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République française. Napoléon empereur VI, 262). L'auteur de l'article a vu et tenu la pièce de monnaie. Le fait est donc indiscutable. Je soupçonne la question d'une intention malicieuse. Si le questionneur a des colères contre le premier Empire, sa verve a de quoi s'exercer! pourquoi s'amuser à lui reprocher l'imitation des habiletés de l'empereur Auguste? (Domi res tranquillæ; eadem magistratuum vocabula. TACIT. ANNAL. LIB. I. CAP. 3). L. M.

Jusques et y compris 1808, toutes les pièces d'argent portèrent au revers République française. Cela commença avec la face à personnages, Hercule, l'Egalité, etc., puis on continua avec la tête du premier consul; enfin, en 1809 seulement on se décida à mettre Empire français, quoique, comme le dit l'honorable correspondant, la République fût morte dès 1804.

C'était probablement une réminiscence de l'ancienne Rome (et Dieu sait si on en a mangé à cette époque, comme on dit, de la Grèce et de Rome!) car nous avons bien des monnaies d'empereurs portant divus Augustus IMPERATOR N... et au revers Respublica. A. NALIS.

Portraits de Marie-Antoinette (VI, 262). - Quels sont les portraits qui reproduisent le plus fidèlement les traits de la reine Marie-Antoinette? Madame Campan a dit, en effet, qu'il n'y a de bons portraits de la reine que celui de Madame Le Brun et celui du peintre suédois Werthmüller. C'est là, il faut le remarquer, une appréciation trop absolue, en présence du beau portrait de cette princesse par Roslin et de ceux de Dumont. Roslin, autre peintre suédois de grand mérite, qui a laissé de ses œuvres dans toutes les grandes capitales de l'Europe, peut être regardé comme le chef du groupe justement célèbre d'artistes de son pays, composé, avec lui, de Werthmüller et de l'incomparable miniaturiste Hall, sur lequel on possède de M. Villot une étude si complète. Dumont a peint plusieurs fois, avec son exactitude ordinaire, Marie-Antoinette, en pied et en buste. Il y a eu d'assez nombreuses répé

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titions du buste, dont la dernière a été peinte en 1792, et offerte, par la reine elle-même, en souvenir d'adieu, à sa dame d'honneur la duchesse de Fitz-James. On en a une gravure exécutée en Angleterre. Le portrait que pensait donner en gravure le comte Horace de Viel-Castel était la figure en pied déjà gravée, de la dimension de la grande miniature, et qu'il aurait reproduite in-8°.

Quant à la comparaison établie entre le portrait peint par Madame Le Brun et celui que l'on doit à Werthmüller, photographié en façon de carte de visite, elle ne saurait être bien décisive.

L'original représente la reine se promenant dans les allées du petit Trianon, en tenant par la main ses deux enfants, Madame Royale et le premier dauphin. Qu'attendre d'une aussi petite reproduction que celle d'une carte de visite, d'un tableau de trois personnages grands comme nature? Les traits n'y sont pas assez écrits. La peinture originale est bonne, ferme, fort étudiée. Seulement la face de la figure principale est un peu haute en couleur. Du reste, on a pu à merveille comparer les deux effigies recommandées par Madame Campan, attendu que celle de Suède avait été envoyée à l'exposition du petit Trianon ouverte par l'Impératrice, en 1867, pendant la grande Exposition universelle, et que toutes deux ont figuré en face l'une de l'autre. C'étaient bien les mêmes traits, le même port, le même accent, la même physionomie haute et bienveillante, mais où la différence de pinceau prouvait une fois de plus que chaque artiste a sa façon de saisir l'individualité, les traits caractéristiques, les nuances d'une même figure humaine. Des portraits divers peuvent différer entre eux, et chacun d'eux cependant ressembler à l'original.

Le tableau de Werthmüller, qui, pour l'Exposition de Trianon, avait été tiré du musée de Gripsholm, en Suède, est aujourd'hui à Stockholm.

Encore très-peu de temps, et l'on aura de l'habile graveur Morse une reproduction au vrai du buste de cette peinture de Werthmüller, en tête du sixième et dernier volume de la Correspondance de Louis XVI, Marie-Antoinette et Madame Elisabeth, publiée par M. Feuillet de Conches. Ce volume est sous presse.

FÉLIX.

