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En finissant cet article, j'ouvre instinctivement le Dictionnaire de l'Académie, édition de 1776, et au mot siècle, je lis: Le siècle qui court a commencé le premier jour de l'année 1701.

Me voici donc, moi infime, autorisé à donner tort au docte M. Duruy, un exministre de l'instruction publique! Mais une distraction peut bien lui être pardonnée, comme lui-même me pardonnera, je l'espère, la liberté que j'ose prendre de lui proposer un erratum au tome II de sa belle Histoire de Francs.

CLOVIS MICHAUX.

- Il paraît qu'en effet cette question fut vivement controversée en 1799, et devint même un sujet de comédie. Les partisans du siècle expirant avec la Saint-Sylvestre de 1799, eurent beaucoup de peine à céder. Je ne vois pas trop cependant de quels arguments ils pouvaient se servir. Que cette erreur échappe à un moment d'irréflexion, le péché n'est pas bien gros; mais vouloir la maintenir unguibus et rostris, c'était faire assez gratuitement une application du proverbe : Errare humanum est, perseverare diabolicum. Comment se refuser à ce raisonnement si simple? Pour que le XVIIIe siècle finisse en 1799, il a donc fallu que le premier finît en 99; et qu'est-ce qu'un siècle de quatrevingt-dix-neuf ans? Je crois que l'on fait

aussi assez souvent une autre erreur ana

logue c'est de dire indifféremment qu'une personne a vingt ans, ou qu'elle est dans sa vingtième année. Il y a cependant entre ces deux expressions une différence d'un an. Dès que l'on a vingt ans accomplis, c'est dans sa vingt et unième année que l'on entre; et lorsqu'on est dans sa vingtième année, on n'a encore vécu que dix-neuf ans, et plus ou moins de mois et de jours. O. D.

- La question ne peut faire question : un siècle étant composé de cent ans, la quatre-vingt-dix-neuvième année n'est pas la dernière du siècle. Le Ier siècle a fini à la fin de l'an 100, et ainsi de suite. La question ayant pourtant été soulevée, soit sérieusement, soit par pure plaisanterie, en 1800, trois hommes d'esprit, Dieulafoy, Jouy et Lonchamps, ont fait un vaudeville intitulé: Dans quel siècle sommesnous? Une vieille femme ne voulait pas être dans le XIXe siècle, comme si cela l'eût vieillie; un monomane avait fixé le mariage de sa fille et le payement d'une dette au XIXe siècle. L'amant voulait qu'on fût dans le XIXe pour se marier; le père voulait être dans le XVIIIe pour ne pas payer; le créancier s'efforçait de prouver le contraire pour être payé. Tout cela composait une suite assez fade et peu piquante de scènes sans intrigue. Quelques jolis mots avaient soutenu cette bluette, qu'on peut à peine lire maintenant. Qu'une

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question aussi simple eût été mise en vaudeville, je le comprends; que des historiens graves aient fait une erreur aussi singulière, il n'y a qu'une préoccupation bizarre ou un manque absolu de réflexion qui puisse l'expliquer. E. G. P.

Cette question a été résolue plusieurs fois, et elle est facile à résoudre. Pour déterminer une date, il faut le numéro de l'année et le nombre de jours écoulés depuis le commencement de cette année. La première année d'une ère quelconque a dû être numérotée 1, car zéro n'est pas un numéro; exemple l'ère républicaine. Et comme un siècle se compose de cent ans révolus, le dernier jour du Ier siècle a été le dernier jour de l'année 100; donc le dernier jour du XVIIIe siècle a été le dernier jour de l'année 1800, et le premier jour du XIXe siècle a été le 1er janvier 1801. FAUCHEUX.

Quand donc en finira-t-on avec cette scie du XVIIIe et du XIXe siècle? Le premier siècle du monde a commencé le premier jour de l'an un et fini le dernier jour de l'an 100; le second siècle a commencé avec l'an 101 et fini avec l'an 200. De même le XIXe siècle a commencé le premier jour de l'an 1801, et finira avec l'an 1900, qui lui donne son titre de XIXe siècle. Il est impossible qu'il en soit autrement, à moins de faire des siècles de quatre-vingt-dix-neuf ans, ou de commencer par compter zéro avant de compter un. - M. Duruy s'est trompé. Eh bien! après? En aura-t-il moins de... prestige? BOURGBEAU.

