Images de page
PDF
ePub

pás esprit aussi pénétrant que lui, je n'en vois aucune. Il demande ensuite pourquoi Josèphe ne parle pas de la qualité de précurseur de S. Jean-Baptiste. La réponse est toute simple, c'est que Josèphe n'avait pas le dessein d'exposer la doctrine des Juifs sur l'attente du Messie, et qu'il ne croyait pas que Jésus fût le Messie. Lefèvre qui blâme Josèphe de ne pas avoir parlé de la qualité de précurseur qu'avait S. Jean, nous donne lui-même la raison de ce silence. Ainsi il parle pour et contre selon la circonstance. Voulez-vous d'une chose, il ne la veut pas ; ne la voulez-vous pas, il la veut. Il commence par dire que dans notre passage il n'y aucun rapport entre ce qui précède et ce qui suit; j'ai prouvé le contraire. Ensuite il indique la place où aurait pu se faire l'interpolation ou la falsification avec plus de succès; il montre comment on aurait dû s'y prendre; il fournit les expressions qui auraient mieux convenu; mais à quoi bon? puisqu'il n'y a pas d'interpolation. Il veut aussi que S. Jérôme soit complice de la fraude, parce qu'il a rendu les mots du grec & Kpitos outos, celuiΚριστὸς οὗτος ἦν, là était le Christ, par ces mots : celui-là passait pour le Christ; il aime mieux trouver deux coupables que de reconnaître qu'il n'y en a aucun. N'était-il pas plus convenable de supposer qu'un homme d'une sainteté aussi éminente traduisait fidèlement, comme réellement il l'a fait, et qu'il rendait la véritable pensée de Josèphe ? Dans ma réponse à la deuxième objection citée plus haut, j'ai prouvé qu'on ne pouvait rien conclure du silence de S. Justin, de Clément d'Alexandrie, d'Origène et de Photius. J'ai montré aussi, en répondant à la première objection, pourquoi Origène et Théodoret, supposé qu'ils eussent eu sous les yeux des exemplaires fidèles de Josèphe, et qu'ils y eussent lu le texte qui nous occupe, n'auraient pas dû pour cela croire que Josèphe était chrétien. D'après Lefèvre, il résulterait du témoignage d'Origène non seulement que Josèphe n'a pas écrit ce qu'on lui attribue, mais que dans le même passage précité il a au contraire cherché à rabaisser le mérite de Jésus, et à jeter de la défaveur sur la bonne opinion qu'on avait conçue de lui. Ici Lefèvre a encore tort, et il est tout aussi mal fondé, car voici les paroles d'Origène sur Josèphe (Tom. XI, in Matth.): Il est étonnant que ne reconnaissant pas Jésus pour le Messie il ait rendu à S. Jacques un témoignage aussi éclatant de son innocence. Origène dit ailleurs (in lib. I, contra Cels.) Quoique ce même Josèphe ne crût pas que Jésus fût le Christ. De ces passages, Lefèvre conclut que Josèphe ne croyait pas que Jésus fût le Christ; par conséquent le passage qu'on lui attribue et où Jésus est reconnu pour le Christ n'est pas de lui il en tire en second lieu cette autre conclusion, que Josèphe aurait au contraire écrit contre Jésus. La première conclusion de Lefèvre tombe devant le vrai texte de Josèphe, qu'il suffit de rétablir. Il porte Kouros ouros › qu'il faut traduire comme l'a fait S. JéJérôme, il passait pour le Christ. Les propres

