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avaient successivement accrus, en y accumulant les produits les plus précieux de l'industrie européenne et asiatique. Dans la crainte que quelque dépôt secret n'échappât à leurs perquisitions, les inspecteurs turcs usèrent de toutes les ruses de leur maligne et insatiable cupidité. Ils allaient trouver toutes ces nobles dames détenues dans le palais du patriarche, et ils leur disaient que la vente de leurs propriétés ne suffirait point pour payer la dette du trésor public; que sans doute elles avaient dérobé à leurs recherches d'autres valeurs en argent ou en bijoux; que, dans leur intérêt, ils les priaient d'indiquer exactement les lieux de ces dépôts, afin de sauver leur vie et celle de leurs maris. Ces questions insidieuses arrachèrent beaucoup d'aveux par lesquels l'existence de trésors inestimables fut révélée; car le despotisme des souverains habitue les sujets, en Orient, à enfouir dans les profondeurs de la terre les richesses qu'ils veulent soustraire à son avidité. Auprès des hommes, on mit en œuvre les mêmes supercheries, et avec un succès égal.

Haled, qui cherchait soigneusement tous les moyens de noircir aux yeux du sultan les prévenus, et de multiplier les chefs de leur accusation, trouvait journellement dans l'inventaire de nouveaux sujets de griefs. Un jour, on découvrait dans l'intérieur de quelque maison l'existence d'une chapelle; crime énorme, puisque la loi défend de s'assembler dans les églises qui ne sont pas autorisées et reconnues. Ainsi, l'on parla beaucoup d'un édifice trouvé dans le jardin d'un négociant, et qui, sous l'apparence trompeuse d'un magasin, cachait une riche chapelle. Le lendemain, c'était des gravures ou des tableaux accusés d'obscénité et d'attentat à la morale publique, attendu que l'Alcoran défend la représentation de toute figure humaine. Enfin les papiers de certains prévenus renfermaient une correspondance secrète avec les puissances étrangères et ennemies. Toutes ces accusations, fausses ou puériles, semées parmi le

peuple, l'indisposaient contre les accusés; et, en s'élevant jusqu'à Mahmoud, prenaient un caractère nouveau de gravité. Haled profitait de la préoccupation générale pour se livrer, avec l'impudeur la plus révoltante, à ses rapacités. Dans la liste de l'inventaire il n'inscrivait que ce qui lui convenait, spéculant sur la valeur de chaque objet que lui-même fixait, et détournant à son profit des valeurs considérables. Comme les émissaires d'Haled demandaient avec une insultante ironie à l'un des frères Duzzoglou s'il n'avait point en réserve quelque trésor pour acquitter sa dette, celui-ci leur répondit courageusement, que le prétendu déficit dont on l'accusait près du sultan, serait déjà comblé, si Haled, leur maître, restituait les sommes qu'il lui avait prêtées sur la garantie de sa parole. Haled conçut un tel dépit de cet aveu, qu'il jura d'accélérer la ruine de ces giaours; et, transformant ce reproche en un chef nouveau d'accusation, il alla dire à Mahmoud qu'on osait, sans respect pour son caractère, suspecter son intégrité et le désintéressement de son administration. Ensuite il défia solennellement qui que ce fût de fournir une seule preuve positive contre lui. Un si haut personnage a toujours raison, surtout à Constantinople; et, comme bien l'on pense, personne n'éleva la voix.

A en croire Haled, entre les mains de qui s'arrêtaient des sommes énormes soustraites au premier inventaire, les biens meubles et immeubles de tous les accusés ne pouvaient restituer au sultan le capital qu'il avait déposé chez eux. Les giaours trouvaient mille moyens de détourner une partie de leurs fonds, et il fallait nécessairement les intimider pour les contraindre à rendre gorge. En conséquence, on décrète un firman par lequel on donne le délai de trois jours seulement à quiconque possède ou recèle des effets ou valeurs appartenant aux familles des prévenus, pour venir en faire da déclaration et les déposer chez le patriarche arménien. Le délinquant devait être puni de mort. Aussitôt que

cet ordre fut promulgué, l'épouvante saisit tous les Arméniens de Péra. Les parents et les amis apportaient scrupuleusement chez le patriarche tout ce qui pouvait appartenir aux proscrits. Un tailleur avait-il un cafetan ou des robes commandées par l'une de ces familles, l'horloger réparait-il une montre, tous, croyant leurs jours en danger, s'empressaient de porter ces objets à l'endroit désigné. L'affluence fut telle au palais patriarcal, que, durant trois jours, trois écrivains, uniquement employés à inscrire l'état et la nature des restitutions, ne purent y suffire, et le patriarche demanda un sursis au sultan, qui l'accorda.

