Images de page
PDF
ePub

Lemaitre dirend

MOSCOU.

MOSCOU

Place de Krasnoi et Porte de PVladimir.

Plaza de Krasnoi y Puerta de San Vladimir.

[merged small][graphic]

« C'est en élevant bien vos enfants, en leur inculquant des principes de religion et de fidélité à leur souverain, que vous pouvez rester dans le bon chemin.

« Et, au milieu de tous ces troubles qui agitent l'Europe, et de toutes ces doctrines qui ébranlent l'édifice social, il n'y a que la Russie qui reste forte et intacte. Croyez-moi, messieurs, c'est un vrai bonheur d'appartenir à ce pays et de jouir de sa protection. Si vous vous conduisez bien, si vous remplissez tous vos devoirs, ma sollicitude paternelle s'étendra sur vous tous, et, malgré tout ce qui s'est passé, mon gouvernement pensera toujours à votre bien-être.

« Rappelez-vous bien ce que je vous ai dit. »

Ce discours, répété par le journal des Débats avec des commentaires d'une énergie insolite, produisit si peu d'effet sur le cabinet de Pétersbourg, que l'article de l'organe officiel français fut textuellement inséré dans les feuilles russes.

Depuis le changement qui eut lieu dans les ambassades, et à la suite duquel M. Pozzo-di-Borgo fut nommé ministre russe à Londres, le cabinet de Pétersbourg sembla adopter une marche plus directement conforme à ses vues, c'est-à-dire, plus hostile aux intérêts bien compris de l'Europe constitutionnelle. Les rapports de cet habile diplomate sur les embarras de la Grande-Bretagne paraissent avoir décidé le gouvernement russe à mettre à l'épreuve les dispositions pacifiques de la puissance maritime la plus jalouse de ses droits commerciaux: nous voulons parler de la confiscation du navire anglais le Vixen. Le manifeste suivant, publié dans le journal de SaintPétersbourg, au commencement de janvier 1836, explique et motive cette

mesure.

« Les journaux anglais ont annoncé le 1er janvier que le brick Vixen avait été expédié de Constantinople par quelques armateurs de Londres, dans le but hautement avoué de porter sur les côtes de Circassie une cargaison com

posée en majeure partie de poudre à canon. Ces mêmes feuilles ont ajouté que cet article étant prohibé par le tarif russe, l'expédition du Vixen avait été spécialement entreprise afin de braver la surveillance et d'enfreindre les mesures de répression que la croisière russe est chargée de diriger dans ces parages contre tout trafic illicite et clandestin.

« Au moment même où le but de cette coupable tentative nous était ainsi ouvertement annoncé par la voie des feuilles publiques, un rapport de l'amirauté de la mer Noire a instruit le gouvernement impérial que le schooner Vixen avait paru en effet sur les côtes de la Circassie, qu'il avait été capturé par notre croisière, et conduit dans le port de Sébastopol.

« Voici les circonstances qui ont accompagné cet incident:

Le 24 novembre au soir, le Vixen a été signalé sur la côte de Circassie, en vue de Gélengik. Le brick de la marine impériale l'Ajax, capitainelieutenant Woulf, ayant reçu du commandant de la station l'ordre de suivre les mouvements de ce navire, l'a atteint dans la journée du 26. Il l'a trouvé à l'ancre au fond de la baie de SoudjoukKalé, sur un point de la côte où il n'y a ni douane ni quarantaine. Une partie de l'équipage se trouvait à terre, et cherchait, a force de rames, à regagner le navire au moment où l'Ajax vint le surprendre et l'atteindre.

<< Interrogés sur le but de leur destination, le capitaine du navire, Thomas Childs, et le propriétaire de la cargaison, George Bell, n'hésitèrent point à déclarer qu'ils étaient venus dans l'intention de trafiquer avec les habitants de la côte, le chargement se composant de sel, article dont notre commerce défend expressément l'importation dans tous les ports de la mer Noire et de la mer d'Azof.