Dumont, membre de l'Académie royale de peinture et premier peintre en miniature de la reine, peignit souvent Marie-Antoinette et il réussit toujours. Son dernier portrait date de 1791, la princesse est représentée en pied, pressant des fleurs de lis sur son coeur. La gravure devait être faite sous ses auspices; mais les événements qui survinrent empêchèrent le graveur Tardieu de continuer; il ne reprit l'ouvrage que sur la fin de l'année 1814.

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La duchesse d'Angoulême agréa l'hommage que Dumont eut l'honneur de lui faire du portrait de sa mère. Le peintre l'envoya aussi à la Société royale des Sciences, lettres, arts et agriculture de Nancy, dont il était associé.

Un portrait peint à l'huile à mi-corps de cette princesse encore Dauphine existe à la bibliothèque de Lunéville. C'est une jeune fille aux formes grêles, qu'une énorme coiffure écrase. On a de la peine à la reconnaître plus tard dans un « pastel d'après nature et donné par la reine, » qui se trouve reproduit dans l'ouvrage du docteur Ancelon sur la fuite et l'arrestation de Varennes. Quinze années de règne avaient bien changé les traits de MarieAntoinette, qui est encore reproduite en regard de son mari, dans un dessin de main de maître, dessiné par le calligraphe Bernard en 1781, et conservé aussi à la bibliothèque de Lunéville. Marie-Jeanne Bernard à reproduit les deux dessins en 1783.

Un élève de Dumont, Isabey, encore jeune et Lorrain comme lui, peignit aussi Marie-Antoinette, tenant son fils entouré de fleurs et d'emblèmes. Il existe d'autres portraits de la femme de Louis XVI; on peut citer parmi ses peintres, Hubert, Vanloo, Wertmuller, premier peintre du roi de Suède et membre de l'Académie de peinture, etc. Ce dernier dut faire son portrait vers 1780. L'abbé Carron possédait le portrait de Marie-Antoinette, en veuve, à la Conciergerie. Parmi les portraits que les collectionneurs recherchent, on peut citer ceux de Fritsch, Moreau le jeune, Bertrand, Bertonnier, Watson, Prieur, Boizot, Coqueret, Curtis, Geille, Narjeot, etc. Le cabinet A. Dubois, dont la vente eut lieu en mai 1866, renfermait beaucoup d'estampes rares sur cette infortunée princesse. A. B.

- En priant M. Horace de Viel-Castel (1858)de faire l'introduction à la publication d'un manuscrit relatif à la reine Marie-Antoinette que je possède, nous chargions: 1o M. Aug. Blanchard de reproduire, d'après la miniature de Dumont, un portrait de la reine, et, d'après le croquis de David, le dessin de la Reine allant à l'échafaud; 2o un autre artiste, M. Aug. Guillaumot, de dessiner et de graver la figure du soulier ayant appartenu à la reine le jour de sa mort, qui est conservé au Musée des Souverains, ainsi que son grand cachet ou sceau armorié. Ces quatre planches terminées et gravées d'ailleurs avec une grande perfection, sont entre mes mains et encore inédites, la publication in-4o annoncée sur la reine Marie-Antoinette n'ayant encore pas été faite.

LÉON TECHENER, libr.

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Que signifie le mot Escoutette (VI, 271, 195). Escoutette, le même que écoutette, dérive du grec axoów, devenu en français écouter. Diminutif, il signifie qui écoute en tapinois, à la catimini, sans bruit, à la sourdine, pede suspenso. De là, en anglais, spy; chez nous, espion. Ecoutette appartient à cette classe de noms substantifs qui en divers idiomes désignent l'homme sous la désinence de l'autre sexe. Tels sont, en latin, opera, manœuvre et acteur théâtral; en français, aide, une aide, un aide de cuisine, un aide, major ou non; une sentinelle, la sentinelle, et c'est un soldat; garde, une garde-malade, un garde forestier, un garde national et la garde urbaine. (Grenoble.) J. P.