paroles d'Origène, dont il veut se faire une arme, suffisent pour détruire sa seconde conclusion: Il ne reconnaissait pas Jésus pour le Messie; il ne croyait pas que Jésus fût le Christ; car on en peut dire autant de Pilate, d'Hérode, de Suétone, de Tacite, d'Antonin-lepieux et de Marc-Aurèle le Philosophe; en conclura-t-on que Pilate, Hérode et les autres que je viens de nommer ont écrit contre Jésus? Ce n'est pas tout; dans sa belle humeur de tout critiquer, non seulement Le fèvre découvre ce que nous ne soupçon nerions jamais dans les paroles d'Origène, savoir que Josèphe a écrit contre Jésus, il sait même ce que Josèphe a écrit: (ce qu'au reste avait déjà essayé de faire autrefois Jean de Cloppenbourg, dans une lettre à Capelle); et il a imaginé de rejeter sur le compte d'Eusèbe l'accusation d'avoir falsifié le passage de Josèphe. Pour nous, nous y mettons plus de franchise et plus de simplicité; nous n'avons pas la hardiesse de nier l'évidence, pas plus que d'admettre ce qui n'est pas. Nous ne croyons pas pouvoir nous permettre de rejeter un témoignage confirmé par tous les textes et par l'accord et le consentement de tous les écrivains de l'antiquité, pour accepter de simples conjectures présentées, il est vrai, avec beaucoup d'art et d'érudition, mais qui n'en sont pas moins pourtant de pures conjectures. D'ailleurs n'est-il pas plus séant pour un chrétien de préférer combattre avec nous et dans nos rangs; et tout en voulant la vérité avant tout, de désirer que ce qui peut servir à l'établir soit vrai; mais a

vançons.

XIX. Témoignages sur les miracles opérés par les disciples de Jésus. Les païens n'ont pas pu parler beaucoup des miracles des premiers disciples de Jésus, dont il est fait mention dans les Actes des apôtres, parce que l'Eglise ne faisait que de naître. Néanmoins Suétone, en parlant de la religion chrétienne, l'appelle une superstition nouvelle, qui ne se soutenait que par des maléfices. Lucien dit que Pérégrínus, après s'être converti au christianisme, s'était fait une grande réputation par les prodiges qu'il opérait, soit qu'ils fussent réels, soit qu'ils fussent le résultat de ruses ou d'impostures, et que si quelque joueur de gobelet ou quelque homme du peuple se faisait chrétien, il était sûr de s'enrichir promptement. Les écrivains attribuaient à la magie les miracles que faisaient les chrétiens. Porphyre en parlant de la punition d'Ananie et de Saphire, en fait le sujet de ses invectives; mais il ne la nie pas. Plus tard, à mesure que l'Eglise prenait un plus grand développement, les auteurs profanes contemporains parlèrent des miracles opérés par les chrétiens. Témoin ce miracle remarquable arrivé du temps de la guerre de Marc-Aurèle contre les Marcomans et les Quades l'armée romaine était serrée dans une gorge de montagnes et souffrait d'une grande soif. Tout-à-coup les chrétiens qui se trouvaient dans l'armée, se mettent en prière, et obtiennent une pluie salutaire, en même temps que la grele et la foudre écrasent

l'armée ennemie. L'empereur lui-même a rendu hommage à ce fait dans sa lettre au sénat. Aussi Eusèbe rapporte (Hist. liv. IV, ch. 26, 27) qu'Apollinaire, évêque d'Hiéra ples, avait invoqué ce témoignage à l'appui de la vérité du christianisme, dans son apologie adressée, je crois, à l'empereur MarcAurèle. Tertullien, dans sa supplique à Scapula, gouverneur de la province d'Afrique, en parle comme d'un événement connu et cru par tout le monde, et, dans son Apologie adressée à tous les chefs de l'empire, il ajoute, comme nouvelle preuve, l'autorité de la lettre de Marc-Aurèle (ch. 5). Et certes, ni Apollinaire, ni Tertullien n'auraient osé invoqué de pareils témoignages, s'il y avait eu le moindre doute, la moindre incertitude sur l'authenticité du fait ou sur la lettre de l'empereur. Eusèbe (Chron.), Orose (liv. VII, chap. 15) et Xiphilin assurent, sur le témoignage d'autrui, il est vrai, que cette lettre subsistait de leur temps; et S. Jérôme en dit autant, non d'après ouï-dire, mais comme d'un fait dont il à acquis la certitude. Julius Capitolinus attribue ce miracle à la piété et aux prières de l'empereur Marc-Aurèle. Thémistius, confondant le père d'Antonin-le-Pieux avec le fils, rapporte qu'il a vu uu tableau qui le représentait en prière et obtenant du ciel de la pluie que les soldats recevaient dans leurs casques, puis la portaient à leur bouche. Claudien (in VI consul. Honor.) ne sait à qui il doit attribuer ce miracle, aux magiciens ou à l'empereur Marc-Aurèle. On rapporte un autre événement miraculeux, la victoire de Théodose sur Eugène et Argobaste, révoltés contre lui; il triompha d'une puissante armée, dit S. Augustin (De la Cité de Dieu, liv. V, ch. 15), plutôt par ses prières que par ses armes. Ce saint Père avait appris des soldats présents au combat, que leurs armes étaient poussées avec violence contre les ennemis par une force invisible, qu'un vent violent les accablait, tandis qu'il les protégeait eux-mêmes, qu'il empêchait les armes des ennemis d'arriver jusqu'à eux, et qu'il les relançait au contraire contre eux. Orose a encore renchéri sur ce récit merveilleux (liv. VII, ch. 35), et Claudien, quoique païen, l'a célébré dans ses vers, l'attribue à l'intervention de la divinité, et en fait honneur à la piété et aux prières de Théodose (De III Consul. Honor.). Porphyre et Eunomius n'ont jamais nié le courage surnaturel des martyrs, et ont reconnu qu'il surpassait les forces de la nature, mais ils l'attribuaient à la magie et à la puissance des démons.

