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Voiture.
1677.
Voltaire.
1823.

Les œuvres de Monsieur de Voiture, etc., par la Société,

Le Temple du Goût et poésies mêlées par Voltaire, de Bure,

PREMIÈRE PARTIE.

DE LA PRONONCIATION DES VOYELLES.

CHAPITRE Ier.

De la prononciation de la voyelle A.

RÈGLE I. Dans les mots français où l'a est déjà long, le dialecte Blaisois en exagère encore la longueur en traînant sur le son de cette voyelle, et en la prononçant de toute l'ouverture de la bouche, de manière à la rapprocher du son de l'ô; Ex.: Imagination, passion, amasser, passer, classe, diable, fable, sable; prononcez: Emagénation; passion; guidbe; sdbe; etc.

<«< Vous prononcerez votre a la bouche aussi large ouverte que vous pourrez.» (Giles du Guez, p. 899.) (')

Cette prononciation nasale, très allongée et si voisine du son de l'ô, ne provient à mes yeux d'aucune autre cause que de l'extension à tous les â longs d'une prononciation qui n'était surtout usitée autrefois que quand l'a était suivi dans la même syllabe d'un m ou d'un n, le plus souvent appuyés sur une autre consonne. Voici la

(1) Bien des gens de Dauphiné se font connaître par la longueur extraordinaire qu'ils donnent à la lettre et au son a dans chassis, passé, etc. » (Bibl. des enfants, p. 135.) Cf. A. de Boisreg. p. 467, 468.

règle, telle que je la trouve formulée dans Palsgrave: « Sim on n suivent immédiatement la voyelle a dans la même syllabe, cette voyelle se prononcera comme la diphthongue au, avec un son légèrement nasal. Ainsi les mots ambre, mander, amant, tant, parlant, se prononceront à la lecture et dans la conversation aumbre, maunder, amaunt, taunt, parlaunt. » (Palsgr. p. 1.)

Souvent même au moyen-âge cette prononciation est notée par l'orthographe:

Adonc s'en vindrent esraument,

Si s'assiéent l'un delez l'autre.

(Fabl. de Sire Hains et dame Anieuse.)

Primes en frauncoys ly devez dire

Coment soun cors deyt descrivere.

(Gaut. de Bibl.)

Nous maundons a vous touz que nostre diste soer soeffrez passer sauntz nul empeschement ni destourbaunce, e a li soïez ardauntz et conseillauntz. (Lett. de Rois, etc. Tom. I. p. 421.)

de

Rien d'extraordinaire à ce que al sonnât au; c'était une règle : «La lettre / après a, et suivie d'une consonne se prononce u, dit Colyngburne (Règl. 23), Ex.: m'alme, loyalment. » Mais a sonnait au, même dans des mots où cette voyelle n'était suivie ni de m, ni n, ni de l. Nous trouvons à la fois âme et alme (pron. aume) qui s'est aussi écrit anme (cf. avec l'alma et l'anima des Italiens); taxer et tauxer; navrer et nauvrer; etc. C'est ainsi que basme, embasmer, usités jusqu'au XVI siècle, sont devenus définitivement au XVII baume, embaumer. C'est en vertu de cette double prononciation, qui ne s'introduit dans notre langue qu'au XVIe siècle, que nous avons conservé en leur donnant des acceptions différentes les deux mots de palme et de paume. Ex.:

Escuez à jouer à la palme: Balles du jeu de paulme. (Roquef. à escuez.)

Deable et deauble (Id.)

Sa mencungne est mix convenauble,

Et plus ressanle chose estauble.
S'ils ne défendent leur roiaume

(M. de Fr. Fabl. 89.)

De haut estal en bas escame. ('1)

Pevent bien lor siege cangier.

(Miserere du Reclus de Moliens, str. 165, Roquef. à

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Je navre et je nauvre. (Palsgr. p. 784.)
Vous estes tauxé ou taxé. (ld. p. 715.)

Je me espasmeray ou espaumeray. (Id. p. 746.)
L'hoste s'écrie, et la femme se pasme:

Les regarder, mon serment, c'est un basme.
(Ch. Bourd. p. 81)

Mais avant qu'essayer chose si excellente,

Et que sur l'échauffault pour sonner se présente... etc.
(Gr. Gourdry, dans Nicol. Ellain. p. 9.)

Dans la plupart de ces mots l'a se prononçait en français autrefois et se prononce encore aujourd'hui dans le dialecte Blaisois, de telle sorte que l'oreille la plus exercée ne saurait déterminer si c'est un a ou un o. C'est un son qui a complètement disparu de la langue de nos jours. (V. Max Mull. Nelles leçons, p. 148, Note.)

Dans papa, maman, (qu'on prononce aussi p'pa, m'man), c'est surtout l'o qu'on fait sentir, tantôt bref, tantôt long; Popa,

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Je suppose que c'est cette attribution du son au à la lettre a qui a donné lieu à la prononciation si commune encore de nos jours parmi le peuple, et autrefois si française, du mot armoire: Ormoire, prononciation encore en usage au commencement du XVIIe siècle.

(1) V. Eust. Desch. p. 179.

(2) Cf. Théoph. 2me part. pag. 30: une odeur de Tobac. »

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