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que, les retint prisonniers, et ne les relacha qu'après avoir reçu les 700 esclaves qu'il désirait. Cette insigne mauvaise foi servit, plus tard, de prétexte à la Porte pour le déposer.

XXXIII. Arslan, fils de DewletGhéraï, fut tiré de l'exil pour monter sur le trône en 1748. La Crimée compte peu d'aussi bons souverains. Son gouvernement peut être cité comme un modèle de sagesse et de fermeté. Au dehors i repoussa les ennemis, au dedans il contint les factieux; il aida le sultan, son seigneur suzerain, de ses trésors et de ses soldats; mais ayant voulu y joindre quelques salutaires avis sur la conduite de la Porte à l'égard de ses amis et de ses ennemis, cette liberté fut prise en mauvaise part, et sa déposition ne se fit pas long-temps attendre (12 août 1755). XXXIV. Alym-Ghéraï, cousin et lieutenant du précédent, fut appelé à lui succéder. Son passage au pouvoir est signalé par une révolte des Nogais. Ces Tatares belliqueux et nomades étaient ordinairement commandés par un prince de la maison de Ghéraï, élu par eux et confirmé par le khan. Les rébellions n'étaient pas rares parmi eux; mais, cette fois, leur levée de boucliers avait un caractère plus sérieux, puisqu'elle avait lieu à l'instigation de leur général, CrymGhéraï, ambitieux qui convoitait le

trône.

XXXV. Alym ayant été déposé le 21 octobre 1758, la Porte rappela, pour lui succéder, Arslan, qui languissait dans l'exil à Chios; mais, dans l'intervalle qui s'écoula entre son rappel et son arrivée aux Dardanelles, les Tatares élurent Crym-Ghéraï. Arslan partit aussitôt pour la Romélie. Crym était un politique habile, un brave guerrier, un bon tacticien; il avait, dit le baron de Tott, des connaissances en géographie, en astronomie, en musique et en chimie. Doué de toutes les qualités qui peuvent faire aimer un souverain, il ne sut que se faire hair; mais les circonstances, il faut en convenir, eurent une fâcheuse influence sur les relations de ce prince

avec ses sujets. Son règne fut trouble par deux grands fléaux qui fondirent presque simultanément sur ses états, les Cosaques et la peste. Enfin, après six années de guerres, de travaux, de désastres de toute nature, il fut déposé (6 octobre 1764). Le motif allégué en cette circonstance fut qu'il s'était allié aux Prussiens sans l'aveu de la Porte.

XXXVI. La politique d'Azymet Ghéraï, son successeur, le rapprocha des Russes, qui étaient devenus alors trop redoutables pour ne pas être ménagés. Il fut déposé au mois de mars 1767. Arslan, rappelé pour la troisième fois, mourut peu de mois après.

XXXVII. Maksoud-Ghéraiï ne connut que les dégoûts de la royauté. Trois puissances qu'il lui fallait épargner, la Russie, la Pologne et la Turquie, avaient alors entre elles de vives discussions. Enfin, en 1768, la Porte ayant définitivement déclaré la guerre à la Russie, le Grand-Seigneur sacrifia Maksoud à la politique; il le déposa pour rappeler Crym-Ghéraï, qui reçut en même temps le commandement d'une armée formidable, composée de cent vingt mille Turcs et de cinquante mille Tatares. Crym ne justifia pas l'espoir que la Porte avait mis en lui; il fut battu complétement. Au mois de février 1770, ce monarque fut empoisonné par un médecin grec.

XXXVIII. Sélym-Ghéraï III eut un règne aussi court que malheureux. Il n'arriva au trône que pour voir les Russes s'emparer de la presque totalité de la Crimée. Il fut déposé l'année même de son avénement au trône, et courut chercher un refuge sur le territoire de ses ennemis. Ceux-ci, ne jugeant pas que le moment fût venu de réaliser leurs desseins ambitieux voulurent cependant faire un pas de plus vers la domination de cette contrée en s'arrogeant la prérogative d'y nommer les khans. On vit, en conséquence, pour la première fois (1771), la Russie, usant de son droit de conquête, appeler au trône de Crimée un prince de la famille Ghéraï; elle jeta les yeux, à cet effet, sur le jeune

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Saheb, après s'être assurée prudemment de l'assentiment des Tatares.