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Marie Leczinska (VI, 38). Le portrait gravé réputé le plus exact et le plus ressemblant de la trisaïeule de M. le comte de Chambord, serait celui peint par Nattier et gravé par J. Tardieu, Ch. Gaucher et Duponchelle. Ce dernier fit paraître sa gravure après la mort de la reine. C'est le portrait de Nattier que l'on rencontre le plus souvent dans les musées et dans les collections particulières. On peut citer aussi les gravures de Cars et de J. Chereau d'après Vanloo, de Petit d'après Latour, de Duflos d'après Bonnard, etc., enfin la médaille frappée en l'honneur du mariage: d'un côté, le jeune roi; de l'autre : MARIA

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REGIS STANISL. FIL. FR. ET.NAV. REGINA. V.

SEPT. MDCCXXV, vue de profil. Piton, dans le Panorama de Strasbourg, Faubourg, page 76, a donné le Fac simile de l'acte de mariage de Marie Lesczynska avec Louis XV, représenté par le prince Louis d'Orléans. Ce document est tiré des registres de l'état civil de l'année 1725. Le Magasin pittoresque (t. XXIII, p. 313), a fait graver le portrait de la femme de Louis XV, d'après la peinture de Tocqué, qui se trouve au musée du Louvre. On trouve dans la notice qui accompagne ce dessin quelques renseignements sur les portraits de cette vertueuse princesse. A. B.

-Au nom de la reine, femme de Louis XV, le souvenir de tout iconophile se reporte aussitôt sur le beau portrait gravé par Gaucher d'après Nattier; la toile du maître, conservée à Versailles, nous montre la reine en pied et vêtue de velours rouge bordé de fourrures: le graveur n'a reproduit que le buste, mais l'a délicieusement encadré dans un médaillon de lis et de roses dont la guirlande s'enroule sur un champ fleurdelisé; les épreuves du premier état de cette charmante pièce sont avant le texte au revers de l'estampe.

J. Tardieu a également gravé ce portrait peint par Nattier, mais à mi-corps.

On peut voir chez M. le duc de Fezensac, au château de Marsan (Gers), une répétition de ce portrait de Marie Leczinska; Nattier s'est d'ailleurs fréquemment répété, et presque tout cabinet riche en productions de notre école du XVIIIe siècle, possède de ce peintre, soit une duchesse de Châteauroux, soit une des filles de Louis XV, plus ou moins travestie en allégorie mythologique.

Au salon de 1748, Latour exposait un portrait de la reine; je ne le crois point gravé.

D'autres portraits de la reine ont été gravés par Larmessin d'après L. M. Vanloo, par Desrochers, Roi, Simonneau, Sysang; quelques-uns plus médiocres sont anonymes. (Niort.) H. VIENNE.

La comtesse de La Motte-Valois (VI, 39). Dans l'Intermédiaire anglais (Notes and Queries), 2o série, vol. VII, p. 9 et 137, il est dit que cette tristement célèbre aventurière (Affaire du Collier) qui vécut longtemps à Londres, étant poursuivie pour dettes, se tua en voulant échapper par une fenêtre. Permettez-moi de transcrire la note (p. 137): « Carlyle states that the « house from whence Madame de la Motte « fell out of window was situated near << The « Temple of Flora. »

« Many years ago, there was a very cele«brated artificial flower manufactory bea« ring that name and conducted by a man << of the name of Lambert, situated in the

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J'écarte tout d'abord cette dernière question qui ne peut se résoudre que par une simple négation.

En ce qui touche le fait général : dérogation du noble faisant acte de commerce, je ne puis que renvoyer M. Mège aux recueils de jurisprudence du XVIIIe siècle, notamment à celui de Denisart, verbo: NOBLESSE. Il y trouvera l'analyse des édits de 1669 et 1701 qui permettaient aux nobles et ennoblis, les magistrats exceptés, de faire le commerce EN GROS.

