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Caire, c'est-à-dire l'évacuation de l'Egypte. Au retour en France du général Menou, le premier consul, qui avait ses raisons pour lui faire bon accueil, le nomma gouverneur du Piémont. Il l'envoya ensuite en la même qualité à Venise, où il mourut en 1810. Maintenant, je pense qu'il importe peu à l'histoire de savoir si ce musulman incirconcis, ou, comme on dirait aujourd'hui, cet assermenté inserme té, persévéra jusqu'à la fin dans la religion musulmane. Comme gouverneur du Piémont, il ne signait plus Abdallah, mais général Menou. P. A. L.

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H. 1,13. — L. 0,92. T.

« Cette peinture fut faite dans l'atelier et sous les yeux de Prud'hon, qui y travailla souvent. La tête a été terminée par ce célèbre peintre en deux séances.

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« 377. Portrait de Madame Elisa Voiart.

H. o. 58. L. 0,48.— Pastel. « Cette étude, faite d'après nature, servit à Mademoiselle Mayer pour exécuter le portrait décrit précédemment.

(Gravé, en 1869, par Madame Marie Edmée (Mademoiselle Pau). »

La ville de Nancy eut l'heureuse idée, à la mort de Madame Elisa Voiart, d'acheter sa collection de tableaux. Parmi ceux-ci, on remarque un beau portrait de son mari, Jacques-Henri Voiart, administrateur général des vivres en Hollande, sous la République française, auteur d'une biographie de son ami Prud'hon, et artiste luimême. Le Catalogue attribue cette peinture au Hollandais P.-G. Van Os.

A. B.

Merci de cette bonne parole (V, 465).— Comment a-t-on pu penser que cette phrase était de création contemporaine et la qualifier de typique? Cette expression ne doit-elle pas venir spontanément au cœur et aux lèvres de toute personne à laquelle on adresse une parole obligeante, une promesse quelconque, une assurance d'affection?

Quant à l'employer dans un sens parodique, ce peut être beaucoup plus moderne, par un de ces abus de langage qui sont devenus si fréquents; mais il ne paraît guère intéressant de déterminer quand

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et comment on aurait commencé à en faire usage. J. B.

Quidante (V, 626). J'ai sous les yeux une longue série de Monitoires de conséquence emanant de l'officialité du Diocèse de Troyes, de 1685 à 1785, et j'y trouve le mot en question orthographie indifferemment: Quidan. Quidane, Quidanne; au pluriel: Quidans, Quidanes, Quidannes. C'est en 1755 seulement que je vois apparaître Quidam et Quidams, alternant d'abord avec la forme Quidan et Quidans, et finissant par la remplacer complétement, tandis que le féminin Quidanne persiste jusqu'à la fin, plus fréquemment employé que Quidane.

Deux Monitoires manuscrits de l'Officialité de Langres, datés de 1677, orthographiaient Quidam et Quidams. Aucune des pièces que j'ai compulsées ne contenait la forme rapportée par Guy Patin, mais si l'on réfléchit qu'à cette époque, où l'orthographe n'était pas encore complétement fixée, on prononçait et on écrivait Quidan, on peut facilement supposer que dans certaines imprimeries, on a pu laisser passer dans un Bilboquet le mot Quidant et ensuite le féminin Quidante.

Le Dictionnaire de Trévoux et celui de Richelet admettent seulement la forme Quidam et Quidame; mais ils rapportent que l'Académie dit Quidane, qui supposerait le masculin Quidan, donné par Ménage, et qu'ils constatent être d'accord avec la prononciation.

Le Dictionnaire comique de Leroux tire du livre Ier de Rabelais un exemple de ce mot, ce qui en ferait tout au moins remonter l'usage à la première moitié du XVIe siècle. FLEURET PAMENCHOYS.

Le Fust de Wurtemberg (V, 628). Ne serait-ce pas de Guttemberg, qu'on aura voulu dire, pour distinguer du Fust, le Magicien, le Fust, orfévre de Mayence, qui partage avec Guttemberg et Schoeffer l'honneur d'avoir inventé l'imprimerie, et avec qui il forma une association en 1450? P. A. L.

