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Le soufflet, injure grave (V, 85). Aux réponses faites à cette question, déjà ancienne, me permettra-t-on d'en ajouter une, indirectement tirée d'un passage de saint Augustin dans le livre Ier, ch. xix, n° 58 de son traité sur le Sermon sur la montagne? C'est à propos du précepte de Jésus-Christ: Si quelqu'un vous frappe la joue droite, présentez-lui encore l'autre,

C'est, dit-il, au visage que l'on reconnaît << un homme, et nous lisons dans l'Apôtre « (saint Paul): Vous souffrez qu'on vous << asservisse, qu'on vous dévore, qu'on << vous prenne votre bien, qu'on s'élève « contre vous, qu'on vous frappe au vi«sage (2 Cor. XI, 20). Et il ajoute aus«sitôt « Je le dis avec honte » pour leur « faire comprendre qu'être frappé au vi«sage signifie être un objet de mépris et « de dédain. Si l'Apôtre s'exprime ainsi, ce « n'est pas pour les détourner de suppora ter ceux qui les traitent de la sorte, c'est « afin qu'ils les supportent bien plus vo<< lontiers, lui qui les aimait jusqu'à vou«<loir sacrifier tout pour eux. >>

Saint Augustin tire du soufflet une leçon d'humilité. De quelle indignation ne l'aurait-elle pas saisi, cette maxime féroce : un soufflet vaut un coup d'épée! Si j'ai cité ce passage, c'est uniquement pour montrer que, de tout temps, le coup porté au visage a été regardé comme l'insulte la plus grave, parce que c'est au visage que l'on reconnaît l'homme, et qu'on le dégrade lorsqu'on nie, en le souffletant, sa supériorité sur les autres êtres, ce qui constitue l'homme : Os homini sublime dedit, etc. E. G. P.

De quelques termes, en matière de toilette, aujourd'hui hors d'emploi (V, 244).

Je ne saurais trop signaler à votre érudit correspondant, M. Armand Baschet,

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en

l'utilité dont peut être pour lui, dans les Recherches philologiques ci-dessus question, l'emploi habituel du Dictionnaire universel de Furetière, édition augmentée par Basnage de Beauval et par Brutel de La Rivière, à La Haye, 4 volumes in-folio, 1727, et celui du grand Dictionnaire de Trévoux, édition de 1771 (sans suppléments), 8 volumes in-folio."

Voici, comme exemple, parmi les Explications demandées à l'Intermédiaire, celles que peuvent fournir les deux ouvrages précités :

« VIGONGNE (ancienne orthographe du mot Vigogne). Dans Trévoux : « Vigogne, s. m. Espèce de mouton, etc..... On dit, en parlant de l'animal, on ne trouve des vigognes qu'au Pérou; en parlant de la laine, chapeau de vigogne; et absolument, un vigogne, un bon vigogne, chapeau fait de laine de vigogne. On mêle le poil de lapin et de lièvre avec la laine de vigogne pour faire les chapeaux »

« COFFRE DE NUIT. » — Dans Furetière: « Un Coffre de nuit est un petit coffre où on serre la toilette. >>

« PETITE OYE ESCARLATTE. » M. Armand Baschet sera peut-être heureux d'apprendre que le nom d'escarlatte n'a pas toujours désigné uniquement, comme de nos jours, une couleur ou une étoffe d'un rouge vif très éclatant. Furetière encore le lui dira : « On appeloit autrefois écarlate noire ou blanche un drap d'un trèsbeau noir ou d'une extrême blancheur, selon l'usage des Romains, qui qualifiaient de couleur pourprée ou d'écarlate, toutes les couleurs aussi parfaites en leur genre que l'étoit le pourpre, en fait de couleur rougeâtre. Froissart représente le roi de Portugal, revêtu de blanche écarlate. Il y en avoit aussi de verte. Marot, au Dialogue des deux Amoureux, dit :

Mancherons d'escarlatte verte,
Robbe de pers, large et ouverte.
(LE DUCH.)

ULRIC.