Pour tirer le plus d'argent possible de cet immense dépôt d'effets mobiliers de toute espèce, on décida qu'ils seraient vendus à l'encan. Un encan à la turque est un singulier spectacle; il offre le tableau résumé de toutes les injustices et vexations possibles dans un pays où la loi est le caprice du souverain, et où ceux chargés de l'appliquer ne connaissent d'autre règle de conduite que l'intérêt. Haled avait recommandé aux banquiers et aux riches négociants d'entre les chrétiens d'assister à la vente, et surtout de ne pas hésiter d'acheter les objets mis à l'enchère. Aucun d'eux ne manqua à l'invitation, car il y allait de leur tête. Qu'on ne croie pas les assistants libres, comme en Europe, de surenchérir et de n'accepter que ce qui leur convient. Non, ils doivent se tenir muets et impassibles témoins et acteurs de ce drame inique. Un geste d'improbation, un clignement de l'oeil peut les perdre. Malheur à celui qui n'accepte pas de bonne grâce ce que lui adjuge l'huissier-priseur, après sa criée, où il fixe lui seul le prix, spéculant sur la valeur de chaque objet et sur les terreurs de celui à qui il le livre; en ce sens que, s'il ne reçoit pas secrètement quelque don pour adoucir sa mauvaise humeur et le dédommager de sa peine, il peut ruiner le capitaliste le plus riche, en lui décernant le privilége de ses adjudications. L'huis

sier-priseur, dans cette circonstance, était un homme vendu à Haled, et qui lui avait juré d'extraire des chrétiens jusqu'au dernier para (*), pour assouvir sa soif du lucre. Il déploya une habileté étonnante pour élever à un taux excessif les choses d'une mince valeur, sauf les actes de complaisance qu'il faisait, en passant, aux grands seigneurs turcs, et que les raïas payaient en revanche. Il prolongea l'encan au delà de deux mois. Le produit de la vente fut si considérable, qu'il égalait presque à lui seul la somme exigée du sultan. On put solder aux sujets des diverses puissances européennes les créances qu'ils réclamaient; et même l'on se montra si facile à leur égard, que plusieurs en abusèrent, en demandant au delà de ce qui leur était réellement dû. Quant aux raïas, on ne fit aucunement droit à leurs réclamations; et, bien loin de reconnaître leurs créances, tout l'argent qu'ils avaient versé dans ces differentes maisons fut englouti et absorbé dans la confiscation générale. Aussi voit-on encore aujourd'hui, à Constantinople, une multitude de familles réduites au dernier dénûment par suite de cette lamentable catastrophe.

Pendant tout ce temps, les détenus gémissaient au fond de leur cachot; et les frères Duzzoglou, toujours isolés dans les oubliettes du sérail, s'abandonnaient aux sombres pressentiments du désespoir. Excitée par la veille et le jeûne, la pensée du prisonnier acquiert une force inconnue; les chaînes et l'étroite enceinte du cachot, au lieu de comprimer sa liberté, l'activent et quadruplent son énergie. Elle se rit des geôliers, et emporte l'âme au loin dans l'immensité de l'espace, où l'espérance construit mille édifices imaginaires que la crainte renverse soudain. La longueur de la captivité même relevait parfois leur courage, en éloignant les terreurs de l'échafaud. Car, se disaient-ils, si nous devions être

Petite monnaie turque d'une médiocre valeur et usitée ici dans le sens proverbial d'obole.