XX. Témoignages sur les vertus des chrétiens. Les païens ont rendu de si éclatants hommages à la piété des chrétiens, à leur assiduité à la prière, à leur charité remarquable envers tout le monde sans distinction, à leur admirable constance au milieu des supplices, à leur foi inébranlable, à la grande sainteté de leur vie, qu'il n'est pas permis à l'esprit le plus prévenu de les révoquer en doute. Quel plus puissant témoignage en faveur des chrétiens que cette lettre de Pline à Trajan (liv. X, Ep. 79.), dans laquelle il

informe l'empereur qu'il a employé les tortures pour forcer les chrétiens à avouer leurs crimes; qu'il n'a pu rien trouver de répréhensible; qu'ils se réunissent seulement avant le jour pour chanter des hymnes en l'honneur du Christ, regardé par eux comme un Dieu; qu'ils s'imposent la loi, même avec serment, d'éviter tout crime, et qu'ils ont l'habitude de prendre leurs repas en commun. Il condamne ce qu'il appelle une superstition funeste et excessive, une opiniâtreté et un entêment inflexibles, et ce qui, à nos yeux comme aux yeux de tous les chrétiens, est la preuve d'une grande piété, d'un courage inébranlable, d'une persévérance et d'une fermeté à toute épreuve dans l'exécution d'une résolution. Aussi, par son rescrit, défendit-il de rechercher les chrétiens, et il ordonna de punir leurs dénonciateurs, ce qui n'était qu'une demi-justice comme le remarque Tertullien (Apol. ch. 2), malgré le dire du jurisconsulte Balduin, qui prétendait que Trajan avait des droits à la reconnaissance des chrétiens pour n'avoir pas été plus sévère à leur égard. C'est comme les voyageurs du temps de Sciron et de Procuste, qui auraient dû avoir de la reconnaissance pour ces deux tyrans, parce qu'ils se contentaient de les mettre à mort sans les faire longtemps souffrir. Sérénius Granianus, proconsul d'Asie, écrivit à l'empereur Adrien qu'il était injuste de mettre à mort les chrétiens qui n'étaient coupables d'aucun crime, et uniquement pour plaire au peuple. L'empereur adressa un rescrit à Minutius Fundanus, successeur de Sérénius, dans lequel il lui enjoignait de sévir contre les chrétiens s'ils désobéissaient aux lois; mais que si on les accusait injustement il fallait punir les dénonciateurs selon la gravité de l'accusation mensongère. Ce rescrit se trouve dans les apologies de S. Justin et de Méliton, évêque de Sardes, adressées aux empereurs Antonin, Aurèle et Vérus; ils en font l'éloge et parlaient des faits qui se passaient de leur temps, connus de tous, et les rappelaient publiquement à ceux qui avaient tout intérêt à connaître la vérité à cet égard. Arrien, philosophe très-célèbre sous le règne d'Adrien, fait un magnifique éloge de la fermeté des chrétiens, de leur inflexible constance, qu'il n'eut pas le courage d'imiter: La marque, disait-il (Epict.lib.II, ch.9), à laquelle on peut reconnaître un vrai chrétien de celui qui ne l'est que de nom, c'est quand il se montre dans toute sa conduite ferme et invariable. Galien, (de Diff. pulsuum, lib. III) voulant donner une idée de l'obstination des médecins et des philosophes pour leurs systèmes, disait qu'on verrait plutôt les chrétiens abjurer leur religion que les médecins et les philosophes renoncer à leurs idées. O prodigieuse folie, 6 incroyable audace! s'écrie Cæcilius dans Minutius Félix, ils méprisent les tourments qu'ils endurent pour éviter des tourments incertains qu'ils redoutent dans l'avenir : ils craignent de mourir après leur mort, et en attendant ils meurent sans crainte ; ainsi l'espérance d'un bonheur futur les soutient et les console, tout