-Wurtemberg ne serait-il pas une coquille pour Wittenberg? Dans son Histoire des Marionnettes, M. Magnin parle de la publication, faite en 1846 par M. Simrock, de l'ancien drame de Faust joué dans toute l'Allemagne par les marionnettes, et qui est le point de départ de l'oeuvre de Goethe lui-même. « M. Simrock avoue de bonne foi que sa rédaction est tirée de plusieurs sources; que le dialogue, auquel il n'a pourtant rien ajouté d'essentiel, lui appartient en partie, et qu'il est seul responsable des vers. Dans cette version la scène est placée à Mayence; et

45 non à Wittenberg, séjour de Faust dans tous les livrets forains: d'où quelques critiques ont été induits à avancer que cette substitution de lieu avait été généralement admise par les joueurs de marionnettes, qui avaient confondu le Faust de la légende avec le célèbre imprimeur associé de Guttenberg. Tout au contraire, ce changement de lieu ne se trouve que dans le texte de M. Simrock. Dans tous les autres la scène est ailleurs. Dans la pièce de Geisselbrecht, elle est à Wittenberg, ainsi que dans la presque totalité des rédactions dont nous allons parler. >> Ailleurs, M. Magnin dit encore : «Luther avait de très-fréquents pourparlers avec le diable: c'est un des motifs qui ont fait que les polémistes orthodoxes l'ont si souvent identifié avec Faust. » La communauté de patrie n'y était-elle pas aussi pour quelque chose? Bien entendu que c'est dans ses livres que Luther avait ces pourparlers avec le diable. O. D.

<< Mémoires de Sanson » rédigés par Balzac (V, 628). (A côté de la question:) Balzac qui voyait partout des sujets d'étude, devait naturellement connaître Sanson. L'illustre écrivain comptait bien Vidocq parmi ses relations... Du célèbre exécuteur des hautes-œuvres au non moins célèbre chef de la police de sûreté, la distance n'était pas si grande! - Voyez dans Balzac chez lui, par Léon Gozlan, quatrième partie (Paris, Lévy, gr. in-18 de 302 pages, 1862), le curieux roman raconté par Vidocq. dans une soirée passée par lui, en 1844, à Passy, chez l'auteur de la Comédie Humaine.) UN BALZACOPHILE.

Fromages de Roche (V, 630). - Les fromages ou fourmes de Roche sont encore très-connus et appréciés en Auvergne et dans le Forez. Ils se fabriquent généralement dans les cantons d'Arlane, de Viverols et de Saint-Anthème, arrondissement d'Ambert (Puy-de-Dôme).

Ils ont la forme d'un cylindre de 25 à 30 centimètres de haut sur 10 à 12 centimètres de diamètre; et ils pèsent, lorsqu'ils sont secs, de mille à quinze cents grammes.

Les établissements ou vacheries où se confectionnent ces fromages, se nomment des Jasseries, du mot Jasse, sans doute, que l'on applique quelquefois à des vaches à robe bigarrée et même à toute espèce de vache.

Mais d'où vient ce nom de fromage de Roche? C'est ce que nous serions fort heureux d'apprendre.

(Clermont-Ferrand.)

FRANCISQUE M. Aimez-vous le fromage?... on en a mis par[tout!...

On dit bien, en français : « un cœur

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de roche, une pierre de roche » pour exprimer tout ce qu'il y a de plus dur, en fait de cœur ou de pierre; pourquoi les « fromages de roche » de Guy Patin, ne seraient-ils pas, simplement, tout ce qu'on connaissait, en son temps, de plus dur en fait de fromages secs? L'explication du Dictionnaire de Trévoux (édit. de 1771), ne dit, du reste, pas le contraire :

« On appelle Fromages de roche, de petits fromages ronds et fort épais, du poids de deux livres, qui se tirent de Roanne en Forez. >> ULR.