condamnés à perdre la tête, notre sentence serait déjà prononcée; tout délai est un adoucissement à la sévérité musulmane. Ah! oui, s'écriait Serkis, ce lui des quatre frères dont l'imagination était la plus vive, et qui souffrait le moins patiemment les angoisses de la prison, nous serons exilés sur quelque du terre sauvage et lointaine; mais, moins, nous pourrons encore respirer librement et contempler la douce clarté du jour. Peut-être nous laissera-t-on emmener nos femmes et nos enfants! Alors, serait-ce un sacrifice que d'abandonner à la convoitise des Turcs ces richesses, source de nos infortunes. Non, nous retremperons au moins dans la disgrâce nos âmes amollies par la prospérité. Taisez-vous, Serkis, reprenait un jeune homme, leur cousin, gisant sur la paille dans l'angle du cachot, et perpétuellement enfoncé dans une morne méditation; ne vous livrez pas à vos folles imaginations, vous n'échapperez pas à la vengeance d'Haled, qui ne vous a laissé de vie, jusqu'à cette heure, que pour multiplier vos souffrances, en les prolongeant. Rappelez-vous les deux princes Vahabites que l'année dernière vous vîtes, à pareille époque, traîner sur un cheval maigre à la porte du sérail, pour y être décapités. Le même sort nous attend!

La plupart des prisonniers reprochaient à ce jeune homme ses prédictions sinistres, qu'ils attribuaient à un état de langueur et de mélancolie. Un soir, ayant prolongé plus que de coutume leur entretien, ils ne l'interrompirent que lorsque le sommeil vint fermer leurs paupières et leurs lèvres fatiguées. Ils reposaient tranquillement, et leur âme était sans doute rafraîchie par les illusions du rêve plus attrayantes que les imposantes réalités de la prison, lorsqu'ils furent réveillés en sursaut par le bruit des verrous et les voix des geôliers. C'était le 24 août. Les premières lueurs du crépuscule dissipaient avec peine les ténèbres d'une nuit sombre et humide; et les yeux des prisonniers, effrayés de cette visite inaccoutumée, recon5 Livraison. (ARMÉNIE.)

nurent difficilement le bostandji-bachi.
Ils attendaient silencieusement leur
sentence. Quelle est leur surprise,
lorsque le bostandji-bachi leur dit:
«Réjouissez-vous, mes amis, voici le
terme de vos souffrances; je vous ap-
porte les ordres du sultan. Grégoire
et Serkis, vous serez relégués dans une
île de l'Archipel; et vos deux frères,
Michel et Jean, iront dans l'Asie Mi-
neure. Quant au reste des prison-
niers, le sultan n'a pas encore statué
sur leur sort; ils attendront. Ainsi,
que les quatre frères Duzzoglou me
suivent. »>

A ces mots, les quatre frères, pleins
de joie, se jettent au cou de leurs com-
pagnons, les couvrent de baisers et de
larmes, en disant que la douleur de
les quitter ne sera compensée que par la
nouvelle de la grâce qu'ils obtiendront
certainement, puisqu'eux, les seuls
coupables, ne sont condamnés qu'au
bannissement. Ils sortent donc et s'a-
cheminent à travers les allées du jar-
din. Quand ils ont marché quelques
centaines de pas, le bostandji-bachi
les arrête, en leur disant qu'ils doivent
se séparer, puisque Grégoire et Serkis
n'ont pas la même destination que leurs
deux autres frères. En même temps,
il dit à quelques-uns des gardes de con-
duire au Bosphore Michel et Jean. La
scène touchante des adieux de la pri-
son se renouvelle, et les quatre frères
s'embrassent sans pouvoir se dire une
parole, à cause de leur émotion. Les
gardes les séparent; Grégoire et Ser-
kis prennent la direction de la porte
du sérail. Serkis marchait avec précipi-
tation en avant, sautant et poussant
des cris de joie, sans prendre garde à
la pluie qui, tombant avec abondance,
pénétrait ses vêtements. Ils franchis-
sent rapidement le portail; et, lors-
qu'ils sont en face de l'hôtel des Mon-
naies, où les autres détenus étaient
renfermés, Serkis élève sa voix robuste,
et fait retentir ces paroles : « Courage,
nos frères, nous sommes libres,
l'heure de votre délivrance est pro-
chaine. » Les prisonniers, qui ont re-
connu la voix de Serkis, se précipitent
aux fenêtres pour le voir, mais les

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et

H

gardes les repoussent et les contiennent dans leur prison. Ils prêtent attentivement l'oreille pour recueillir les autres paroles des Duzzoglou; mais tout à coup les cris d'allégresse se changent en d'autres cris perçants, entrecoupés, diminuant graduellement, jusqu'à ce que le plus morne silence succède à l'agitation du dehors. Les détenus du Zerpaneh frémirent et eurent comme un vague pressentiment des choses horribles qui venaient de s'accomplir.