en les trompant sur des craintes sans fondement.Marc-Aurèle, qui n'avait que peu d'idées du christianisme, prétendait que la constance des martyrs, au milieu des supplices et en présence de la mort, était plutôt l'effet de leur courage et de leur force d'âme que de leur piété et de leur foi; c'est pourquoi dans cet admirable recueil de préceptes presque dignes d'un chrétien, qu'il s'étudiait à mettre en pratique pour s'apprendre à bien vivre et à bien mourir, il dit que le sage doit envisager la mort avec réflexion et comme une chose sérieuse; qu'il ne faut pas imiter les chrétiens qui la bravent avec courage et force d'âme comme sur un champ de bataille. On appelait les chrétiens les désespérés, les dévoués, pour faire voir qu'ils ressemblaient à ces hommes déterminés qui combattent les bêtes volontiers et pour un salaire, ou qui s'élancent à travers les flammes, suspendus en l'air par une corde. On les appelait aussi les chasseurs, nom qu'on donnait à ceux qui chassaient les bêtes dans l'arène et s'exposaient témérairement. On avait aussi appliqué le nom de dévoués à un ordre de chrétiens d'Alexandrie, qui se dévouaient aux services des malades, de quelque maladie qu'ils fussent atteints, même de la peste. Ce mépris de la mort les rendait si résolus que, pour défendre les évêques d'Alexandrie dont ils dépendaient, ils portaieut quelquefois le peuple jusqu'à la sédition, et il fallut que les empereurs en limitassent le nombre. C'est ce que l'on voit d'après les ordonnances contenues dans le Code Théodosien (I. 16, 42, 43. Tit. de Episc. Eccl. et Cleric.). Mais ceci n'arriva que plus tard. Dès les premiers temps et sous les empereurs païens, on les appelait les combattants, les dévoués, paraboli, parabolani, parce qu'ils épargnaient peu leur corps et qu'ils se laissaient volontiers déchirer en lambeaux. Je dois citer encore la circulaire adressée à tous les gouverneurs d'Asic, non pas par Antonin-le-Pieux, comme l'ont pensé Eusèbe ( Hist. liv. IV, ch. 13), Xiphilin (Anton. Pio) et Zonaras ( tom. II. in Ant. Pio), et plus récemment Pierre Halloxius, et comme le porte l'inscription d'une lettre qui a paru dans une édition des OEuvres de S. Justin; cette circulaire paraît écrite par Marc-Aurèle comme le prouvent plusieurs monuments dignes de foi et le contenu même de la lettre telle que nous l'a conservée Eusèbe (Hist. liv. IV, ch. 13). Dans cette lettre l'empereur loue la piété des chrétiens et leur constance a souffrir la mort plutôt que d'imiter l'impiété des païens; leur courage dans les dangers, surtout au milieu des tremblements de terre; lorsque les païens se laissaient aller au décourageinent, c'est alors, dit-il, que les chrétiens ont le plus de confiance en Dieu; il ajoute que plusieurs gouverneurs de provinces ont écrit à son père au sujet des chrétiens, et que son père avait enjoint par ses rescrits de ne pas les inquiéter, à moins qu'ils ne fussent coupables de conspirations contre l'empire; il dit qu'il adopte cette constitution, et qu'il veut qu'on renvoie absous ceux qui sont dé

noncés comme chrétiens, et qu'on punisse les dénonciateurs. C'est apparemment cet ordre de Marc-Aurèle qui aura porté Méliton, évêque de Sardes, à dire à cet empereur, dans son Apologie, qu'il avait à l'égard des chrétiens les mêmes sentiments que son père Antonin et son aïeul l'empereur Adrien