XXXIX. Cette élection ne pouvait manquer d'être contestée par la Turquie. Cette puissance refusa l'investiture à Saheb. Backty, fils de Crym, et Maksoud, l'avant-dernier khan, briguèrent alors le trône vacant. Chacun d'eux avait des droits à faire valoir, des intrigues à mettre en jeu, des partisans à pousser en avant. Maksoud l'emporta sur son compétiteur; mais les Russes, maîtres de la majeure partie de la Crimée et de toute l'île de Taman, influencèrent si bien les Tatares, que ceux-ci refusèrent même de le recevoir. Ils confirmèrent l'élection de Sahed, lui donnant pour lieutenant (kalgah) son frère Chahyn. C'est ce dernier qui aura la triste célébrité d'être le dernier khan, et qui livra son pays à la Russie.

La Porte ne se contentait pas du droit d'investiture que lui concédait sa rivale; elle voulait conserver celui de nomination, et, s'obstinant à repousser le protégé des Russes, elle nomma un nouveau khan, Dewlet - Ghéraï. Mais les événements de la guerre déconcertèrent son opiniâtreté. Un traité de paix fut signé à Kulcuik-Kénardjy, au mois d'août 1774. Par ce traité, la Porte cède à la Russie Kertch, Jenikalé et Kilbornou; elle lui abandonne le droit de naviguer dans toutes les eaux de la domination othomane; accorde aux Tatares leur indépendance nationale et la liberté de se choisir un khan parmi les descendants de Tchinghis, le Grand-Seigneur se réservant toutefois la suprématie spirituelle et le droit d'investiture; enfin, elle consent à reconnaître l'élection de Saheb. Lorsqu'elle envoya à ce prince les attributs de l'investiture, elle en excepta le sabre, ce qui indiquait, dans le langage symbolique de l'Orient, une réserve, une sorte de protestation contre l'indépendance absolue du nouveau khan.

Au commencement de l'année 1775, une révolution subite éclate dans Baghtchi-Séraï; Saheb s'enfuit précipitamment et se jette dans les bras de la Turquie. Le Grand-Seigneur lui

assigne une pension de trois mille piastres, et l'envoie résider à Rodosto, dans la Romélie.

XL. Dewlet-Ghéraï III fut nommé en remplacement de Saheb; mais l'ambitieux Chahyn, frère et lieutenant de ce dernier, soulève les Nogais du Kouban et s'avance à la tête d'une armée de quarante mille Tatares, Nogaïs et Circassiens, dans l'intention de revendiquer le trône pour son propre compte. Dewlet rassemble ses forces, passe dans l'ile Taman et vient présenter la bataille à ce rebelle. Ici, il est curieux d'observer l'attitude de la Porte et celle de la Russie ces deux puissances, alors ennemies ir réconciliables, désiraient également un prétexte pour violer le traité de Kénardjy, mais, par un reste de pudeur politique, aucune ne voulait prendre l'initiative. La Russie, en conséquence, fit passer, en sous main, des secours de toute nature à Chahyn, tandis que la Turquie en faisait autant à l'égard de Dewlet. Ce dernier venait d'être abandonné par les myrza, ou nobles, qui s'étaient déclarés ouvertement en faveur de son rival. La victoire seule pouvait le tirer de ce mauvais pas, mais le sort des armes lui fut contraire. Vaincu au mois de novembre 1776, dans une affaire générale, il rentra précipitamment dans ses états, suivi des débris de son armée. Les Russes, à cette nouvelle, jugèrent inutile de dissimuler plus long-temps, et, se déclarant ouvertement les protecteurs de Chahyn, ils s'emparent de Pérécop et envahissent de nouveau la péninsule. De son côté, Chahyn passe le détroit, marche sur Caffa, d'où il se dirige sur BaghtchiSéraï. En vain Dewlet veut lutter contre cette double invasion; l'orage l'enveloppe de tous côtés, et le force bientôt à céder. Il se retire alors à Constantinople, abandonnant à son rival ce trône chancelant, qui ne subsiste plus que sous le bon plaisir des Russes (11 mai 1777).