Cantates et chants politiques, en 1814 et 1815, en l'honneur des Bourbons. (VI, 276, 201, etc.)-Je signalerai à M. Cz. le petit ouvrage suivant, dont l'extrême rareté fait, je crois bien, le principal mérite: Pièces extraites de l'Euvre poétique intitulée: Hommage aux Bourbons; dédiée et présentée par l'auteur le 5 août 1814, à son Altesse Royale Monseigneur le Duc d'Angoulême, par BOYAU-PETITBOIS, essayeur des Monnaies. A. Châteauroux, de l'Imprimerie de A.-M. Bayvet, 18141815. L'exemplaire que je possède se compose de dix feuilles d'impression in-8°, qui forment chacune un numéro complet de seize pages. Chaque cahier, paginé séparément, et numéroté sur le faux-titre (de 1 à 10), est décoré de petits fleurons représentant les armes royales, etc. L'auteur, dès la Dédicace:

A S. A. R. Mgr Louis-Antoine de France, Petit-Fils de France, duc d'Angoulême.

Prince,

Malherbe eut la protection

De HENRI DEUX, DUC D'ANGOULÊME;
Loin de moi la prétention
D'obtenir cet honneur extrême.
D'un de ses arrière-neveux

Si vous daignez lire l'ouvrage,
MON PRINCE, il sera trop heureux
D'avoir pu vous en faire hommage.

et, à plusieurs reprises, dans le cours du volume, a pris soin d'informer les lecteurs des liens de parenté qui le rattachent à la famille de MALHERBE. Une pareille attention n'était point superflue, car les vers de notre « essayeur des Monnaies » ne rappellent que de bien loin le génie poétique de son illustre aïeul normand... L'ouvrage renferme des Acrostiches : Marie-Thérèse; Charlotte d'Orléans; Louis Dix-Huit (Sur la Déchéance de Buonaparte); Monsieur, comte d'Artois; Louis-Stanislas-Xavier de France,

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avec cette Traduction libre:

Louis, à tes sujets la Lumière est rendue. De vos bienfaits, grands dieux, admirons l'é[tendue.

Des Odes: Sur le Retour en France de Mgr le Duc d'Angoulême; - Sur la Révolution Française:- Sur le Retour de Sa Majesté LOUIS-DIX-HUIT; Des Stances: Sur la Paix, ou le Triomphe des Vertus; - Aux Partisans de Napoléon; -Sur le Triomphe de la Religion;A sa Majesté LOUIS XVIII (Le Temple de Salomon). - Une Epigramme Sur le Manteau Impérial:

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Avec le sort s'accordant à merveille; Sur le manteau du fier Napoléon, L'artiste, au lieu de broder une abeille, N'y dessina que le frelon...

et des Poésies Diverses, parmi lesquelles: Un Quatrain pour le Portrait de Louis XVIII, et (N° 6, page 16) le fameux De Profundis, de la République... morte en couches d'un Empereur, recueilli ci-dessus par l'Intermédiaire (Vid. V, 467, etc.) Le n° 9 (1815), -l'un des plus curieux du Recueil, « A Issoudun, De l'Imprimerie de Louis Delorme », contient, entre autres choses intéressantes : des Stances sur l'arrivée à Châteauroux de L. L.A. A. R. R. Mgr le Duc et Madame la Duchesse d'ANGOULÊME, le 1er mars 1815:

Air des Rendez-vous.
Amis, célébrons en choeur
Notre bonheur:

Ils sont en France
Les enfants du BON HENRI.
Le sort enfin nous a souri.

L'Héritier de notre couronne
Parcourt gaiement le sol français :
Il veut le bien, il nous l'ordonne,
Et tous les cœurs sont satisfaits
A jamais. (Etc.)

Une Chanson: Les Constitutions (1er mai).

Air de la Pipe de tabac.

Un Corse veut régner en France

De par ses Constitutions:

Que doit-on espérer d'avance

De faibles constitutions? (Bis.) (Etc.)

Une Réponse aux cris séditieux : A BAS LES ROYALISTES; ou le Remède au Mal (1er Juin).

Air: Mon père était pot.
Savez-vous bien, mon pauvre ami,
Ce qu'est un Royaliste?

Il ne connaît pour ennemi
Que l'affreux anarchiste.

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A l'abri des lois, Soutien de ses Rois, Il ne voit sur le trône, Dans son protecteur, Qu'un réparateur Des fureurs de Bellone.

et plus loin:

Des constituans,

Depuis vingt-cinq ans,
A quoi nous sert l'ouvrage?
Le retour du Roi

Peut seul, sur ma foi,

Chez nous calmer l'orage.

enfin, pour terminer : :- Le Chant du Retour (ier Juillet 1815) (Sur l'AIR: Allons, Enfants de la Patrie), que M. Cz pourra certainement découvrir à la Bibliothèque, en écrivant, sur son Bulletin de Demande, le titre complet du volume en question, tel qu'il est relevé ci-dessus. ULRIC.