Eus. liv. IV, ch. 26). En effet Antonin, par un rescrit envoyé aux villes de la Grèce, avait défendu qu'on soulevât le peuple contre les chrétiens (ibid.). Méliton fait aussi l'éloge de ce rescrit qu'avait rappelé MarcAurèle dans sa circulaire; par suite de ces ordres, un homme ayant dénoncé Apollonius comme chrétien, ce dénonciateur, à ce que rapporte Eusèbe (Hist. liv. V, ch. 21), fut condamné à avoir les jambes brisées et ensuite à être mis à mort. Lucien dit dans son écrit contre le philosophe Pérégrin, qui s'était fait chrétien et qu'à ce titre on avait jeté en prison, que les chrétiens avaient pour lui les plus grands soins, les plus grands égards, que de saintes femmes se tenaient continucllement aux portes de sa prison ; que, dans le but de se consoler et de s'assister réciproquement, les chrétiens prenaient ensemble leurs repas; qu'ils dormaient sous le même toit; que lorsqu'il survenait quelque malheur à l'un d'entre eux, ils venaient tous à son secours; qu'ils donnaient largement aux pauvres; qu'ils méprisaient la mort, et même qu'ils mouraient avec joie dans l'espoir d'une autre immortalité; qu'ils se regardaient tous comme des frères, conformément aux préceptes que leur en avait fait leur Maître ; qu'une fois qu'ils avaient abjuré le culte des idoles ils changeaient de vie; ils prenaient ses maximes pour règle de conduite, lui rendaient le culte qui lui était dû, ne comptaient pour rien tout ce qui pouvait leur appartenir, et mettaient tous leurs biens en commun pour les partager entre tous. On trouve un éloge encore plus remarquable dans un autre dialogue intitulé: Philopater, et attribué à Lucien; il y est fait mention de Jésus-Christ et de quelques chrétiens nommément; il rapporte plusieurs passages tirés de l'Evangile, de l'Apocalypse de S. Jean, des Actes des Apôtres et des Epitres de S.Paul; il nous donne un portrait de ce dernier apotre et parle de son extase; il appelle le Christ Chrest, selon l'usage des patens de ce temps, qui croyaient que ce mot venait d'un mot signifiant bonté, et non du mot onction, oindre, la coutume de faire des onctions sur les prêtres et les rois n'étant pas usitée chez eux. C'est ce que nous apprenons de Suétone (Claud. ch. 25), de Galien (de Diff. pulsuum, lib. III) et des plus anciens docteurs de l'Eglise, tels que S. Justin (Apol. 2), Théophile d'Antioche (ad Autol. lib. I), Clément d'Alexandrie (Strom. II), Tertullien (Apol. ch. 3) et Lactance (Inst. lib. IV, ch.7). Celte erreur pouvait encore provenir de l'usage où l'on était quelquefois de confondre dans la prononciation du grec et d'après l'exemple des Eoliens, qui créèrent la langue latine et qui avaient l'habitude, disent les grammairiens, de changer en». Ainsi, dans