« L'aveu était positif, le délit de contrebande avéré, et l'infraction de nos règlements sanitaires flagrante.

Sous le poids de cette double conviction, le Vixen a été immédiatement arrêté, et conduit, le 27 novembre, à

Célengik, où il est arrivé le lendemain 28.

[ocr errors]

Là, le contre-amiral Esmant, commandant notre station, a établi sur-lechamp une commission d'enquête, chargée de procéder formellement à l'interrogatoire de l'équipage et à l'examen de toutes les circonstances qui avaient amené la capture du bâtiment. « Il résulte de l'enquête :

« Que le schooner Vixen, capitaine Thomas Childs, etc., etc., a été frété par la maison Bell, etc., etc., à Boukharest, pour être employé par elle à Constantinople, dans le Danube, dans les ports de la mer Noire, de la mer d'Azof ou de Marmara, et qu'en vertu de ce contrat, le Vixen a été mis à la disposition de Bell, lequel a fait prendre au bâtiment, à Constantinople, un chargement de sel;

[ocr errors][merged small][ocr errors]

Que le navire est resté dans ce dernier endroit pendant trente-six heures à l'ancre, avant d'avoir été joint par l'Ajax;

[ocr errors]

Que, durant cet intervalle, le sieur Bell s'est mis en rapport avec les habitants de la côte, dans le but avoué de trafiquer avec eux;

.... Qu'il existe un fait qui, dans la conjoncture actuelle, acquiert le caractère d'une présomption très-grave: c'est que sur quatre canons dont l'armement du navire devait se composer, ainsi que ses documents l'attestent, il ne s'en est trouvé à bord que deux... Ces considérations réunies ont été jugées décisives par la commission; elle a reconnu que le Fixen et la cargaison devaient être soumis à la confiscation.

« D'après cet arrêté, ledit bâtiment a été conduit à Sébastopol, où il est arrivé le 29 novembre (11 décembre).

« Toutes ces circonstances ayant été portées à la connaissance du gouvernement impérial, il vient de transmettre à l'amirauté de la mer Noire l'ordre de confisquer le schooner le Tixen et sa cargaison, et de les déclarer de bonne prise.

« Quant à l'équipage de ce bâtiment, bien qu'il ait encouru, d'après les lois sanitaires établies dans tous les pays de l'Europe, les peines les plus graves, Sa Majesté l'empereur a daigné prendre en considération les eirconstances atténuantes qui tendent à établir que le capitaine Childs a été, dès l'origine, étranger à une entreprise dont la responsabilité et la honte ne doivent retomber que sur les armateurs qui l'ont tentée. En conséquence, l'empereur a donné ordre de suspendre toute poursuite ultérieure contre le capitaine Childs, et de le mettre en liberté, ainsi que les gens de l'équipage. De plus, ayant appris par les rapports de l'amirauté que ces individus se trouvaient dans un complet dénûment, Sa Majesté a chargé le gouverneur général de la Nouvelle-Russie, comte Voronzof, de leur fournir les moyens de retourner à Constantinople...

« Le gouvernement impérial croit devoir donner la plus grande publicité à cet acte de sévérité et de justice, pour prévenir désormais le renouvellement d'une tentative que proscrit la législation de tous les pays.

«Afin d'éclairer complétement l'opinion du public, il importe de rappeler encore ici les circonstances suivantes :

« Le littoral de la mer Noire, depuis l'embouchure du Kouban jusqu'au port Saint-Nicolas inclusivement, avant été placé sous la domination de l'empire russe, en vertu de l'article 4 du traité d'Andrinople, une des premières mesures arrêtées par le gouvernement impérial a été de fonder des établissements de douane et de quarantaine dans les ports d'Anapa et de RedoutKalé. L'un et l'autre ont été ouverts dès lors au commerce régulier de toutes les nations, à l'exclusion expresse des autres endroits, baies et havres du littoral, où il n'existe au

cun établissement sanitaire et aucune douane.