L'écuyer thiernois (que M. Mège ne nomme pas, mais qui s'appelait, si j'ai bonne mémoire, de Ribarolles), pouvait donc sans déroger s'intituler négociant; et, ici, qu'il me soit permis de définir, trèssommairement d'ailleurs, le rôle du négociant thiernois, avant la Révolution.

Si je ne craignais d'abuser de l'hospitalité gracieuse de l'Intermédiaire, l'amour du clocher pourrait m'inspirer un long article, mais, hélas! il faut savoir, quoique avocat, être sobre de paroles, et je dois me renfermer étroitement dans le cadre de la question.

Les négociants thiernois étaient les intermédiaires accoutumés entre le producteur (maître coutelier, maître papetier ou autre), et le consommateur. Possesseurs de capitaux et d'immeubles, — moulins à papier ou aiguiseries, ils facilitaient la fabrication par des avances d'argent, voire même de matières premières, à compte des marchandises qui devaient leur être livrées une fois fabriquées. Pour les moulins à papier, notamment, j'ai trouvé, dès 1444, un grand nombre d'actes notariés établissant les rapports qui existaient entre les

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117 négociants et les papetiers de Thiers. Les statuts de notre jurande des maîtres papetiers, reconnue officiellement en 1582, ne permettaient qu'aux papetiers seuls de mettre la main à la pâte. Mais, pour faire du papier, la condition première était d'avoir un moulin ad hoc. Or, le compagnon passé maître, n'était pas, au début de sa carrière, assez riche pour devenir propriétaire. Le négociant thiernois intervenait alors; et par contrat non-seulement affermait son moulin à papier au nouveau maître, mais encore s'engageait à tenir le moulin fourni de drapeaux, colle, et autres matières nécessaires à la fabrication : quelquefois il s'engageait à fournir encore le bois, la lumière et même les provisions de ménage. Le prix de cette location était payable en papier fabriqué, et le plus souvent le maître papetier s'engageait à ne divertir aucune feuille au profit d'un négociant autre que son bailleur. Le négociant, agissant vis-à-vis des couteliers, des gaîniers, des cartiers et des tanneurs thiernois, comme il agissait vis-à-vis des papetiers, centralisait ainsi dans ses magasins tous les produits de nos diverses industries et les distribuait de là sur tous les marchés de l'Europe, soit par ses nombreux correspondants, soit par les représentants directs qu'il entretenait lui même dans ses succursales en Italie, en Portugal, en Espagne, etc.

Je n'enfle pas ici, par orgueil national, l'importance du négociant thiernois d'autrefois, j'ai pour preuves du fait que j'avance une foule d'inventaires notariés, de nombreux brevets d'apprentissage par lesquels les fils de nos négociants s'engagent vis-à-vis de Thiernois qui font le trafiq à Milan, Naples, Lisbonne, Madrid, etc., dès le commencement du XVIe siècle; et pour l'exportation du papier thiernois, notamment, j'ai pu trouver, en puisant à cette source inépuisable : les anciens actes notariés, les traces d'une association entre négociants pour la fourniture du papier que consommait le gouvernement espagnol dans la première moitié du XVIIe siècle.

Telles étaient les conditions dans lesquelles nos négociants thiernois exerçaient le commerce en gros. L'écuyer de M. Mège ne dérogeait donc point, pas plus du reste que certains de ses confrères qui, devenus nobles par l'acquisition d'offices créés sous Louis XIV, n'en continuèrent pas moins leur négoce. G. SAINT-JOANNY.

Arbres vulgairement appelés Sullys (VI, 40). A toutes ses autres charges, Sully joignait celle de grand-voyer de France. Il n'est donc pas extraordinaire qu'il ait fait planter des arbres sur les routes et dans les carrefours. On lit dans Tallemant des Réaux, qui, fidèle écho des rancunes du parti calviniste, et peut-être aussi des haines

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de cour dont il pouvait retrouver le souvenir à l'hôtel Rambouillet, a fait de son historiette de Sully un véritable libelle: « Il était si haï que, par plaisir, on coupait les ormes qu'il avait fait mettre sur les grands chemins pour les orner. « C'est un

Rosny, disaient-ils: faisons-en un Biron. » Il avait proposé au roi, qui aimait les établissements, d'obliger les particuliers à mettre des arbres le long des chemins; et comme il vit que cela ne réussissait pas, il fut le premier à s'en moquer. »