tion. Tacite rapporte qu'à cette époque on abandonna à la disposition de son mari Pom ponia Græcina, dame illustre, et femme de Plaute, qui étant accusée du crime de s'être initiée à une superstition nouvelle; il est probable que c'est de la religion chrétienne qu'il est ici question. Xiphilin nous apprend, d'après Dion, que quelques années plus tard, Flavius Clément, parent de Domitien, et Flavie Domitilla, sa femme, la sœur de Domitien et plusieurs autres personnes de distinction éprouvèrent les effets de la colère de Domitien, à cause de leur attachement à la religion des Juifs; comme je l'ai déjà fait remarquer, il est permis de croire qu'il parle des chrétiens, car sous le nom de Juifs, les païens comprennent aussi les chrétiens, connaissant fort peu ce qui les concernait. Suétone dit que le Christ avait poussé les Juifs à des soulèvements (Claud. ch. 25). Eusèbe rapporte que Domitilla s'est rendue célèbre parmi les chrétiens par son attachement à la foi qui lui a valu la gloire d'être exilée. S. Jérome déclare qu'on ne saurait révoquer en doute ce qu'on rapporte des parents des empereurs, personnages illustres et connus de tout le monde. Ces faits prouvent jusqu'où s'étendaient les progrès du christianisme, puisqu'il renfermait déjà dans son sein des hommes de ce rang, de cette position, qui avaient été élevés au milieu de toutes les délices de la cour, et accoutumés à honorer les faux dieux. Au reste, dès lors comme depuis, les chrétiens étaient si peu considérés, ils étaient même si mal vus qu'un jurisconsulte célèbre, Ulpien, conseiller d'Alexandre Sévère et maître de Scrinius, a cru devoir chercher à réfuter dans ses écrits les vérités du christianisme.

Martial (liv. II, Epig. 31), le nom de Chrestelle a dégénéré en Christelle, d'où l'on a fait Chrétienne. C'est probablement aussi de cette mauvaise habitude de prononcer les mots que les anciens auteurs écrivaient Kperos avec une diphtongue. Il est permis de soupçonner que Lucien n'est pas l'auteur de ce dialogue, car on y trouve une connaissance trop parfaite des mœurs et des croyances des chrétiens. XXI. Témoignages sur les progrès de l'Eglise naissante et sur les martyrs. Il est facile de conclure par les témoignages que je viens de citer et surtout par ceux de Tranquillus, de Pline et de Tacite qu'on a vus plus haut, combien l'Eglise avait déjà pris de développement. On peut aussi ajouter cette plainte que Sénèque, qui vivait à une époque encore pfus ancienne, faisait contre les Juifs. (C'est ainsi que de son temps on nommait les chrétiens.) Il disait, à ce que rapporte S. Augustin (Cité de Dieu, liv. VI, ch. II): Les coutumes de ce peuple abominable se sont tellement répandues, qu'on les retrouve dans toutes les parties du monde. Les vaincus ont donné des lois aux vainqueurs. Numatien, dans son Itinéraire fait allusion à ce passage lorsqu'il dit en parlant des chrétiens, qu'il confond sous le nom des Juifs (Rut. Num. lib. I. Itin.): Cette nation détruite n'en est que plus nombreuse, c'est un peuple vaincu qui fait la loi à ses vainqueurs. Dion a dit des Juifs (liv. XXXVIII): Il ya dans l'empire un peuple dont le nombre diminue souvent, et qui pourtant augmente toujours au point de braver la puissance des lois. C'est pourquoi Tertullien, dans son Apologie, dit que le nombre des chrétiens est une preuve de leur innocence, car non seulement ils seraient aussi forts que leurs ennemis s'ils voulaient se défendre, mais qu'ils feraient un grand mal à l'Etat, même sans s'armer, uniquement en se retirant et refusant leur concours; que leur retraite ferait un vide immense au sein de l'empire (ch. 37). Les progrès de l'Eglise naissante effrayaient les magistrats, ils crurent devoir s'opposer à sa propagation. Claude exila les défenseurs de la foi chrétienne. Néron leur fit endurer de cruels supplices, disposition que lui suggérait son caractère naturellement méchant. C'est ce que nous apprennent Suétone (Claud. ch. 25, Néron. ch. 16) et Tacite. Voici les paroles de ce dernier (Ann. liv. XV, c. 44): A leur supplice on ajoutait la dérision, on les enveloppait de peaux de bétes pour les faire dévorer par des chiens; on les attachait en croix, on enduisait leurs corps de résine, et l'on s'en servait la nuit comme de flambeaux pour l'éclairer. Une si barbare cruauté indigne l'historien; il ne cache pas l'horreur qu'elle lui inspire, et dit que le public désavouait hautement et blâmait avec énergie une si grande inhumanité. Voici en quels termes Juvénal s'exprime sur sa cruauté (Sat.1et8): Que quelqu'un s'en avise, son cadavre empalé servira de fanal, et traîné sur l'arène, il y tracera un long sillon. On voit à Rome une inscription qui porte: Monument élevé à Néron pour avoir purgé la province des brigands et de ceux qui voulaient introduire parmi le peuple une nouvelle supersti

