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AVIS.

Nous avons, pour notre part, accompli la tâche qui nous était imposée. L'un de nos collaborateurs, M. Jourdan, a publié les quatre premiers volumes de Louis XVI. M. Armey, que des circonstances malheureuses ont empêché de poursuivre la période qu'il avait entreprise, a terminé ce règne important. Un publiciste qui a fait ses preuves, M. Taillandier, lui a succédé avec M. Decrusy. Il poursuit en ce moment la publication des ordonnances des règnes de Louis XIV et de Louis XV. Aujourd'hui nous livrons au public les monumens des règnes de Henri IV et de Louis XIII. Not re collection peut donc être considérée comme achevée.

Ce n'est pas sans un profond regret que nous avons abandonné l'exécution du dessein que nous avions formé de reprendre le travail des deux premières races,[d'extraire des historiens et des annalistes des chartes et diplômes, la nomenclature complète des lois dont l'exist ence nous est attestée, mais dont les textes sont perdus, et d'éclairer les origines de notre doit public, par des dissertations spéciales, comme nous avons commencé de le faire (1). Nous aurions voulu aussi émettre notre jugement sur les progrès de la législation à chaque règne, et essayer d'assigner aux princes et à leurs ministres, la part d'éloge et de blâme qui nous paraît leur appartenir. Peut être ces explications eussent-elles temperé l'aridité d'un ouvrage consacré uniquement à la production de textes qui parlent rarement à l'imagination ou au raisonnement, et dont l'importance ne saisit que les esprits attentifs, déjà instruits dans la politique et dans la législation.

Les intérêts du libraire - éditeur ne nous ont pas permis ces courts développemens, ils nous ont même obligé à des sacrifices dont nous n'aurions pas parlé, s'ils n'eussent intéressé que notre amour-propre, ou notre intérêt personnel (2), mais dont il est nécessaire de dire ici un mot.

Le plan primitif de cet ouvrage fut la publication d'un abrégé

(1) Préfaces des tomes 3 et 4, 5 et 6, 7 et 8.

(2) Les règnes de François 11, Charles IX, Henri III, Henri IV et Louis XIII se publient et resteront à nos frais si cette édition ne se place pas tout entière.

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ou extrait des Monumens législatifs de la troisième race, qui pouvaient être encore invoqués, soit devant les tribunaux, soit devant les administrations, c'est-àdire de la collection de Laurière et de ses continuateurs, une édition plus ample du recueil incomplet et inachevé de Néron et Girard (2 vol. in-fol.).

Nous obtinmes de nos collaborateurs que l'on donnerait au moins une notice des monumens des deux premières races. Lorsque la première livraison parut, on nous reprocha, avec raison, de n'avoir guère donné que des titres pour une période aussi intéressante, et le reproche était d'autant mieux fondé que pour la première race, à part les Codes de la loi salique, de la loi Ripuaire, et de celle des Bourguignons, qui forment des collections à part, et demandent une place et des travaux critiques que nous ne pourrions leur accorder, le nombre des textes des lois connues sont infiniment peu nombreux. Il eût été possible aussi de donner le texte des capitulaires authentiques de la deuxième race, en laissant de côté les formules et autres monumens publiés par Baluze, dont le recueil est dans toutes les bibliothèques.

Les recherches des érudits, depuis que Baluze a publié le fruit de ses laborieuses et immenses recherches, nous eussent mis à même de compléter peut-être la nomenclature, et d'avertir nos lecteurs des doutes qui se sont élevés sur l'authenticité de plusieurs.

M. Champollion-Figeac a formé à la bibliothèque nationale une division toute nouvelle, intitulée : Cabinet des chartes, dans lequel il a réuni tous les monumens échappés aux savans ses devanciers.

Il existe d'ailleurs dans ces archives une quantité considérable de parchemins qui n'ont point encore été déchiffrés. Si l'on réunissait à ce dépôt, beaucoup plus accessible au public que les archives de l'hôtel Soubise, les monumens Mérovingiens, Carlovingiens et Capétiens qui y sont enfouis, et que personne ne songe à exploiter, il est à croire qu'on recueillerait une moisson assez abondante pour compléter les origines de notre droit pu

blic.

La série des monumens législatifs à partir de l'avènement des Valois, renferme assez de pièces et documens de tout genre, pour qu'on puisse, avec assurance, juger de l'état du droit public et de ses progrès de règne en règne.

