On n'a que des foupçons, qui feront diffipez Ma foi, l'intention eft très-bonne, fans doute t Il ne manque jamais une Piéce nouvelle. L'AUTEUR. -Oh! je ne doute pas qu'il ne vienne aujourd'hui. Attend ce qu'il dira pour se déterminer, Sa Sentence, je crois, n'eft pas toûjours mortelle. L'AUTEUR. Mais il eft clef de meute; on le fuit au hazard; Et malheur aux Auteurs; du moins à la plupart Il eft, & fut toujours en butte: Cet in homme excellent pour hâter une chute. Le beau talent! L'AMI. L'AUTEUR. Auffi l'a-t'il, jufqu'à ce jour, Exercé, fans quartier, fur les Piéces qu'on donne. L' A M I. Il est bien attrappé, quand une Piéce eft bonne. L'AUTEUR. Un Auteur qui fait bien, lui joue un mauvais tour. Pourquoi donc ? L'AM I. L'AUTEUR. Ah pourquoi? Quand une Comédie Eft, par malheur pour lui, justement applaudie, Que diable voulez-vous qu'il en dise ? Eh, ne voyez-vous pas qu'il iroit trop du fien ? Il croiroit déroger, en donnant fon fuffrage. L'AMI. Déroger! Et comment ? L'AUTEUR. En loüant un Ouvrage. L'AMI. Mais il faut être fou pour le l'imaginer. L'AUTEUR. En matiére d'efprit, on ne veut point de Maître. Sur les gens du métier on aime à dominer. On s'érige en Juge, on veut l'être. On fe met au deffous de ceux qu'on applaudit: Au licu, qu'en fe rendant difficile & cauftique, On fe met au deffus de ceux que l'on critique. Outre que l'amour propre y fait mieux fon profit, Le rôle de Cenfeur a bien plus de refsource. La louange eft fi feche, elle produit fi peu ! Mais la Critique abonde ; elle coule de fource, Anime le Génie, & lui donne du jeu ; Le rend vif, petillant, ironique, fertile ; Le fournit de bons mots qui, trottant par la Ville, Font citer leur Auteur, & penfer comme lui. On ne brille jamais mieux qu'aux dépens d'autrui. L'A M I. Cela pourroit bien être. L'AUTEUR. Ah! Vous pouvez m'en croire, Ma foi, ferviteur à la gloires Sans être cependant aveugle admirateur, teur Qui me régaleroit d'un excellent Ouvrage. |