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plaine de l'Ararat fut envahie; Tovin fut emportée d'assaut. Un nombre considérable d'habitants perdit' la vie. Trente-cinq mille furent vendus et emmenés dans la Syrie.

La force de la nation était totalement éteinte, quand le voile sombre du Sud fut déchiré, et qu'il s'éleva contre nous un vent mortel et brûlant, qui, desséchant toutes les jeunes plantes du jardin de notre Église, les flétrit de son souffle: alors, au bout de peu d'années, la race des Ismaélites, après avoir mis la confusion et le désordre dans le Nord, s'empara de tout le pays. A cette vue, Theodore et d'autres grands, saisis d'épouvante, se soumirent à ces brigands, faisant un pacte avec la mort et une alliance avec l'enfer. Ils avaient abandonné le parti de l'empereur, qui, après avoir rassemblé une armée nombreuse, vint en diligence en Arménie pour les soumettre. Il ne trouva d'obéissants que les Géorgiens, ce qui redoubla la colère de Constantin, en sorte qu'il pensait à exterminer notre pays. Heureusement les supplications du patriarche Nersès changèrent la résolution du roi, qui vint avec des sentiments paeifiques dans la ville de Tovin, et prit son logement dans le palais patriarcal (*).

Après un ou deux engagements, les Arabes restèrent maîtres de l'Arménie, et prirent pour otages les femmes, les fils et les filles de tous les princes du pays. Théodore accompagna les Arabes en Syrie avec toute sa maison, et il y mourut. Son corps fut rapporté et déposé dans le tombeau de ses ancêtres. Lorsque le patriarche Nersès eut appris sa mort, et qu'il ne vit plus le pays inquiété par les Arabes, il retourna à son siége, et, de concert avec les grands, il nomma prince de l'Arménie Hamazasb, Mamigonéan, homme qui, outre son amour pour les lettres, et son instruction variée, s'efforçait encore de compléter la gloire de la valeur de ses ancêtres.

Affranchis du joug onéreux et dur des Arabes, les Arméniens se sou

(*) Jean, patr., pag. 147, 162,

mirent à l'empereur, à qui Nersès demanda qu'Hamazasb fűt créé curopalate et gouverneur de l'Arménie. Informé de cela, l'émir fit massacrer tous les otages des Arméniens, au nombre de plusieurs mille. A partir de ce jour, l'esprit de discorde fut suscité par Dieu, et jeté au milieu du camp des Arabes, qui se levèrent les uns contre les autres; et, tirant leur glaive, firent entre eux un horrible carnage. L'émir lui-même fut tué, et on lui en substitua un autre (*).

Les troupes arabes d'Égypte, en faisant leur paix avec l'empereur, embrassèrent la foi chrétienne; et seize mille environ recurent le baptême. Mava, élu général, après le meurtre de l'autre émir, eut la domination universelle des Arabes, et il fit régner la paix dans tout son empire.

Hamazasb, après avoir été revêtu trois années de la dignité de curopa late, arriva au terme de sa carrière, mourut, et fut réuni à ses pères.

Sempad le Pagratide prit en main le commandement. Alors Merwan fut envoyé dans l'Arménie comme osdigan (**), et il livra de fréquents combats à la nation. Tous ceux qu'il prenait, il les tuait et les mettait en pièces surle-champ. L'île de Sevan, située dans le lac de Khegham, ne fut pas emportée dès la première attaque, mais un ou deux ans plus tard. Elle leur fut livrée, et tous ceux qui se trouvaient dans la forteresse furent emmenés captifs; et, après avoir pris tout le butin, ils la détruisirent de fond en comble.

L'an 85 de l'ère des Arabes, Abd-elMelek était calife. Ses troupes qui étaient en Arménie mirent tout à feu et à sang, comme si le démon avait soufflé en eux sa rage. Au moyen de promesses trompeuses, de fausses espérances et d'autres séductions, on parvint à réunir dans un même lieu les corps formés de la noblesse à cheval, et ils inscrivirent leurs noms dans le

(*) Jean, patr., pag. 163, 174.

