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1° ÉIER. - AIER. Preiez Deu mercit. (Ch. de Rol. II, 472.) Que nos seioms avisés. (Lettr. de Rois, etc. Eléon. d'Angl. à Ed. I.) Rencie p renie. (Chr. d. d. de Norm. II, p. 176.) Desveier. (Id. II, 234.) Sopleie p' supplie; otreie p' octroie. (Id. II, 485.) Nus souppleions. (Lett. de Rois, I. p. 436.) Néier. (Liv. du bon Jehan, p. 523.) Pléier. (Burguy, HI, p. 311.) Sejer les bleds meurs. (J. de Montl. p., 23.) etc.

Ne vus esmaiez. (Ch. de Rol. I, p. 27.) Esmayer, nayer. (Rom. de la R., vs. 6291.) Abayer. (Me P. Path., p. 115.) Abaie. (Chr. d. d. de Norm. II, p. 455.) Je lotrai p' octroie. (R. du Ren., vs. 3170.) Braiez p' broyés. (J. de Montl., p 561.) etc.

2° OIER. Elle me semont et proie. (Mot. et Pastour. du XIIIe s. Buchon.) Renoyent prenient. (Rom. de la R., vs. 5129.) Chastoye p' chastie. (Id. vs. 10453.) Noier p' nier. (Chr. d. d. de Norm., addit. III, p. 873.) Proiez p priez; soyez du verbe être; soiez p' sciez; loiez p' liés. (R. du Ren., I, p. 457, 541.) Ploie. (Ibid., vs. 14837.) Desvoie. (Lais inéd., p. 108.) Au povre bestail qui s'effroye. (Eust. Desch., p. 14.) Effroyée. (Mtre P. Path., p. 193.) Je vous poirrė p' paierai. (Liv. du bon Jeh., p. 492.) Poyer. (Ch. Bourd., p. 56.) Vous ne poyerez rien. (Palsgr., p. 527.) Royé p' rayé. (Liv. du bon Jeh., p. 515.) Balloyer et nectoyer. (Jeh. Bouch., fol. XXIII.) etc.

3° IER.

Prie-li s'aïde m'envoit. (Un mir. de S'-Ign. Buchon.

(1) V. Eust. Desch. p. 71.

Prier Jhesus. (Un mir. de St-Val. Ibid.) Souplions à nostre fil. (Lett. de Rois, Marg. de Fr. à Ph. le Hardi.) fouldriez p' foudroyer. (Rom. de la R., vs. 5649.) Je vous pry p' prie. (Mtre P. Path., p. 189.) Chastie. (Rom. de la R. II, p. 298.) Ottrice p' octroyée. (Lais inéd., p. 14.) Je l'ottrie. (Rom. du Ren., vs. 5430.) Josqu'a la terre si chevoel li balient. (Ch. de Rol. II, p. 459.) Je balie and je baloye. (Palsgr., p. 745.) Festier (Ch. Bourd., p. 102, 103.) Je festie and je festoye. (Palsgr., p. 548.) Guerrie et guerroie. (Ch. d'Orl., p. 109, 118.) Je costie and je costoye. (Palsgr., p. 499.) Je renie and je renoye. (Id., p. 556.) Je nestie and je nettoye. (Id.)

De ces formes diverses nos paysans, comme le français d'aujourd'hui, ont conservé l'une au détriment des autres; seulement la langue française et le dialecte blaisois n'ont pas toujours fait tomber leur choix sur la même forme. Le français et le blaisois ont conservé également lier et scier, mais tandis que le premier préférait noyer, plier, (') balayer, le second adoptait néyer, pléyer, balier. Qu'est-ce qui a déterminé leur choix entre ces terminaisons? L'euphonie? le caprice? Je n'en sais rien. Mais un fait remarquable dans notre dialecte, qui touche par tant de points au bourguignon, c'est qu'il repousse dans un grand nombre de verbes les terminaisons en oyer.

Balier que l'on prononce en trois syllabes ba-li-er (baliller) a été en usage jusqu'au XVIIIe siècle. Le Dictionnaire de Trévoux est à ma connoissance le dernier qui l'ait signalé.

« BALIER, balayer. Ce dernier mot se prononce comme s'il était écrit baléier. Balier et balayer sont bons tous deux, mais balier est plus en usage que balayer, parce qu'il est plus doux à l'oreille. Il signifie netéier avec un balai. Ex.: balier une chambre. Eole lâche les vents, quand il faut balier le monde. (Scarron, Virg. travesti, liv. 1.) Ce mot se dit aussi des

(1) De même que le français a conservé les deux formes plier et ployer, le dialecte angevin a conservé les deux formes scier et soyer, mais dans des acceptions différentes, scier s'appliquant spécialement au bois et soyer aux moissons.

habits longs qui traînent et amassent des ordures : D'une robe à longs plis balier le barreau. » (Dépr. sat. I. - Dict. de Richelet.)

Aujourd'hui l'on n'a plus de mots en français pour dire un marchand de balais, à moins que l'on ne se serve de l'un des barbarismes de nos dialectes du centre: Balilletier, balaitier, balayetier et balaissier. Au siècle de Louis XIV, balieur s'appliquait au balayeur, a celui qui balaie les maisons ou les rues; balayeur et balayeuse signifiaient uniquement un marchand, une marchande de balais. (Voir Richelet.)