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Bons mots de Beaumarchais (V, 645, 565). Un commentateur de Carmontelle, C. de Méry, a suivi plus loin que M. E. G. P. la piste de l'emprunt de Beaumarchais et de Brécourt lui-même. « Les Espagnols avaient dit depuis longtemps: Los yerros del medico, la terra los cubre. Montaigne... disait en parlant des médecins : Le soleil éclaire leurs succès et la terre cache leurs fautes. On sait que Beaumarchais a pillé ce passage dans son Barbier de Séville, act. II, sc. 7.... » C. de Méry, qui numérote si bien la copie, aurait du aussi mieux marquer l'endroit où se lisait l'original. Ce n'est pas cependant que je ne l'aie trouvé à la fin. C'est dans le chapitre 37 et dernier du second livre des Essais, chapitre qui peut passer pour un plaidoyer en règle contre la médecine, et qui, certes, en vaut bien un autre. Mais allez donc le deviner d'après son titre : De la ressemblance des enfants aux pères. Quoi qu'il en soit, voici le passage: «Mais ils ont cet heur, selon Nicolas, que le soleil esclaire leur succez et la terre cache leur faulte. » Quel est ce Nicolas? Par hasard, ne faudrait-il pas lire Nicocles, dont, à la page suivante, Montaigne va encore citer un trait contre les médecins?« Un médecin vantoit à Nicocles son art estre de grande auctorité. Vrayement c'est mon, dict Nicocles, qui peult impunément tuer tant de gents. » Ce Nicocles doit être le roi de Chypre dont il nous reste le panégyrique par Isocrate. Serait-ce donc jusqu'à Isocrate qu'il faudrait faire remonter le bon mot de Beaumarchais? O. D.

Je ne me rappelle pas avoir lu dans Madame de Sévigné la facétie qu'on trouve dans le Mariage de Figaro: «Boire sans soif, etc. » Mais un vieux poëte espagnol, Juan Ruiz, archiprêtre de Hita, offre quelque chose d'analogue, du moins quant à la dernière partie de la phrase. Après avoir dit que l'homme a deux mobiles: chercher la nourriture, chercher l'amour; Juan Ruiz ajoute :

Digo muy mas del omen que de toda criatura Todos a tiempo cierto se juntan con natura,

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El omen de mal seso todo tiempo sin mesura Cada que puede quiere faser esta locura. (Poesias castellanas anteriores al siglo XV, publ. por Sancher, ed. Baudry, p. 432.) TH. P.

J'ai fait remonter à l'Ombre de Molière, par Brécourt, un des mots de Beaumarchais. Il est beaucoup plus ancien. Montaigne, dans le 37° chapitre du livre II des Essais dit, en parlant des médecins : « Mais ils ont cet heur, selon Nicoclès, que le soleil esclaire leur succez et la terre cache leur faulte.

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Voici la note de M. Coste à ce sujet : « Ce que Montaigne dit ici de Nicoclès se << trouve dans le chapitre 146 de la Collec«tion des moines Antonius et Maximus, «< imprimée à la suite de Stobée. » Nil sub sole novi. E. G. P.

<< Le cridu jeu de l'Empire d'Orléans » (V, 660). Le cri est la proclamation, l'annonce, l'invitation aux fêtes de la Bazoche. Le Jeu de l'Empire d'Orléans signifie la plantation du mai, les chevauchées joyeuses, les parades comiques et les scènes satyriques, en un mot, toutes les folles cérémonies que l'Empereur et les suppôts de la Bazoche avaient accoutumé de célébrer chaque année. Clément Marot, qui composa le cri, appartenait peut-être à cette bruyante et malicieuse compagnie. (Lyon.) V. DE V.

