vaut.

HASARD.

On sait fort bien que ses paroles

Ne sont pas articles de foi.

Les exemples où l'h dans ce mot perd son aspiration sont si fréquents au XVI siècle que l'on n'a pour citer que l'embarras du choix :

Où est le corps de Sainct Martin gisant
Le roy Loys après maints grans azars
Ung beau treilliz d'argent donna pesant
Cinq mil sept cens soixante et seize mars.
(Jeh. Bouch. fol. XLVIII, verso.)
... Qui fut cause de l'hasard de la bataille

(Brantôme, Vie de l'emp. Maximilien, p. 23.)

Si quelqu'un chet d'hasard dessous la patte forte
Des lious rugissans. etc. (J. de Montl. p. 258.)

Car contre ces vaillans il y a trop d'hasars. (Id. p. 502.)

(1) V. Intermèd. III. 409, comment l'hôtel Darricau devint l'hôtel des Zaricots.

Ce qui n'empêche pas le même poète d'écrire en conservant à l'h son aspiration :

Que tout va par fortune, au hasard et sans guide.

(Id. p. 103.)

Par une anomalie semblable on dira dans le dialecte blaisois : l'haut d'un peuplier et au haut d'un peuplier; l'hasard et au hasard. Tel mot s'aspire à certains cas qui ne s'aspire point aux autres (). C'est l'idée que le paysan se fait de l'élégance et de l'harmonie du langage qui, en cette circonstance, comme la plupart du temps, détermine son choix.

HASARDER.

S'il veut tant soit peu s'hazarder (2)
A les vouloir bien regarder.

(Est. Pasq. la Puce.)

Nul n'hasarde volontiers sa vie.

(Tavannes, p. 339.)

Quand non loin des bords odieux
A Junon qui les mit en cendre
Sur l'Hellespont trop furieux

S'hazarda le pauvre Léandre.

(Rec. des poèt. franç. V, p. 14 )

J'iray loger à Paris près de votre hôtel avant m'hazarder de vous voir. (1642; Lettre du bar. de Pujols, reproduite par la Revue des questions historiq. du 1er janv. 1868, p. 180.)

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HAUT. « Du temps de François 1er, dit Génin (Variat. p. 54.), on n'aspirait pas encore l'h de haut. » Cette affirmation est une

(1) Cf. L'Ent. du Dict. p. 147 et suiv.

(2) Pasquier aspire l'h dans hardi, heurt, hauteur, non dans hasard et ses composés.

erreur. Haut, comme la plupart des mots qui précèdent ou qui suivent se trouve dans la liste de Palsgrave. On peut donc conclure de cette liste, et des nombreux exemples d'autres mots ou l'h, même chez les écrivains, ne conservait pas son aspiration, que la double prononciation de haut, qu'on aspirât ou non l'h, régnait à la cour.

O admirable hautesse,
Grâce nous te rendons.

(La reine de Navarre.)

Encore Génin ne cite-t-il que des exemples du mot hautesse pour prouver que haut n'était pas aspiré au XVIe siècle. Cette preuve par analogie ne saurait être d'une rigueur absolue. Un philologue du XXIe siècle serait-il bien venu à ne citer que des exemples d'héroïsme pour prouver l'absence en 1868 d'aspiration dans héros? Cette manière de raisonner est d'ailleurs combattue par les faits eux-mêmes; on ne trouve pas dans les psaumes de Marot un seul exemple de haut et de hautesse ou l'h ne soit aspiré. (')

Néanmoins, il est certain que très souvent au moyen âge et jusque dans le XVIe siècle l'h n'était pas aspiré dans haut, et que même on se dispensait de l'écrire, conformément à l'étymologie altus, comme le prouvent ces vers tirés du roman de la Destruction de Troie :

Moult si furent hault li portail
Sus chacune et d'or principal,

(1) Je trouve hautesse sans aspiration dans J. de Montlyard:
La terre me doit, vueille ou non,

Fournir de pasture à foison,
Pour mes ouailles que j'engraisse,
Non pour quelque divin'hautesse.
(Myth. p. 974.)

Cf. Mist. du S. d'Orl. vs. 17760.

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« L'haubois a commencé à oser faire entendre sa voix et son son. (Amyot, Plutarque, du mot EI, p. 755.)

HÉROS.

HEURTER.

Qu'une fille ait l'honneur de ce que tant d'héros
Effectuer n'ont peu, cela n'est à propos.

(Nic. Chrest.)

« De peur d'heurter à quelque pierre. » (St. Franç. de Sales, Introd. à

la vie dévote.)

HIDEUX.

Pour celui-là j'ai un nombre très considérable de citations dans mon escarcelle; je n'en prendrai que quelques-unes au choix :

Adonc les tourbillons et les souspirs du Nort
Acoisent leur courroux, et l'hideuse menace
De Neptun boursouflé contreschange sa face.
(J. de Montl. p. 852.)

C'est l'horrible Charon, d'hideuse crasse affreux

(Id. p. 184. Cf. 107, 146, 628.)

Nous envoirons au sabbat

L'ideuse et vieille sorcière.

(Ch. hist. II. 399.) (2)

(1) On peut affirmer, d'après la citation qui suit, qu'au XVIIe siècle St-Mars n'aspirait pas l'h de haut.

<< Un petit sacchet qu'il avoit couseu au fond de son au de chose. (Extr. du Corresp du 25 janv. 1870.)

(2) Cf. Figaro du lundi 31 juill. 1863, p. 3, col. 1 et 2.

Quand on brulait chez nous la guillotine,
Gendarmes hideux, vous lanciez de vos forts

La bombe en feu dévorant la chaumine, ete.
(Ch. par le citen Sénéchal.)

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