- M. N. M. (Grenoble), cite bien des poëtes, mais ce n'est qu'un extrait d'un petit livre intitulé: Dictionnaire des Protées modernes, s. d., Paris, Delaunay, libraire, Palais-Royal, galerie de Bois. - Il y a encore: Antignac, d'Avrigny, Barré-Radet, Desfontaines, Bouvet (vers latins), - Brazier, Briffaut. Voilà pour les lettres A, B. Voulez-vous les autres? GARANÉ.

-

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Berton,

Petit crevé, gros crevé (VI, 281, 215, 142; V, 594). En italien du XVIIe siècle, Budellone, de Budello, boyau signifiait « un gros crevé, un gros gourmand. » Ces deux mots se traduisaient en allemand du siècle dernier par ein starcker dicker Mann. On trouve aussi dans le Dictionnaire allemand « une grosse crevée. » (Barthelming.). A. TIONEB.

Es

Chardonnerette (VI, 306, 227). pèce de sauce faite avec du chardon ou cardon d'Espagne. Le Dictionnaire de Richelet cite pour exemple précisément le passage du Catholicon d'Espagne, et il ajoute : Marot, dans son poëme du Coq-à-l'âne, a dit:

S'il est vrai, adieu le carême,
Du concile qui se fera,

Mais Rome tandis bouffera

Des chevreaux à la chardonnette.

et Henry Estienne, au chap. xxxix de son Apologie pour Hérodote, dit : « Ce disner quadragésimal estait de chevreaux et autres viandes à la chardonnette. »>

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349 complet, se trouve en effet à la Bibliothèque du Corps législatif. C'est un legs de la veuve de J.-J. Rousseau. La même Bibliothèque a reçu en même temps le manuscrit de l'Emile, de la Musique, du Devin de village et des Confessions. Ce dernier, d'une écriture très-menue, est un vrai chefd'œuvre de calligraphie.

FEUILLET De Conches.

Trouvailles et Curiosités.

La couleur de l'hymen. J'ai longtemps cherché, sans la trouver, l'origine de cette tradition populaire et quasi rabelaisienne, qui affecte la couleur jaune à l'hymen malheureux. Je m'en rends d'autant moins compte que, dans les poëtes anciens, le jaune est bien la livrée du mariage, mais sans aucune idée de raillerie. L'auteur de l'épître de Cydippe donne au Dieu de l'hyménée une robe jaune : Une robe brillante de la couleur du safran traîne sur ses pas.

Et trahitur multo splendida palla croco.

Il en est de même d'Ovide, au Xe livre des Métamorphoses: Il s'avance dans l'immensité des airs, vêtu d'un manteau safrané, c'est-à-dire jaune.

Inde per immensum croco velatus amictu
Æthera digreditur...

Catulle, dans sa 62e épigramme, lui donne des souliers jaunes : Viens ici, couvrant d'une chaussure jaune tes pieds blancs comme l'ivoire.

Huc veni, niveo gerens Luteum pede soccum.

Le voile de la mariée, nommé flammeum (cordon de flamme), était jaune, comme l'affirme Pline, au livre XXIe, chapitre 8o, de l'Histoire naturelle.

Est-ce en souvenir de cette coutume ancienne, mais en l'oblitérant, que nos modernes railleurs ont tiré la plaisanterie assez ridicule qu'ils appliquent aux maris trompés? Je dis ridicule, car je trouve fort stupide le préjugé qui rejette sur le mari le déshonneur de la femme. J'ajoute que je ne prêche pas pour mon saint en parlant ainsi, car je suis célibataire.

Est-ce l'origine du mot rire jaune, pour exprimer un rire de mauvaise grâce?

Afin qu'on ne m'accuse pas d'être un geai paré des plumes du paon, je dois déclarer que j'ai pris mon érudition, touchant la couleur de l'hymen chez les Latins, où je l'ai trouvée, c'est-à-dire dans le Commentaire de Méziriac sur l'épître d'Ovide d'Hypsipyle à Jason.