Serkis marchait donc joyeusement vers la porte du Zerpaneh, et déjà il en soulevait le marteau, lorsqu'il apercut dans le massif voisin de cyprès quatre bourreaux cachés et en embuscade. Cette vue lui révèle incontinent les atroces machinations d'Haled et les mensonges du bostandji-bachi, qui les menait à la mort en leur promettant le salut; il comprend que sa dernière heure approche. Les bourreaux s'élancent sur les deux frères et les garrottent. Grégoire les considère avec fierté, et, comme ces martyrs de la primitive Église qui faisaient généreusement à Dieu le sacrifice de leur vie, il se laisse lier et traîner au supplice sans perdre son calme. L'état de Serkis était tout autre. D'une nature bouillante, emportée, il ne peut supporter la vue de tant d'injustice, et il se sent le besoin, avant de mourir, de décharger tout le poids de sa colère et de ses malédictions sur les auteurs de sa ruine. Son exaltation et sa fureur concentrée ajoutent à sa force musculaire; les bourreaux ne peuvent le contenir, et ils appellent les gardes à leur aide. Pendant le trajet du Zerpaneh au lieu de l'exécution, Serkis, d'une voix tonnante et formidable, appelle la vengeance du ciel sur la tête d'Haled, enumère les iniquités de son vizirat, fait ses adieux à sa famille, plaint le sort de ses compatriotes enveloppés dans la proscription, et, maudissant la coupable condescendance de Mahmoud circonvenu par son ministre, il termine en s'écriant : « Que sa barbe soit teinte de notre sang!» Grégoire se taisait, et il n'ouvrit la bouche que pour

rappeler à son frère que Notre-Seigneur Jésus-Christ avait autrefois pardonné à ses bourreaux en expirant, qu'il devait songer au salut de son âme et la recommander à Dieu. Les deux genoux à terre et les yeux levés au ciel, il prie avec une sainte ferveur, tenant serrée entre ses mains la relique qu'il avait coutume de porter. Il prononça quelques paroles en arménien, inintelligibles aux bourreaux et aux autres assistants. C'était vraisemblablement quelque prière de son Église. Serkis, tout en donnant des marques de piété et de foi, refusa de ployer le genou. Tandis que les deux frères se disaient du regard un dernier adieu, la hache des bourreaux abattit leur tête.

Lorsque le bostandji-bachi voit à ses pieds leurs cadavres sanglants, il songe à accomplir l'autre partie de sa mission, et il va retrouver les deux frères, Michel et Jean, qu'il avait envoyés au Bosphore. Ils l'attendaient dans une large caïque, ignorant le triste sort de leurs frères, et ne prévoyant pas celui qu'on leur réservait; ils discouraient sur leur exil et se consolaient de la sévérité de cet ordre, par l'espoir de revenir un jour dans leur mère patrie. Ils voient le bostandji-bachi accourir avec empressement, et, à un signal de sa main, des hommes cachés à la poupe se lèvent et viennent sur le pont. C'était aussi des bourreaux. Ils saisissent les deux frères, tandis que les rameurs conduisent plus loin la caïque, en face de l'hôtel Duzzoglou, situé sur la rive du Bosphore. Ils abordent, et les bourreaux de chercher un lieu où ils pourront pendre les deux frères, et de le trouver aussitôt, grâce à l'habileté qu'ils ont d'improviser des potences. On voulut, par un raffinement inouï de cruauté, réveiller dans l'âme des victimes toutes les émotions que le souvenir et le spectacle de ces lieux pouvaient leur apporter, comme un supplément aux douleurs du supplice.