(**) L'osdigan était un préfet ou proconsul, chargé de régir le pays dont il recevait le gouvernement au nom du calife.

tribunal, comme si l'on devait leur distribuer la solde annuelle. Ensuite, lorsqu'ils furent désarmés, on les renferma dans l'église de la ville de Nakhdchivan; puis, ayant muré les portes avec des briques, on leur boucha ainsi toutes les issues. Ces infortunés, se voyant surpris, chantèrent le cantique des enfants de la fournaise, tandis que leurs impitoyables bourreaux, après avoir enlevé le toit de l'église, la remplirent de feu, dont les flammes s'élevèrent avec plus de furie que celles de Babylone, au moyen des matières inflammables, du toit en bois de l'église, et des briques ardentes que l'on versait sur eux; et cependant leur cantique d'actions de grâces ne cessa qu'avec le dernier soupir. Ces barbares, pour se délivrer de la crainte que leur inspirait des soldats aussi braves, firent prisonniers ceux que le feu avait épargnés, et les conduisirent à Tovin, d'où ils les envoyèrent sous bonne escorte à Damas (*).

Abd-el-Melek eut pour successeur au califat son fils Velid, qui, étant mort au bout de peu de temps, fut remplacé par son frère. Puis vint Omar, qui fit tourmenter cruellement Vahan, lequel, après avoir fait les plus belles actions pour le nom du Christ, reçut à Houroudjaph, ville de Syrie, la couronne du martyre.

Les funestes effets de l'esprit de parti, qui, dans les matières religieuses, dégénère toujours en fanatisme, sont bien sensibles dans ce fait rapporté par le même historien, avec un air d'approbation tacite, bien qu'on voie des chrétiens recourir à l'intervention des musulmans pour sévir contre d'autres chrétiens. Pendant qu'Élie était patriarche, dit Jean, un certain Nersès, archevêque d'Albanie, égaré par un orgueil impie, se déclara le partisan de la secte de Chalcédoine; et, ayant gagné la princesse qui était alors chargée du gouvernement de cette province, ils travaillaient de concert à précipiter le pays dans la scandaleuse hérésie de Léon, qui fait

(*) Jean, patr., pag. 163, 174.

de Jésus-Christ un homme. Ce fait étant venu à la connaissance des grands, ils en avertirent le grand patriarche Nersès, qui, malgré le zèle qu'il déploya, et les nombreuses lettres qu'il leur envoya à deux reprises diverses, pour leur expliquer la vraie foi, ne put les ramener de leur funeste erreur. Alors le patriarche, mettant à exécution les conseils de sa sagesse et de sa longanimité, écrit une lettre au calife Omar, dont voici la teneur : « Nous avons dans notre pays un prélat et une princesse qui, sortis des voies de la soumission qu'ils doivent à Votre Majesté, refusent aussi de nous obéir, à nous qui mentionnons toujours votre nom dans nos prières, tandis qu'eux cherchent à soumettre notre pays au roi de la ville de Rome; et, si vous ne vous empressez de les enlever d'ici, ils s'entendront avec les Romains pour ce qui regarde les tributs et les autres règlements. » En recevant cette lettre, le calife traita avec la plus haute distinction l'envoyé du patriarche; et lui-même lui dépêcha le chef de ses eunuques, avec l'ordre de lui amener sur-le-champ les deux coupables. Lorsqu'il fut venu en Arménie, il s'empara de leurs personnes, les chargea de fers, et, les faisant monter sur des chameaux, il revint vers le calife. Ainsi la prudence du patriarche éloigna de son troupeau la mort spirituelle, en faisant punir Nersès et la princesse. Ensuite il consacra un autre archevêque, et le mit à la place de l'hérétique.