Etymologie d'Amazone (VI, 173, 90, V, 649, 569). Je ne crois pas que le nom de Thalestris, que cite M. J.-P., se trouve ailleurs que dans Quinte-Curce, qui remarque avec malice que cette vaillante Amazone se montrait plus empressée de suivre Alexandre sous sa tente que dans les combats. Mais il ne faudrait pas croire pour cela que cet historien, tenu pour assez fabuleux, ait inventé l'anecdote. Arrien la rejette, et il est même probable qu'il en explique bien l'origine; mais par cela même, il prouve qu'elle avait cours. Atropates, satrape de Médie, lui amena cent Amazones, équipées en cavaliers, portant la hache, au lieu de javelot, et la pelta, au lieu de bouclier. On raconte qu'elles

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425 ont le sein droit plus petit et qu'elles le découvrent dans les combats. Alexandre les renvoya pour ne point les exposer aux outrages des Macédoniens ou des barbares, et les chargea d'annoncer à leur reine qu'il naîtrait un enfant d'elle et d'Alexandre. Mais, ni Aristobule, ni Ptolémée, ni aucun historien digne de foi, n'ont transmis ce fait. La race des Amazones devait être éteinte depuis longtemps... Non que je veuille révoquer en doute leur existence, attestée par tant d'historiens célèbres...

« Les femmes qu'Atropates présenta au conquérant, étaient sans doute des barbares exercées à courir à cheval et montées à la manière des Amazones. » (L. VII, chap. iv, trad. Chaussard.) Quinte-Curce, ou naturellement ami des faits romanesques, ou curieux de dire ce que les autres historiens n'avaient pas dit, contient plusieurs traits qu'il est en effet seul à rapporter; mais peut-être en reconnaîtrat-on l'origine lorsque, plus familier avec les écrivains orientaux, on pourra comparer leur histoire du grand IscanderHoulcarnein avec celle que nous ont laissée les Grecs. La Biog. Didot parle d'un roi indien Kyd ou Keyd, qui se soumit aux premières sommations d'Alexandre, et répondit à son envoyé :

« J'enverrai à votre maître ma bellea fille, une coupe faite d'un superbe rubis, « un philosophe rempli de science, et un « médecin si habile qu'il est en état de « ressusciter les morts. » Alexandre perdit, raconte la légende, entre les bras de la belle princesse indienne, tout désir d'envahir les Etats de son père. La Biographie pense que ce Kyd pourrait être celui que les historiens européens ont nommé Taxile; mais la princesse ne serait-elle pas aussi la Cléofé de Quinte-Curce dont il est jusqu'ici le seul qui ait parlé, et dont Racine a fait sa Cléofis? Il serait curieux que le poëte tragique, en s'écartant de l'historien qui n'établit aucune parenté entre Taxile et Cléofé, se fût rencontré avec la vérité de l'histoire, ou seulement avec la tradition orientale qu'il ignorait.

O. D.

- Toujours l'erreur de Platon, de chercher l'étymologie d'un mot grec dans le grec (Voy. Interm., VI, 90 et V, 704), celle de Cicéron, de Varron, de chercher dans le latin et quelquefois dans le grec. Je ne puis adopter l'étymologie d'amazone que donne M. P. A. L., ni accepter la savante et ingénieuse dissertation de M. J. P. F. Amals, être forte, active, énergique, courageuse, laborieuse.

Pour moi, eenh, célébrer, louer, attester, témoigner. Ainsi, amatzœien, amatsaeen, courageuse et célèbre par leur courage. Il me semble que cette étymologie explique mieux l'idée que la mythologie et les poëtes nous donnent de ces femmes qui

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« Quid » de cinq pièces de 5 francs (III, 612). Les pièces de 5 francs, portant, d'un côté, la tête de Napoléon Ier, avec la légende allemande : NAP(oleon) KAIS(er), BESCH(ützer) D(es) RH(einischen) BUND(es), c'est-à-dire, Napoléon empereur, protecteur de la Confédération du Rhin, et, de l'autre, la valeur et le millésime avec la légende: CARL FRIED(rich), GR(OSS)HERZ(og) Von) BADEN, (Charles-Frédéric, grandduc de Bade), sont bien connues des_nunismatistes, du moins par ouï dire. Elles ont été gravées dans un certain nombre de recueils spéciaux, tels que Millin et Millingen, Histoire métallique de Napoléon 1er, Berstett, Münzgeschichte des Zahringen-Badischen Fürstenhauses, et Bonneville, Encyclopédie monétaire, et il en existe des spécimens dans une ou deux collections privilégiées. Mais il est peu de pièces qui aient autant exercé la sagacité des amateurs et dont on ait cherché à expliquer l'extrême rareté d'autant de façons différentes. Nous nous permettons de renvoyer ceux qui seraient curieux de détails sur ce sujet à notre récente publication intitulée Les Ecus de 5 francs, au point de vue de la numismatique et de l'histoire, 1 vol. in-8°, avec 16 planches en relief. Paris, BergerLevrault, 1870, p. 34 et suiv.