XXII. Honneurs divins rendus à Jésus-Christ par quelques empereurs romains. Quelques empereurs romains touchés des vertus du Christ et des chrétiens, ont cru devoir reconnaltre Jésus pour un Dieu et lui rendre les honneurs divins. Le premier, c'est Tibère. Instruit par Pilate des actions merveilleuses de Jésus, il proposa au Sénat de le mettre au rang des dieux. Le Sénat s'y refusa, soit à cause du supplice infamant par lequel il avait péri, soit à cause de la réprobation attachée au peuple juif, dont Cicéron nous donne une idée en ces termes (Pro Flacco): Chaque peuple a sa religion, Lælius, comme nous avons la nôtre. Lorsque Jérusalem était puissante, et que les Juifs vivaient en paix avec nous, leur culte vous semblait incompatible avec la splendeur de cet empire, la majesté de notre nom, la sagesse de nos institutions. Ce culte l'est devenu plus encore depuis que cette nation a manifesté, en nous faisant la guerre, ses sentiments pour la république, et les dieux immortels ont prouvé de même combien ce peuple leur était cher, en souffrant qu'il fût vaincu, tributaire et esclave. Une autre raison du Sénat était que l'on avait déjà pris l'initiative sans lui, et puis il y avait une loi qui défendait d'admettre de nouveaux dieux; on lit en effet dans Tite-Live (liv. XXXIX) qu'il fallait chasser du forum, du cirque, de la ville tout sacrificateur et tout prêtre étranger, recher

cher leurs livres pour les brûler, et empêcher tout autre culte des dieux différent de celui qui était en usage parmi les Romains. Quoi qu'il en soit, Tibère persista dans son opinion sur le Christ, il usa de bienveillance à l'égard des chrétiens, et défendit de sévir contre eux. Nous apprenons ce fait de Tertullien (Apol. ch. 5, 21), auteur chrétien à la vérité, mais dont le témoignage ne peut être suspect en cette occasion, puisqu'il le rappelait au Sénat et au peuple romain qui pouvaient facilement le vérifier au moyen des registres publics, et surtout de ceux qui contenaient les événements passés du temps de Pilate, et dont S. Justin invoque souvent l'autorité (Apol. 2). Ces registres authentiques étaient différents de ces actes, faussement attribués à Pilate, qui furent fabriqués plus tard, du temps de l'empereur Maximin. Les actes où puisaient les Quartodécimans, presque contemporains de S. Justin, paraissent être les vrais actes que citait S. Justin; mais les exemplaires dont se servaient ces hérétiques étaient falsifiés, puis qu'ils contenaient des différences notables et essentielles. Les temples qu'Adrien fit ériger en plusieurs endroits, et où l'on ne voyait figurer aucune idole, étaient, à ce qu'on croit, destinés au culte du Christ; mais les prêtres païens le détournèrent de ce projet, dans la crainte qu'on n'abandonnât le culte des idoles pour embrasser celui de Jésus-Christ. C'est de Lampride (Alex. Sév. c. 43 et 51) que nous tenons ce fait : j'examinerai bientôt son témoignage avec soin. Il rapporte aussi qu'Alexandre Sévère avait voulu construire un temple consacré au culte du Christ; qu'il voulait réunir le Christ à ses autres dieux et qu'il lui rendait les honneurs divins dans son palais, et qu'il avait souvent dans la bouche cette sentence qu'il tirait des Juifs ou des chrétiens; et il se la faisait rappeler lorsqu'il avait à reprendre quelqu'un : Ne faites pas à autrui ce que vous ne voulez pas qu'on vous fasse à vous-même. Enfin je puis ajouter, ce qui est un présage en faveur de la religion chrétienne, c'est que, comme l'ont remarqué Méliton (Apud Eus. Hist. lib. IV. c. 26), Tertullien (Apol. c. 2) et Eusèbe après eux (Hist. liv.V, c. 5), tous les empereurs qui ont laissé la réputation d'hommes méchants et cruels, ont persécuté les chrétiens, tandis que ceux qui ont eu une conduite irréprochable les ont protégés ou du moins ont toléré leur exis

tence.