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Vers ce temps, le calife envoya comme osdigan de l'Arménie un certain Échid, qui, arrivé dans la ville de Nakhdchivan, nomma dans chaque province des commandants et des gouverneurs. Lorsqu'il eut soumis la province de Pakrevan, il y établit pour préfet un de ses favoris, lequel étant venu dans le couvent de Saint-Grégoire, situé en ce canton, y fixa sa résidence. Il avait été frappé de la beauté et de la magnificence de tous les objets d'or et d'argent servant au culte des autels, des couleurs vives et variées du rideau du sanctuaire et des vêtements sacer

dotaux. Stimulé par sa détestable avarice, il chercha dans son âme artificieuse les moyens de s'approprier ce dépôt sacré. Sa scélératesse le porta à faire étrangler secrètement un de ses derniers esclaves, et à le jeter pendant la nuit dans une fosse profonde dont on referma l'entrée. Dès le lendemain matin, comme s'il avait ignoré le fait, il alla lui-même à la recherche de ce misérable; il fit mettre en prison et charger de chaînes tous les religieux, comme s'ils connaissaient la cause de la disparition de son esclave. Après avoir visité le monastère, il fit découvrir la fosse où gisait la victime. Alors ce tigre sanguinaire, poussant des rugissements, condamne tous ces saints hommes à la mort qu'il méritait; ensuite il instruit de la chose l'osdigan, qui ne put, à cause de la distance, s'assurer de l'exactitude du fait. C'est ainsi que l'innocence ayant été déclarée coupable, l'osdigan donna l'ordre de tuer tous ces religieux sans examen ni procès, et ce bourreau impitoyable fit passer au fil de l'épée plus de quarante personnes. S'emparant après cela de la totalité des richesses du couvent, il combla la mesure de sa méprisable avarice. Quelques religieux, qui avaient cherché un asile dans les cavernes des montagnes, trouvèrent à leur retour les cadavres de ces saints immolés par le glaive, et l'église de Dieu dépouillée de ses ornements. Au lieu de cantiques d'allégresse, ils firent entendre de lugubres lamentations, surtout parce qu'ils n'avaient pas été jugés dignes de leur fermer les yeux. A peine recurentils les honneurs de la sépulture, ces hommes dont l'innocence, punie comme coupable, leur valut du moins la consolation d'être inscrits sur le livre de vie des martyrs (*).

Cependant les Arabes furent repoussés à plusieurs reprises, et le courage de quelques chefs vengeait le pays de tous les maux dont ils l'accablaient. Mais ces succès étaient incomplets; lorsqu'une tribu était détruite, d'autres tribus plus formidables accouraient

(*) Jean, patr., pag. 217.

du désert, aussi nombreuses que les nuées de sauterelles qui ravagent annuellement les rives de l'Euphrate. Plusieurs siècles se passèrent dans cette lutte incertaine et sanglante, jusqu'à ce que les Arabes fussent chassés à leur tour par les Mongols et les Turcs. Les Arméniens se trouvaient dans un état semblable à celui qui signala la durée de la domination des Perses: les Arabes les avaient remplacés. Contraints de se jeter dans les bras des Grecs, ils trouvaient en eux des oppresseurs plutôt que des auxiliaires. Si quelque émir leur offrait des propositions de paix, et si par lassitude ou découragement ils les acceptaient, les représailles des Grecs étaient terribles; comme aussi les musulmans tiraient une affreuse vengeance de la moindre défection qui ralliait les Arméniens à l'empire d'Orient.

Au milieu de ces désastres, la famille des Pagratides s'élevait sur les ruines de l'aristocratie, et jetait les fondements d'une puissance qui servit à défendre les derniers restes de la nationalité.

Si nous consultons les historiens de l'époque, et surtout Jean VI, nous verrons avec consolation que la foi religieuse ne cessait d'enfanter des actes héroïques de sacrifice et de dévouement. Boukaï, dit-il, opprime de nouveau la province, où se répandent ses coureurs qui passent au fil de l'épée tous les hommes armés, et traînent attachés par des cordes le petit nombre de ceux qu'ils mènent au tyran. Ils sont réunis à ceux qu'on avait amenés de Daron et du Vasbouragan. Les plus beaux d'entre eux sont mis à part et enfermés, dans l'espoir qu'ils se soumettraient à la loi de Mahomet. Le reste périt par le fer.