O. D.

Il existe encore un certain nombre de ces arbres dans toute la France. M. Auguste Le Prévost, de l'Institut, m'en avait indiqué, en Normandie, plusieurs dont je n'ai malheureusement pas conservé la liste. Je connais un vieil orme, situé à Mèsle sur le territoire de la commune de Chitray, je crois, à une lieue environ ouest de SaintGaultier (Indre), qui est connu, dans le pays, sous le nom d'arbre de Sully. Il est gigantesque et domine la contrée, bien que la foudre ait abattu plusieurs de ses branches. Il serait curieux de faire un relevé de ces vénérables témoins du règne de Henri IV. P. BLN.

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Citations latines (VI, 68). Les deux passages de Columelle se trouvent tous deux dans le livre XI de son De re rustica. Le premier: « Quare vulgare illud de arborum positione rusticis usurpatum : Serere ne dubites, id villicus ad agri totum cultum referri judicet,» se trouve au chapitre 1er du livre XI (édition des DeuxPonts, 1787, in-8°, p. 421). Le second: « Vetus est agricolarum proverbium maturam sationem sæpe decipere solere, seram nunquam, quin mala sit,» se trouve au chapitre II (même édition, p. 441). Si, comme il semble, c'est au point de vue de maximes proverbiales que M. Carl Müller a posé ses questions, il fera bien de consulter le 4o volume des Scriptores rei rusticæ Deux-Ponts occupé entièrement par le Lexicon rusticum. L'article Proverbia lui donnera d'autres proverbes agricoles et A. M.

moraux.

des

Sergent-major (VI, 69). On les appelait autrefois sergents d'affaires. L'ordonnance de 1768 ne les reconnaissait pas encore, et on appelait fourrier le bas officier qui en remplissait les fonctions. Guynet, en 1771, proposait de créer des sergents-majors: Sinclaire, en 1773, également, mais préférait leur donner le titre de sergents d'affaires. L'ordonnance de 1776, confirmée par celle du 17 mars 1783, est la première qui ait mentionné le grade de sergent-major pris dans le sens où il en est question ici. Il remplaça le sergentfourrier, ou, en d'autres termes, le four

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rier devint sergent-major. Le Journal de "Armée se trompe donc (tome II, p. 274) en rattachant à l'année 1779 l'institution de l'emploi de sergent-major. On peut consulter avec fruit le Dictionnaire de l'Armée de terre, par le général Bardin, où cette question est traitée tout au long. A. NALIS.

Epitaphe du tombeau de Dante (VI, 70). Le tombeau de Dante à Ravenne est un petit édicule extérieur accolé au flanc de l'église des Franciscains, et M. E. R. peut se rassurer; il y a bien dans l'inscription: Parvi Florentia mater amoris. Il serait trop long de rechercher et de citer tous les voyageurs qui l'ont transcrite, et tous les historiens de Dante qui l'ont réimprimée. Tous doivent donner parvi, et je puis affirmer de visu que c'est bien la vraie leçon, comme on peut le voir dans les belles photographies de M. Ricci, de Ravenne. En même temps M. E. R. trouvera dans les Opuscoli Calogeriani, tome XVII, une dissertation sur le tombeau d'Ippolite Gamba Ghiselli; Joseph Pelli, dans ses Memorie per servire alla vita di Dante (Florence, 2e édition, 1823, p. 143-8), parle longuement de ce tombeau et relève vivement l'erreur de Grosley, causée sans doute par une pure faute d'impression dans le livre où il a pris son texte. Je n'ai pas ici à entrer, après Pelli, dans le détail de l'histoire de ce tombeau élevé en 1483 par les soins de Bernardo Bembo, père du fameux cardinal; restauré en 1692 par le cardinal Torsi, et reconstruit à la fin du XVIIIe siècle par Camillo Morigia. J'ajouterai seulement, ce qui n'est pas dans Pelli, que Pietri Lombardo, auteur du premier tombeau, a signé

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graphe du ministère de la guerre, mon ancien condisciple de Stanislas, veuille bien me céder son tour de parole pour répondre de suite à l'interpellation de M. Lock. La garde nationale n'a-t-elle pas d'ailleurs la droite, quand elle se trouve en concours avec l'armée? Or, j'ai l'honneur de conserver les Archives de la garde nationale de Paris, et c'est dans ce fonds que je vais puiser une réponse curieuse.