La mort des quatre frères apaisa la colère du sultan, au grand déplaisir d'Haled, qui le poussait au massacre général de tous les détenus. On prononça contre eux un arrêt de bannis

sement perpétuel, toutefois en exceptant les femmes, qui eurent la faculté de rester à Constantinople. Les contrées les plus sauvages de la Turquie d'Europe et d'Asie furent assignées pour la résidence des proscrits. Plusieurs y périrent d'ennui et de misère. D'autres eurent le courage et le talent d'y traîner leur chétive existence, jusqu'au moment où le sultan, convaincu des fourberies d'Haled, rappela les exilés. De ce nombre était Jacques Duzzoglou, qui avait échappé à la condamnation de ses frères comme miraculeusement. Au moment où l'orage éclata sur sa famille, Jacques, qui avait la mission d'inspecter les mines et les places fortifiées de l'Archipel, était éloigné de Constantinople. Haled envoie un bâtiment de l'État à sa poursuite, avec ordre de le ramener prisonnier. Lorsque ce vaisseau le rencontre, Jacques, qui montait un brick fin voilier, aurait pu se sauver, s'il avait suivi les conseils du capitaine espagnol, plein de tête et de résolution. Mais comme on lui faisait entendre perfidement que le refus de se soumettre entraînerait la perte de ses frères, et que d'ailleurs il était fort de la conviction de sa propre innocence, il préféra aller partager courageusement les fers et les maux des autres Arméniens. Haled, qui avait intérêt à le perdre, osa dire au sultan qu'il n'avait cédé qu'à la force, et après avoir fait couler le sang de l'équipage. Jacques allait être condamné sans le courage du capitaine du vaisseau, qui, consulté par le sultan sur ce point, répondit qu'au contraire le prévenu avait témoigné le plus profond respect pour l'autorité de Sa Majesté, en portant à sa bouche l'arrêt de sa condamnation et en s'inclinant devant sa volonté suprême. Jacques ne fut pas exécuté; Haled le fit exiler; et, lorsque des lettres de grâce furent envoyées à ces malheureux disséminés dans toutes les provinces de l'empire, il revint à Constantinople, où le sultan lui rendit plus tard l'ancienne charge héréditaire de sa famille, la direction de la Monnaie, office qu'il remplit encore actuellement

avec une rare intégrité. C'est lui qui a recueilli les débris de sa famille, et l'a tirée de l'abjection où l'avait réduite cette catastrophe, en les associant à sa nouvelle fortune. De ses quatre frères, un seul, Serkis, avait laissé un fils en bas âge. Ses autres parents en prirent soin; ils ont voulu lui donner les avantages de l'éducation européenne, et, en ce moment, il puise dans nos écoles de Paris toutes les lumières de la science et de la civilisation modernes. La famille Duzzoglou, sans s'élever au même degré d'opulence et de crédit, occupe aujourd'hui un rang important dans la société arménienne. Elle a recouvré son ancien hôtel, qu'un juif nommé Eskel et banquier d'Haled avait acheté à vil prix, lors de la confiscation générale. Eskel perdit la vie par ordre du sultan, peu de temps après la fin tragique du vizir inique dont il dirigeait les affaires; car, pour le dénoùment de ce drame, il faut savoir que la fortune d'Haled fut inconstante comme celle de tous les coupables heureux. Ses ennemis, c'est-à-dire, tout le peuple de Constantinople et les grands seigneurs, parvinrent à détruire les préventions favorables du Grand Seigneur, et à ouvrir ses yeux sur la série de crimes dont il avait souillé son ministère. On trouva des preuves manifestes de sa complicité dans la révolte du pacha de Djanina, et les janissaires élevèrent si fortement la voix contre lui, que Mahmoud sentit la nécessité d'immoler à son intérêt celui qui, du reste, avait toujours tout sacrifié au sien propre. Il lui dit donc qu'il se séparaît à contre-cœur de sa personne, mais que la tranquillité de l'Etat l'exigeait; qu'il était quelquefois nécessaire d'obtempérer aux injustes exigences d'un public ingrat et passionné; qu'au reste il conserverait à jamais la mémoire de ses services et de son dévouement pour le trône. Haled était trop fin pour ne pas comprendre que ces remerciments étaient au fond une véritable disgrâce. Il tremble pour sa vie, en pensant que ses ennemis, et il savait qu'ils étaient nombreux, travailleraient à sa ruine dès qu'il serait

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