XLI. Chabyn, dernier khan. A peine installé, ce prince entra dans la voie périlleuse des réformes, et tenta

de civiliser son peuple. Il soumit les troupes à une nouvelle organisation, leur assigna une solde régulière, leur donna des myrza (nobles) pour officiers; il organisa un corps d'artillerie, et songea même à établir une manufacture d'armes; il diminua les redevances que les myrza percevaient sur les cultivateurs, et prit d'autres mesures portant également l'empreinte de la sagesse et du génie; mais, malheureusement, il s'adressait à un peuple que sa religion et ses habitudes rendaient ennemi de toute innovation. Au mécontentement des Tatares, premier obstacle que rencontra Chahyn, se joignit bientôt le manque d'argent. Il n'y avait plus moyen d'en emprunter à la Turquie; la Russie n'offrait que des soldats, et la Crimée était épuisée. Chabyn fit battre monnaie à un titre dont la gravité des circonstances pouvait seule excuser l'imposture, mais cette ressource précaire ne put le tirer d'embarras. La Porte intriguait sourdement pour exciter les Tatares à la révolte, et ceux-ci ne tardèrent pas à répondre à son appel. Chahyn ne put que se jeter entièrement dans les bras de la Russie. Cette puissance, heureuse de trouver sitôt une occasion qu'elle n'avait pas osé espérer encore, fit entrer des troupes en Crimée, sous prétexte de secourir le khan. La Turquie, à cette nouvelle, s'écria qu'il y avait violation des traités, et elle envoya dans la péninsule un corps d'armée qui se cantonna aux environs de Guslevé, petit bourg tatare, situé non loin de l'antique Cherson. On en vint bientôt aux mains; les Russes éprouvèrent d'abord quel ques échecs; Chahyn reçut deux graves blessures et fut forcé de se retirer au quartier-général de ses protecteurs, tandis qu'un nommé Sélym, son compétiteur, s'avançait vers Ackmetched. Les Russes prirent bientôt leur revanche huit mille d'entre eux, sous le commandement de Chahyn, battirent complétement l'armée turcotatare et contraignirent Sélym à s'embarquer en toute hâte. Chahyn n'était plus, à cette époque, qu'un fantôme

de souverain; la Russie gouvernait de fait dans les plaines de la Tauride, comme dans celles de Kazan. La politique de cette puissance lui suggéra, vers ce temps-là, une mesure atroce, qu'elle a quelquefois renouvelée depuis, mue par le désir de peupler les solitudes de ses vastes possessions. Les Nogais venaient d'abandonner un canton dans le voisinage d'Azow; les Russes y transportèrent de force les familles grecques et arméniennes qui, depuis plusieurs années, s'étaient établies en Crimée. Le nombre des émigrés s'éleva, dit un grave historien anglais, à 75,000 individus de tout âge et de tout sexe. Tous ces malheureux périrent de froid, de faim et de nostalgie (*). La Crimée, qui jadis avait pu mettre sur pied des armées de quarante mille combattants, ne possédait plus qu'une population de cinquante mille ames; mais on y transporta plusieurs familles russes en remplacement des émigrés d'Azow. Les revenus du khan peuvent être évalués, pour cette époque, à environ trois millions de francs.

Enfin, le cabinet de Versailles intervint entre les parties belligérantes, et grace à son intervention, une nouvelle paix fut signée à Aïnahly-Gavack, près Constantinople, le 21 mai 1779. Les Russes s'engagèrent à évacuer la Crimée et abandonnèrent au Grand-Seigneur le droit illusoire d'investiture et de suzeraineté spirituelle sur les khans de Crimée.