« Ce que j'aime de Victor Hugo (V, 661). La réponse est facile. Le couplet sur Philis et la Pêche, improvisé à un dessert, et que Victor Hugo n'a pas dédaigné de reproduire dans son livre: Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie (I, 303), avait été publié pour la première fois dans le Conservateur littéraire, t. II, 1820, p. 179. Il y était signé, comme beaucoup d'autres poésies de l'Enfant sublime, du nom: V. d'Auverney. Les trois volumes du Conservateur littéraire et les deux volumes de la Muse française renferment une foule de documents du plus haut intérêt pour la vie littéraire de Victor Hugo et l'histoire des débuts de l'école romantique. (Alençon.) L. DE LA SICOTIÈRE

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tenon, Paris, 1865-66, 4 vol. in-12, Charpentier éditeur. C. DEZOBRY.

La

Mouchy. Mouchards (V, 662). Fontaine me paraît tout à fait d'accord avec M. Th. Pasquier pour faire venir Mouchard de mouche. La fourmi, rabrouant son ennemi qui veut tirer avantage du nom des mouches de toilette, recherche au contraire toutes les mauvaises acceptions du mot mouche:

Nomme-t-on pas aussi mouches les parasites?...
Les mouches de cour sont chassées.
Les mouchards sont pendus.....

Il est bien peu probable que les agents de l'inquisiteur Mouchy aient jamais été pendus. Il paraît que des espions de police l'ont été quelquefois dans les émotions populaires; mais non pas sous Louis XIV, et surtout à une époque où la lieutenance de police était à peine créée, si même elle l'était (15 mars 1667. Les six premiers livres des fables n'ont paru qu'en 1668; mais La Fontaine pouvait en avoir déjà fait une partie avant 1667). De quels mouchards parle donc le fabuliste? Evidemment des espions de guerre, que le code militaire de toutes les nations faisait pendre, et qui n'avaient rien à démêler avec l'inquisiteur Mouchy. Le mot de mouche lui-même s'employait aussi dans le sens d'espion, et moucher dans celui d'espionner; et je pense même que c'est là l'origine de l'expression fine mouche. Enfin ce mot de mouche s'applique encore, en marine, à des bâtiments légers qui font le même service que sur terre les éclaireurs ou batteurs d'estrade. O. D.

Boliment, Boniment (V, 662). Sans hésitation possible, c'est Boniment qu'il faut dire. C'est presque un mot d'argot, et Littré est, je crois, le premier qui l'ait enregistré dans un dictionnaire sérieux. Le mot en lui-même est fort régulièrement formé du génitif Boni et du suffixe mentum. C'est l'éloge de la bonté d'un objet mis en vente. Le fameux marchand de crayons, le célèbre Mangin qui, selon l'expression du poëte:

Sentait des plumets de deux aunes
Frissonner sur son casque d'or,

était le roi du boniment et vendait de bons
crayons. Requiescat in pace!
P. BLANCHEMAIN.

L'article du Canard, dans les Français de Curmer, écrit Boliment : c'est l'intitulé du papier-canard, ce que le canard (comme cet article nomme le vendeur) crie, lance à haute voix. Ce mot pourrait venir du verbe grec ballo, lancer; d'où, bolé, action de lancer, bolis, flèche. On

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Cette dernière se trouve, en effet, sous ce titre Sur l'indolence, à Lucidas, pour Sylvandre, à la page 103 d'un volume rare, intitulé: Promenades de Messire Antoine Coutel, Chevalier, seigneur de Monteaux, des Ruez, Fouynais, etc. A Blois chez Alexis Moette, Libraire et Imprimeur du Roy, dans la grand'ruë, au nom de Jésus, avec permission. Sans date, in-8° de 4 feuilles et 206 pages. Une espèce de roman: Les forces de l'Amour, qui commence à la page 120, porte la date de 1647. Madame Deshoulières n'avait que treize ans à cette date; mais il est fort possible que l'impression du volume soit de plusieurs années postérieure. Ce procès littéraire est donc pendant entre deux contemporains et quoique l'antériorité de publication appartienne à Coutel, je dois reconnaître que le reste de ses vers ne plaide pas pour lui.

J'ai le bonheur de posséder les Promenades d'Antoine Coutel. Si M. O. D. D. a le désir de connaître le texte exact de son Idylle, je serai heureux de lui en faire la copie. PROSPER BLANCHEMAIN. Ch. de Longefont, par Saint-Gaultier (Indre).