Boukai les interrogea, en les priant de renier le Christ et de se convertir à sa foi. Par une folie belle et toute chrétienne, ils persistent dans leur croyance, aimant mieux aller se réunir au Christ que de jouir ici-bas dans le péché. Ils montrèrent clairement que les misères du temps ne peuvent étre mises en parallèle avec les gloires

de la vie future. Le tyran a recours aux supplices; il les charge de fers et les presse par ses discours, par les coups et par la faim, espérant que la frayeur des tortures les ferait consentir à ses désirs. Mais ils supportent avec courage les tourments, la question et les coups. Tout leur corps est mis en lambeaux, et cependant, comme s'ils ne comptaient pour rien ces épreuves, ils marchent fermement à la mort, car ils étaient fortifiés par l'eau vivifiante qui jaillit des flancs du Christ, et qui les arrosait. Quand le tyran vit leur constante résolution de mourir pour le Christ, il fit peser sur eux tout le poids de sa colère, comme une bête féroce. Il ordonne de les livrer au feu, non pas soudainement, mais il les tourmente avec lenteur comme une brebis que l'on traîne à l'abattoir. Contre son attente, remplis d'une espérance divine, ils ne passent point du bien au mal, mais du mal au bien; et, après avoir souffert patiemment leurs tortures, ils deviennent participants des biens des confesseurs du Christ qui les couronne dans leur mort.

Il y avait parmi eux six compagnons dont le chef portait le nom d'Adam, du district d'Alpag, du bourg d'Orsiran. Comme ils étaient d'une belle figure, habiles à manier les armes, on ne les tua point avec les autres, dans l'espoir de les faire tomber dans quelque déception. On leur offrit de riches présents, et des trésors d'or et d'argent, avec la promesse de leur donner des villages et d'autres propriétés, puis des dignités à la cour de l'émirabied. Mais ils se montrèrent insensibles à ces offres; et, comme de généreux martyrs, ils raniment leur foi dans le Christ, préférant la mort à la vie.

La rage du tyran redouble, et il commande de leur infliger les plus cruelles tortures, et d'épuiser sur eux les plus affreuses atrocités, que la langue ne peut raconter, ni la plume décrire. Leur espérance surnaturelle, leur amour du Christ, et la joie des honneurs du martyre adoucissent l'amertume de leurs tourments. Il les

fait suspendre à un poteau, où ils demeurent attachés comme à une croix. Adam, par ses vives exhortations, relevait le courage de ses frères: Ne redoutez point, disait-il, la mort temporelle; si nous sommes tourmentés à cause du Christ, nous participerons aussi à sa vie. Puis, élevant au ciel ses pensées, au lieu de ses yeux, car sa position douloureuse inclinait sa tête vers la terre: Nous espérons dans le Christ, disait-il; aujourd'hui, fête annuelle de saint Georges, j'avais coutume d'offrir pour sacrifice un bélier, eh bien, à cette heure je m'offre moimême pour la gloire de son nom, à la place de cette victime. O Christ, accepte l'offrande de ma personne; reçois mon sacrifice, et réunis-moi au nombre de tes saints martyrs, qui ont aimé le jour éclatant de ta venue. C'est ainsi que, résistant avec patience à ce long combat, ils en sortent vainqueurs, et reçoivent du Christ la couronne d'immortalité. La foule des chrétiens, témoin de leur supplice, se répandit en actions de grâces.

Le nombre des martyrs, qui précède et qui suit la trois cent deuxième année de l'ère arménienne, s'élève à plus de cent cinquante, sans y comprendre tous ceux qui périrent dans les autres provinces ou dans les villes, et dont les noms sont inscrits sur le livre de vie. Le patriarche Jean institua, en l'honneur de ces saints martyrs, une fête annuelle que l'on célébrait le vingtcing du mois de Meheg, à la grande gloire de Dieu.

Quelques-uns d'entre eux ne purent résister à cette lutte, ni en supporter les assauts. Ils se soumirent à l'abominable loi des musulmans, et renièrent la foi du Christ pour ce culte diabolique. On eut dit qu'ils s'étaient couverts de la cendre de la pénitence, tant ils étaient tristes, abattus, flétris. Sans même acquérir les biens terrestres, ils perdirent la gloire du martyre et la vie céleste, plus belle, plus précieuse que tous les honneurs, ne recevant en partage que les flammes de la géhenne éternelle.

