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Copyright 1921

by Max Leclerc and H. Bourrelier, proprietors of Librairie Armand Colin

AVERTISSEMENT

Rom

6-26-23

P. Vidal de La Blache, mort subitement le 5 avril 1918, en pleine vigueur intellectuelle, n'a malheureusement pu mettre la dernière main à l'ouvrage que nous présentons au public. On a pensé cependant qu'il eût été vraiment dommage d'envier aux géographes le bénéfice des efforts qu'il avait faits pendant de longues années pour éclairer et préciser les principes de la géographie humaine.

Le plan d'ensemble du livre nous était connu par des conversations avec l'auteur et par une note remise, dès 1905, à l'éditeur Max Leclerc. Les pages manuscrites que nous avons trouvées n'en représentaient pas la réalisation complète. La première partie, consacrée à la répartition des hommes, était la plus achevée. Un certain nombre de chapitres en avaient même été publiés dans les Annales de Géographie 1. La deuxième et la troisième parties, restées entièrement manuscrites, n'offraient, en dehors de deux ou trois chapitres définitivement rédigés, que des dossiers considérables de notes et de brouillons. Pour tirer parti de ces dossiers, il a fallu procéder à un travail

1. La répartition des hommes sur le globe (premier article), A. d. G., xxvi, 1917, p. 81-93, forme le Chapitre I: Vue d'ensemble. La répartition des hommes sur le globe (second article), Ibidem, p. 241-254, forme le Chapitre II: Formation de densité. Les grandes agglomérations humaines (premier article), Afrique et Asie, Ibidem, p. 401-422, forme le Chapitre III: Les grandes agglomérations humaines, Afrique et Asie. - Les grandes agglomérations humaines (deuxième article), Europe, Remarques Générales, A. d. G., xxvII, 1918, p. 92-101, forme le Chapitre IV: L'agglomération européenne. Les grandes agglomérations humaines (troisième article): Régions méditerranéennes, Ibidem, p. 174-187, forme le Chapitre V: Régions méditerranéennes.

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de patience, rapprochant les fragments qui semblaient destinés à se suivre, éliminant les pages qui faisaient double emploi, combinant souvent plusieurs rédactions différentes sur le même sujet repris à plusieurs années d'intervalle, utilisant comme guide des indications sommaires sur l'enchaînement des idées jetées au verso ou au coin d'une page. On s'est rigoureusement interdit tout raccord, qui eût risqué de détonner avec le style si personnel de l'auteur; on s'est borné à choisir entre des variantes souvent enchevêtrées d'une façon déconcertante, et à corriger les imperfections évidentes que l'auteur eût effacées en recopiant son manuscrit. Au cours de ce travail délicat, nous avons été soutenu par le plaisir de voir se dégager souvent, de la page manuscrite la plus difficile à débrouiller, les idées les plus originales et les plus fécondes. Si nous ne nous faisons pas illusion, la plupart des chapitres se présentent comme un tout homogène. Bien peu sont évidemment incomplets.

Un chapitre, au moins, manque, dans la première partie, sur l'Agglomération américaine. Dans la troisième, l'auteur aurait certainement traité longuement des villes. Nous n'avons pu dégager sur ce sujet que quelques pages, sorte d'introduction ou de sommaire. Ces pages ont été données comme fragments, à la fin de l'ouvrage, avec divers développements dont il a été impossible, malgré toutes les recherches, de trouver la place dans les chapitres à peu près complets.

De même qu'on s'est interdit tout raccord dans le texte, on a renoncé à réaliser ou achever les figures, assez nombreuses, dont l'auteur n'avait fait qu'indiquer l'idée, ou commencer la préparation. L'illustration est certainement plus pauvre que ne l'aurait sans doute voulue Vidal de La Blache. Du moins avons-nous pu reproduire les quatre grands planisphères qu'il avait lui-même étudiés dans les derniers détails.

En somme, rien d'essentiel ne manque. On reconnaît l'œuvre du Maître, riche de vie et de pensée.

Ce qui nous a paru le plus nouveau dans ces pages, comparées aux plus réputées qui aient été publiées sur l'Anthropogéo

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graphie, ou Géographie humaine, c'est moins l'étonnante érudition, la multitude des exemples empruntés aux pays les plus variés, que la manière dont le point de vue historique pénètre, domine, inspire l'examen, le classement, l'explication de tous les faits. Je ne crois pas que personne ait montré au même degré la préoccupation d'envisager les phénomènes de Géographie humaine actuels, comme des stades dans une longue évolution. Vidal de La Blache les voit à la fois dans le passé et dans le futur. Et son regard va jusqu'au passé le plus lointain. Ce n'est pas seulement à l'histoire proprement dite qu'il a constamment recours; il remonte jusqu'à la préhistoire; il se penche attentivement sur ces peuples primitifs qui sont comme des témoins de temps révolus depuis longtemps pour nous; et, dans leur civilisation qui nous semble rudimentaire, il voit tout ce qu'il y a de progrès par rapport aux premiers âges de l'humanité. L'homme lui-même ne cesse pas d'être considéré comme le terme d'une évolution de certaines espèces vivantes, dégagé, au prix d'efforts prolongés, de sa gangue d'animalité. La manière d'expliquer, de commenter les phénomènes les plus ordinaires qui forment la trame de notre vie : habitation et cohabitation, moyens de nourriture, de transport, d'échange, donne l'impression d'un esprit qui a réussi à se placer, en quelque sorte, en dehors de l'humanité, pour juger et apprécier ses œuvres.

Ces préoccupations historiques élevées n'empêchent pas le point de vue géographique de dominer l'étude de toutes les questions. C'est toujours à la localisation de types, à la constatation de rapports locaux qu'aboutissent les analyses.

Les géographes aussi bien que les historiens et les sociologues liront et reliront avec profit ces pages, où Vidal de La Blache a mis le plus pur de sa pensée, fruit de toute une vie d'études et de méditations, qui se concentraient de plus en plus sur la géographie humaine.

EMMANUEL DE MARTONNE.

Octobre 1921.

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