M. Frédéric Lock dit que « le groupe élevé sur la place de l'ancienne barrière de Clichy symbolise la défense de Paris en 1814, plutôt qu'il ne consacre la légende de cette barrière, popularisée et peutêtre créée par un tableau d'Horace Ver

net.»

Il existe, aux Archives de la Seine, un premier document dont la teneur suit:

9 septembre 1814. 2e légion. - Note relative à la conduite de M. Horace Vernet, sous-lieutenant des grenadiers du 3o bataillon. Affaire du 30 mars 1814.

«Le poste de la barrière de Neuilly avait été confié, du 27 au 28, à cette compagnie. Le 29, à 4 heures du matin, elle reçut l'ordre de se rendre à la barrière de Clichy, et elle garda ce poste durant la nuit du 29 au 30. A cette dernière époque, M. Vernet sollicita et obtint la permission de faire une reconnaissance dans la plaine; il s'acquitta de cette commission avec intelligence et zèle.

« Le 30, à 6 heures du matin, la compagnie dut couronner la principale hauteur de Montmartre et défendre ce poste jusqu'au moment où elle serait relevée, ce qui eut lieu vers midi par l'arrivée d'un renfort. M. Vernet eût alors pu se retirer, mais lui et une cinquantaine de ses camarades, bien qu'épuisés de fatigue, vinrent prier le soussigné (chef du 3e bataillon), de les conduire en tirailleurs dans la plaine, et ce ne fut pas sans éprouver un vif sentiment d'émotion et de joie, que ce chef vit dans une telle marque de dévouement quels hommes il avait l'honneur de commander.

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Depuis midi jusques à 3 heures du soir, M. Vernet combattit vaillamment pour son pays et pour l'honneur; il se porta très en avant dans la plaine, tua ou blessa plusieurs tirailleurs ennemis, donna à ses camarades l'exemple de la plus extrême bravoure, et ne se retira que lorsque tout le monde y fut forcé par le dernier hourra des Russes. Ces faits sont tellement connus dans la légion et ils sont tellement honorables pour M. Vernet, que la première pensée du soussigné a dû être en faveur de ce brave jeune homme. »

M. Lock m'objectera peut-être que ce document, ce certifica: de bravoure décerné à Horace Vernet n'est pas de nature à dissiper pleinement ses doutes. Je suis un peu de son avis, et si j'ai donné ici la première place à cette pièce, c'était afin

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de saisir l'occasion d'expliquer l'origine du tableau auquel M. Lock faisait allusion. Quant au détail plus précis de ce qui s'est passé à la barrière de Clichy, je le trouve dans un autre rapport fait par M. Vauchelet, officier de la 10° légion. Je regrette que l'exiguïté du format de l'Intermédiaire ne me permette pas de donner in extenso ce document. J'en extrais les parties qui répondent directement, et péremptoirement, à la question posée.