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:

ERNEST LEHR.

"Ultima ratio regum (VI, 90, 20; V, 695).»

Je crois que cette inscription était gravée sur la culasse des canons des Impériaux. Peut-être pas sur tous. Quant au canon qui était à Chantilly, Louis XIV aurait très-bien pu le donner au grand Condé, en souvenir des victoires de celuici sur les Allemands.

-

G. MONTE-CAPU.

Confrérie de Notre-Dame de Monserrat (VI, 167). Je ne viens pas répondre précisément à cette question, mais peutêtre les lignes suivantes ne seront-elles pas sans quelque intérêt.

A l'origine du couvent de Montserrat se rattache une légende célèbre en Espagne. Le solitaire Garin éprouva un amour brutal pour la fille du comte de Barcelone qui lui avait été confiée. Un premier crime entraîna Garin à en commettre un second. Il assassina celle qu'il avait déshonorée et l'enterra. Bientô accablé de remords, Garin se rendit à Rome et se confessa au pape. Celui-ci accorda l'absolution à l'er

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mite, à condition qu'il retournerait au Monserrate en se traînant sur les genoux et sur les mains. Le solitaire allait ainsi parvenir à sa retraite, quand un jour, il fut chassé comme une bête fauve, pris dans un filet et conduit dans les écuries du comte de Barcelone. Il y fut longtemps maltraité, bafoué; enfin, un enfant de trois mois, fils du comte, lui dit de la part de Dieu que ses crimes étaient pardonnés. Garin alors avoua ses forfaits au comte lui-même, qui ne voulut pas être plus sévère que Dieu. On rechercha les restes de la jeune fille, qui fut miraculeusement ressuscitée et revint à la vie aussi pure, aussi belle qu'avant le crime de l'ermite.

Cette légende n'a rien de très-remarquable; mais ce qui est extraordinaire, c'est qu'un assez bon poëte espagnol l'ait jugée digne de devenir un poëme, un vrai poëme en vingt chants. Ce poëte n'était pas un moine comme on pourrait le croire, c'était un hardi capitaine qui se trouva, comme Cervantès, à la bataille de Lépante. Il avait nom Cristobal de Virues et était né à Valence, vers l'an 1550. Son début poétique fut une tragédie, la grande Sémiramis. Il écrivit encore quelques autres œuvres dramatiques, dont Moratin a parlé dans ses Origenes del Teatro espagnol, mais le Monserrate est, par de très-réelles qualités de style, son principal titre littéraire. Il faisait partie de la bibliothèque de don Quichotte et non-seulement trouva grâce devant le terrible curé, mais s'attira même ses éloges : « Voici, dit le barbier, trois livres ensemble, l'Araucana de don Alonso d'Ercilla, l'Austriada de Juan Rufo et le Monserrate de Cristoval de Virues, poëte valencien. Ces trois livres, dit le curé, sont les meilleurs qui, dans la langue castillane, aient été écrits en vers héroïques, ils peuvent rivaliser avec les plus fameux de l'Italie : qu'on les garde comme les plus riches gages de poésie que possède l'Espagne. »

Le Monserrate a eu plusieurs éditions, la dernière, à ma connaissance, est dé Madrid, 1805. Quintano, dans ses Poesias selectas, a donné de nombreux fragments du poëme de Virues. On les retrouve dans le Tesoro de los poemas espanoles, publié chez Baudry, par les soins de don Eugenio (Metz.) TH. P.

de Ochoa.