«En portant cette disposition à la connaissance du gouvernement ottoman et des représentants de toutes les puissances résidant à Constantinople, la légation impériale a eu ordre de leur annoncer que toute tentative des navigateurs étrangers pour se mettre en communication avec les côtes ci-dessus mentionnées, à l'exception des ports d'Anapa et de Redout-Kalé, serait considérée comme constituant un délit de contrebande, et soumettrait les individus coupables d'un pareil acte à la responsabilité légale qu'entraîne tout trafic illicite et clandestin.

« C'est au mois d'octobre 1831 que la disposition qui vient d'être énoncée a été communiquée tant à la Porte ottomane qu'aux légations étrangères; et c'est depuis cette époque que la croisière établie par le gouvernement impérial sur le littoral de la mer Noire exerce dans ces parages la surveillance dont elle est légalement investie.

[ocr errors]

Malgré ces mesures formellement annoncées, des navires étrangers ont essayé, dans le courant des années 1834 et 1835, d'entretenir avec les habitants de la côte des relations clandestines. Elles ont mis le commandant de notre croisière dans la nécessité de redoubler dès lors de surveillance et de rigueur.

« M. de Bouténief a été appelé de son côté à renouveler auprès des légations étrangères à Constantinople les communications qu'il leur avait faites en 1831. En conséquence, il leur a adressé la circulaire que nous venons de rapporter.

[ocr errors]

Par cette note, le ministre russe a invité tous les représentants étrangers à vouloir bien faire parvenir les avertissements nécessaires aux bâtiments naviguant sous le pavillon de leur gouvernement dans les parages précités de la mer Noire, afin de prévenir les conséquences qui pourraient résulter d'une contravention aux règlements établis contre le commerce de contrebande.

« Cette circulaire porte la date du

a

13 septembre 1836; et c'est en dépit des avertissements réitérés dont nous venons de rappeler la teneur, que le Vixen, ainsi que le Morning-Chronicle l'annonce, a été expédié de Constantinople dans le but avoué de braver et d'enfreindre nos règlements.

[ocr errors]

Le simple exposé des faits suffira pour placer dans son vrai jour la conduite des armateurs anglais, qui, méconnaissant le respect qu'ils devaient au pavillon national, n'ont point hésité à en abuser pour protéger un honteux trafic, ou pour couvrir de perfides desseins, que le jugement impartial de tous les hommes bien pensants ne saurait manquer de condamner et de flétrir.

« La publicité que le gouvernement impérial a cru devoir donner aux détails de cette affaire servira en même temps à faire connaître la légalité, aussi bien que la rigueur des mesures adoptées par la Russie pour faire respecter ses règlements, et les mettre désormais à l'abri de toute nouvelle atteinte. »>

Les conséquences de ce manifeste sont rigoureusement justes, si l'on admet le principe d'où elles découlent; c'est-à-dire, la possession par la Russie du littoral circassien, en vertu de l'article 4 du traité d'Andrinople. Dans tous les cas, le gouvernement britannique a manqué à sa dignité dans ce différend: s'il reconnaissait le droit exclusif des Russes sur cette côte, il devait faire signifier à son commerce par les voies officielles que le blocus était consenti; s'il avait jugé que la Porte n'avait pas le droit de céder au gouvernement impérial un pays indépendant, et avec qui les Russes traitent journellement de puissance armée à puissance ennemie par l'échange des prisonniers, on ne peut que le blâmer d'avoir reculé devant la demande aussi juste qu'énergique d'une satisfaction éclatante et complète. Il en est résulté que la prépondérance russe s'est affermie dans l'Orient, au grand détriment de l'influence anglaise; et, lorsqu'on voudra recourir à des moyens sérieux, on aura laissé échapper ce point d'op

« PrécédentContinuer »