Un an s'était à peine écoulé depuis les ratifications de ce dernier traité, que les Turcs cherchèrent de nouveau à soulever les Nogaïs, et trouvèrent de puissants auxiliaires dans la famille même du khan, dont les deux frères, Béhader-Ghéraï et Arslan-Backty, se mirent à la tête des révoltés. Cette levée de boucliers fut comprimée, il est vrai, mais elle le fut par l'intervention des baionnettes russes. Alors, le malheureux Chahyn, triste jouet de la politique et du fanatisme, abreuvé de dégoûts de toute nature, n'ayant

(*) Eton's survey of the turkish empire.

que du mépris pour les Turcs, de la haine pour les Russes, de la pitié pour ses compatriotes, trop éclairé pour ne pas voir sa véritable position, assez sage pour en connaître les remèdes, mais inhabile à les appliquer, se résigna aux décrets de la Providence. Trois fois il prosterna son front dans la poussière, trois fois il se meurtrit le sein; puis ayant ainsi payé à l'humanité le tribut qu'elle réclamait, il prit noblement son parti et abdiqua franchement et sans restriction pour lui et sa postérité.

LA CRIMÉE DEPUIS SA RÉUNION A L'EMPIRE russe. - La population de la presqu'île se compose, ainsi que nous l'avons dit, d'éléments hétérogènes; mais la nation des prétendus Tatares prend seule ici une physionomie locale.

La religion des Tatares est un mahométisme mêlé de pratiques superstitieuses et souvent même d'idolâtrie. Il y a parmi eux des nobles et des serfs. Ces derniers n'ont à donner à leur maître que deux jours de la semaine; les montagnards sont traités, pour la plupart, comme les paysans de la couronne. Ils placent de préference leurs cabanes dans la partie la plus sombre et la plus touffue des bois; c'est là qu'ils aiment à accueillir un étranger et à lui prodiguer les soins de l'hospitalité, avec une franchise et une cordialité que l'on chercherait vainement chez les Grecs du même pays. Dans les maisons des riches on présente au nouveau venu une longue pipe à tube de cerisier, terminée par un morceau d'ambre ou d'ivoire; puis, on lui offre le miel, si exquis dans toute la Crimée, les fruits de la saison et le lait caillé.

Les Tatares mangent avec leurs doigts; mais ils n'omettent jamais de se laver les mains avant et après le repas. Les murs de leurs salles à manger sont garnis de serviettes d'une grande propreté, ornées même de dentelles. Les femmes ont un appartement, et quelquefois une maison à part. L'ameublement de ces demeures est d'une grande simplicité : un sopha

pour les dieux pénates, un tapis ou des nattes pour les maîtres de la maison, une petite table à peine élevée d'un pied et quelques vases en bois. L'habillement de ce peuple offre un mélange du costume des Arméniens et de celui des Turcs (voy. pl. 8).

C'est assez généralement auprès de Baghtchi-Séraï qu'on rencontre des troupes de Bohémiens, malheureux cosmopolites qui, aux extrémités de l'Asie, comme à celles de l'Europe, ne vivent que du tribut précaire que leur paie la crédulité du peuple.

Les Grecs et les Tatares avaient bâti ou agrandi plusieurs villes, mais les Russes recommencèrent l'œuvre de destruction des Huns et des Mongols. Ils achevèrent de renverser les ruines de Cherson pour y chercher les matériaux nécessaires à la construction de Sébastopol, qu'ils élevèrent auprès d'un ancien village tatare, nomme Aktiar, dans la péninsule héracléotique.

Sébastopol est une petite ville bâtie en amphithéâtre, sur la déclivité d'une colline. Ses murs de pierres et de briques, entremêlés de tronçons de colonnes, de chapiteaux et d'inscriptions lapidaires, nobles débris de l'antique Cherson, se réfléchissent dans les eaux d'une baie que l'on considère à juste titre comme l'une des plus belles du monde; c'est la station ordinaire de la flotte impériale de la mer Noire. Douze ou quinze vaisseaux de ligne et un nombre proportionné de bâtiments légers assurent à la Russie la domination du Pont-Euxin (voy. pl. 2).

Il existe à Sébastopol des chantiers de radoub, mais il n'y en a aucun pour la construction; l'entrée du port est interdite aux navires du commerce. La population étrangère à la marine n'excède pas 2000 habitants; ce sont pour la plupart des Grecs marchands. Leurs femmes sont d'une beauté remarquable.