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Au temps de notre primitive Eglise, dont les saints étaient l'objet d'un culte public, chacun d'eux portait un nom particulier, qui devint plus d'une fois une assonance ou allitération, destinée à rappeler tantôt un corps d'état, tantôt une infirmité qui se réclamait de tel ou tel patronage céleste. C'est ainsi que les vignerons se rangèrent sous la bannière de saint Vincent, assonance de vin-sent, vinum qui sapit et olet; les aveugles sous l'étendard de sainte Claire, charam-lucem quæ præbet, parce qu'ils espéraient recouvrer par son intercession l'usage de leurs yeux; enfin la gale aux doigts se plaça sous l'égide de saint Méen, prononcez saint Main, manus ob spurcitiem ac illuviem.

Semblablement « Hernoux » ou plutôt « Arnoul » dérive d'un mot grec apvéopal, dont le sens est: Je me dispense, je dis non, je ne puis, et dont le synonyme est ἀπείπω. C'est de ce ἀρνέομαι que nous est venu en français « hernie », une «< hernie », cette impuissance par excellence, dont le premier effet est de nouer l'aiguillette aux gens malgré eux. Cela posé, il n'y a pas que les maris trompés qui soient logés à telle enseigne, je veux dire à celle de l'auberge de Saint-Hernoux.

Au surplus, ce sanctifié patron des hernies n'a rien de commun avec deux évêques dont l'un mourut à Bruges, en 1087, tandis que l'autre qui, dès 614, occupait

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le siége de Metz, après avoir eu de sa femme Dode, décédée avant qu'il entrât dans les ordres, deux fils, se trouve être ainsi non pas le grand-père, mais bien le père du grand-père de Charles Martel, cette souche de la deuxième race de nos rois. Car enfin le fils d'Arnoul, alors que celui-ci n'était encore ni prélat ni pur, était bien Anchisé. Or celui-ci donna le jour à Pépin d'Héristall, qui le reçut à son tour de Charles Martel. (Grenoble.) J. P.

Que signifie le mot Escoutette? (VI, 346, 271, 195). Tout le monde est d'accord pour donner à ce mot la signification de juge ou de sentinelle. Tels sont, en effet, les deux sens d'auscultare: écouter attentivement, et être aux aguets. Malheureusement une difficulté s'oppose à ce qu'on puisse admettre escoutette comme un dérivé d'auscultator; c'est qu'il eût formé régulièrement, au cas nominatif, ascoltere, et, au cas oblique, ascoltéor, absolument comme imperator a formé imperere et emperéor, et qu'il eût fini par devenir écouteur, comme emperéor est devenu empereur. On a trouvé à la fois ascolter et askolter, dès les origines de la langue; je n'ai jamais rencontré ni ascoltere, ni escoltere. Ces raisons me feraient rejeter l'étymologie auscultator, et adopter de préférence l'opinion de M. E. G. P, attendu que le bas-latin schultatius expli querait d'une manière satisfaisante la forme é-scoul-taite ou e-scoul-tette.

Quant au grec axéw, je n'en parle pas. M. Gaston Pâris, dans un numéro de la Revue critique, je crois, où il rendait compte du Dictionnaire du centre de la France, par le comte Jaubert (au mot berrichon acoucouter, pour écouter, que l'auteur faisait aussi dériver de axéw), a suffisamment combattu et réfuté cette étymologie de fantaisie.

CÉRÈS FILS ET Cie.

L'ecoutète ou bailli représentait le seigneur et le pouvoir exécutif, etc. Voyez Revue d'histoire et d'archéologie, t. II, p. 322, in-8°, publiée à Bruxelles. La charge d'ecoutète durait trois ans (en Belgique): il veillait sur les criminels, les poursuivait en justice et, en cas de condamnation, la faisait exécuter (Délices des Pays-Bas, in-12, t. IV, Ire partie, p. 57). Pour l'explication complète et satisfaísante, voir le Glossaire de Ducange, verbis scultetus et scultedum. J. D. B.