La collection de Laurière, dite du Louvre, dont l'académie des inscriptions et belles-lettres de l'Institut paraît avoir abandonné

la continuation à M. Pardessus (1), renferme un vice capital; elle ne contient pas les actes des états-généraux, les traités, les conciles, les bulles de papes qui ont eu autorité de loi en France, ni les arrêts de la cour des pairs, c'est-à-dire qu'elle passe sous silence les actes qui font le mieux connaître l'état du droit public, les vœux et les besoins de la nation aux diverses périodes de notre histoire. Sitôt que nous nous en sommes aperçu, nous avons reconnu la nécessité de suppléer à ces lacunes, de sorte que notre collection, qui ne devait être qu'un extrait ou abrégé de celle publiée en quelque sorte officiellement aux frais de l'état, s'est trouvée augmentée de cette classe de monumens.

On aperçoit comment notre plan primitif s'est trouvé agrandi malgré nous. Nous ne pensons pas qu'on nous en sache mauvais gré, nous craignons bien plutôt le reproche contraire. Mais le libraire-éditeur a vu ses intérêts lésés par cette déférence que nous avons eue aux exigences du public, et aux justes observations de la critique de M. Daunou, et il nous a tracé un cercle si étroit, que nous aurions dû sacrifier presque entièrement l'ouvrage et le réduire à un misérable squelette.

Nous avons préféré nous imposer des sacrifices pécuniaires, pour que le plan adopté et déjà exécuté pour les dix premiers volumes ne fût pas abandonné; nous espérons qu'on nous en saura gré.

Nous n'avons sacrifié aucun monument qui nous ait paru véritablement important; nous manquions des moyens de compulser les archives de Provence, de Grenoble, de Toulouse, qui ne sont pas dans les dépôts de Paris, et qui nous eussent peutêtre donné quelques lois de plus, d'une assez grande importance. Il n'existe pas de recueil imprimé des ordonnances enregistrées au parlement d'Aix, et c'est un mal; car ce pays a conservé des mœurs et des institutions divergentes de celles du reste de la France, à laquelle il a été incorporé assez tard. Le recueil du

(1) N'ayant pas à nous louer jusqu'à présent de l'impartialité de M. Pardessus qui dans sa collection des lois commerciales, a cru devoir passer sous silence ce que nous avons dit dans la Themis des lois rhodiennes, lorsqu'il cite de simples dissertations d'étrangers fort obscurs, ainsi qu'on le lui a déjà reproché publiquement, nous prenons les devants en indiquant ce qui manque à notre collection, afin que le savant professeur, dont l'esprit de justice est connu envers ceux qui ne courent pas la même carrière politique que lui, puisse adresser plus sûrement ses critiques.

parlement de Grenoble et des autres grandes provinces de France ne commence guère qu'au règne de Louis XIV. Les collections en feuilles de la cour de cassation, du conseil d'état, et même des archives du royaume, ne nous ont donc été presque d'aucun secours, pour les périodes de temps que nous avons embrassées. Elles serviront beaucoup et abondamment aux règnes de Louis XIV et de Louis XV. Mais nous avons été réduit à puiser presque exclusivement aux archives de l'hôtel Soubise, aux registres du parlement, au palais de justice, et à la bibliothèque du roi, quand Fontanon et les recueils imprimés nous ont manqué.

Nous avons souvent rencontré dans l'histoire des faits graves pour la justice et le droit public, dont la solution a eu lieu par l'intervention arbitraire du pouvoir royal, Mais les ordres émanés à cet égard de la Cour, n'ayant été soumis à aucun enregistrement, quand nous n'en avons pas trouvé le texte dans les mémoires du temps, nous avons été contraint de nous borner à les rappeler en passant.

Les Archives de la chancellerie n'ont point été à notre disposition; et d'ailleurs il est possible qu'on n'ait pas fait registre de ces ordres, qu'on avait intérêt à faire disparaître après leur exécution.

Il existe encore aujourd'hui une fabrique d'ordonnances secrètes, qui ne sont pas classées dans les Archives, et qui ne voient jamais le jour. C'est à elles qu'on peut assigner toutes les résistances que l'ordre constitutionnel éprouve dans son établissement, depuis 15 ans.

On nous a refusé aux Archives judiciaires, au Palais de Justice, communication des minutes des arrêts, des procès faits aux grands, et des registres du conseil secret du parlement.

C'est ainsi que chez nous on entend les intérêts de la vérité et de l'histoire.

Nous avons été singulièrement aidé dans nos fastidieuses et longues recherches, par M. BURNEL, jeune avocat du barreau de Rennes, d'une grande sagacité et d'une intelligence parfaite, qui n'a pas ménagé sa santé pour hâter la conclusion de cette publication.

ISAMBERT,

Paris, ce 30 août 182

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