Esaïe, prince des Albaniens, tombe

en son pouvoir, avec toute sa famille, par l'effet d'une ruse. Les autres seigneurs du pays subissent le même sort, ce qui ne put se faire sans effusion de sang. Captifs et enchaînés, ils sont conduits à la cour de l'émirabied par Sempad, qui espérait qu'on lui donnerait à régir une grande partie de l'Arménie, ou qu'on le congédierait avec beaucoup d'honneurs et de présents. Mais, lorsqu'il fut en présence de l'émirabied, on lui fait partager les mêmes chaînes, et il est jeté en prison, sans égard pour les bons procédés de son ancienne alliance. Après quelque temps, les princes arméniens et albaniens, qui étaient prisonniers, sont soumis à l'épreuve d'embrasser le musulmanisme, en reniant la foi du Christ, de recevoir des présents et des honneurs, et de retourner dans leur patrie, au sein de leur famille, ou bien de terminer leur vie dans les supplices et des tortures inouïes. Comme on les effrayait chaque jour par des menaces, et qu'on prolongeait leur détention quelques-uns, sur la foi des promesses de l'émirabied, abjurent, et d'autres, sans se soumettre à la circoncision, faisaient cependant espérer que, dans un temps opportun, ils condescendraient aussi à ses désirs.

Le sbarabied Sempad oppose courageusement au mensonge un amour de la vérité digne de ses cheveux blancs. D'une foi parfaite, et confiant dans les promesses de la vie éternelle, il ne prête l'oreille à aucune de leurs propositions, aimant mieux mourir pour le Christ, que de jouir de la vie dans le péché. Il se contenta de cette réponse: Je ne puis abandonner la religion chrétienne, don que la grâce du baptême m'a accordé, pour me soumettre à votre culte impie. Lorsqu'on connut sa volonté inébranlable, on songea à le faire périr dans les tourments. La grâce céleste lui permit de se racheter, par la mort du corps, de la mort éternelle de l'âme; et, en évitant de tomber dans l'apostasie, il s'assura l'honneur du martyre. Tous les ordres des chrétiens enlevèrent son corps en récitant des psaumes, au mi

lieu des bénédictions et des chants spirituels; et ils le transférèrent dans la chapelle de Saint-Daniel le prophète, à l'endroit même où il avait été précipité dans la fosse aux lions.

En 859, Achod le Pagratide recevait le titre de prince des princes, et, par son habileté, il sut si bien se concilier les bonnes grâces de l'empereur grec et du calife arabe, qu'il fut reconnu plus tard roi par l'un et par l'autre. La ville qu'il avait pour capitale était Gars, Kars ou Garouts, située sur le fleuve Akhouréan, dans le pays de Vanant (*). Sempad, fils d'Achod, fut moins heureux; pris dans Tovin, où il s'était enfermé avec ses trésors, il resta à la merci du général arabe Afschin. La fortune lui devint ensuite plus favorable, et sans la jalousie des grands, qui craignaient toujours l'élévation de quelqu'un d'entre eux, il aurait pu délivrer son pays du joug des étrangers. Mais l'esprit d'indívidualisme et de rivalité qui a toujours perdu la nation arménienne, se réveilla plus fortement dans les esprits; les seigneurs prêtèrent leur assistance au général Youssouf, et Sempad fut vaincu. Après un an de captivité, il mourut misérablement à Tovin. Son fils Achod, Bras de fer, essaya de le venger. A la tête de braves déterminés, il courait le pays, surpre nant les bandes arabes, qu'il taillait toujours en pièces. Les secours qu'il reçut de Constantinople lui permirent de livrer une bataille rangée dans laquelle Youssouf eut le dessous, et Achod se vit paisible souverain du royaume; il reçut même le titre fastueux de roi des rois, ce qui, dans la réalité, désignait simplenient sa prééminence ou sa suzeraineté sur les autres petits princes ses vassaux.

Sous le règne d'Apas, son frère, les émirs arabes et kurdes du Diarbekre se révoltèrent pour conquérir une indépendance que quelques-uns n'ont pas perdue depuis cette époque. Achod III, fils d'Apas, commit la faute impardonnable de diviser son pouvoir, en nommant son frère' roi de Kars. Cette

(*) Voy. les figures 24 et 29.

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