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La 10e légion était à la pointe du jour (30 mars), rassemblée au Corps législatif sous les ordres de M. le comte de Las Cases, faisant les fonctions de chef de bataillon. Les postes furent distribués, le canon se faisait entendre! chacun briguait le poste où il pouvait y avoir quelques dangers à courir, c'était celui de l'honneur. A 6 heures du matin je reçus l'ordre de me transporter avec 60 grenadiers à la place del'Hôtel-de-Ville... Sur cette place on n'entendait qu'un cri: A l'ennemi! A 9 heures, M. le maréchal duc de Conegliano me donna ordre de prendre 3 à 400 grenadiers et de me porter de suite barrière de Clichy. J'y marchai au pas redoublé. Arrivé rue de Clichy, M. le maréchal m'ordonna de prendre la tête du détachement, 50 hommes, de me faire ouvrir les barrières, de descendre dans la plaine de Clichy, d'y prendre position de manière à ce que l'ennemi voye que la garde nationale de Paris était à la défense de ses murs... A l'embranchement des routes de Clichy et de Saint-Ouen, 4 pièces de canon étaient en batterie. Un détachement de grenadiers et de chasseurs se mirent en tirailleurs en longeant la route de Clichy, et par un feu bien suivi inquiétaient beaucoup des partis de cavalerie ennemie répandus dans la plaine. Pour me conformer aux ordres de M. le maréchal, je plaçai mon détachement en vue de l'ennemi: à l'instant même, une de ses batteries placée sur le travers de la route dite de la Révolte nous assaillit, mais ses pièces mal servies ne purent nous atteindre, les boulets et les obus venaient labourer la terre sous nos pieds ou passèrent par-dessus nos têtes... Je reçus ordre de me placer dans les maisons des Batignolles, afin de protéger la retraite des 4 pièces de canon placées aux embranchements des routes de Clichy et de Saint-Ouen. A peine dans cette position, nous fûmes assaillis d'un feu très-vif de l'ennemi... Une partie de mon détachement retraita par la barrière de Monceaux; je restai avec 4 grenadiers... Nous cherchâmes à regagner la barrière de Clichy. A cent pas de cette barrière, un détachement de Russes fit un feu roulant sur nous: malgré notre petit nombre, nous nous défendîmes avec courage, et tout en ripostant au feu de l'ennemi nous revînmes en obliquant vers notre barrière où se trouvait placé un grand nombre de gardes nationaux qui, par un

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feu continu protégèrent notre retraite; l'officier russe, indigné de n'avoir pu atteindre mes braves camarades, me lança son sabre entre les jambes. Arrivé aux palissades, je fis rentrer mes quatre hommes par l'embrasure du canon, chemin que je ne pus suivre moi-même parce que les canonniers me croyant rentré avaient replacé leurs pièces; je me hissai aux palissades et rentrai de cette manière. Un seul homme me manquait, c'était mon tambour. Tué à la tête de mon détachement, il resta sur le champ de bataille. M. Phélipon, chef de bataillon, venait également de rentrer avec un détachement qu'il commandait hors des murs.

« L'ennemi vint attaquer notre barrière, mais elle resta intacte; tout ce qui s'approchait mordait à l'instant la poussière. Une pièce, au service de laquelle s'attacha comme pointeur M. Gingembre père, inspecteur des monnaies et l'un de mes grenadiers, faisait un ravage affreux. Ce fut en ce moment que le bruit se répandit d'une amnistie, puis après, la capitulation de Paris. Moment affreux! qui combla d'indignation toute la garde nationale. On n'entendait qu'une exclamation: Nous sommes trahis, vendus! et ce cri, cette exclamation seront répétés par l'Histoire. Cependant, 3 pièces de canon et 3 caissons étaient res tés sur le champ de bataille, l'ennemi allait s'en emparer; la barrière s'ouvre, tous les gardes nationaux se précipitent hors des murs, les uns cherchent et poursuivent l'ennemi prêt à enlever notre artillerie, d'autres se mettent aux pièces et aux caissons, on les tire à bras et ils rentrent dans

nos murs... >>>

A ce rapport est jointe la liste des grenadiers de la 10° légion qui ont marché sous les ordres de Vauchelet hors de la barrière de Clichy, et dont les noms ont été inscrits sur le champ de bataille même au milieu des obus et boulets de l'ennemi. On y remarque les noms de MM. Gingembre père, inspecteur général des monnaies; Gingembre fils, architecte; Vauchelet fils, (17 ans), architecte; Delville, ancien législateur; Girod de l'Ain, président du tribunal de première instance; Baron, architecte; Remy, peintre d'histoire; Heurtaud et Baltard fils, architectes.

Le 31 mars, à 5 heures du matin, le chef de la 2o légion, Odiot, écrivait au général commandant la garde nationale, qu'il occupait encore le poste de la barrière de Clichy. Les troupes de ligne étant parties, il demandait des ordres précis sur ce qu'il devait faire, attendu qu'il avait sous les barricades de la barrière un corps d'environ 500 hommes de troupes ennemies.>> « Il me reste, ajoutait-il, auprès du poste, une pièce de 8 et plusieurs caissons appartenant à l'artillerie à pied de la garde. Cette pièce fait partie, ainsi que les caissons, de plusieurs autres sauvées hier sous

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