E. G. P.

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On raconte

Le portrait du Diable. que le célèbre Santeuil rencontra un jour une dame qui, sans autre compliment, le pria de vouloir bien la suivre. Comme elle était jolie, le poëte, quoique surpris de l'aventure, ne voulut pas la refuser. Mais son étonnement augmenta encore et se modifia beaucoup, lorsqu'il se vit conduire chez un peintre à qui la dame le présenta en disant « Tenez, absolument comme cela!» C'est qu'elle avait commandé un tableau où figurait le Diable, et, ne trouvant pas que l'artiste l'eût fait assez laid à son gré, elle lui présentait comme modèle la figure de Santeuil, que du reste elle ne connaissait aucunement.

Quoique cette anecdote ait été mise au théâtre sous ce même titre du Portrait du Diable (peut-être cependant en substituant Pellisson à Santeuil), je n'en parle qu'en passant pour arriver à une remarque de Legrand d'Aussy, que pendant le moyen. âge, non-seulement les imagiers représentaient le Diable le plus hideux possible, mais encore que : << On croyait même le mortifier beaucoup en le faisant extrêmement laid. » Cette opinion, Legrand d'Aussy l'appuie sur un fabliau dont il donne une traduction sans doute abrégée.

Satan vient trouver un moine qui sculptait le portail de son église, et tâche, par prières, promesses ou menaces, d'obtenir qu'il adoucisse un peu la difformité qu'il lui attribue. Il n'obtient rien : le moine le hait, et voudrait le rendre plus horrible encore, pour que tout le monde partage cette haine et en résiste mieux à ses séductions. Le démon alors le jette en bas de l'échafaud; mais une Sainte-Vierge que le moine vient de sculpter admirablement belle, dans une autre partie de son œuvre, étend les bras, le retient, et le dépose ensuite doucement à terre. Toutefois, l'ange infernal ne se tient pas pour battu, bien qu'il renonce à employer la force ouverte. Il rend une jeune veuve amoureuse du sculpteur, et celui-ci succombe à la tentation, car la beauté de la dame lui cache alors la laideur du Diable qui la pousse. Il se laisse enlever par elle et emporte même plusieurs vases sacrés, en or. Mais les autres moines, promptement avertis par l'Esprit-Malin, le rattrapent, le ramènent au couvent et le jettent dans un cachot. Satan ne manque pas de venir l'y trouver, et cette fois, en lui offrant de le sauver, il en obtient aisément la promesse de retoucher son image. Il le sauve, en effet, et le moine lui tient parole.

On voit que cette légende justifie complétement l'assertion de Legrand d'Aussy. Le curieux, c'est qu'après un intervalle peut-être de deux siècles, on en retrouve l'idée fondamentale dans l'Arioste, qui même l'exagère singulièrement : « Il y avait autrefois un peintre dont j'ai oublié le nom, qui représentait toujours le Diable

N. 130.]

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[10 juin 1870.

L'INTERMÉDIAIRE DES CHERCHEURS ET CURIEUX. 351 avec une belle figure, de beaux yeux et de beaux cheveux, point de griffes, point de cornes, plus gracieux et plus paré que l'ange que Dieu envoya jadis en Galilée. » (Sat. V, terc. 100, 101.) C'est fort, mais les commentateurs ont été plus loin, en ne permettant pas que ceci fût une pure plaisanterie. Voici une note de la traduction anonyme que je cite (Paris, 1827): « On dit que le poëte a voulu désigner ici un peintre ferrarois nommé Galasso, qui, dans la jeunesse de l'Arioste, eut de la réputation. » Nous voilà donc avertis d'accepter l'histoire comme vraie jusqu'au bout; car les deux tercets ci-dessus sont le commencement d'une histoire, et quelle histoire!... J'en demande pardon à la signora Galasso... mais c'est celle que Rabelais et La Fontaine nous ont appris à connaître sous le nom de l'Anneau d'Hans Carvel. Dans l'Arioste, c'est pour remercier le peintre de le rendre si beau, que le Diable vient en songe lui apporter son infaillible talisman. Rabelais est le premier qui ait mêlé à ce conte ce nom tudesque d'Hans Carvel, et il en fait le grand lapidaire du roi de Mélinde. La Fontaine, en conservant le nom d'Hans Carvel, ne lui attribue aucune profession, et de tous ceux qui ont traité ce sujet, je ne crois pas qu'un autre que l'Arioste ait fait du mari un peintre.