Soubrette (V, 662.) M. Edouard Fournier recherche les origines du mot soubrette, et croit les trouver dans l'espagnol sobretarde sur le tard, à la brune. La soubrette était donc primitivement la servante entremetteuse qui, vers le soir,

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Bernard, calligraphe (V, 665). — M. J. Bernard, membre de l'Académie de calligraphie, avait d'abord vécu de sa plume en Lorraine, comme maître d'écriture des pages du feu roi Stanislas, titre qu'il se donne sur certains de ses dessins; il a croqué d'une plume légère et fantaisiste bon nombre de portraits de grands personnages, de littérateurs et de princesses... de la rampe; Louis XVI, Marie-Antoinette, Agnès Sorel, Voltaire, Rousseau et la Dugazon se coudoient pêle-mêle dans son œuvre, plutôt du domaine du tour de force calligraphique que de celui de l'art. Bernard ajoutait parfois au bas de ses traits de plume quelques vers de sa façon, témoin ce quatrain au bas d'un portrait de la reine :

La Nature en riant se plut à te former;
Beauté, grâces, talens, tout en toi sait charmer:
De ses dons prodigués admirable assemblage,
Viens embellir mes traits, couronner mon ou-
[vrage.

Dans une réunion de l'Académie des calligraphes, à laquelle Bernard présentait deux de ces portraits, un de ces rimeurs d'alors, providence de l'Almanach des Muses et du Mercure de France, célébrait dans la langue des dieux le talent de son collègue; les Mémoires secrets (24 novembre 1781) nous ont conservé ce spécimen de poésie de mirliton.

Un amateur de Poitiers m'a mis sur la trace d'un recueil de douze à seize dessins de Bernard à la plume et coloriés représentant une série de scènes entre des filles du bon ton et les agents du lieutenant de police Lenoir, alors que ce dernier eut pris à l'égard de celles qu'on appelait aussi des filles du monde certains arrêtés fort menaçants pour la chevelure des Bérénices du boulevard et de la foire SaintLaurent; les récriminations de ces dames, relatées au bas de chaque composition, pour être en vers, n'en sont pas moins fort en..... gueule.

Le portrait de la Dugazon a été gravé en 1789 par Petit, en fac-simile; je ne sais

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s'il existe d'autres estampes d'après Bernard. (Niort.) H. VIENNE.

--

Une citation de Bernard Palissy (V,665).

Je n'ai pas le loisir de relire les œuvres de Bernard Palissy et je le regrette fort, car j'y prendrais grand plaisir. J'ignore donc si le mot qu'on lui attribue s'y trouve, surtout dans la forme vive de la citation; mais dans son traité des métaux et alchimie, voici ce que je lis: «Quant aux médecins, en cherchant l'alchymie, ils apprendront à connoistre les natures. >>

Ce qui au fond, revient au même.
E. G. P.