XXIII. Authenticité du témoignage de Lampride. Je reviens au témoignage de Lampride. Casaubon lui reproche d'avoir adopté l'opinion du peuple à l'égard d'Adrien, en disant que cet empereur avait destiné au culte du Christ les temples qu'il avait commencé à construire dans toutes les villes de l'empire. C'était pour lui-même qu'il destinait ces temples,comme nous l'apprend Spartianus dans la vie de cet empereur. Casaubon prétend qu'Adrien avait le projet d'y placer des statues des dieux, et qu'il se réservait d'en faire lui-mêne la consécration après qu'ils seraient achevés. La mort le prévint et empêcha l'exécution de ses desseins; plusieurs temples furent

inachevés, et dans la suite on s'imagina que ces temples, qui n'avaient pas de statues, avaient été construits par Adrien en l'honneur de Jesus-Christ. Casaubon n'a pas pourtant d'autre fondement de cette opinion qu'il s'est créée, que le silence des anciens Pères à cet égard. Mais ce savant, habile du reste et capable, ne paraît pas avoir bien compris le passage de Lampride. En effet cet historien ne dit pas que ces temples construits par Adrien restèrent sans statues, il dit seulement qu'Adrien fit construire dans toutes les villes des temples qui ne devaient pas avoir de statues, indiquant par là que dans la pensée de cet empereur les temples qu'il destinait au Christ ne devaient pas avoir de statues, ni renfermer d'idoles comme ceux qu'il faisait construire en son propre honneur. Tels furent le temple qu'il dédia à Jupiter et celui qu'il se dédia à lui-même à Athènes ; Spartianus nous apprend qu'il s'y trouvait un autel qu'Adrien s'y était érigé à lui-même. Pausanias rapporte qu'on y voyait aussi un grand nombre de ses statues. Lampride ajoute, en parlant de ces temples construits par Adrien. Parce que ces temples n'ont pas de statues, on les appelle les temples d'Adrien. Qui est-ce qui les appelle ainsi? les païens qui avaient coutume d'appeler les temples du nom des dieux à qui ils étaient dédiés, et qui ne voulaient pas leur donner le nom du Christ, nom qui leur était odieux. Et il les avait, dit-on, destinés au Christ. C'étaient donc les païens qui le disaient, car comment croire que Lampride auteur païen, eût consulté les chrétiens à cet égard, ou qu'il voulût les croire? C'était donc des païens qu'il avait appris qu'Adrien avait fait construire ces temples pour le Christ, mais que les prêtres l'avaient détourné de ce projet, dans la crainte que s'il y donnait suite, le christianisme ne s'en accrût au détriment du paganisme : ce sont nos adversaires qui le disent, il faut bien les croire. Casaubon se trompe encore quand il dit qu'Adrien fit construire des temples dans toutes les villes de l'empire, sans doute pour les consacrer en son honneur, et qu'il invoque le témoignage de Spartianus (Adrien, ch. 13). Car Spartianus dit qu'Adrien consacra en effet les temples qui portaient son nom; il ne dit pas que c'était une consécration qui restait à faire. Ainsi les temples qu'il avait voulu faire construire en son honneur, il les avait achevés et les avait ornés de statues, et les avait dédiés à sa personne. Quant à ceux qu'il destinait au Christ, il avait ordonné qu'ils fussent sans statues, et, sur l'avis des prêtres païens, il les laissa inachevés, comme, par exemple, celui de Tibériade et celui d'Alexandrie à qui les Juifs donnèrent une destination profane, au rapport d'Epiphane(Ebion. Hæres.XXX, cap. 12). Dans la suite ils furent rendus aux chrétiens, l'un par l'entremise du comte Josèphe, l'autre par l'influence de S. Athanase. Toutefois on peut dire qu'Adrien avait voulu destiner ces temples au Christ, mais qu'il renonça à ce projet, et que ces temples destinés au Christ ne recurent pas la consécration: ainsi il ne faut pas trop cher

« PrécédentContinuer »