velles Nouvelles où ce conte est narré par Louis XI en personne (N. XI) et où le Diable a aussi sa bonne raison, qui est que le mari jaloux lui a fait brûler une chandelle. J'ai bien peur que de cette chandelle et d'un démon peint aussi beau que l'ange Gabriel, Boileau n'eût dit aussi : « Si le lecteur lui veut faire un procès sur le peu de vraisemblance qu'il y a aux choses qu'il raconte, il (La Fontaine) ne va pas, comme l'Arioste, les appuyer par des raisons forcées et plus absurdes encore que la chose même. » Il aurait approuvé RabeIlais et La Fontaine d'avoir laissé le Diable sans raison, donnant franchement leur conte comme une extravagance, mais une extravagance amusante et qui ne laisse pas que de contenir au fond une vérité, quoique grossie par un microscope diablement caustique.

On sait quelle est la tactique de Voltaire vis-à-vis des cinq principaux poëtes du XVIIe siècle. Il les proclame grands poëtes, hautement et nettement, et à son époque, il se serait inutilement décrié à leur contester ce rang. Puis, une fois à l'abri sous cette déclaration solennelle, il ne perd pas une occasion de les rapetisser en signalant et exagérant leurs défauts. N'osant pas frapper en face ces devapciers dont il est jaloux, il se met à genoux devant eux pour leur ficher au moins des épingles dans les mollets. On comprend alors quel empressement il devait mettre à établir « la prodigieuse supériorité de l'Arioste» même considéré seulement comme auteur de cinq ou six contes, sur La Fontaine, car il avait là le plaisir de piquotter à la fois d'un même coup, et La Fontaine lui-même, et Boileau qui, de son côté, avec bien plus de modération et peut-être de justice, avait dit que « La Fontaine ayant conté plus plaisamment une chose trèsplaisante, il a mieux compris l'idée et le caractère de la narration. » Voltaire ne manque donc pas d'approuver fort l'Arioste d'avoir donné au Diable « une bonne raison pour apparaître au Bonhomme. >> Cette bonne raison, c'est cependant en connaissance de cause, que Rabelais et son imitateur l'ont supprimée. Rabelais, qui a été en Italie, ne pouvait guère ignorer les satires de l'Arioste. La chose n'est pas aussi sûre pour La Fontaine, mais au moins il possédait à fond les Cent Nou

Je ne sais comment ce sujet a été compris par plusieurs Italiens que signale M. P. Lacroix dans une note de son Rabelais. Quant au Pogge, qui a bien osé raconter cette fable comme une aventure réelle arrivée à son adversaire Philelphe, il n'avait garde d'attribuer à Lucifer aucun motif particulier de venir en aide à ce mordant satirique: il devait naturellement supposer que ses ennemis étaient, rien qu'à ce seul titre, au mieux avec l'enfer et sa séquelle.

Si Voltaire avait bien voulu se donner la peine de réfléchir, il lui eût suffi de se rappeler ce trait virulent de raillerie pour reconnaître qu'en effet le Diable se gausse du mari, loin de le favoriser, et que, par conséquent, c'est à tort que l'on indiquerait un motif à sa bienveillance, puisqu'il n'en a pas. Aussi, pourrait-on soupçonner que si l'Arioste l'a fait, c'est qu'il avait sous les yeux quelque fabliau aujourd'hui perdu, un fabliau proche cousin'de celui de Legrand d'Aussy, dont s'étaient déjà servis Pogge et Louis XI, et que lui, l'Arioste, a suivi plus fidèlement, sans se donner la peine d'éplucher une bluette, en somme spirituelle et fort comique. O. D.

Après les pierres, la boue. Dans un numéro du Figaro (il y a environ quinze jours), on accusait M. de Tillancourt (je crois), d'avoir dit de M. Emile Ollivier : « Il est remonté dans l'opinion il y a quinze jours on lui jetait des pierres, à présent on ne lui jette plus que de la boue. »

-

Le mot en question se trouve textuellement dans le Nain jaune réfugié. (Bruxelles, mars, avril, mai 1816.) Seulement on l'applique au duc de Cazes. L'auteur serait le prince de Poix. GARANÉ.

Paris. Typ. de Ch. Meyrueis, rue Cujas, 13. - 1870.

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