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puis chez nous, un acte religieux et civil, fut trop longtemps une pure fiction mythologique, je dirais presque un chimérique symbole. Au rapport des mythologues, en effet, l'Hymen, le premier des compagnons d'Aphrodite, naquit du dieu du vin et de la déesse des plaisirs du lit. Dans l'Attique, en particulier, Hymen avait coutume de ressaisir, pour les rendre à leurs parents, des vierges qui leur avaient été ravies par des voleurs. Et c'est en mémoire de cet antique usage que de nos jours encore la fête des noces garde dans ses cérémonies certains détails qui tiennent plus ou moins du rapt, cette pacifique conquête à main armée. Les Romains, quand le brigandage eut fait place au droit, imaginèrent une formule juridique par laquelle le fiancé, s'adressant à sa future épouse: « Sois, disait-il, ma Caia, et je serai ton Caius. » En d'autres termes: toi, fille de la Terre, comme j'en suis fils moi-même (Caius, le même que Gaius et Caia qui ne se distingue pas de Gaia, dérivent l'un et l'autre du dorien Tz, Tellus), unis à la mienne ta destinée. Mais à l'époque anté-historique, j'entends par là mythologique, l'Hymen était couronné tantôt de marjolaine, cette fleur à jeter, comme l'enseigne le mot, dans le sein ou le corset de Marie, Marie-Olaine, Mariæ-ulnas, et d'autres fois d'une guirlande de roses. D'une main il portait une torche et de l'autre un voile qui, de la couleur de la flamme, était l'emblème de la rougeur ou pudeur virginale. Si dans l'une de ses Héroïdes qui a pour titre Epître à Cydippe, Ovide revêt Hyménée d'une robe brillante de crocus, le poëte n'oublie pas que cette plante qui a reçu chez nous le vulgaire nom de safran, » a la fleur rouge, et que de ladite fleur on tire trois ou quatre filets dont le bout a la couleur de feu. Puisque, dans cet Epithalame célèbre, mais qui ne sera jamais une Epigramme, l'Hymen de Catulle porte un socque «< luteum,» il est bon de ne pas perdre de vue que « luteum soccum »> signifie autant, ni plus ni moins, que « amaracinum soccum. » C'est sans doute par inadvertance que Pline le naturaliste, ou le traducteur de Pline l'Ancien, prête la couleur jaune à ce flammeum, par ellipse de velum, destiné à offrir aux regards l'idée de la rougeur ou vergogne des vierges.

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Voilà donc trois expressions, croceus, luteus et flammeus, qui expriment également la même couleur, la couleur dite de feu. Mais il est aussi en grec, et par suite en latin, un quatrième adjectif, sur le sens duquel il est à propos de s'entendre une fois pour toutes. Hoppúpsos, d'où purpureus, ne veut pas dire seulement comme on le croit trop généralement, « qui est de la couleur de la pourpre, » c'est à savoir,

qui est rouge, » purpurin, empourpré; mais il désigne toute espèce d'éclat, soit

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rouge, soit blanc, jaune, vert ou foncé, car telles sont toutes les nuances diverses que peut revêtir la marjolaine qui n'est autre chose que l'apápaxos d'Athènes et l'amaracus, le « mollis amaracus » de Virgile. Ainsi purpureus flos, c'est une rose; et ce même flos purpureus est aussi un narcisse, témoin le vers 38 de la Ve Eglogue. D'ailleurs en grec Toрpúpa désigne tout à la fois un coquillage marin dont le suc servait à teindre les tissus, et cette précieuse teinture rouge à l'usage des souverains, laquelle s'exprime, du poisson même qui vient d'être mentionné, un même nom à 1 effet aussi bien qu'à la cause. Mais le dé. rivé Toppúpeos signifie tantôt rouge et d'autres fois noir: Le noir trépas, la sombre Mort, le flot noir, la marine sombre, tout cela se rend par πορφύρεος θάνατος, κῦμα πορφύρεον, ἅλα πορφυρέην. Pas n'est besoin, je pense, de citer ici des exemples de πορφύρεος employé avec la seconde acception, la seule qu'on soit trop souvent tenté de lui reconnaître. Mais je m'aperçois, peut-être un peu tard, qu'il me faut revenir à l'Hymen, ne fût-ce que pour rappeler quel mortel se rangea le premier sous sa douce loi. Si nous en croyons les poétiques fictions du peuple le plus poëte du monde, un jeune homme de l'île Cée, nommé Aconcé, était allé à Délos pour sacrifier à Diane. Là il s'éprit des charmes d'une nymphe. Mais pauvre et de naissance obscure, il pensa qu'entre ses légitimes vœux et la main de Cydippe il s'élevait ainsi comme une double barrière. Or, notez que cette fois l'Hymen auquel avait jusqu'alors présidé la violence ou le rapt, entrait dans sa deuxième phase, celle qu'on peut appeler le moment ou l'évolution de la ruse. Aconce donc, en latin Acontius, dérivé du grec axóvτtov, javelot, lança dans le sein de Cydippe une pomme, après y avoir écrit, au nom même de sa belle, les deux vers que voici :

Juro tibi, sanctæ per mystica sacra Dianæ, Me tibi venturam comitem, sponsamque futu[ram.

