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peine. Chacun de ces vers a un fens fini peut fe retenir aisément, raison qui a fait évanouir mon fcrupule fur le double emploi.

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J'ai joint encore plufieurs articles fur l'HARMONIE IMITATIVE, fur LE SUBLIME, fur LES EXPRESSIONS HEUREUSES, fur LES TRAITS NAÏFS & je me fuis furtout interdit toute pensée trop libre. Je l'aurois toujours fait, quand je n'aurois pas eu intention de mettre mon Livre entre les mains de la jeuneffe de l'un & de l'autre fexe. Quoique ce petit Dictionnaire foit principalement destiné pour elle, je ne crois pas qu'il foit indigne de ceux qui font plus avancés en âge, & même des Gens de Lettres. Il amufera les premiers à la ville & à la campagne, étant imprimé d'une forme commode, tenant lieu de plus de quarante volumes, dont le tranfport feroit plus difficile, & contenant des morceaux de la premiére force fous tous les titres poffibles. Il rappellera aux feconds ce qu'ils favoient déja, à la vérité; Mais la principale utilité qu'ils en pourront retirer, fera d'appercevoir aisément les plagiats de nos jeunes Poëtes, puifque tous les articles & toutes les penfées employés font fuivis du nom de l'Auteur, du titre du Poëme, de celui de la Tragédie, du chant, de l'acte & de la scene, &c. dont ils font tirés.

Je crois par ce petit préambule répondre d'avance à quelques perfonnes difficiles, qui pour

roient, en accordant de l'agrément à mon Ouvrage, nier fon utilité. Je répéte d'après des Connoiffeurs, que rien n'eft plus capable de former l'efprit & le cœur des jeunes gens, en leur procurant l'heureuse habitude de penfer avec jufteffe, de parler correctement, de s'exprimer avec grace, & de déclamer avec nobleffe. Mon but eft de plaire à la jeuneffe, fans contredit la plus brillante partie du genre humain.

Il faut encore écarter un autre reproche qui feroit de plus grande conféquence. D'où vient, me dira-t-on, dans le nombre de vos Poëtes célébres, qui font Corneille, Racine, la Fontaine, Defpréaux, Rouffeau, Crébillon, Voltaire, ne trouve-t-on pas le grand Moliere & l'unique Quinault? Je réponds à cela, que perfonne ne respecte & n'admire plus que moi le rare mérite du Térence François, que je le regarde comme le plus grand des Poëtes Comiques de toutes les Nations; mais non pas comme le plus grand Poëte, dans le fens précis de ce mot. Moins les vers d'une Comédie, fi ont peut le dire, font des vers, plus ils conviennent au genre. L'Avare en prose fait autant de plaifir que le Mifantrope, quoique cette derniére Piéce foit écrite en vers, & qu'il s'y trouve des morceaux remplis de poësie.

Pour parler à préfent de Quinault, de cet homme fi furprenant dans le Lyrique, j'ofe avancer, contre la tumultueuse cabale, que ses

vers fi fimples, fi naturels, fi parfaits dans leur genre, ont cependant besoin de la Musique divine de Lully. On pourroit, j'en conviens, déclamer plufieurs fcenes d'Armide fans ce fecours, mais ces scenes intéreffantes y perdroient quelque chofe. Ces deux grands Hommes faits l'un pour l'autre ne peuvent être féparés, fans qu'il en coûte beaucoup à nos plaifirs. En un mot vous trouvez dans les vers de Quinault le germe des paffions, que le fublime pinceau du Muficien développe. J'aurois donc été obligé de mettre fous tous les articles de ce Pëote la mufique de Lully, expédient qui ne pouvoit manquer de plaire, auquel même j'ai pensé plus d'une fois, mais qui malheureusement n'a pû avoir fon exécution.

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Les mêmes raifons, m'ont empêché de tirer aucun morceau foit des Comédies, foit des Opera, de ceux de mes Auteurs, qui ont travaillé auffi dans ces deux genres.

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Quoique je n'aie compris dans le nombre de nos grands Poëtes, que deux Auteurs vivans je ne prétens pas diminuer le mérite poëtique de Mrs Piron, Racine, le Franc, Greffet. Ces Ecrivains fameux font honneur à la France, & doivent être extrêmement chers à tout bon Citoyen. Les deux grands Hommes que j'ai choifis, me paroiffent avoir un caractére diftinctif, qui les éleve jufqu'aux illuftres Poëtes du fiécle de Louis XIV. ATRE'E & la HENRIADE me fourniffent la preuve

de ce que je viens d'avancer. Cela ne m'empêche pas d'admirer le vrai comique de la Métromanie, l'excellente Tragédie de Didon, le beau Poëme de la Religion, & l'élégant badinage du Vert-Vert. Toutes productions qui décelent un efprit fupérieur.

Il ne me refte plus qu'à dire un mot fur le titre de l'Ouvrage. On fait que les Grecs donnérent le nom de PLE ADE à fept Poëtes célébres, qui firent l'ornement du regne de Ptolomée Philadelphe. Ronfard, à l'imitation des Grecs, forma une PLEIADE de Poëtes François fous le regne de Henri II. Ces fept Poëtes fameux qu'on ne peut plus lire, étoient Daurat, Ronfard, du Bellay, Belleau, Baif, Tyard, Jodelle. Sur ce modéle, j'ai voulu faire une nouvelle PLEIADE des véritablement grands Poëtes, qui ont fait tant d'honneur au * fiécle de LOUIS XIV.

Je ne prétens pas décider lequel, parmi ces fublimes génies, eft l'étoile la plus brillante de la conftellation. D'ailleurs chacun a fon Auteur favori, qu'il ne manque pas de mettre ordinairement à la premiére place. Je ne veux

* L'Atrée, l'Ele&re, le Rhadamifte font de 1705, 1707, 1709, & la Henriade a été commencée en 1717, deux ans après la mort de LOUIS XIV.

priver perfonne du plaifir de péfer les réputations, de comparer les genres, d'analyfer les ouvrages, & de décerner la couronne.

Hoc opus hic labor eft.

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