La baie de Sébastopol est infestée par des myriades de vers de mer phosphorescents ( teredo navalis ou calamitas navium de Linné), qui s'at

tachent aux navires et les mettent en peu d'années hors d'état de servir. On ne peut préserver un bâtiment des ravages de ces dangereux animaux qu'en le renversant sur le flanc pour lui faire subir l'opération du feu, tous les deux ou trois ans. Cette rade est le Cténos de Strabon. Il l'a décrite avec une admirable précision on retrouve aisément dans les trois baies qui touchent à celle de la quarantaine, les trois ports qu'il a mentionnés.

En suivant le littoral on aperçoit le cap Parthenium, qui se termine par un précipice d'une grande hauteur; au-delà, un golfe entouré de rochers escarpés et sauvages, au milieu desquels s'élève le monastère SaintGeorge, jadis opulent, aujourd'hui habité seulement par quelques pauvres moines désœuvrés, qui méditent sur les tempêtes de la vie, en voyant les flots écumer et bondir au pied de ce tranquille séjour. Le promontoire sacré, Ajabouroun, se trouve entre le monastère Saint-George et l'ancien port des Symboles, aujourd'hui Balaclava, ville remarquable par ses rues pavées en marbres rouge et blanc.

A trente verstes à l'est de Sébastopol, et à l'embouchure de la petite rivière Ouzen, on découvre Inkerman, la ville des Cavernes. C'est une montagne dont la déclivité est toute percée de grottes que l'on suppose avoir été creusées dans le IVe siècle de notre ère par les Ariens. Une colonie de ces schismatiques, fuyant la persécution des empereurs byzantins, vint demander l'hospitalité aux habitants de Cherson. Ceux-ci lui permirent de s'établir dans les environs, sans toutefois l'autoriser à y bâtir une ville; les Ariens creusèrent alors les cavernes dont il est ici question. On a retrouvé dans quelques-unes de ces grottes des vestiges d'autel et de figures peintes représentant des saints et des apôtres (voy. pl. 6).

Non loin de là, en se dirigeant vers le sud, on voit le château des Tcherkesses, Tcherkeskerman, qui rappelle l'origine des princes circassiens

de la Kabardah; la forteresse Mangoup, ancienne propriété des Génois, et la belle vallée de Baidar. Au-dessus de Sébastopol, en remontant vers Koslow, on trouve successivement cinq petites rivières, dont deux, la Catcha et le Belbek, entourent une plaine connue sous le nom de Kabardah et de plaine des Tcherkesses.

Ak-Metched, la mosquée blanche, d'origine tatare, sur les bords du Salghir, est la capitale actuelle de la Tauride; les Russes lui ont donné le nom bizarre de Symphéropol, dérivé de Zuucpo, je suis utile. Cette ville n'a rien de curieux qu'un gymnase et une belle église.

Baghtchi-Sérai, l'ancienne résidence des khans, située à 24 verstes d'Ak-Metched, sur la route de Sébastopol, est la ville la plus considérable de la Crimée. Sa population, comme celle de la précédente, se compose de Tatares, de Juifs, d'Arméniens et de Russes. Saccagée et incendiée maintes fois, elle est encore remarquable par ses mosquées aux élégants minarets, ses nombreuses fontaines, ses canaux, ses jardins, ses bains, quelques belles maisons, le palais des khans, et, enfin, par une position des plus pittoresques. On y voit de nombreuses manufactures de maroquins, de tapis de feutre et d'articles de coutellerie.

A quelques verstes seulement de Baghtchi-Seraï se trouve l'intéressante colonie de Caraïtes de Tchoufout-Kalé. Les Caraïtes sont des Juifs dissidents qui rejettent les superstitions et les inepties du Talmud. On en rencontre en Egypte, en Syrie, dans le Caucase, et, enfin, depuis plusieurs siècles, à Caffa, et surtout à Tchoufout-Kalé. Ce village est situé sur le sommet d'une montagne en apparence inaccessible; les maisons y sont bâties sur les flancs des sommités les plus escarpées.

Les Caraïtes se font remarquer par leurs moeurs patriarcales, leur douceur et leur probité: Tchoufout est pourtant un terme injurieux qui leur fut donné par les Génois; les Tatares le conserverent sans le comprendre, et y joignirent la terminaison kaleh,

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