CHAPITRE IV.

De la prononciation de la diphthongue EI.

REGLE UNIQUE.

-

Ei se prononce généralement comme é fermé, c'est-à-dire que: 4o tantôt il sonne é; ex.: Peine, veine, pleine, prononcez péne, véne, pléne et non pène, vène, plène; 2o tantôt eu: Peune, veune, pleune; 3° tantôt a bref: Pane, vane, plane, trois prononciations différentes que l'on entend quelquefois d'une seule et même bouche s'appliquer aux mêmes mots. La forme poine pour peine, archaïsme usité en Anjou, est inconnue dans le pays blaisois, bien qu'on y ait conservé poitrir pour peitrir-pétrir.

La prononciation de ei en é provient, je crois, du dialecte de l'île de France. Le Roman de Renart en fournit de nombreux exemples. Celle d'ei en eu vient de Bourgogne ou l'on a l'habitude, encore aujourd'hui, de faire sonner ainsi les syllabes ai, ei, è, é; Ex.:

Say bontay l'emeune

En masque no voy.

Le grand queique foi

An masque ai meneu se promeune. (La Monnoie, I. 6.)

La transformation du son ei en a existe surtout en Sologne. C'était également un usage particulier au dialecte roman: «< Comme le dialecte dorien, dit Henri Estienne, le dialecte roman, c'est-àdire celui des frontières de France et le patois de la Savoie remplacent volontiers les sons e, ai, par le son a, disant cla, clar, man, fan, pan, fare, etc. pour clef, clair, main, faim, pain, faire, etc. Cet a du roman est plus voisin de l'étymologie qui paraît mieux dans pare, mare, deman, etc. que dans père, mère, etc. »

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1° Ei se prononce ée dans reine: La réene.

(V. 2o part., ch. I., p. 65.)

2o Ei se prononce a ou i à volonté dans enseigne, peigne et leurs composés, prononcez: Ensagne, pagne, ou ensigne, pigne. Teigne sonne toujours tigne.

La transformation d'ei en i est un résultat de la confusion qui a existé au XVIe siècle entre les sons i et ei. (Voir 4re partie, chap. III, p. 24 et 25.) J'en ai déjà cité quelques exemples à propos de la prononciation de la voyelle i; en voici un autre; c'est un sonnet de Nicolas Ellain :

Or viens un peu, je te prie, Lucine.
Dame Junon, viens un peu soulager
Ceste douleur qui ne fait qu'engréger
De ceste pauvre accouchante la peine.
Viens soulager sa douleur inhumaine ;
Viens, viens, Junon, ses tranchés alléger;
Viens la livrer, Lucine, de danger,

Et adoulcir le tourment qui la mine, etc.

Du reste les anciens auteurs français depuis l'origine de la langue nous présentent une foule d'exemples de ces changements d'é en i et réciproquement. (Voir 4 part., chap. II et III, p. 18 et 24.) En voici deux nouveaux ;

Et le tint en grant désépline. (M. de Fr., I. 268.)
Moult hai li rois yresie

Fauseté et ypocrezie. (Phil. Mouskes, vs. 3078.)

Je ne trouve point dans mes notes d'exemples du mot enseigne, où la diphthongue ei soit remplacée par i. Je suis sûr que je finirai par en découvrir, car l'analogie indique que cette prononciation a du exister. En revanche, j'en rencontre beaucoup pour le mot peigne et ses composés, presque constamment écrits aux XV et XVIe siècles pigne, pigner, etc. C'est là l'orthographe de Villon, d'Am. Jamyn, de Rabelais, de Montaigne, de du Bartas, de Ronsard. On peut remonter plus haut :

Elle estoit gresle et alignée,

N'estoit fardée, ne pignée. (Rom. de la R., I. p. 35.)
Tiens-toy bien net; tes cheveux pigne;

Mais ne te farde, ne te guigne. (Rom. de la R., I. p. 74.)

Mais qui peut assurer, la voyelle i sonnant ei en mainte rencontre, que pigne ne se prononçat pas peigne? Ainsi voici dans Villon vigne, engigne, ligne, pigne, trépigne et bigne rimant ensemble. (Voir Ballade et oraison, pag. 134.) Rien ne me prouve que l'on ne prononçât pas alors veigne, leigne, trépeigne comme aujourd'hui encore dans le dialecte blaisois; peigne comme en français; beigne qui a disparu de la langue, en y laissant son diminutif beignet; et enfin engeigne, qui signifie prendre au piège, tromper, comme en ces vers de Lafontaine. (Liv. IV. Fabl. II.)

Tel, comme dit Merlin, cuide engeigner autrui

Qui souvent s'engeigne soi-même.

Je crois donc, jusqu'à preuve contraire, qu'au milieu de l'anarchie qui régna dans le langage au XVI° siècle, anarchie dont on peut faire remonter l'origine et les causes jusqu'à la fin du XIV®, les deux prononciations enseigner et ensigner, peigner et pigner, teigne et tigne, etc., ont régné de concert, jusqu'à ce qu'enfin l'une des deux l'ait emporté.

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