« Les Mille et une Nuits » (V, 666. De 1831 à 1835 n'est pas une date bien précise. C'est toutefois la seule que je puisse donner d'un numéro du Courrier Français où l'on annonçait que l'empereur Nicolas venait de faire enlever d'une bibliothèque publique de Saint-Pétersbourg un manuscrit arabe des Mille et une Nuits, comme livre obscène. Si ce n'est pas le fait même indiqué par la question, au moins n'en diffère-t-il pas beaucoup. Il paraît du reste que l'imputation n'est pas calomnieuse, et aux autres témoignages, on peut joindre celui de M. J. Janin, qui a écrit pour une édition de 1838 (Pourrat frères) une préface où il se guide avec soin sur Sylvestre de Sacy. « Il ne faut pas croire que les récits de l'Orient, si remplis de mollesse et de charme, n'aient pas aussi leur côté immoral et licencieux..... La poésie orientale, aussi bien que la poésie latine, ne recule devant aucune licence, ne rougit d'aucun détail. Elle relève tant qu'elle peut sa robe et son voile; elle montre tant qu'elle peut sa jambe nue et son sein nu: elle est fille de la passion et elle s'adresse aux passions oisives: elle brûle, elle crie, elle éclate, elle a le transport, elle incendie même le désert. Dans ce conte des Kalenders..... il y a plus d'une phrase d'une licence effrénée; il y a surtout une certaine conversation entre les trois dames et le portefaix, de l'obscénité la plus grossière. Ces trois dames et ce portefaix font assaut d'esprit, et de quel esprit! Il s'agit de savoir à qui des dames ou du portefaix dira, sans la dire la plus obscène ordure... » Je crois qu'il est aisé de deviner ou de soupçonner bien d'autres épurations. Par exemple, lorsque Schahzenan épie les fredaines de sa belle-sœur, et que Galland nous dit : « La pudeur ne permet pas de raconter tout ce qui se passa entre ces femmes et ces noirs, et c'est un détail qu'il n'est pas besoin de faire. » Ne présumet-on pas que ce détail, le texte original le lui met sous les yeux? M. J. Janin loue beaucoup M. Galland d'avoir fait de cet original obscène un livre d'enfants et de jeunes filles. Il est vrai qu'on le leur met

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facilement entre les mains; mais a-t-on raison, et à travers les prestiges de la magie et la modestie du style de Galland, ne sont-ils pas exposés à y rencontrer de singulières histoires? Cette licence est même une faute dans le plan de l'auteur arabe, et il faut que Scheherazade ait bien grande confiance dans l'intérêt irrésistible de ses récits, pour s'inquiéter si peu d'offrir de pareils tableaux à un homme déjà si mal prévenu de la vertu de son sexe. Femmes lascives et souvent homicides, jeunes gens introduits jusque dans le harem d'Al-Raschid lui-même, sœurs et belles-mères incestueuses, magiciennes, quels autres exemples eût choisi un conteur qui eût voulu maintenir le sultan dans sa bonne habitude de tordre le cou à ses épouses le lendemain de la noce? Quant à l'effet de ces contes sur leur auditoire, voici un passage de la Revue Britannique, août 1828: « Rien ne peut égaler le plaisir qui brille dans leurs regards lorsque le conteur fait avec développement et con amore le portrait d'une belle femme. Ils l'écoutent en silence et la respiration suspendue; et quand il termine sa description en disant: Gloire à Dieu qui a créé la femme! ils répètent tous en choeur, avec un accent pénétré, cette expression d'admiration et de reconnaissance: Gloire à Dieu qui a créé la femme! » Cette exclamation est la même qu'on attribue à Mahomet, le jour qu'un heureux hasard lui fit surprendre sa cousine Zeineb au milieu de ses ablutions. Hammer renchérit encore sur le témoignage de la Revue Britannique et parle d'un livre arabe, Elfyeh oué Schefyeh, écrit dans le but (et le but fut atteint) d'égaler les effets d'une potion de cantharides.

En fait de traductions plus complètes que celle de Galland, on cite aussi celle de William Lane, en anglais. Ce doit être la plus récente. O. D.

-Je ne sais pas l'arabe, mais toutes les personnes que j'ai connues et qui le savent sont d'accord sur ce point que le texte de ces contes est, non pas à peu près mais absolument intraduisible. Seulement, les uns prétendent que l'ouvrage est regardé comme licencieux même par les Arabes, tandis que selon les autres, on exprime, en arabe, les choses les plus hasardées dans nos idées par les mots propres, comme, chez nous, les médecins, sans y attacher aucune intention déshonnête. Je laisse aux savants à décider laquelle de ces deux opinions est la vraie. Seulement, ce que l'on raconte des obscénités des ombres chinoises (si l'on peut s'exprimer ainsi des Arabes me fait plutôt pencher vers la première, à moins toutefois que des expressions qui ne passaient pas pour être obscènes lorsque ces contes trèsanciens ont été composées, le soient devenues, comme, en France, des mots que

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