La vierge est censée dire ou plutôt jurer, et cela par les sacrés mystères de Diane la sainte, à son prétendant Aronce : « Je ne serai jamais qu'à toi. » La pomme ainsi jetée avec ces vers sur le cœur même de Cydippe, devint pour elle et par elle le premier contrat de mariage: elle fut forcée par là de tenir un serment qu'elle n'avait point elle-même prêté. Dans la suite et chez d'autres peuples, le mariage deviendra, Dieu merci, un acte religieux et civil tout à la fois, auquel n'auront plus, n'estce pas, aucune part ni la violence ni la ruse. Et c'est pour cela, j'imagine, qu'il saura lier d'un noeud indissoluble et léger ceux qui se seront confié l'un à l'autre le

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soin de se rendre heureux l'un par l'autre, ici-bas et là-haut. Quoi qu'il en soit, tout n'est pas roses en ménage : le souci germe aussi, il germe et plantureusement pullule en ce jardin-là. Et si, de nos jours, un peintre s'avisait d'affubler d'une robe jaune Hyménée, on pourrait, sans recourir à la deuxième des Héroïdes d'Ovide, trouver une assez plausible raison d'une semblable livrée. Dans l'antiquité, l'ambitieux qui séchait en vain, qui se consumait à son dam pour atteindre un inaccessible but, ne tardait pas à maigrir : il se macérait ainsi; et pour ronde et polie que fût auparavant sa face, dès lors étiré, émacié, il finissait par avoir, à la lettre, un pied-de-nez. Outre cela, il vous prenait une mine toute bistrée,quasi parcheminée; bref, le teint de sa figure racoquevillée tournait au pain d'épice, que le porteur fût, ou qu'il ne fût pas marié. Dans l'île de Sardaigne d'ailleurs, une plante se cultivait, qui, dès que vous l'aviez un tant soit peu mordue à belles dents, vous obligeait à rire sardoniquement, ou de ce rire forcé, fardé, plaqué, frelaté,qu'il est encore d'usage d'appeler rire jaune. Enfin une maladie dite royale, morbus regius, parce qu'elle tourmentait de préférence les souverains et les grands, c'est-à-dire des patients, des sujets qui vont sans cesse rêvant sous toutes ses formes l'or, avait reçu la judicieuse appellation de jaunisse. C'est que contemplé au travers d'une imagination vive, laquelle est le plus séducteur des prismes, tout ce que nous convoitons avec ardeur se teint, pour nos yeux, de la couleur même du principal objet de nos insatiables désirs. Mais ces quelques réminiscences des classiques grecs et latins en ce qui concerne la tunique de l'Hymen, ne vaudront jamais un sonnet composé, au XVIe siècle, par un poëte champenois qui avait nom Amadis Jamyn. Je ne puis donc mieux finir, qu'en l'offrant en don à mes indulgents. amés et féaux collaborateurs de l'Intermé diaire :

DE LA FLEUR DU SOUCY.

Cueillez, pillez la jaunissante fleur
Qui du soleil autrefois fut amie,
Que trop d'amour et trop de jalousie
Ont fait changer en si jaune couleur.

Du nez, sans plus, vous en sentez l'odeur
Et je la sens avec la Fantaisie;
Si que ma face estant toute jaunie
Montre combien j'ay de soucis au cœur!
Le souci double, avecque sa racine,
Prend accroissance au fond de ma poitrine,
Qu'Amour luy-mesme a planté de sa main!
Ah! pleust aux Dieux qu'il eust enracinée
En vostre cœur la douleur safranée
Aussi avant que je l'ay dans mon sein!

Le contemporain et l'ami de Ronsard. le secrétaire et lecteur ordinaire de trois de nos rois, le poëte enfant de Chaource,

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